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Publié le 26 Septembre 2014

Mère Courage (Bertolt Brecht)

Mutter Courage und ihre Kinder (1939)
Représentation du 24 septembre 2014
Théâtre de la Ville

Berliner Ensemble

Mère Courage Carmen-Maja Antoni
Kattrin Karla Sengteller
Eilif Rapahel Dwinger
Schweizerkas Michael RothMann
Le recruteur Martin Schneider
L’adjudant Veit Schubert
Le Cuisinier Manfred Karge
Yvette Ursula Höpfner-Tabori
Le Général Axel Werner
L’Aumonier Martin Seifert
Le Soldat Marko Schmidt

Mise en scène Claus Peymann (2005)                             Carmen-Maja Antoni (Mère Courage)
Musique Paul Dessau

Bien que la pièce écrite par Bertolt Brecht à l’entrée de l’Europe dans la Seconde Guerre Mondiale ne corresponde plus à notre réalité contemporaine de la guerre, qui oppose dorénavant un ou plusieurs Etats à des groupes armés idéologiquement conditionnés, son texte contient des questions qui se posent encore aujourd’hui.

Tout conflit dans lequel notre pays est engagé est-il nécessaire ? Y gagnons nous véritablement la paix sur notre propre territoire, ou bien participons nous à un déferlement de violence qui engendre la violence ailleurs afin d’entretenir un cycle sans fin d’opportunités commerciales ? Voyons-nous réellement ce que nous y perdons ?

Mère Courage (CM.Antoni -Berliner Ensemble) Théâtre de la Ville

Même dans sa version allemande, Mutter Courage und ihre Kinder devrait avoir un impact particulièrement fort en France, puisque notre pays dispose du budget militaire le plus important de la zone euro.

Claus Peymann, le directeur actuel du Berliner Ensemble, est né deux ans avant la création de cette pièce. Sa mise en scène se réfère à un monde de la guerre du passé, sur un grand plateau circulaire – l’éternel recommencement - autour duquel quelques éléments de décors - le chariot de mère courage, un village – sont disposés.
 

Karla Sengteller (Kattrin) et Carmen-Maja Antoni (Mère Courage)

Karla Sengteller (Kattrin) et Carmen-Maja Antoni (Mère Courage)

De chaque côté de cette immense roue inclinée, des musiciens jouent des mélodies de cabaret nostalgiques d’un temps perdu, celles de Paul Dessau, le musicien collaborateur de Brecht. Et quelques effets spéciaux, les bombardements de la guerre, la tempête d’hiver, la pluie, simulent symboliquement l’ambiance de cette histoire.

A vrai dire, le mérite du spectacle repose sur ses acteurs, Carmen-Maja Antoni en tête.  L’actrice, née à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, fait partie du Berliner Ensemble depuis 1976. C’est une expérience extraordinaire de la voir jouer avec une telle vitalité communicative, et faire vivre avec une telle osmose la souplesse affective et subtile de son corps, et la franchise directe de la langue allemande. Certes, il faut régulièrement suivre la traduction du texte, mais il y a un plaisir et une musique dans cette langue, que la langue française, et son école conventionnelle, ne savent pas restituer avec une telle accroche.

Karla Sengteller (Kattrin)

Karla Sengteller (Kattrin)

C’est donc ce tempérament volontaire qui séduit, parce qu’il ne veut pas laisser transparaitre la souffrance humaine qui couve au fur et à mesure que Mère Courage perd ses enfants, ni le besoin de chaleur insatisfait que la nécessité de survivre réprime.
C’est la force du théâtre, même si le contexte d’une pièce ne cadre pas suffisamment avec l’environnement où elle est jouée, de toucher aux tripes irréductibles de la vie, et de lui donner une énergie saisissante.

Carmen-Maja Antoni (Mère Courage) et Karla Sengteller (Kattrin)

Carmen-Maja Antoni (Mère Courage) et Karla Sengteller (Kattrin)

Le sujet, lui, nous touche moins, car nous vivons dans un monde où il est de plus en plus difficile de faire le lien entre nos actes et leurs conséquences. Cependant, la disparition progressive des trois enfants de Mère Courage peut être vue comme l’abandon de ce qui fonde sa personnalité, quand elle verse dans le compromis avec la folie humaine, jusqu’à perdre son sens de la révolte personnifié par Kattrin.

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Publié le 22 Septembre 2014

Anna Nicole (Mark-Anthony Turnage)
Livret de Richard Thomas (2011)
Représentation du 20 septembre 2014
Royal Opera House Covent Garden de Londres

Anna Nicole Eva-Maria Westbroek
Mayor of Mexia Wynne Evans
Virgie Susan Bickley
Daddy Hogan Jeremy White
Aunt Kay Rebecca de Pont Davies
Shelley Loré Lixenberg
Billy Grant Doyle
Stern Rod Gilfry
Blossom Allison Cook
J.Howard Marshall II Alan Oke
Young Daniel Archie Hunter
Teenage Daniel Jason Broderick
Larry King Peter Hoare

Direction musicale Antonio Pappano
Mise en scène Richard Jones (2011)                                Eva-Maria Westbroek (Anna Nicole)

La découverte de la vie d’Anna Nicole à travers l’œuvre musicale de Mark-Anthony Turnage suscite un profond malaise, car s’y entrechoquent des scènes d’une apparente légèreté, désopilantes pour certains spectateurs, et le drame d’une vie entièrement et tragiquement absurde.

Née à Houston en 1967 – elle débute dans la vie comme serveuse puis comme strip-teaseuse -, elle fait la couverture de Playboy à l’âge de 25 ans, et se remarie deux ans plus tard avec un milliardaire plus âgé qu’elle de 67 ans.

Mais lorsque celui-ci meurt un an seulement après leur union, il ne lui laisse rien.

Eva-Maria Westbroek (Anna Nicole)

Eva-Maria Westbroek (Anna Nicole)

Devenue totalement et désespérément dépendante des shows télévisés, elle crée le « Anna Nicole Show » en 2002, et rien de son déclin ne va échapper aux objectifs des caméras.
Son fils décède à l’âge de 20 ans, et elle le rejoint dans la mort peu de temps après, suite à une overdose de médicaments.

Toute cette vie s’est ainsi construite sur l’instrumentalisation fascinante de son corps et l’amplification artificielle de la forme de sa poitrine à coups d’opérations chirurgicales, au risque d’engendrer des douleurs dorsales insoutenables, qui vont la conduire à la dépression.

Le programme vendu en salle contient par ailleurs un grand article sur la chirurgie des implants mammaires, leurs dangers, et l’attrait physique qu’ils peuvent éveiller.

Eva-Maria Westbroek (Anna Nicole)

Eva-Maria Westbroek (Anna Nicole)

La mise en scène de Richard Jones n’épargne rien du kitsch qui entoure cette femme extravagante, et elle reste dans l’esprit Théâtre musical de l’ouvrage.

Nombre de symboles sont déformés, comme le lit immense de J.Howard Marshall II - le second mari d’Anna Nicole-, l’univers de jouets Walt Disney gigantesques, dont la démesure tranche avec la faille affective immense que vit le petit Daniel au creux de ce couple sordide, et comme ces danseurs tous vêtus de noir, avec des têtes en forme de caméra qui enregistrent tout pour le plaisir des spectateurs de l’époque.

Tirant trop vers la comédie, le directeur reste superficiel, alors qu’il aurait pu noircir ce drame en pointant du doigt fortement le voyeurisme malsain du public qu’Anna Nicole n’a fait qu’exploiter. Comment cette femme peut-elle avoir fait passer le regard des autres avant son propre regard sur elle-même ?

Alan Oke (J.Howard Marshall II), Archie Hunter (Daniel) et Eva-Maria Westbroek (Anna Nicole)

Alan Oke (J.Howard Marshall II), Archie Hunter (Daniel) et Eva-Maria Westbroek (Anna Nicole)

Et l’on peut penser qu’un metteur en scène comme Willy Decker aurait été plus incisif, comme il le fit dans sa mise en scène de Lulu à l’Opéra bastille.

Au lieu de cela, le spectacle est constellé de rires aux éclats d’une partie de la salle, alors que les vidéos de la vie d’Anna Nicole disponibles sur Youtube sont affligeantes, et bien pires que ce que l’opéra ne suggère.

Richard Thomas, le librettiste, n’évite aucune allusion sexuelle, ce que Richard Jones traduit encore plus visiblement sur scène, et l’œuvre débute comme elle se finit par un sensuel « I want to blow you all …». Tout n’est que chair sans sentiment.

Antonio Pappano s’en donne pourtant à cœur joie avec cette musique inspirée du Jazz, cuivrée et rythmée par des percussions entrainantes, où l’écriture vocale se construit plus en décalage avec elle que dans une fusion totale avec les harmoniques orchestraux.
Les chœurs, eux, ont la folie d’une gaité avide de déchéance humaine.

Eva-Maria Westbroek (Anna Nicole)

Eva-Maria Westbroek (Anna Nicole)

Naturellement, Eva-Maria Westbroek s’éclate littéralement dans ce rôle outrancier, et y prend un plaisir certain, si bien qu’elle est d’une crédibilité effarante. Ce chant, peu lyrique, fait que sa voix n’est pas aussi mise en valeur que dans les grands rôles wagnériens, mais on décèle parmi tous ces chanteurs la voix claire et mordante d’Alan Oke, qui compose un J.Howard Marshall II déjanté et presque trop en forme.

Soirée divertissante pour beaucoup, déprimante pour les plus conscients et sensibles, Anna Nicole vaut d’être vu pour se convaincre que cela a existé.

Et l’on ne peut s’empêcher de penser à ce public hilare que des chaines de télévision telles que TF1 dévisagent et filment lors de certaines soirées débiles et consternantes, souvent difficiles à comprendre.

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Publié le 17 Septembre 2014

Daphné (Richard Strauss)
Représentation du 14 septembre 2014
Théâtre Royal de la Monnaie

Peneios Iain Paterson
Gaea Birgit Remmert
Daphne Sally Matthews
Leukippos Peter Lodahl
Apollo Eric Cutler
Erste Magd Tineke Van Ingelgem
Zweite Magd Maria Fiselier

Mise en scène Guy Joosten
Décors Alfons Flores
Video Franc Aleu

Direction Musicale Lothar Koenigs

Orchestre et chœur de la Monnaie
                                                                                  Sally Matthews (Daphné)

 

Plus rarement représentée que Salomé, Ariane à Naxos, Der Rosenkavalier ou Elektra, Daphné fut pourtant composée plus d’un quart de siècle après les premiers chefs-d’œuvre de Richard Strauss. Sa musique est d’une luxuriance envahissante, peu dramatique, et d’une luminosité vivifiante.


Et cette lumière s’apprécie d’autant mieux, quand on la vit en ayant une vue large sur l’impressionnante phalange de musiciens baignée par les lueurs chaudes de leurs pupitres.

Birgit Remmert (Gaea) et Iain Paterson (Peneios)

Birgit Remmert (Gaea) et Iain Paterson (Peneios)

Lothar Koenigs réussit à saisir la finesse du tissu musical, en tenant sous contrôle l’ondoyance diffuse et sensuelle d’un orchestre dont il polit méticuleusement les moindres clivages de couleurs.

Nous sommes ainsi pris dans un flot sonore généreux - parcellé de quelques incertitudes instrumentales isolées – qui ne cède pas aux débordements que l’ampleur orchestrale suggère pourtant.

L’interprétation scénique qu’en réalise Guy Joosten oppose, dans notre monde d’aujourd’hui, l’univers dématérialisé des salles de marchés où coulent des fleuves charriant d'innombrables valeurs numériques, et la Nature originelle de l’homme symbolisée par un gigantesque arbre déployé sur un tronc massif qui en perfore le cœur glacé. Un conflit intérieur de la vie moderne qui paraît bien réel.

Sally Matthews (Daphné)

Sally Matthews (Daphné)

Un immense escalier conçu selon une architecture qui rappelle celle de l’Opéra Garnier devient alors le théâtre des rapports intimes entre les principaux protagonistes.

Et les chanteurs sont tous contraints à incarner fortement leurs rôles.

Magnifique et émouvante Daphné aux inflexions d’oiseau sauvage, Sally Matthews se distancie avec bonheur d’une incarnation simplement précieuse et délicate, pour faire ressortir l’originalité de son timbre animal. Son souffle long s’épanouit naturellement avec une homogénéité sensible qui préserve toute la fragilité de son personnage.

Eric Cutler (Apollon)

Eric Cutler (Apollon)

Eric Cutler, en splendide Apollon, est également très convaincant par les détails expressifs qu’il accorde pour traduire les émotions légères, la détermination, la montée de la colère jusqu’aux emportements passionnels qui le poussent au meurtre. Sa voix est franche, mature et virile, et nous tenons là une vision de l’Amour non idéalisée, puisqu’il tue.

A ses côtés, le Leukippos de Peter Lodahl semble plus pâle, mais l’homme est touchant et très impliqué dans ce rôle dévalorisé.

Iain Paterson et Birgit Remmert forment enfin un couple très bien assorti, drôlement décadent, elle ivre et sans barrière apparente, et douée d’un jeu parfois physiquement périlleux – la chute dans l’escalier -, lui tout autant bouffi d’orgueil mais au timbre plus séducteur.

Eric Cutler (Apollon)

Eric Cutler (Apollon)

Restant relativement fidèles au texte du livret sans chercher à en élargir la vision symbolique – une réflexion sur l’Art et la Société -, Guy Joosten et Franc Aleu – le vidéaste de La Fura Dels Baus – ont ainsi composé des palettes d’images dynamiques qui incluent le flux coloré des valeurs financières, les ondes qui glissent sur le grand escalier, et l’incendie final, rougeoyant et grandiose, du grand arbre.

Et lorsqu’on l’associe à la scène allégorique et dionysiaque des bergers, très vite lassante après le premier effet de surprise à la vue des satyres à têtes de béliers – le chœur est par ailleurs moins saisissant dans cette scène que dans l’introduction élégiaque -, on ne peut s’empêcher d’y voir une allusion inconsciente au Buisson Ardent, l’expression d’un Dieu impuissant face à la décadence de ses fidèles.

Daphné (S.Matthews-E.Cutler-L.Koenigs-G.Joosten) La Monnaie

Cette image est en fait fortement revitalisante, combinée au postlude orchestral, et le Théâtre de La Monnaie débute donc sa saison sur une rareté musicale incontournable et visuellement impressive.

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Publié le 8 Septembre 2014

Limb’s Theorem (William Forsythe)

Ballet de l’Opéra de Lyon

Représentation du 06 septembre 2014

Théâtre du Châtelet

 

Musique enregistrée de Thom Willems

 

Chorégraphie William Forsythe (1990)

Festival d’Automne à Paris

 

 

                                                                                     "Enemy in the figure"

L’ouverture du Festival d’Automne à Paris avec Limb’s Theorem est un choc esthétique aussi bien sur le plan musical que chorégraphique.

Si la première pièce excessivement sombre oblige à un effort pour suivre les danseurs qui s’opposent sous une immense plaque mobile tournoyant autour d’un de ses angles, c’est la seconde pièce, ‘Enemy in the figure’, qui concentre sur elle une tension impressionnante.

Limb’s Theorem (Ballet/Opéra de Lyon-William Forsythe) Châtelet

Car il y a un accord parfait entre les éphémères claquements violents et inattendus de la musique de Thom Willems, les mouvements fuyants aussi bien des danseurs-coureurs que de leurs ombres, et des ondulations imprimées sèchement à des cordes tendues au sol.

Mais les éclairages rasants, eux-aussi, ont le pouvoir de renforcer l’expressionisme de ces scènes  qui exaltent la musculature sportive de ces hommes et femmes qui,  en groupe ou en duo, sont pris dans une danse spectaculaire par sa froideur et sa rigueur, une humeur distanciée et glaçante.

 

Et tout cela dans un univers de bas-fonds démesurés d’une cité moderne, la nuit.

 

On ne sait plus si William Forsythe cherche à glorifier la confiance d’une jeunesse dans son rapport d’égal à égal avec l’autre sans que ne s’exprime le moindre sentiment, ou bien à faire des ensembles saisissants par la beauté froide de leurs déploiements de bras et de cambrures quasi-mécaniques.

 

 

D’un seul coup, un danseur provient de l’arrière scène en courant comme s’il rejoignait une cible, pour que son corps se transforme en une ombre qui traverse l’avant-scène à la façon d’un intrus qui signale sa présence inquiétante, comme dans les grands films noirs à suspens.

Limb’s Theorem (Ballet/Opéra de Lyon-William Forsythe) Châtelet

Ce mouvement permanent de fuites et de luttes au corps-à corps, et  l’impression d’une prise au piège fatale, face ou dos à la paroi courbe et centrale en bois, dégagent une puissance vitale phénoménale qui résonne avec nos propres forces internes, et nos bouillonnements volcaniques qui voudraient annoncer une nouvelle naissance.

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Publié le 6 Septembre 2014

Two cigarettes in the dark (Pina Bausch)
Tanztheater Wuppertal
Représentation du 01 septembre 2014
Palais Garnier

Musiques enregistrées de Claudio Monteverdi / Ludwig Van Beethoven / Maurice Ravel / Hugo Wolf / Henry Purcell / Ben Webster …

Avec Ruth Amarante, Mechthild Grossmann, Daphnis Kokkinos, Eddie Martinez, Dominique Mercy, Julie Shanahan, Franko Schmidt, Michael Strecker, Aida Wehsarg, Tsai-Chin Yu.

Chorégraphie Pina Bausch (1985)

 

                                                                                                            Dominique Mercy

L’ouverture de cette saison de transition - vers les horizons artistiques prometteurs de Stéphane Lissner - a l’originalité de nous rapprocher de l’univers contemporain et sans fard du Théâtre de la Ville.

La forme en fer à cheval de la salle du Palais Garnier ne permet certes pas à tous les spectateurs de profiter intégralement de la vision de la scène, mais, au moins, c’est à un véritable théâtre dansé, viscéral, ludique et imaginatif que chacun est confronté.

Two cigarettes in the dark (T.Wuppertal-Pina Bausch) Garnier

La pièce commence avec l’arrivée hollywoodienne de Mechthild Grossmann, - robe ondoyante aux plis crèmes et glamours, - narratrice de l’enchantement, et les premiers rapports de forces entre homme et femme peuvent ainsi se jouer, au centre d’une grande pièce blanche et lumineuse animée d’un long aquarium latéral. Les gestes sont esthétiques, un peu trop sans doute.

Et il y a comme une opposition entre le confort douillet de la musique et cette brutalité parfois humiliante qui se dessine, ainsi que ces quêtes déchirées pour quelque chaussette perdue. Ruth Amarante fascinante par la vérité de ses ombres.

Mechthild Grossmann

Mechthild Grossmann

Du début à la fin, - son visage recueilli fait inévitablement penser à celui de Claudio Abbado,- la présence faussement absente de Dominique Mercy rend à l'humeur son réjouissement originel.
Son monde intérieur le fait danser, une simple paire de talons aiguilles révèle en lui la féminité de son corps, puis, après le passage d’une simple porte, ce sont des palmes qui ridiculisent son apparence. L’absurdité triste et rigoureuse comme une leçon de vie.

Two cigarettes in the dark (T.Wuppertal-Pina Bausch) Garnier

Et il y a ces quatre couples qui avancent sur le sol et qui semblent portés vers nulle part, par une même barque dans un lieu cliché et idyllique, pour buter sur un escalier de manière mécanique, une vision dérisoire du paraître en société, et de ses limites.

Et malgré tout, Pina Bausch achève ce spectacle sur une sorte de défilé enjoué, un fou rire, et une forme de libération qui aura trouvé son salut dans la recherche incessamment renouvelée des expressions du corps.

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Publié le 5 Mars 2014

Présentation de la saison Lyrique 2014 / 2015 de l’Opéra National de Paris
Depuis le mardi 04 mars la nouvelle saison de l’Opéra National de Paris est officiellement dévoilée. Elle comprend 3 nouvelles productions et 3 coproductions ou reprises de productions provenant d’autres théâtres nationaux ou internationaux.
Avec 16 titres au lieu de 20 habituellement, aucune création et peu d’œuvres rares, cette saison ne se veut ni innovante, ni thématique.

La Traviata (Giuseppe Verdi)
Du 8 septembre au 12 octobre (12 représentations à Bastille)
Ermonela Jaho / Venera Gimadieva, Anna Pennisi, Cornelia Oncioiu, Francesco Meli / Ismael Jordi, Dmitri Hvorostovsky / Fabio Capitanucci
Mise en scène Benoît Jacquot / Direction Dan Ettinger

Le Barbier de Séville (Gioachino Rossini)
Du 19 septembre au 03 novembre (14 représentations à Bastille)
René Barbera / Edgardo Rocha, Carlo Lepore/ Paolo Bordogna, Karine Deshayes / Marina Comparato, Dalibor Jenis / Florian Sempey
Mise en scène Damiano Michieletto / Direction Carlo Montanaro
Production originale du Grand Théâtre de Genève

Tosca (Giacomo Puccini)
Du 10 octobre au 15 novembre (20 représentations à Bastille)
Martina Serafin / Oksana Dyka / Béatrice Uria-Monzon, Marcelo Alvarez / Marco Berti / Massimo Giordano, Ludovic Tézier / George Gagnidze / Sebastian Catana / Sergey Murzaev
Mise en scène Pierre Audi / Direction Daniel Oren / Evelino Pidò
Nouvelle production

L’Enlèvement au Sérail (Wolfgang Amadé Mozart)
Du 16 octobre au 08 novembre & du 21 janvier au 15 février (19 représentations à Garnier)
Jürgen Maurer, Erin Morley / Albina Shagimuratova, Anna Prohaska / Sofia Fomina, Bernard Richter / Frédéric Antoun
Mise en scène Zabou Breitman / Direction Philippe Jordan / Marius Stieghorst
Nouvelle production

Hansel et Gretel (Engelbert Humperdinck)
Du 20 novembre au 18 décembre (10 représentations à Garnier)
Jochen Schmeckenbecher, Irmgard Vilsmaier, Andrea Hill, Bernarda Bobro, Doris Lamprecht
Mise en scène Marianne Clément / Direction Yves Abel
       
La Bohème (Giacomo Puccini)
Du 30 novembre au 30 décembre (14 représentations à Bastille)
Ana Maria Martinez / Nicole Cabell, Mariangela Sicilia, Khachatur Badalyan / Dimitri Pittas, Tassis Christoyannis, Simone Del Savio
Mise en scène Jonathan Miller / Direction Mark Elder       

Don Giovanni (Wolfgang Amadé Mozart)
Du 15 janvier au 14 février (10 représentations à Bastille)
Erwin Schrott, Lian Li, Tatiana Lisnic, Stefan Pop, Marie-Adeline Henry, Adrian Sâmpetrean, Alexandre Duhamel, Serena Malfi
Mise en scène Michael Haneke / Direction Alain Altinoglu       

Peter Mattei (Don Giovanni)

Peter Mattei (Don Giovanni)

Ariane à Naxos (Richard Strauss)
Du 22 janvier au 17 février (7 représentations à Bastille)
Franz Grungheber, Martin Gantner, Sophie Koch, Klaus Florian Vogt, Kevin Amiel, Dietmar Kerschbaum, Daniela Fally, Karina Mattila, Olga Seliverstova, Edwin Crossley-Mercer
Mise en scène Laurent Pelly / Direction Michael Schønwandt

Pelléas et Mélisande (Claude Debussy)
Du 02 au 28 mars (8 représentations à Bastille)
Stéphane Degout, Paul Gay, Franz Josef Selig, Nicolas Cavallier, Elena Tsallagova, Doris Soffel, Jérôme Varnier, Julie Mathevet
Mise en scène Robert Wilson / Direction Philippe Jordan

Faust (Charles Gounod)
Du 02 au 28 mars (9 représentations à Bastille)
Piotr Beczala / Michael Fabiano, Rémy Corazza, Ildar Abdrazakov, Jean-François Lapointe, Michał Partyka, Krassimira Stoyanova
Mise en scène Jean-Louis Martinoty / Direction Michel Plasson

Le Cid (Jules Massenet)
Du 27 mars au 21 avril (9 représentations à Garnier)
Anna Caterina Antonacci, Annick Massis, Roberto Alagna, Paul Gay, Nicolas Cavallier, Franck Ferrari
Mise en scène Charles Roubaud / Direction Michel Plasson
Production de l'Opéra de Marseille

Rusalka (Anton Dvorak)
Du 03 au 26 avril (8 représentations à Bastille)
Khachatur Badalyan, Alisa Kolosova, Olga Guryakova, Dimitri Ivashenko, Larissa Diadkova, Igor Gnidii, Diana Axentii
Mise en scène Robert Carsen / Direction Jakub Hrůša

La Flûte Enchantée (Wolfgang Amadé Mozart)
Du 17 avril au 28 juin (20 représentations à Bastille)
Edwin Crossley-Mercer / Bjorn Bürger, Elisabeth Schwartz / Norma Nahoun, Ante Jerkunica / Dimitri Ivashenko, Rodolphe Briand / Michael Laurenz, Jacquelyn Wagner / Camilla Tilling, Jane Archibald / Olga Pudova
Mise en scène Robert Carsen / Direction Constantin Trinks / Patrick Lange

Le Roi Arthus (Ernest Chausson)
Du 16 mai au 14 juin (10 représentations à Bastille)
Sophie Koch, Thomas Hampson, Roberto Alagna, Alexandre Duhamel, Bernard Richter, François Lis, Peter Sidhom
Mise en scène Graham Vick / Direction Philippe Jordan / Sébastien Rouland
Nouvelle production

Alceste (Christoph Willibald Gluck)
Du 16 juin au 15 juillet (12 représentations à Garnier)
Stanislas de Barbeyrac, Véronique Gens, Stéphane Degout, Tomislav Lavoie, Franck Ferrari
Mise en scène Olivier Py / Direction Marc Minkowski

Sophie Koch (Alceste)

Sophie Koch (Alceste)

Adriana Lecouvreur (Francesco Cilea)
Du 23 juin au 15 juillet (8 représentations à Bastille)
Marcelo Alvarez, Wojtek Smilek, Raúl Giménez, Alessandro Corbelli, Alexandre Duhamel, Carlo Bosi, Angela Gheorghiu / Svetla Vassileva, Luciana D’intino
Mise en scène David McVicar / Direction Daniel Oren
Coproduction avec le Royal Opera House Covent Garden Londres, Le Théâtre du Liceu Barcelone, le Wiener Staatsoper et le San Francisco Opera


Première impression sur cette saison 2014/2015

Du point de vue du spectateur ne fréquentant qu’occasionnellement l’Opéra National de Paris, la lecture du programme de la dernière saison de Nicolas Joel apporte quelques raretés (Le Roi Arthus, Le Cid), et du grand répertoire (Mozart, Puccini, Verdi, Rossini) dans des mises en scène soignées - si l’on passe sur la bien connue production de Faust par Jean-Louis Martinoty. Pour les grands habitués, il y a disproportion entre les moyens disponibles et l'ambition artistique. On peut par exemple comparer la saison parisienne aux choix du Teatro Real de Madrid avec 9 productions, dont 2 créations mondiales, et un budget presque 5 fois plus faible.

Le chauvinisme y est flatté avec pas moins de 6 mises en scène confiées à des directeurs français alors que la France ne dispose pas d’un tel savoir-faire théâtral, surtout dans le milieu lyrique où seuls Olivier Py, André Engel, Patrice Chéreau, Jean François Sivadier, Stéphane Braunschweig et Vincent Boussard (ces trois derniers n’ont d’ailleurs jamais été invités à l’Opéra de Paris) ont su réaliser un travail intelligent et sensible.

Le Roi Arthus est la véritable perle de cette dernière saison, et il est un peu dommage qu’il n’ait pas été associé, sur la même période, à un ouvrage tel que Tristan et Isolde, ou, à défaut, rapproché de Pelléas et Mélisande.

Adriana Lecouvreur, souvent décrié pour ses facilités, est aussi un opéra qui devrait être un incontournable de l’Opéra National de Paris car il s’agit tout de même du portrait d’une tragédienne de la Comédie Française. Mais cet ouvrage souffre d’une image d’œuvre emblématique des Maisons de Répertoire (New-York, Vienne, Londres, Barcelone) fréquentées par un public très conservateur.
Reste à savoir si Angela Gheorghiu et Svetla Vassileva sauront rendre, notamment dans le monologue de Phèdre, le caractère enflammé, meurtri et théâtral de ce personnage, et il est possible que ce soit la seconde qui crée la surprise.

Cette saison comprend également une nouvelle mise en scène de Tosca, confiée à Pierre Audi, dont on attend qu’elle fasse oublier celle de Werner Schroeter.
Mais était-il nécessaire de remplacer la production du Barbier de Séville de Coline Serreau par celle de Damiano Michieletto, moderne, sans doute, mais pas indispensable?

C’est en fait tout le problème de cette programmation qui prend très peu de risques et propose plus de 80 représentations de Puccini et Mozart en 5 titres, tout en cherchant à préserver un résultat excédentaire de plusieurs millions d’euros (5 millions en 2011, 8 millions en 2012, malgré la baisse de subvention).
Alors qu’une direction artistique digne de ce nom devrait chercher une pluralité, un sens dans le choix des œuvres, une ouverture sur le monde avec comme seul objectif financier de garantir l’équilibre des comptes, la direction est lancée dans une logique d’optimisation financière pesante.

Comment expliquer aujourd’hui que le rôle du Mécénat soutenant l’Opéra National de Paris (près de 10 millions d’euros) soit détourné afin de garantir ses résultats excédentaires, et que la direction actuelle aille jusqu’à augmenter les prix des certaines places de stalles (qui passent de 10 à 25 euros) au prétexte que tout bénéfice, aussi petit qu’il soit, est toujours bon à prendre ?

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Publié le 25 Février 2014

Présentation de la saison Lyrique 2014 / 2015 du Teatro Real de Madrid

Le Lundi 17 février 2014, le Teatro Real de Madrid a révélé le détail de la saison 2014/2015, sur son site 
Elle comporte 3 nouvelles productions, dont deux créations mondiales, et deux nouvelles coproductions avec l’Opéra National de Paris et l’Opéra de Los Angeles.

Le Teatro Real

Le Teatro Real

Les Noces de Figaro (Wolfgang Amadé Mozart) 
du 15 au 27 septembre (10 représentations)
Luca Pisaroni / Andrey Bondarenko, Sofia Soloviy / Anett Fritsch, Andreas Wolf / Davide Luciano, Sylvia Schwartz / Eleonora Buratto, Elena Tsallagova / Lena Belkina, Helene Schneiderman
Mise en scène Emilio Sagi / Direction Ivor Bolton
Coproduction avec la Asociación Bilbaína de Amigos de la Ópera, le Teatro Pérez Galdós de Las Palmas de Gran Canaria et le Teatro Nacional de Ópera y Ballet de Lituania

La Fille du Régiment (Gaetano Donizetti) 
du 20 octobre au 10 novembre (13 représentations)
Natalie Dessay / Desirée Rancatore / Aleksandra Kurzak, Javier Camarena / Antonio Siragusa, Pietro Spagnoli / Luis Cansino, Ewa Podles / Ann Murray, Carmen Maura
Mise en scène Laurent Pelly / Direction Bruno Campanella / Jean-Luc Tingaud
Coproduction du Metropolitan Opera House de New York, le Royal Opera House Covent Garden de Londres et le Wiener Staatsoper

Death in Venice (Benjamin Britten) 
du 04 au 23 décembre (7 représentations)
John Daszak, Peter Sidhom, Anthony Roth Costanzo, Duncan Rock, María José Suárez, Vicente Ombuena, Antonio Lozano
Mise en scène Willy Decker / Direction Alejo Pérez
Coproduction  avec le Gran Teatre del Liceu de Barcelona

Hänsel und Gretel (Engelbert Humperdinck) 
du 24 janvier au 07 février (9 représentations)
Bo Skovhus, Diana Montague, Alice Coote, Sylvia Schwartz, José Manuel Zapata, Elena Copons, Ruth Rosique
Mise en scène Joan Font / Direction Paul Daniel / Diego García Rodríguez
Nouvelle production

El Público (Mauricio Sotelo) 
du 24 février au 13 mars (8 représentations)
Andreas Wolf, Arcángel, José Antonio López, Antonio Lozano, Gun-Brit Barkmin, Erin Caves, Kerstin Avemo
Mise en scène Robert Castro / Direction Pablo Heras-Casado
Klangforum Wien
Création mondiale
 

Le Teatro Real (Salon vert)

Le Teatro Real (Salon vert)

La Traviata (Giuseppe Verdi) 
du 20 avril au 9 mai (16 représentations)
Patrizia Ciofi / Irina Lungu / Ermonela Jaho, Francesco Demuro / Antonio Gandía / Teodor Ilincái, Juan Jesús Rodríguez / Ángel Ódena / Leo Nucci, Marifé Nogales, Marta Ubieta
Mise en scène David McVicar / Direction Renato Palumbo
Coproduction avec le Gran Teatre del Liceu de Barcelona, le Scottish Opera de Glasgow et le Welsh National Opera de Cardiff

Fidelio (Ludwig van Beethoven) 
du 27 mai au 17 juin (8 représentations)
Michael König, Adrianne Pieczonka, Franz-Josef Selig, Anett Fritsch, Ed Lyon, Alan Held, Goran Jurić
Mise en scène Alex Ollé (La Fura dels Baus) (avec la collaboration de Valentina Carrasco) / Direction Hartmut Haenchen
Coproduction avec l’Opéra National de Paris

Goyescas / Gianni Schicchi (Enrique Granados / Giacomo Puccini) 
du 30 juin au 12 juillet (5 représentations)
María Bayo, Andeka Gorrotxategi, José Carbó, Plácido Domingo, Maite Alberola, Elena Zilio, Albert Casals, Vicente Ombuena
Mise en scène José Luis Gómez / Woody Allen / Direction Plácido Domingo / Giuliano Carella
Coproduction avec l’Opéra de Los Angeles

La ciudad de las mentiras (Elena Mendoza) 
du 04 juillet au 10 juillet (5 représentations)
Katia Guedes, Anne Landa, Anna Spina, Graham Valentine, David Luque, Michael Pflumm, Tobias Dutschke, Guillermo Anzorena
Mise en scène Matthias Rebstock / Direction Titus Engel
Création mondiale

Romeo et Juliette (Charles Gounod)   Version de concert
du 16 au 26 décembre (3 représentations)
Sonya Yoncheva, Roberto Alagna, Roberto Tagliavini, Joan Martín-Royo, Michèle Losier, Laurent Alvaro, Mikeldi Atxalandabaso, Diana Montague
Direction Michel Plasson

Façade Est du Teatro Real (Saison 2013/2014)

Façade Est du Teatro Real (Saison 2013/2014)

Première impression sur cette saison 2014/2015

Même si certains projets de Gerard Mortier ont été supprimés, Les Troyens et Don Carlo, la prochaine saison du Teatro Real conserve les plus importants d’entre eux à travers deux créations mondiales, El Público, basée sur la pièce de théâtre El Público (1928) de Federico García Lorca, sur une musique de Mauricio Sotelo, et La ciudad de las mentiras, basée sur des récits de Juan Carlos Onetti (Un sueño realizado, El álbum, La novia robada y El infierno tan temido), sur la musique d’Elena Mendoza.

Néanmoins, certains de ses fidèles chefs d’orchestre et metteurs en scène, Sylvain Cambreling, Teodor Currentzis, Peter Sellars, Bob Wilson, Krzysztof Warlikowski, Dmitri Tcherniakov, n’apparaissent plus.
 

Cette saison prend surtout une couleur hispanique aussi bien dans le choix des œuvres, des metteurs en scène (Emilio Sagi, Joan Font, José Luis Gómez, Robert Castro, Alex Ollé) que des artistes.

La nouvelle production de Fidelio mise en scène par Alex Ollé (La Fura dels Baus) est ainsi une très belle surprise puisqu'elle sera une coproduction avec l’Opéra National de Paris. Reposant sur la présence de stars comme Woody Allen et Placido Domingo, la nouvelle production de Goyescas / Gianni Schicchi sera, elle,  programmée au même moment que La ciudad de las mentiras.

 

                                                                                            Mort à Venise (Ballet de Hambourg)

Enfin, la reprise de Death in Venice sera une rare occasion de découvrir la vision esthétique de Willy Decker, et ce spectacle se prolongera à travers le magnifique ballet de John Neumeier « Mort à Venise » (mars 2015), créé il y a dix ans, avec le Ballet de Hambourg.

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