Mitridate, rè di Ponto (dir Bolton) Münchner Opernfestspiele
Publié le 6 Août 2011
Mitridate, rè di Ponto (Mozart)
Représentation du 29 juillet 2011
Prinzregententheater München
Mitridate Barry Banks
Aspasia Patricia Petibon
Sifare Anna Bonitatibus
Farnace Lawrence Zazzo
Ismène Lisette Oropesa
Arbate Eri Nakamura
Marzio Alexey Kudrya
Direction Musicale Ivor Bolton
Orchestre de l’Opéra d’Etat de Bavière
Mise en scène David Bösch
Lawrence Zazzo (Farnace)
Il y a peu de temps, le Théâtre de la Monnaie de Bruxelles fit revivre sur scène un des opéras de jeunesse de Mozart, La Finta Giardiniera, redécouverte qui tenait autant de l’ouvrage que de la vision poétique et humaine du couple Herrmann.
A présent, le festival de Munich nous emmène encore plus loin, au cœur de l’adolescence du prodigieux compositeur.
Aussi incroyable que cela soit, Mitridate, rè di Ponto est la création artistique d’un garçon qui n’a pas encore atteint ses quinze ans. David Bösch, fasciné par l’univers mental de cet âge sombre, a conçu une scénographie entourée par un fond noir, circulaire, sur lequel se projettent les images animées, les symboles de l’âme de l’enfance, avec ses rêves de liberté et d’amour éternel, ses horizons étoilés, ses tendances au repli maternel, mais aussi avec ses angoisses de mort effrayantes.
Ces dessins naïfs, bien qu’omniprésents, ne surchargent pourtant pas le propos et ne font que rendre saillants les sentiments des personnages, tous unifiés par une brillante maîtrise théâtrale, si naturellement spontanée. Le réalisateur serait-il admirateur de William Kentridge?
Une telle mise en scène figurative aurait pu n’être qu’un élément à part et autonome.
Bien au contraire, elle se fond dans la fluidité du flux orchestral qui est comme une source qui constamment revivifie les lignes caressantes. L’enthousiasme d’Ivor Bolton et des musiciens est un enchantement magnifié par l’acoustique enveloppante du théâtre, et nous sommes pris dans ce tourbillon enivrant dès l’air d’entrée d’Aspia ‘Soffre il moi cor con pace’.
C’est quelque chose d’inouï que d’entendre Patricia Petibon se lancer dans ce grand envol d‘un désir ardent de vivre, ses vocalises rayonnantes semblent alors mener comme une course au rythme alerte de l’orchestre.
Plus tard, on découvre la femme dramatique, la violence à fleur de peau, puis l’abandon dépressif au cours du duo ‘se viver non deggio’ avec Anna Bonitatibus. Discrète et légère mezzo-soprano, celle ci interprète un Sifare d’une digne innocence, et laisse un souvenir émouvant lors du renoncement à Aspasia, chanté à cœur ouvert, avec à ses pieds le corniste détaché de l’orchestre, consolateur, Zoltan Macsai.
Très agressif et cassant, mais irréprochable dans d’éprouvantes et artificielles vocalises dont Rossini fera plus tard la marque de son écriture virtuose, le ténor britannique Barry Banks dynamise violemment Mitridate, rendu de façon univoque comme un militaire brutal et sanglant.
Eri Nakamura (Arbate) et Lawrence Zazzo (Farnace)
C’est cependant le personnage de Farnace, son fils le plus ambitieux et fortement dérangé, qui imprime une noirceur inquiétante suggérée dès son apparition par l’expressionnisme du vol d’un oiseau de nuit au regard ensanglanté.
Non seulement cette image trouble évoque les couleurs nocturnes et surnaturelles du superbe timbre de Lawrence Zazzo, sombre et angoissé, mais elle constitue également une vision œdipienne du jeune homme, obnubilé par un désir d’affirmation avant tout sexuel.
David Bösch ne lui épargne ainsi pas la scène finale d’automutilation des yeux, suivant une logique qui nous aura amené de l’imaginaire de l’enfance à la fureur du sang versé.
Aussi bien la fraicheur et la présence de Lisette Oropesa, la vitalité sympathique d’Eri Nakamura, et les fascinants et peu orthodoxes aigus ténus d’Alexey Kudrya font parti de cette magnifique interprétation musicale et théâtrale, inattendue, qui pourrait bien rester pour longtemps le plus étourdissant souvenir de ce tout jeune Mozart.