Publié le 23 Août 2009
André Chénier (Giordano)
Représentation du 22 août 2009
Opéra d‘Helsinki
Direction musicale Alberto Hold-Garrido
Mise en scène Giancarlo Del Monaco
Coproduction avec le Teatro Comunale di Bologna
Andrea Chénier Mihail Agafonov
Maddalena de Coigny Päivi Nisula
Carlo Gérard Raimo Laukka
Madelon Hannele Aulasvuo
Roucher Olli Tuovinen
Incredibile Hannu Jurnu
Grevinnan de Coigny Sari Nordqvist
Päivi Nisula (Maddalena de Coigny)
Bien que l’Opéra National de Finlande n’ait que seize ans d’existence, c'est pourtant un des rares opéras nationaux européens à proposer un festival en plein mois d’août (c’est ici que débuta en 1998, Elina Garanca, dans le Barbier de Séville, Anna Bolena et le Stabat Mater de Rossini).
Le bâtiment offre un large espace de vie, lumineux et ouvert sur les balades de la baie de Töölö, et la salle se distingue par une acoustique qui équilibre orchestre et voix avec une légère réverbération.
Les places sont très bon marché, 62 euros en première catégorie.
Toutefois, le contingent de places non occupées (au moins 30%) montre qu’un travail reste à faire pour attirer un public jeune, et pour ne pas laisser l’édifice aux mains d’une classe qui vit l’opéra comme un rituel bourgeois.
Il suffit de voir la cohue à l’entracte pour obtenir les parts de gâteaux, les verres de vins et les tables numérotées réservées à l’avance.
On peut voir de jeunes couples hallucinants, déambulant comme s’ils étaient au festival de Cannes, visiblement sans conscience du ridicule lorsque le spectacle n’est pas à la hauteur.
Mais pour attirer des jeunes, il va bien falloir revoir la qualité des productions.
Car ce n’est sans doute pas le Cosi fan Tutte par Guy Joosten, façon théâtre de Marivaux, ni les Noces de Figaro par Jüssi Tapola, dont le mérite est de travailler avec peu de moyens, qui pourraient les convaincre.
Si dans le premier cas, la prestation vivante et amusante de Paolo Fanale, ainsi que le petit truc qu’il utilisait en couvrant sa voix pour toucher la sensibilité de l’auditeur, faisait l’intérêt de la représentation, la direction de Jan Latham-König était le cœur musical de la folle journée, et non pas les vocalises mozartiennes.
Il aura fallu attendre André Chénier pour commencer à vibrer. Certes, le spectacle de Giancarlo Del Monaco est du niveau de ce que l’on pouvait monter dans les années 1960, cependant, il a le mérite de la sobriété, en axant le drame sur le climat sombre de conspiration pendant les pires jours de la « Terreur ».
Quelques symboles de la Révolution française viennent illustrer les principaux épisodes évoqués, comme la place de la Concorde où fût exécuté Louis XVI, ou bien Marianne avec le drapeau tricolore (mais aux bandes horizontales!).
Il faudra voir comment l’ensemble aura évolué, lors de la création à l’Opéra Bastille en décembre 2009.
La distribution est en revanche d’un grand intérêt.
Avec Mihail Agafonov, André Chénier prend vie de manière très simple et naturelle, sans aucune maladresse. Ses aigus se durcissent à peine, et tiennent la distance en force, ce qui n’empêche pas cet habile artiste d’être également très doux, des qualités très difficiles à réunir en un seul chanteur.
Sa partenaire, Päivi Nisula, séduit tout autant dans la première partie, le timbre est d’un moelleux subtilement métallique, et chaque phrase parlée est d’une précieuse musicalité mozartienne.
Hélas, les passages purement véristes virent à des forte d’acier qui tuent toute émotion dans « La mamma morta » et lors du duo final.
La jeune femme espiègle se laisse aller à un mélo exagéré, au détriment de la tragédie.
Un peu instable, le Gérard de Raimo Laukka en tire malgré lui beaucoup d’humanité, mais deux autres chanteurs se distinguent : Olli Tuovinen, qui dote Roucher d’une voix claire et ferme qui l’impose là, d’un seul bloc, et Hannu Jurnu dont la prestance fait de Incredibile un Mephisto félin très impressionnant.
Et n’est-elle pas touchante cette vieille Madelon, Hannele Aulasvuo, à la voix usée mais qui en dit tant sur les souffrances de cette mère qui livre son dernier petit fils à la Révolution?
Avec une direction nerveuse et spectaculaire, un peu à la Zubin Mehta, Albergo Hold-Garrido maintient la tension sans relâche, l'orchestre bouillonne, ce qui permet d’achever ces trois soirées de festival sur un inespéré moment de satisfaction.