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Publié le 28 Novembre 2021

Noir & Blanc (Rés(O)nances - 2021)
Histoire d’une nuit de pleine lune où les photos prennent vie ...
Représentation du 18 novembre 2021
Centre culturel tchèque de Paris – 18, rue Bonaparte, Paris 6e

Alban Berg Die Nacht (1907)
Ottorino Respighi O falce di Luna (1909)
Richard Strauss Leise Lieder (1899)
Maurice Ravel Une barque sur l’océan (1905)

Artiste lyrique Marie Verhoeven
Piano, musique électroacoustique Jan Krejčík
Effets visuels, sculptures éphémères en eau Dominique Defontaines

Le nouveau spectacle de l’ensemble Rés(O)nances, joué au Centre culturel tchèque de Paris un vendredi soir d’automne, est une mise en correspondance entre un moment bien particulier du cycle céleste, une sélection de mélodies évocatrices, et une installation visuelle.

Blanc & Noir

Blanc & Noir

Les spectateurs se retrouvent ainsi assis face au mur le plus large de la salle à admirer une composition photographique en apparence simple qui comprend une façade de maison en style Art Nouveau ornée d’arches et de courbes douces et élégantes, un verre d’eau derrière lequel un soleil se couche, la pénombre sur le visage de Marie Verhoeven, les mers et cratères de la pleine lune, un coucher de lune sur la mer.

En surimpression, nous observons les trois artistes de Rés(O)nances, Marie, Jan et Dominique qui se promènent devant cette galerie d'où ressort une forme récurrente, la rondeur.

Jan Krejčík (piano) et Marie Verhoeven (chant)

Jan Krejčík (piano) et Marie Verhoeven (chant)

La nonchalance, la lenteur du pas, les visages qui semblent ne pas remarquer la présence du public, créent un univers poétique qui va, pour un moment, se briser sur un arrêt sur image. Puis, un bouchon de champagne éclate dans le noir, et la vidéo reprend son cours. Mais certaines images qui s’animent sont cette fois formées par des effets sur eau que maîtrise Dominique Defontaines, sans que pour autant les spectateurs n’aient le moindre indice pour le deviner. Une confusion entre la réalité de l’instant et l’illusion graphique s’immisce petit-à-petit dans cette œuvre éphémère.

Montage vidéo avec effets réels (Jan Krejčík au premier plan)

Montage vidéo avec effets réels (Jan Krejčík au premier plan)

Et pour accroître l’emprise de ce moment à la fois humoristique et mélancolique, Marie Verhoeven et Jan Krejčík, disposés sur le côté dans l’ombre aux teintes gris cendré, un autre effet lunaire, interprètent sur ces images hypnotiques de mouvements en spirale et d’eau ondoyante des poèmes musicaux chantés d’Alban Berg, Ottorino Respighi, Richard Strauss et Maurice Ravel, qui exaltent la nuit, l’eau et la lune.

Marie Verhoeven (chant)

Marie Verhoeven (chant)

La plénitude des notes du piano et la richesse du timbre de voix distillent le charme d’une atmosphère nocturne inspirée par la période des compositeurs impressionnistes du début du XXe siècle qui s’inscrivaient à ce moment là dans le mouvement de la Sécession de Vienne – les quatre mélodies ont toutes été composées peu avant la Première Guerre mondiale -.

S'opère ainsi un retour nostalgique dans le temps envouté par des musiciens qui idéalisaient leur monde. Une forme d’innovation douce, en quelque sorte, qui correspond si bien à ce que nous vivons ce soir là avec tant de sentiments apaisés.

Montage vidéo avec effets réels (de dos, Jan Krejčík, Dominique Defontaines et Marie Verhoeven)

Montage vidéo avec effets réels (de dos, Jan Krejčík, Dominique Defontaines et Marie Verhoeven)

Et ce voyage réflexif est si immersif que lorsque qu’il arrive à son terme après Une barque sur l’océan,  il plane un moment de doute dans l’attente hypothétique que la nuit ne se prolonge. 

La pleine Lune dans la nuit du 18 au 19 novembre 2021

La pleine Lune dans la nuit du 18 au 19 novembre 2021

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Publié le 4 Octobre 2021

La Caverne de Platon (Rés(O)nances - 2021)
Représentation du 02 octobre 2021
Centre culturel tchèque de Paris – 18, rue Bonaparte, Paris 6e

Artiste lyrique Marie Verhoeven
Compositeur et musicien Jan Krejčík
Vidéo Dominique Defontaines

C’est au sous-sol du Centre culturel tchèque de Paris, dans les caves voûtées du Paris-Prague Jazz Club, un lieu de rendez-vous prisé des amateurs de jazz, que l’ensemble Rés(O)nances présente une installation et un spectacle musical qui est une très saisissante rencontre entre un texte et un lieu qui lui corresponde parfaitement.

L'ensemble Résonances lyriques

L'ensemble Résonances lyriques

Au livre VII de la République de Platon se trouve une allégorie de la Caverne que Socrate emploie pour s’adresser à son disciple Glaucon afin d’aborder la question de la formation des philosophes.

« Les hommes sont dans la caverne depuis leur enfance, enchaînés par le cou et par les cuisses ... 
Il nous sont semblables. Réfléchis bien : jamais encore de tels hommes n'ont déjà vu, soit par leurs propres yeux, soit par les yeux d'autrui, autre chose que les ombres projetées sans cesse par le feu sur la paroi de la caverne qui leur fait face. »

Marie Verhoeven

Marie Verhoeven

Les mots extraits de ce texte énigmatique sont dit et modulés de manière obsédante par Marie Verhoeven, et à ces mots se mêlent les accords si pathétiquement humains du violoncelle et les effets ondulatoires de l’électronique instrumentale qui utilisent aussi la tessiture de l'artiste lyrique à travers un jeu tout en finesse.

Des césures réverbérées et synchrones rythment la diction, et la nappe musicale enveloppe étrangement l'audience dans une expérience sensorielle qui dure une dizaine de minutes.

Installations vidéographiques par Dominique Defontaines

Installations vidéographiques par Dominique Defontaines

Les spectateurs se trouvent ainsi dans la position de ceux qui admirent la mise en musique mystérieuse et hors du temps des mots, mais sont aussi ceux à qui ils s’adressent puisque eux-mêmes sont plongés dans les illusions des projections vidéographiques sur les murs de la cave qui se fondent par effet de transparence avec le décor naturel.

Jan Krejčík, compositeur et musicien

Jan Krejčík, compositeur et musicien

Ici, un courant de sable se déverse le long des pierres chaudes, ailleurs des oiseaux de marais glissent sur les ondes aquatiques, là, des dos de moutons forment des collines imaginaires, et un portrait de Platon gravé comme un camée gît en bas-relief dans une lumière ombrée.

La Caverne de Platon (Rés(O)nances - Marie Verhoeven – Jan Krejčík) Centre culturel tchèque de Paris

Et les auditeurs se trouvent face à un faisceau de lumière, image aveuglante de la source de savoir ou de la vérité, avec lequel ils peuvent jouer pour créer des ombres.

Une réflexion ludique sur le monde des illusions où l'on aime se complaire, qui se prolonge en remontant les escaliers menant à l'extérieur de ce lieu chaleureux.

La Caverne de Platon (Rés(O)nances - Marie Verhoeven – Jan Krejčík) Centre culturel tchèque de Paris

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Publié le 25 Avril 2021

Syrael (Jan Krejčík - 2010)
Représentation du 23 avril 2021
Centre culturel tchèque de Paris

18, rue Bonaparte, Paris 6e

 

Artiste lyrique Marie Verhoeven
Compositeur et musicien Jan Krejčík

Percussions Manon Duchemann
Vidéo Daniel Touati et Dominique Defontaines

 

Le 23 avril 1616, trois grands écrivains disparurent le même jour : Shakespeare à Stratford-upon-Avo, Cervantès à Madrid, et Garcilaso de la Vega à Tolède. C’est ce jour qui depuis 1995 célèbre chaque année le plaisir de la lecture, et c’est pourquoi le Centre culturel tchèque de Paris a choisi le vendredi 23 avril 2021 pour inaugurer sa nouvelle bibliothèque.

A cette occasion, l’Ensemble Rés(O)nances de Marie Verhoeven est à nouveau invité pour interpréter une pièce du compositeur tchèque Jan Krejčík, qui fut créée à l’Auditorium national de musique de Madrid le 27 mai 2010.

Syrael est une partition musicale d’une durée de 15 minutes qui évoque la légende d’un être artificiel inventé par Edward Kelley, un occultiste prétendant avoir des dons de communication avec les esprits, lors de son séjour au Château de Prague à la fin du XVIe siècle.

Marie Verhoeven et Jan Krejčík

Marie Verhoeven et Jan Krejčík

On trouve ainsi dans la conception de cette œuvre contemporaine une composante alchimique qui manipule et fusionne des enregistrements de la voix de la chanteuse lyrique avec sa voix réelle exprimée en direct, et une autre composante visuelle, jouant avec des apparitions, qui fait appel à des projections vidéographiques (réalisation Daniel Touati et Dominique Desfontaines) sur un tissu transparent.

Les moyens musicaux s’appuient donc sur des instruments classiques, percussions, claviers, xylophone, mais également des moyens informatiques et électroniques utilisés comme des instruments qui permettent de réaliser des effets spéciaux sonores en temps réel.

Jan Krejčík

Jan Krejčík

L’œuvre se décompose ainsi en trois parties. Dans la première, de vifs murmures et sons pulsés se répondent dans le silence de la salle, et alors que l’image ombrée et sertie de lumière du compositeur apparaît en chef d’orchestre au centre de l’installation - qui est basée sur une vidéo enregistrée il y a plus de 8 ans -, la musique s’étoffe, gagne en intensité, tout en restant synchrone de sa gestique.

Jan Krejčík joue lui même les sonorités électroniques, Manon Duchemann les percussions, et la tension qui s’accroît suggère un acte de création ou d’effort par la violence.

Marie Verhoeven

Marie Verhoeven

Puis, dans la seconde partie, l’auditeur se trouve en état d’apesanteur, comme s’il s’était libéré de quelque chose, et l’immatérialité de ce moment devient purement vocale à travers les modulations arrangées par le musicien qui s’atténuent quand les variations des appels étranges que chante la mezzo-soprano se dessinent au premier plan. L’image du chef d’orchestre disparaît progressivement, et les formes en filigrane d’une femme au visage blanc fantomatique se révèle à travers le mystère sonore. L’impression est à la fois hypnotique et troublante, et les sons parfois fortement ténus.

Et une fois la scène d’apparition évanouie, la dernière partie s’achève en une brève conclusion aux sonorités délicates afin de préserver l’état d’esprit songeur du spectateur.

Syrael (Rés(O)nances-Marie Verhoeven-Jan Krejčík) Centre culturel tchèque de Paris

Il s'agit ici d'un exemple de concordance parfaite entre des techniques spectrales utilisées pour créer des effets sonores irréels, une technique vidéo fine qui respecte le mouvement de la musique, et un thème qui fait référence au surnaturel.

 

Lire aussi : Eau de Kupka (M.Verhoeven-J. Krejčík) Centre culturel tchèque

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Publié le 29 Novembre 2019

Eau de Kupka (M.Verhoeven-J. Krejčík)
Représentation du 27 novembre 2019
Centre culturel tchèque de Paris

Artiste lyrique Marie Verhoeven
Compositeur et musicien Jan Krejčík
Sculpteur Dominique Defontaines


Artiste peintre indépendant auquel le Grand Palais dédia une importante exposition en 2018, František Kupka quitta sa Bohême orientale natale pour rejoindre Vienne dans les années 1890, puis Paris en 1896 où il rejoignit le Montmartre bohème pour finalement s’installer en 1904  en compagnie d’Eugénie Straub dans une petite maison de Puteaux.

C’est ici qu’il peint entre 1906 et 1909  « L’Eau – la baigneuse » qui est désormais exposée au Centre Georges Pompidou de Paris, et qui porte en elle les prémices d’un travail d’abstraction qui consistera à étudier la dissolution des formes et l’harmonie des couleurs par des ondes liquides.

France Musique avait d’ailleurs proposé un jeu radiodiffusé à ses auditeurs afin qu’ils imaginent quelle musique leur inspire cette toile.
https://www.francemusique.fr/musique-classique/quelle-musique-voyez-vous-sur-l-eau-la-baigneuse-de-frantisek-kupka-61170

Détail de la projection de  « L’Eau – la baigneuse »

Détail de la projection de « L’Eau – la baigneuse »

Le compositeur tchèque Jan Krejčík et Marie Verhoeven, créatrice de l’Ensemble Rés(O)nances, apportent ainsi une réponse à travers un spectacle d’une demi-heure d’une surprenante sophistication, qui fut joué pour la première fois un mois plus tôt au Musée Kampa de Prague à l’occasion de la nouvelle exposition permanente consacrée à František Kupka et Otto Gutfreund.

La scène forme ainsi un triptyque composé, à gauche, d’un instrument créatif dit « La Rivière mobile », inventé par  Dominique Defontaines, qui permet de contrôler le débit d’un courant d’eau et de projeter ses formes ondoyantes sur un cadre rectangulaire en tissu blanc semi-transparent situé au centre de l’espace scénique, et à droite, d’un « vibraphone continu », inventé et construit par Jan Krejčík, qui permet de faire varier les hauteurs des notes en modifiant la pression sur les lames d’aluminium.

Marie Verhoeven (Artiste lyrique)

Marie Verhoeven (Artiste lyrique)

La voix de Marie Verhoeven, vibrante et homogène sur une séquence de notes qui évoquent les résonances obsédantes du « Lux Aeterna » de Ligeti, vient ainsi se superposer aux ondulations et scintillements subtils de la musique et à l’image de la « La baigneuse » et du corps de la chanteuse, elle-même déformée par les reflets de l’eau en mouvement.  Le spectateur est ainsi immergé dans un univers coloré, nimbé d’ombres fuyantes, et sensoriel, qui cherche à toucher son émotionnel en recréant une réalité organique qui le saisit et modifie son rapport au temps.

Jan Krejčík (à droite) - compositeur

Jan Krejčík (à droite) - compositeur

L’effet dans l’assistance est palpable, et les nombreux enfants, dont certains répondaient, comme un écho, aux clapotis du premier tableau musical, en resteront captivés.  Ainsi, le fait de voir la petite salle d’accueil du centre tchèque totalement remplie par une soixantaine d’auditeurs laisse imaginer que ce spectacle pourrait être joué dans un espace plus large, même si la nécessaire proximité avec la chanteuse définit également une limite pour en préserver l’immersion visuelle.

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Publié le 13 Août 2017

Quatuor Van Kuijk – La Nuit transfigurée
Concert du 12 août 2017
Parc Floral de Paris

Wolfgang Amadé Mozart 
Quintette n°2 à deux altos en do majeur K515 
Arnold Schönberg
La Nuit transfigurée opus 4

Nicolas Van Kuijk, Sylvain Favre, violons
Emmanuel François, alto, François Robin, violoncelle
Grégoire Vecchioni, alto
Lydia Shelley (Quatuor Voce), violoncelle

                                   Lydia Shelley et François Robin

A l’opposé du son âpre qui caractérise les ensembles de musique de chambre en recherche d’expressivité profondément pathétique, la rigueur mâtinée de joie du Quatuor Van Kuijk rend à la musique de Mozart une jeunesse chaleureuse bienvenue par ce temps uniformément gris et frais qui domine la capitale en plein mois d’août.

Sylvain Favre et Nicolas Van Kuijk, violons

Sylvain Favre et Nicolas Van Kuijk, violons

La quintette K515 est à la fois douce, rêveuse, mais également chargée de la mélancolie que l’on retrouve dans nombre d’airs de ses personnages d’opéra, dont l’évocation s’immisce de manière subliminale avec l’aide de notre propre imaginaire. La présence souple et subjacente du violoncelle de François Robin, la vigueur des violons et l’harmonie de l’ensemble concourent à ce sentiment de plénitude qui permet de résister aux agitations atmosphériques qui cernent la scène du grand delta du parc floral.

François Robin, violoncelle

François Robin, violoncelle

En seconde partie, la violoncelliste Lydia Shelley rejoint les cinq instrumentistes afin d'interpréter La nuit transfigurée. Que l’auditeur ne se trompe pas, si cette musique lui semble si naturelle, mais perceptiblement plus sombre que la quintette qui précède, c’est qu’elle est née du talent d’un jeune Arnold Schonberg (il avait vingt-cinq ans) bien avant qu’il ne révolutionne le monde musical avec sa technique dodécaphonique.

Les vibrations mystérieuses de ce poème nocturne sont pleinement rendues avec une verve déliée qui en atténue l’austérité de par sa rondeur sensuelle.

Nicolas Van Kuijk, Sylvain Favre, Emmanuel François, Grégoire Vecchioni, François Robin

Nicolas Van Kuijk, Sylvain Favre, Emmanuel François, Grégoire Vecchioni, François Robin

Près d’un millier de spectateurs attentifs, une aura enjouée, le Quatuor Van Kuijk et ses musiciens associés font maintenant partie du paysage musical international et trouvent un public de fidèles de plus en plus nombreux, si bien que leur prochain concert à l’amphithéâtre de la Philharmonie, le 13 janvier 2018, est déjà complet depuis plusieurs mois.

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Publié le 15 Juillet 2017

Le Concert de Paris au Champ-de-Mars
Concert du 14 juillet 2017 (5ème édition)
Champ-de-Mars - Paris

Hector Berlioz – La Damnation de Faust : Marche Hongroise
Giacomo Puccini – Gianni Schicchi : « O mio babbino caro » [Nadine Sierra]
Giuseppe Verdi – Rigoletto : « La donna è mobile » [Bryan Hymel]
Serge Prokofiev – Roméo et Juliette : « Danse des Chevaliers »
Wolfgang Amadé Mozart – Don Giovanni : « Deh vieni alla finestra » [Ludovic Tézier]
Wolfgang Amadé Mozart – Don Giovanni : « Fin ch’han dal vino » [Ludovic Tézier]
Charles Gounod – Roméo & Juliette : « Je veux vivre » [Diana Damrau]
Nikolaï Rimsky-Korsakov – La Fiancée du Tsar : « La chanson du houblon »
Charles Gounod – Sapho : « O ma lyre immortelle » [Anita Rachvelishvili]
Johannes Brahms – Double concerto : « Vivace non troppo » (3e mvt) [Gautier et Renaud Capuçon]
Dmitri Kabalevsky / Andrew Cottee – « Bonne Nuit »
Ruggero Leoncavallo – Pagliacci : « Vesti la Giubba » [Bryan Hymel]
Dmitri Chostakovitch – Suite de Jazz n°2 : « Valse n°2 »
Léo Delibes – Lakmé : « Duo des fleurs » [Nadine Sierra et Anita Rachvelishvili]
Richard Strauss – Morgen [Diana Damrau et Renaud Capuçon]
Vangelis / Don Rose – « Les Chariots de feu » (version pour piano et orchestre)
Giacomo Puccini – La Bohème : « O soave fanciulla » [Nadine Sierra et Bryan Hymel]
Modeste Moussorgsky / Maurice Ravel – Les Tableaux d’une exposition : « La grande porte de Kiev »
Giuseppe Verdi – Don Carlo : « E lui !... desso ! ... » [Bryan Hymel et Ludovic Tézier]
Georges Bizet – Carmen : « Les voici la quadrille ! »
Hector Berlioz / Claude Joseph Rouget de Lisle – La Marseillaise (couplets n°1 et 2)

Avec Diana Damrau, soprano, Nadine Sierra, soprano, Anita Rachvelishvili, mezzo-soprano, Bryan Hymel, ténor, Ludovic Tézier, baryton, Renaud Capuçon, violon, Gautier Capuçon, violoncelle                            

Direction musicale Valery Gergiev
Chœur et Maîtrise de Radio France
Orchestre National de France

Coproduction La Mairie de Paris, France Télévisions et Radio France 

Faire entendre un concert de musique classique en plein air face à 500 000 spectateurs installés et entassés depuis plusieurs heures sur les pelouses du Champ-de-Mars, afin d’être aux premières loges du feu d’artifice, est une ambition démesurée qui pourrait sembler dommageable à la finesse d’écriture des airs interprétés par ces chanteurs qui sont tous des références mondiales du chant lyrique.

Anita Rachvelishvili et Nadine Sierra  : Léo Delibes – Lakmé « Duo des fleurs »

Anita Rachvelishvili et Nadine Sierra : Léo Delibes – Lakmé « Duo des fleurs »

Et pourtant, suivre les artistes depuis les allées boisées latérales, tout en observant une foule hétéroclite, bruyante, agitée, impatiente ou parfois concentrée, qui réunit l’ensemble de la société française dans toute sa diversité, a quelque chose de particulièrement fort qui ne nuit même pas à l’imprégnation de la musique, car c’est le sentiment de partage qui l’emporte haut-la-main.

Ainsi, peut-on voir, perchée sur les épaules de son père, une petite fille mimer à tue-tête Bryan Hymel chantant l’air du Duc de Mantoue ‘La donna è mobile !’ - le ténor canadien fait très forte impression ce soir, y compris dans l'air poignant d'I Pagliacci -, ou bien des jeunes enfants marquer du pied les cadences de la ‘Danse des Chevaliers’ de Roméo et Juliette.

Sur l'air 'La Donna è mobile' chanté par Bryan Hymel

Sur l'air 'La Donna è mobile' chanté par Bryan Hymel

Anita Rachvelishvili doit, certes, supporter le passage d’un hélicoptère au début de son air sombre ’ O ma lyre immortelle’, mais c’est radieuse qu’on la retrouve avec Nadine Sierra dans l’enjôleur ‘Duo des fleurs’, voix doucereusement mêlées, pour achever les dernières paroles en se détachant, toutes deux, de l’avant-scène, les regards magnifiquement complices.

Quant à Diana Damrau, exubérante et extravertie, elle laisse en mémoire une interprétation lumineuse et recueillie de ‘Morgen’, totalement aérienne, et Ludovic Tézier, d’allure la plus sérieuse, se prête au jeu de Don Giovanni sans réserve.

Chœur et Maîtrise de Radio France et Orchestre National de France

Chœur et Maîtrise de Radio France et Orchestre National de France

Valery Gergiev, fier de parsemer le concert de musiques signées par les plus grands compositeurs russes,  Prokofiev, Chostakovitch, Rimsky-Korsakov, Moussorgsky, trouve donc en l’Orchestre National de France un grand vecteur qui porte brillamment l’essence même de la culture de sa nation. 

Ce concert, qui a réuni 3 088 000 téléspectateurs, peut être revu sur Culturebox - Le Concert de Paris.

Nadine Sierra, Bryan Hymel, Valery Gergiev, Diana Damrau, Ludovic Tézier, Anita Rachvelishvili

Nadine Sierra, Bryan Hymel, Valery Gergiev, Diana Damrau, Ludovic Tézier, Anita Rachvelishvili

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Publié le 25 Avril 2016

AOI (un « nôpéra » de Noriko Baba)
Représentation du 22 avril 2016
Maison de la culture du Japon à Paris

Avec Ryoko Aoki (chanteuse et danseuse)

Mise en scène Mié Coquempot, assistée de Jérôme Andrieu

Direction musicale Pierre Roullier
Ensemble 2e2m
                                   Noriko Baba

Partant d'une pièce de Zeami Motokiyo écrite au XIVème siècle, 'Aoi no Ue (Dame Aoi)', le directeur du petit ensemble 2e2m, Pierre Roullier, a proposé à la compositrice Noriko Baba de créer une oeuvre contemporaine qui puisse encore nous toucher aujourd'hui.

La maison de la culture du Japon à Paris accueille donc pour deux soirs la création de ce nôpéra qui croise l'écriture vocale du théâtre traditionnel nô avec des expressions corporelles et musicales plus proches de nous.

Ce spectacle forme ainsi un tout, au cours duquel la chorégraphe et réalisatrice franco-japonaise Mié Coquempot restitue une réalité scénique simple et pathétique au drame d'une femme, Rokujo, dont la jeunesse s'est enfuie en lui ôtant toute capacité à jouir de la valeur de la vie.

Nous voyons donc arriver à travers une allée de cordages la jeune artiste Ryoko Aoki, chantant d'une voix noire, monocorde et presque murmurante, son ressentiment désespéré.

Elle erre parmi les bouteilles vides, évidentes traces d'une tentation de l'oubli, s'affale dans son fauteuil, et semble comme absorbée par un ailleurs irréel.

Ryoko Aoki (Rokujo) - Photo Jean Couturier

Ryoko Aoki (Rokujo) - Photo Jean Couturier

Ryoko Aoki n'est cependant pas une inconnue dans le monde de l'opéra, car elle a participé en octobre 2013 à la nouvelle production de ‘La Conquête du Mexique’ (Wolfgang Rihm) au Teatro Real de Madrid, sous la direction de Gerard Mortier. Elle incarnait, sous l'apparence d'une danseuse, un esprit tentant de rapprocher, en vain, la reine Aztèque Montezuma et le conquistador espagnol Hernan Cortez.

Mais ici, sur l'écran d'un téléviseur situé au sol, près des spectateurs, son visage fin et impassible semble traversé par des ombres passagères, ses idées noires, tandis qu'un autre téléviseur présente les images d'un passé vivant et coloré.

Pour l'auditeur, l'expérience sensorielle prend pleinement sa richesse dans la composition musicale, pour laquelle les sept musiciens bariolés de multiples couleurs mélangent sonorités de violon, flûte et clarinette dans un enchevêtrement de sons étranges qui donnent l'impression d'entendre des chants d'oiseaux.

L'ensemble 2e2m - Photo Jean Couturier

L'ensemble 2e2m - Photo Jean Couturier

Les amateurs d'art lyrique ne manquent cependant pas de reconnaître, à deux reprises, l''introduction du lamento de 'Didon et Enée' (Henry Purcell) ‘When i am laid in Earth’, qui les renvoie aux pleurs nostalgiques de Didon délaissée par Enée, comme l’est Rokujo par Hikaru Genji.

Cette représentation originale du mal de vivre, du vide vers lequel l'âge peut amener une vie qui s'est trop construite sur une dépendance à l'autre, stimule notre imaginaire et évolue en permanence au cours de ce spectacle d'une heure.

Nous nous laissons donc prendre à une expression insolite de la monotonie, et nous réfléchissons à nous-mêmes pour y retrouver nos états-d’âme, avant que la toute dernière scène qui suit la fureur de Rokujo révèle Ryoko Aoki chuchotant sensuellement quelques mots en langue anglo-saxonne.

Les musiciens s'approchent alors d'elle, et l'entourent dans son moment de paix enfin retrouvé.

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Publié le 15 Juin 2012

Elias (Felix Mendelssohn)
Concert du 12 juin 2012
Basilique Sainte-Clotilde

Avec Stéphane Degout, Sarah-Jane Brandon, Clémentine Margaine, Stanislas De Barbeyrac, Lucy Hall

Direction Raphaël Pichon
Orchestre 430
Chœur de chambre Otrente

 

                                                                                                         Basilique Sainte-Clotilde

Entre deux représentations d' Hippolyte et Aricie, Stéphane Degout a eu la générosité de venir incarner le rôle d'Elias, prophète auquel Felix Mendelssohn dédia un oratorio, au cœur de la Basilique Sainte-Clotilde.

En regard des solistes qui l‘accompagnent, deux sopranos (Sarah-Jane Brandon, Lucy Hall), une mezzo (Clémentine Margaine) et le ténor Stanislas De Barbeyrac (Atelier lyrique de l'Opéra national de Paris), le baryton rend une figure à la fois simple et profonde de cet homme, avec une fascinante impression de solidité intérieure et de maturité, bien en avance sur son jeune âge.

Stéphane Degout (Elias)

Stéphane Degout (Elias)

Inévitablement, les voix aériennes du chœur et la texture musicale se dissipent fortement dans les hauteurs de la nef, si bien que l'on se trouve plongé dans un état d'esprit un peu vague et réflexif face au magnifique orgue en bois orné de flèches d’argent gothiques.

Mais quand Elie se résigne à quitter la vie, Stéphane Degout interprète un Es ist genug! qui en éprouve irrésistiblement la gravité et la tristesse, nous ramenant à quelque chose de très humain.
Cet instant de vérité, arrivé sans s'y attendre, ne s’oubliera pas.

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Publié le 6 Mai 2010

Rufus Wainwright All Days Are Night : Songs for Lulu

Concert du 03 mai 2010 au Théâtre Mogador

Depuis ce soir d’octobre 2003 où ce jeune chanteur, tout juste trentenaire, avait pris possession du Batofar, péniche branchée flottante au pied de la Grande Bibliothèque de Paris, et touché ainsi le cœur d’un public encore restreint, le parcours de Rufus Wainwright est un jaillissement d’aventures artistiques qui pouvait faire craindre la dilution dans l’ivresse de la célébrité (Arte avait récemment diffusé sa reprise des Sonnets de Shakespeare avec le Berliner Ensemble, que malheureusement je n'ai pu enregistrer).

Rufus Wainwright

Rufus Wainwright

Le ténor pop baroque, qui confia lui même que l’Elektra de Strauss était tout aussi sublime sans ecstasy, a déjà réussi son pari de créer un opéra. Si le Metropolitan Opera de New York a finalement refusé de représenter « Prima Donna » à cause du livret en français, l’ouvrage a déjà été joué en Angleterre, et peut être devrait-il arriver à Paris prochainement.

La sensualité de sa voix caressante, qu’il aime laisser s’étirer pour faire passer ses messages les plus intimes, le piano seul en et le meilleur compagnon.

Rufus Wainwright

Rufus Wainwright

Alors, délaissant l’excès d’orchestration qui constitue habituellement une bonne moitié de ses compositions, la part extravertie de sa personnalité, Rufus consacre son nouvel album à douze airs purement mélodiques, besoin de recueillement qui prolonge la disparition récente de sa mère.

Mais l’exubérance est toujours là, et pour la mise en scène de la première partie du concert, dédiée à l’intégralité de Songs for Lulu, le chanteur se fait plus femme que jamais pour arriver théâtralement et lentement en robe noire (comme Erda dans la mise en scène de l’Or du Rhin à Bastille).

Et, seul, avec sa voix et un simple piano, le transport intérieur est d’autant plus miraculeux qu’il est émouvant de voir et entendre cette solitude s’exprimer d’aussi talentueuse manière. Qui ne souhaiterait pas savoir en faire autant ?

Il peut cependant paraître étrange que la plénitude repose sur une douce tristesse, how could someone so Bright love someone so blue?.

Rufus Wainwright

Rufus Wainwright

Les feux d’artifices t’appellent, extrait de Prima Donna, est un air en français conçu lors d’un court séjour à Montmartre avec sa mère, face à une vue extraordinaire sur Paris.
Le style musical est totalement inspiré du courant minimaliste similaire à celui de Philip Glass.

L'ensemble des textes sont d'ailleurs assez contemplatifs, se réfèrent souvent au ciel et aux astres, sans la provocation ou la critique qu'on a pu lui connaître, une façon de suspendre le temps tout simplement.

En seconde partie de soirée, Rufus Wainwright reprend les balades de ses précédents albums (Release the stars, Want Two, Want One …), toujours seul au piano, mais cette fois en autorisant les applaudissements et les photographies, dans une atmosphère de détente.

Parmi les anecdotes intimes et réflexions piquantes qu’il aime placer entre chaque air, on apprend que le public parisien n’est pas le meilleur, mais le plus beau.

Flatteur il est, car est beau celui qui sait être soi, comme il l'a si bien montré.

Site officiel de Rufus Wainwright

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Publié le 27 Septembre 2009

Woyzeck On The Highveld (William Kentridge)
D’après Georg Büchner
Représentation du 26 septembre 2009
Centre Georges Pompidou

Mise en scène Luc de Wit (assistant de William Kentridge)
Acteurs, Mncedisi Balwin Shabang
Marionnettistes, Nkosinathi Joachim Gaar, Jason Potgieter, Hamilton Dhlamini, Busisiwe Penelope Zokuva, Adrian Kohler, Basil Jones
Musique, Steve Cooks, Edward Jordan

William Kentridge est né à Johannesburg en 1955, et a commencé sa collaboration avec la compagnie sud-africaine de marionnettes « Handspring Puppet Company » en 1992.

Coïncidence ou pas, le passage à Paris de la troupe de marionnettistes sud-africains offre une occasion unique de mettre en correspondance la pièce de Büchner et l’opéra d’Alban Berg (il était possible ce week-end d’assister à Woyzeck au centre Pompidou, puis à Wozzeck à l’Opéra Bastille).

Une sorte de maître royal (Mncedisi Balwin Shabang) nous annonce avec gourmandise que nous allons pouvoir assister à un crime.
Le spectacle se joue sur trois plans : un premier niveau surélevé ne met en scène que les marionnettes, un second niveau se situe tout à l’arrière pour  projeter des animations faites au fusain, et enfin en avant scène les marionnettes et leurs manipulateurs créent un rapport plus direct avec le public.

Le visage de la marionnette de Woyzeck, que l’on croirait inspiré du Wozzeck de Toni Blankenheim d’après le film de Rolf Liebermann, est l’expression d’une vie de souffrance terrible.
Les arcades sourcilières, épaisses, dessinent des yeux vides de noir, l’ensemble est rude, asymétrique et cabossé.
Un rapport affectif se noue instantanément avec ce qui n’est pourtant qu’un objet en bois.

Et en même temps tout l’entourage se rie du malheureux, mais jamais ne vient à l’idée d’en rire.
Avec son petit chaperon rouge, la psychologie de Marie est clairement moins développée que dans l’opéra. Le rapport à l’enfant est tout juste abordé, mais elle ne semble ni mère, ni provocante, juste attirée par le Tambour Major, devenu un ouvrier des mines dans la version sud-africaine.

La responsabilité et la violence de l’entourage social sont en revanche traités de manière très directe.
Le paroxysme du sadisme trouve sa forme dans une scène mettant en jeu un Rhinocéros à la corne duquel est attaché un pistolet. Il finit par se tirer dessus.

La poésie est pourtant présente. D’abord dans la musique (tristesse de l’accordéon), et dans les animations de paysages noirs et blanc sinistres sortis de Wuthering Heights, mais qui révèlent également ce que voient les personnages, comme des constellations d’étoiles.

Pour quelques secondes seulement, la musique d’Alban Berg se manifeste lors du meurtre de Marie.

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