Macbeth (Serjan-Vassalo-dir.Currentzis-msc.Kušej) Munich
Publié le 26 Mars 2012
Macbeth (Giuseppe Verdi)
Représentation du 23 mars 2012
Bayerische Staatsoper
Macbeth Franco Vassallo
Banco Christof Fischesser
Lady Macbeth Tatiana Serjan
La Dame de Lady Macbeth Evgeniya Sotnikova
Macduff Francesco Demuro
Malcolm Fabrizio Mercurio
Le Médecin Christoph Stephinger
Mise en scène Martin Kušej
Direction Teodor Currentzis
Tatiana Serjan (Lady Macbeth) et Franco Vassallo (Macbeth)
Macbeth est la tragédie d’un couple enfermé dans un délire mental obsédant, mais est aussi la tragédie d’un peuple opprimé par une dictature infernale.
On peut dire que Martin Kušej ne nous épargne rien de la descente aux enfers de ces gens enthousiastes aux premiers succès du Thane de Glamis, compatissant et vêtus de noir au deuil de Duncan, et d’une humeur festive et carnavalesque quand son meurtrier - sans qu’ils en soupçonnent le rôle - accède enfin au trône d’Écosse.
Le paroxysme de l’aveuglement de la cour est atteint au cours de la scène du banquet, l’ensemble du chœur s‘y montre habillé de splendides costumes et coiffures de mille couleurs en fête comme dans un moyen-âge imaginaire.
Mais la révélation du meurtre de Banco enclenche un engrenage de peur, et l’horreur d’êtres humains réduits à une condition sale et dégradante, sans la moindre hygiène, et qui finissent en viande de bétail destinée aux abattoirs - des treuils hissent plusieurs corps pendus par les pieds - provoque inévitablement des réactions de rejets parmi les spectateurs.
Métaphore moderne de la fabrique terroriste, Kušej emploie enfin l’effigie du Joker - personnage monstrueux - pour en maquiller les révoltés conduits à assassiner leurs bourreaux. Il n’est plus le seul à s’y référer (Fidelio par Calixto Bieito).
Il en ressort de tout cela un climat sanglant et gore proche du film de Polanski (Macbeth 1971).
Si l’on se place du point de vue théâtral, la relation entre Lady Macbeth et Macbeth est traitée dans l’esprit de la pièce de Shakespeare et n’en surprendra aucun familier.
Dès l’ouverture, la fausse couche de la Lady, et donc son impossibilité à enfanter, est clairement présentée comme l’élément déclencheur du drame. Tout aussi lisible est la perte de sa féminité - la fameuse incantation à la perte de son sexe - par la section, d’un simple geste, d’une partie de sa chevelure.
Quant au décor, caractérisé par une tente en avant scène, et une lande de crânes blancs surplombée d’un brouillard aux filaments inquiétants, il n’échappe pas à une impression de bâclé, à cause des bâches semi-transparentes qui séparent espace intime et extérieur.
Sans être dominée par un seul monstre vocal, la distribution possède en revanche une musicalité infaillible.
Dans le rôle de Lady Macbeth, Tatiana Serjan réussit à imposer un personnage convaincant et humain, qui reste prisonnier de ses propres fantômes.
Elle est d’autant plus intéressante qu’elle n’est pas une ample mezzo-soprano dramatique, mais plutôt une chanteuse que l‘on pourrait rapprocher de la fureur baroque de Joyce DiDonato. Son émission est particulièrement véloce et bien projetée, et ses couleurs sauvages s’imprègnent d’expressions rauques et incisives sans aucun artifice.
Franco Vassallo interprète un Macbeth généreux par cette façon d’achever ses airs en amplifiant progressivement sa voix comme pour sauver quelques beautés de son âme. Théâtralement, il reste très mesuré, comme désabusé depuis le début.
Christof Fischesser défend lui aussi un beau Banco notre et réservé, et si Francesco Demuro n’est pas le grand Macduff seigneur dramatique et fougueux, il compte sur son souffle vaillant et long pour libérer la profondeur de ses sentiments douloureux.
Enfin, Fabrizio Mercurio fait entendre un Malcom très rossinien, d’une légèreté qui ne nuit pas à sa présence, bien au contraire, peut être sera t-il un souverain d'une autre nature que celle de son prédécesseur.
Le Médecin et la Dame de Lady Macbeth sont également très bien incarnés par Christoph Stephinger et Evgeniya Sotnikova.
Mais ce chef d’œuvre repose aussi sur la direction de Teodor Currentzis. A la tête d’un des plus beaux orchestres au monde, il est le maître d’une atmosphère étouffante, gonflée de cordes et de cuivres sombres sur fond de percussions assommantes.
L’harmonie d’ensemble et les amples modulations prennent parfois le pas sur la tension, mais dans les moments déterminants, les apparitions et rencontres surnaturelles éclatent dans une violence spectaculaire. La force insistante des cuivres est par ailleurs plus enfouie qu’à son habitude.
Hormis le ballet, l’intégralité de la version parisienne (1865) est jouée, et la danse des ondines et sylphides est interprétée avec une telle fluidité dansante et poétique, qu’il en magnifie la grâce inégalée, à ma connaissance, par les enregistrements au disque.
Franco Vassallo (Macbeth) et Francesco Demuro (Macduff)
Kušej offre à ce moment là une saynète divertissante de numéro de lévitation sur le corps de Macbeth endormi, cerné par des danseuses de cabaret en coiffure fluorescente. Tout le monde n’a pas apprécié...
Les chœurs, même s’il est difficile d’en évaluer une quelconque sonorisation quand ils chantent hors de la scène, sont d’une impeccable unité, belle mais sans accentuation dramatique prononcée.