Maria Stuarda (Giannattasio-Kurzak-Demuro-Callegari) Champs Elysées

Publié le 20 Juin 2015

Maria Stuarda (Gaetano Donizetti)
Représentation du 18 juin 2015
Théâtre des Champs-Elysées

Maria Stuarda Aleksandra Kurzak
Elisabeth Carmen Giannattasio
Robert Dudley Francesco Demuro
Talbot Carlo Colombara
Cecil Christian Helmer
Anna Kennedy Sophie Pondjiclis

Mise en scène Moshe Leiser et Patrice Caurier
Direction Musicale Daniele Callegari  
Orchestre de chambre de Paris
Chœur du Théâtre des Champs-Élysées

                                                                                   Carmen Giannattasio (Elisabeth)

La vie a ses mystères qui la rendent passionnante. Comment ne pas être stupéfait devant les affiches de deux grandes salles lyriques parisiennes qui représentent au même moment, sur scène, deux œuvres dans lesquelles s’affrontent à mort deux femmes fortes, Adriana Lecouvreur et la comtesse de Bouillon à l’Opéra Bastille, et Maria Stuarda et Elisabeth Ier au Théâtre des Champs Élysées ? Et comment ne pas céder à l’esprit ‘people’ de la capitale parisienne qui remarquera que la comédienne de la Comédie Française et la Reine d’Ecosse sont interprétées par deux femmes qui comptent dans la vie du ténor Roberto Alagna ?

Aleksandra Kurzak (Maria Stuarda)

Aleksandra Kurzak (Maria Stuarda)

Cette remarque dite, on peut ensuite entièrement s’abandonner aux élans passionnels qui sont la raison de cet ouvrage de Donizetti. Le décor simple, appartement bourgeois au premier acte, puis prison moderne aux second et troisième actes évoque peu, hormis la déconnexion à la vie que représente l’enfermement.

Mais la vie est d’abord dans la fosse d’orchestre, entrainée avec le même allant qu’avait insufflé Daniele Callegari à l’opéra de Strasbourg pour Ariane et Barbe-Bleue, le mois dernier. Le dynamisme de l’Orchestre de chambre de Paris se fait flux passionnel, sans excès, teinte fumée où les enlacements de petits motifs d’instruments émergent, furtivement, tout en ayant l’humilité de maintenir une intensité qui ne prenne pas le dessus sur les chanteurs. Sa soudaine surtension glacée au paroxysme de la confrontation entre les deux reines laisse la trace violente d’une profonde crispation du cœur.

Carmen Giannattasio (Elisabeth) et Francesco Demuro (Robert Dudley)

Carmen Giannattasio (Elisabeth) et Francesco Demuro (Robert Dudley)

Sur scène, Carmen Giannattasio fait une apparition spectaculaire en Elisabeth, s’attachant à peindre un portrait agressif et névrosé de la Reine d’Angleterre, pour mieux cliver la part défaillante de sa personnalité et celle de son rôle impérial. Les aigus d’ivoire percent, portés par un souffle qui n’a de cesse de couler en un seul lien ses exclamations saisissantes et son discours introspectif. Son chant est ainsi très bien mené si l’on en accepte sa froideur.

Et celle qu’elle jalouse, Marie Stuart, trouve en Aleksandra Kurzak une âme d’une sensibilité dramatique qui cache une assurance fatale. En effet, au second acte, sa présence repose sur un enchainement de nuances et de sons joliment filés, accompagnés en filigrane par de subtils sentiments noirs, qui font ressentir une intériorité profondément pathétique.

C’est pourtant dans la scène finale que le manque de soutien de la part des metteurs en scène, Moshe Leiser et Patrice Caurier, devient flagrant, car cette belle artiste n’arrive pas à prolonger par l’expression du geste et du corps l’accumulation des souffrances d’une histoire qui arrive à son terme et que son chant raconte. On ne croit donc pas assez à ce que l’on voit pour être touché par ce que l’on entend.

Aleksandra Kurzak (Maria Stuarda)

Aleksandra Kurzak (Maria Stuarda)

La sincérité totale s’incarne donc en Francesco Demuro, qui fait de Robert Dudley un homme intègre et passionné, voué corps et âme à la reine écossaise. Dans la première partie, il donne certes l’impression que sa tessiture aiguë limite la portée des éclats de son cœur, mais il gagne en densité au fil de la représentation, et il a constamment une musicalité qui exprime l’urgence de la jeunesse.

Quant aux deux rôles de basses, il esquissent des tempéraments très différents, la sagesse résignée, sombre et introvertie de Carlo Colombara en Talbot, et la noblesse claire et affirmée de Christian Helmer en Cecil. Sophie Pondjiclis est une Anna Kennedy royale, dans l’attente qu’un rôle plus important lui soit un jour confié.

Bel hymne de la mort pour le chœur, avant la scène ultime.

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