La Ciudad de las Mentiras (Onetti-Mendoza-Rebstock) Teatro Real de Madrid
Publié le 21 Février 2017
La Ciudad de las Mentiras (Elena Mendoza)
Représentation du 20 février 2017
Teatro Real de Madrid
Gracia Katia Guedes
Mujer de 'El sueño realizado' Laia Falcón
Carmen Anne Landa
Moncha Anna Spina
Díaz Grey Graham Valentine
Risso David Luque
Jorge Michael Pflumm
Tito / Barman Tobias Dutschke
Langmann Guillermo Anzorena
Musiciens sur scène
Piano Íñigo Giner Miranda, Clarinete Miguel Pérez Iñesta, Saxofón Martín Posegga, Trombón Matthias Jann, Violín Wojciech Garbowski, Violonchelo Erik Borgir
Direction musicale Titus Engel Matthias Rebstock et Elena Mendoza
Mise en scène Matthias Rebstock
Collaboration à la mise en scène Elena Mendoza
Scénographie Bettina Meyer
Orchestre du Teatro Real
Théâtre musical en quinze scènes - Création mondiale (2017)
Musique Elena Mendoza et livret et collaboration musicale de Matthias Rebstock, basé sur les nouvelles Un sueño realizado (1943), El álbum (1953), La novia robada (1986) et El infierno tan temido (1962) de Juan Carlos Onetti
La Ciudad de las Mentiras est le dernier opéra commandé par Gerard Mortier pour le Teatro Real de Madrid, dont il eut l'assurance, peu avant sa mort, qu'il serait conservé dans la programmation du théâtre malgré le contexte économique difficile. Prévu initialement pour la saison 2014/2015, l'aboutissement de ce projet a finalement été décalé de deux ans.
Créer un opéra sur la base de l'oeuvre d'un auteur hispanique c'est rendre vivant un texte et le confronter au public d'aujourd'hui.
Juan Carlos Onetti est né en 1908 à Montevideo. Il a passé la première partie de sa vie entre la capitale uruguayenne et Buenos Aires, avant que la dictature ne le pousse à émigrer à Madrid en 1975.
Ecrivain existentialiste, le défi est grand pour réussir à entraîner le spectateur dans l'univers de quatre de ses nouvelles, Un sueño realizado (1943), El álbum (1953), La novia robada (1986) et El infierno tan temido (1962), dont les histoires sont réunies dans une même ville, Santa Maria, et sur la même scène du Teatro Real de Madrid, pour y parler de solitude, d'abandon, d'ennui, d'argent et de routine.
Elena Mendoza a ainsi composé une musique qui tend à accentuer et lier les uns aux autres les petits gestes de la vie quotidienne d'un groupe d'habitants qui vit en vase clos avec ses souvenirs de vie ratée, de mariage annulé et de couple séparé.
Mais la musique n'en n'est pas le centre, sinon le texte d'Onetti et le théâtre qui en découle, une construction à laquelle Elena Mendoza et Matthias Rebstock ont collaboré très étroitement.
Dans un décor labyrinthique fait d'escaliers qui descendent de toutes parts autour d'un large bar surmontée d'une batterie de bouteilles alignées et menant vers de petits promontoires en surplomb, les chanteurs et des musiciens animent leurs mornes petites vies.
Les héroïnes portent des robes qui évoquent leurs rêves perdus, et les voix, toutes très belles et mélancoliques, ne sont utilisées que pour l'expressivité de leurs couleurs et leur malléabilité.
Guillermo Anzorena, en Langmann, le directeur d'une misérable compagnie théâtrale, est le seul à avoir du recul. Il est le reflet de cette société dont il cherche à profiter.
La musique, elle, repose sur les inévitables percussions vrombissantes, et trouve surtout son originalité ludique par sa manière de surgir des gestes mécaniques de la vie. Ainsi, deux scènes sont particulièrement originales, l'une où l'on entend des joueurs de dominos, répartis sur trois tables, transformer leur partie en un jeu musical auquel les musiciens sont associés, l'autre, hilarante, d'un barman dont le moindre geste pour servir sa cliente est signifié par des sonorités de l'orchestre. Et les seules notes que l'on entend de la joueuse d'accordéon proviennent de ses tapotis répétitifs sur son instrument.
L'ensemble des musiciens participent également à un concert de frémissements qui signalent la présence d'un environnement vivant, mais sans forme définitive.
Au cours de ces quatre vingt dix minutes sans entracte, l'auditeur se trouve donc confronté à ce qu'il ressent lui même dans les scènes de la vie qui l'entoure, dans la rue, au travail, dans les conversations absurdes, et est même invité à y rechercher des sonorités musicales pour le simple plaisir du jeu.