Publié le 29 Septembre 2024
Œuvres d’ Aram Khatchatourian (de 1942 à 1964 – Moscou, Perm, Leningrad)
Concert du 29 septembre 2024
Cité de la Musique
Salle des Concerts
Mascarade - suite orchestrale ( 8 novembre 1944, All-Union Radio Symphony Orchestra)
Valse, Nocturne, Mazurka, Romance, Galop
Concerto-Rhapsodie pour violoncelle et orchestre en ré majeur ( 4 janvier 1964 – dédicacé à Mstislav Rostropovitch)
Gayaneh – extraits (9 décembre 1942, Théâtre Kirov de Perm)
Berceuse, Danse des jeunes filles , Danse d’Aïcha , Danse du sabre
Spartacus – extraits des suites orchestrales (27 décembre 1956, Théâtre Kirov de Leningrad)
Danse des nymphes, Scène et danse avec les crotales, Variation d’Égine et bacchanale, Adagio de Spartacus et Phrygia, Danse des filles de Gadès et victoire de Spartacus
Violoncelle Astrig Siranossian
Direction musicale Sergey Smbatyan
Orchestre symphonique d’État d’Arménie
Peuple ayant éprouvé la domination perse, l’influence macédonienne, la résistance aux Parthes et aux Romains, les expansions successives sassanide, omeyyade, abbasside, byzantine, seldjoukide, mongole, turque, ottomane et soviétique, les Arméniens affichent avec grande fierté d’être la première nation chrétienne de l’histoire depuis que le roi Tiridate IV accepta de se convertir au christianisme en 301.
Aujourd’hui, en conflit avec l’Azerbaïdjan qui vient de contraindre à l’exode les Arméniens du Haut-Karabagh (80% de la population), l’Arménie renforce ses relations avec la France.
Le week-end du 28 et 29 septembre 2024 à la Philharmonie de Paris vise ainsi à célébrer la culture arménienne riche de ses traditions.
Le concert programmé en ce dimanche après-midi est dédié à Aram Khatchatourian (1903-1978), musicien emblématique qui a su faire renaître la musique traditionnelle arménienne à travers ses compositions modernes, et notamment ses musiques de ballets dont trois de ces œuvres sont interprétées en partie à cette occasion.
Bien que créé sous forme de musique de scène en 1941, puis transformé en suite orchestrale en 1944, ‘Mascarade’ ne deviendra un ballet qu’en 1982 sur la scène du Théâtre d’opéra et de ballet d’Odessa grâce au montage réalisé par Edgar Oganesyan.
Sa valse introductive est bien connue, mais son galop final, lui, vaut surtout pour son énergie facétieuse et endiablée qui annonce ‘La danse du sabre’. Cette première pièce permet de découvrir l’excellente cohésion du jeune Orchestre symphonique d’État d’Arménie et la souplesse explosive de la direction de Sergey Smbatyan qui laisse toutefois les percussions éclater avec un lâcher prise à la limite du hors contrôle.
Puis, la violoncelliste française Astrig Siranossian rejoint les musiciens en place centrale pour interpréter le 'Concerto-Rhapsodie', une pièce qui commence par des réminiscences orchestrales orientalisantes, et qui laisse place ensuite à la verve de la soliste.
Elle laisse couler une douce mélancolie, mais imprime aussi un mordant de fer avec les cordes qui traduit le très grand volontarisme du tempérament arménien.
Et pour faire plaisir au public, elle fait découvrir un air arménien ‘Sareri Hovin Mernem’ - Je mourrai au vent des sommets de tes montagnes - qui nous connecte instantanément à la haute spiritualité arménienne qu’elle chante avec profondeur tout en jouant du violoncelle, une correspondance entre voix et instrument absolument somptueuse qui nous emmène loin sur des lieux anciens de haute altitude.
La seconde partie du concert rend encore plus hommage à l’inventivité de Khatchatourian à travers deux célèbres ballets, ‘Gayaneh et ‘Spartacus’.
De ‘Gayaneh’, personne n’ignore ‘ La danse du sabre’ et sa folie pétaradante, mais ‘La danse d’Aicha’ permet aussi d’entendre le velours des cordes graves de l’orchestre.
Cependant, quel dommage que nous n’ayons pas entendu de ce ballet l’’Adagio’ que tout amateur de ‘2001 L’Odyssée de l’espace’ de Stanley Kubrick connaît bien, puisque ce passage qui exprime une solitude nostalgique poignante y est utilisé dans la scène où Dave s’entraîne seul sur le pont du vaisseau spatial.
Il est vrai que les musiques que l’on découvre, ou redécouvre, en seconde partie montrent à quel point Aram Khatchaturian a su développer un style qui allait inspirer nombre de musiques de films du XXe siècle.
C’est particulièrement évident dans ‘Spartacus’, ballet créé en 1956 à Leningrad, dont l’'Adagio de Spactacus et Phrygia' évoque le romantisme hollywoodien et notamment l’ouverture de ‘Mayerling’ de Terence Young, avec Omar Sharif et Catherine Deneuve, dont le thème est directement empreint de ce si beau passage.
En rendant hommage à Aram Khatchatourian, ce concert d’une essence véritablement populaire, fait ainsi sentir comment le compositeur arménien a su intégrer la tradition arménienne au cœur des grands élans musicaux contemporains, et le petit bijou chanté par Astrig Siranossian permet aussi d’atteindre le cœur éternel de cette culture dont les musiciens vus et entendus cet après-midi ont su si bien défendre la force et la très haute tenue.