Yvonne, princesse de Bourgogne (Gombrowicz/Boesmans) à l'Opéra Garnier

Publié le 25 Janvier 2009

Yvonne, princesse de Bourgogne (Philippe Boesmans)
Création Mondiale

Représentation du 24 janvier 2009 (Opéra Garnier)

D’après la pièce homonyme de Witold Gombrowicz

Direction musicale Sylvain Cambreling
Orchestre Kl
angforum Wien
Mise en scène Luc Bondy

Yvonne Dörte Lyssewski
Le Roi Ignace Paul Gay
La Reine Marguerite Mireille Delunsch
Le Prince Philippe Yann Beuron
Le Chambellan Victor von Halem
Isabelle Hannah Esther Minutillo
Innocent Guillaume Antoine
Valentin Marc Cossu-Leonian

L’on imagine tout à fait une musique vive et entraînante en lisant la pièce de Witold Gombrowicz, le foisonnement comique et les incessantes interventions des personnages s’y succédant sans relâche.

Il faut avouer que la partition de Philippe Boesmans (né en 1936) nous prend à contre-pied, car dans la première partie la tonalité d’ensemble se maintient dans une certaine unité où des motifs se croisent, se désynchronisent, les cordes étirent des aigus filés, les cuivres gonflent l’apparence grotesque d’Yvonne, et tout ceci crée un climat de malaise car la jeune femme semble être le problème et être responsable de la consternation de son entourage.

C’est uniquement à l’arrivée d’Innocent, que les accords se rejoignent dans une harmonie poétique (magnifique intervention de Guillaume Antoine au timbre moelleux) quand un peu de profondeur d’âme se manifeste.

Mais dans la deuxième partie, le point de vue s’inverse, lorsque un par un, le Roi, la Reine, le Prince … se trouvent eux mêmes être le problème, chacun projetant en Yvonne ses propres travers (voir le comportement hystérique du Prince quand Yvonne récupère un cheveu d’Isabelle par exemple) jusqu’à ne même plus supporter son regard.

                                               Hannah Esther Minutillo (Isabelle)

De la musique émerge une multitude d’influences du baroque au folklore slave, jusqu’à un petit bijou vocal dédié à la Reine, « Je suis solitaire », qui décrit à travers un aria aérien et plein de grâce l’abîme de ses fantasmes, auxquels le Roi va répondre de manière assez crue.

C’est en tout cas le grand air de la partition fait  pour une Mireille Delunsch d’une intelligence scénique évidente, et dont la lumière de ses passages en voix de tête focalise l’attention générale.

A d’autres moments on remarque souvent un balancement sans transition entre cette tessiture élevée et les résonances graves.

Mireille Delusnch (La Reine), Dörte Lyssewski (Yvonne), Paul Gay (Le Roi)

Mireille Delusnch (La Reine), Dörte Lyssewski (Yvonne), Paul Gay (Le Roi)

Paul Gay, au costume impossible, s’en donne à cœur joie avec la vulgarité juste nécessaire, Yann Beuron est vocalement un choix de luxe cependant pas du tout mis en valeur par l’écriture vocale, et comme toujours émane d’Hannah Esther Minutillo un véritable plaisir à jouer, fait de sourires mais aussi de couleurs métalliques bien à leur place dans cette écriture musicale.

C’est peut être voulu, mais si l’intention est de transformer le Chambellan en croque-mort, le lugubre Victor von Halem est l’homme idéal.

Enfin pour Dörte Lyssewski, Yvonne est une sacrée performance d’une part parce que c’est une femme d’une belle plastique totalement effacée par le rôle, et d’autre part parce qu’elle transmet un malaise dérangeant.

Mireille Delunsch (La Reine)

Mireille Delunsch (La Reine)

Luc Bondy met donc en scène un univers aristocrate bariolé de couleurs feutrées comme pour couvrir sa véritable noirceur et donne un rôle très provocateur à Yvonne.
Nos propres réflexions sur le regard de l’autre y trouvent un support fort, et plus encore, le regard des autres sur nous même.

Sylvain Cambreling défend cette partition avec beaucoup d’humilité, et d’ailleurs pendant les deux ans et demi de travail de composition de Philippe Boesmans, il a lui même participé à la relecture et à de petites modifications quand l’intention du musicien ne lui paraissait pas toujours bien traduite.

L'évidente osmose avec le Klangforum Wien et les petits gestes ou signes d'attention témoignent d'une très grande estime réciproque et font plaisir à voir.

La conclusion musicale réfère avec beaucoup de force à l'exploitation du religieux au service de la bonne conscience.

Le succès de la première, il est quand même rare de voir une salle comble du début à la fin pour une création contemporaine et un aussi long rappel des artistes, devrait faire de cette pièce plus qu’une création éphémère.

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D
Bonjour,<br /> <br /> Merci de votre sincère témoignage.<br /> Le directeur actuel de l'opéra de Paris accorde beaucoup d'importance au langage théâtral, alors j'espère que vous en profitez toujours autant avec Macbeth, L'Affaire Makropoulos et Le Roi Roger.<br /> <br /> Car introduire du bon théâtre dans le Monde de l'Opéra, c'est aussi permettre à la jeunesse de plus facilement se l'approprier.
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Y
Je m'y connais peu en opéra, et j'ai assisté à cette première un peu par hasard (elle faisait partie de l'abonnement jeune que j'avais pris). Un peu méfiant au début, j'ai été agréablement surpris. Il y a pour moi dans cette oeuvre un mélange de théâtre et d'opéra très intéressant, avec une belle mise en scène de Luc Bondy.<br /> <br /> Et je suis content de lire l'avis d'un spectateur plus avisé que moi, car j'avoue ne pas savoir si cette oeuvre se distingue d'autres opéras contemporains, et si elle a été un succès (a priori, oui).
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C
Le livret m'est apparu très maigre. Juste ce qu'il faut de mots pour suivre l'histoire. C'était plat, ridicule parfois. Les costumes, les perruques, on les a déjà vus à l'opéra trop souvent, le jogging déjà vu, un homme interprétant une femme c'est courant, donc des clichés. Les décors de R. Peduzzi nous les connaissons, beaux mais désservis par la mise en scène qui a fait pouffé de rire des gens autour de moi, meilleures places, certains sont partis et ne sont pas revenus. Décevant et j'en suis triste. Le sujet a été traité au moyen de clichés.
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G
J'ai trouvé le livret de cet opéra très surréaliste mais j'ai beaucoup apprécié la musique. Beau succès effectivement pour la 1ère d'un opéra du XXIe siècle.
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