Présentation du Faust (Lenau) de Philippe Fénelon
Publié le 17 Mars 2010
Présentation de la production de Faust (Philippe Fénelon)
Le 06 mars 2010 au studio Bastille
L’article suivant restitue quelques notes prises lors de la présentation de la production de Faust par Philippe Fénelon. La première représentation est prévue le 17 mars 2010 à l'Opéra Garnier.
C’est Nicolas Joel qui est à l’origine de la création du Faust de Philippe Fénelon.
Bien avant de savoir qu’il allait être le directeur de l’Opéra National de Paris, il cherchait un sujet pour le Théâtre du Capitole de Toulouse (création 2007).
Il suggera donc au compositeur d’opéra, qui a toujours travaillé sur les grands mythes, de faire un Faust. Fénelon lui proposa le Faust de Nicolaus Lenau (1802-1850).
Jusqu’à présent, seul Franz Liszt avait écrit deux pièces symphoniques sur le poème de Lenau (La procession nocturne et Mephisto-Valses).
Dans les vingt-quatre chapitres du texte, la diversité de styles et d’écritures - philosophie, poésie, dialogues - permet de reconstruire un cheminement et une dramaturgie, afin que l’opéra raconte quelque chose, et que l’on ait envie de s’identifier au monde qui est en train de se créer.
L’influence de la langue (allemande pour Faust) est déterminante dans la manière de faire chanter chaque rôle.
Elle a sa propre articulation, et donc elle influe également sur le comportement du compositeur.
Le Faust de Lenau est la quête de la Vérité. Est ce que la religion apporte un soutien, est-ce que l’amour conjugal apporte un soutien, est-ce que l’amour extra-conjugal ou la débauche sont une solution?
Pet Halmen, le metteur en scène, a symbolisé la montagne que gravit Faust par un crâne, dans lequel se percutent toutes ses pensées. Il se casse la figure, mais Méphistophélès le retient et lui dit qu’il peut l’aider à condition qu’il signe le Pacte.
Pensant avoir trouvé la solution, Faust le suit d’aventure en aventure, et plus il avance dans la conquête de la vérité, qui serait normalement un ascension, plus il tombe.
Et dans l’avant dernier tableau, il se retrouve avec un homme, Görg, qui lui révèle la vérité tout à fait simple, un peu comme chez l’écrivain Rainer Maria Rilke, qui, au lieu de regarder les étoiles, lui dit de regarder ce qu’il se passe parmi nous.
Rilke a une très jolie image qui incite à regarder la chute de la petite enveloppe de la noisette, cette inflorescence qui tombe vers la Terre où se passent les choses importantes, et non dans le Ciel .
Cependant, Görg n’a pas assez d’autorité pour que Faust comprenne, donc plutôt que de continuer sa propre quête, il se suicide. Görg endosse alors son propre rôle, et devient un nouveau Faust.
L’Opéra se finit par un Lacrimosa, où tout le monde pleure la mort de Faust.
Souvent, Philippe Fénelon met des références à des œuvres de l’histoire de la musique. Ainsi, la course à l’abîme, entre la troisième et la quatrième scène, utilise le figuratif imaginé par Berlioz dans La Damnation de Faust.
Pour le compositeur, l’opéra est de la musique expressive, ce qui implique que chaque note doit signifier quelque chose.
Ce n’est pourtant pas ce que pense tout le monde dans le champ de la musique contemporaine, où un autre courant de pensée considère qu’il faut construire un objet purement abstrait et intellectuel.
Mais même dans ce cas là, l’auditeur interprètera les sonorités à sa manière.
Il n’y a pas de personnage comme Marguerite dans le Faust de Lenau. Il a donc fallu inventer ce que peut représenter la figure féminine pour lui. Fénelon a créé la femme du forgeron, qui est le symbole de l’Amour conjugal, Annette qui est la colorature nymphomane délurée, et la Princesse qui est la figure du respect.
Pour figurer le souvenir, un petit passage de l’Air de Marguerite de Gounod est inséré, forme de repère assez complexe à déceler, dans la lignée de ce que les compositeurs ont fait à toutes les époques.
Quand au personnage du Diable, il est nécessaire car il nous sort de nous même, nous fait tomber dans les ornières pour que l’on comprenne qu’il ne faut pas y aller.
Ce contre point à nous même nous pousse au risque, et nous évite ainsi de rester dans une certaine fadeur.
Ainsi ce Faust nous pousse à bout, avec tension et saturation dans les voix et les cris.