Mireille (Gounod) au Palais Garnier - msc Nicolas Joel
Publié le 13 Septembre 2009
Mireille (Gounod)
Répétition générale du 12 septembre 2009 et
Actes IV/V du 14 septembre au Palais Garnier
Version originale de 1864 (Théâtre Lyrique)
Direction musicale Marc Minkowski
Mise en scène Nicolas Joel
Mireille Inva Mula
Vincent Charles Castronovo
Ourrias Franck Ferrari
Maître Ramon Alain Verhnes
Taven Sylvie Brunet
Andreloun Sébastien Droy
Maître Ambroise Nicolas Cavallier
Clémence Amel Brahim-Djelloul
Vincenette Anne-Catherine Gillet
Le Passeur Ugo Rabec
Une Voix d’en-haut Sophie Claisse
Sylvie Brunet (Taven) et Charles Castronovo (Vincent)
Par une surprenante coïncidence, la dernière saison de Gerard Mortier avait débuté à l’Opéra Garnier avec Eugène Onéguine. Nicolas Joel se rend-il compte de l’originale réponse que représente Mireille pour l’ouverture de sa première saison?
Quel rapport direz vous ? A l’écoute, se produit à plusieurs reprises le sentiment d’une atmosphère intime déjà entendue. « Et moi, si par hasard, quelque jeune garçon… » (acte 1, scène 3), « Trahir Vincent, vraiment ce serait être folle! » (acte 2, scène 5), « Frappez… et que Dieu vous pardonne! » (acte 2 scène 10), « Heureux petit berger » (acte 4, scène 6), ces quelques airs font ressurgir les sincères pensées de Tatiana, emportées dans fin tissu musical ondoyant (scène de la lettre).
Renseignement pris, Tchaïkovski avait entendu Mireille, ce qui laisse peu de doute sur l’inspiration qu’il a pu y puiser, ne serait ce que par le thème de la campagne.
Car l’intérêt de cet opéra peu connu de Charles Gounod réside bien plus dans la musique que dans l’histoire. La foi de Mireille y est exagérément mise en avant, au point d'affaiblir la crédibilité et la force de ses sentiment amoureux.
Malgré cinq actes, 2 heures quarante de musique, et un livret peu touchant, l’oreille a de réels motifs d’être en permanence captivée, que ce soit par les ornements du hautbois, les voix surnaturelles, les airs de personnages qui ne sont que de passage, bref une vie incessante, où ne manquent que quelques duetti.
Avec Marc Minkowski les partitions reprennent toujours un influx nerveux rajeunissant, une dynamique stimulante, qui donnent lieu à quelques excès lorsqu’il s’agit d’impressionner.
Quelquefois, le rythme s’accélère même, ce qui demande aux chanteurs un effort certain pour tenir la cadence.
Mais le résultat est là : le spectateur ne décroche pas, éveillé par un son chaleureux, à l’image du climat convivial et exigeant entretenu par le chef.
Le chant est la valeur que souhaite défendre le nouveau directeur de l’Opéra de Paris. Avec toutes les précautions d'usage à propos d'un répétition générale, on peut prévoir que les représentations de Mireille vont soulever quelques discussions.
Alain Verhnes en impose sans problème, et Sylvie Brunet surprend par la qualité de son interprétation, beaucoup de filets de voix très aériens, caressants, sont comme des mots d’amour à Mireille. Taven, plus une mère qu’une sorcière.
Brève apparition, mais idéale en Vincenette, Anne Catherine Gillet est un enchantement de fraîcheur (phrasé impeccable en plus).
Cependant, le personnage principal n’est pas à la portée de toutes les chanteuses. La créatrice du rôle, Caroline-Marie Miolan Carvalho, était elle même effrayée par la scène de Crau, exigeant de solides ressources dramatiques.
Alain Verhnes (Maître Ramon)
Inva Mula se donne pourtant totalement dans ce rôle avec un cœur et un courage visibles. Elle a pour elle une bonne expérience de l’Opéra français, une puissance vocale, et du charme.
Reste que ce soir lui font défaut rondeur et aération vocales.
Les aigus sont souvent étouffés, les pianis confidentiels, le sens mélodique se perd un peu. Mireille reste trop pâle, trop sentimentale jusqu’au bout.
Charles Castronovo, beau timbre sombre, semble également rester en retrait, plus terne qu'à son habitude, Franck Ferrari, comme très souvent dans les rôles noirs, privilégie les expressions violentes et brutes, Amel Brahim-Djelloul paraît bien discrète même à Garnier, et le passeur d’Ugo Rabec ne fait trembler personne.
Mais qu’aurions nous aimé entendre la voix d’en haut de Sophie Claisse pour incarner le jeune berger, car en confiant ce rôle ci à un ténor (Sébastien Droy), l’angélisme de l’enfant disparaît tout simplement, nous valant la plus grande frustration de la soirée.
Spécialiste des mises en scènes naïves, Nicolas Joel, épaulé par le décorateur Ezio Frigerio, présente une vision de Mireille qui ne surprendra personne parmi les habitués des spectacles du Capitole. Les blés sont dorés comme l’or de Garnier, la surface du Rhône (joli tableau visuel et musical) scintille sous les lueurs de la Lune, et les éclairages les animent comme par le vent.
Programmer et diriger Mireille, avec une équipe artistique qu'il apprécie totalement, est donc d'abord pour le nouveau directeur de l'Opéra de Paris une manière de se présenter et de dire "Voilà un moyen de mieux me connaître, et mes goûts sont ainsi.".
Un certain sens de la provocation peut-on dire.