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Publié le 29 Septembre 2024

Œuvres d’ Aram Khatchatourian (de 1942 à 1964 – Moscou, Perm, Leningrad)
Concert du 29 septembre 2024
Cité de la Musique
Salle des Concerts

Mascarade - suite orchestrale ( 8 novembre 1944,  All-Union Radio Symphony Orchestra)
Valse, Nocturne, Mazurka, Romance, Galop

Concerto-Rhapsodie pour violoncelle et orchestre en ré majeur ( 4 janvier 1964 – dédicacé à Mstislav Rostropovitch)

Gayaneh – extraits (9 décembre 1942, Théâtre Kirov de Perm)
Berceuse, Danse des jeunes filles , Danse d’Aïcha , Danse du sabre

Spartacus – extraits des suites orchestrales (27 décembre 1956, Théâtre Kirov de Leningrad)
Danse des nymphes, Scène et danse avec les crotales, Variation d’Égine et bacchanale, Adagio de Spartacus et Phrygia, Danse des filles de Gadès et victoire de Spartacus

Violoncelle Astrig Siranossian
Direction musicale Sergey Smbatyan
Orchestre symphonique d’État d’Arménie

Peuple ayant éprouvé la domination perse, l’influence macédonienne, la résistance aux Parthes et aux Romains, les expansions successives sassanide, omeyyade, abbasside, byzantine, seldjoukide, mongole, turque, ottomane et soviétique, les Arméniens affichent avec grande fierté d’être la première nation chrétienne de l’histoire depuis que le roi Tiridate IV accepta de se convertir au christianisme en 301.

Aujourd’hui, en conflit avec l’Azerbaïdjan qui vient de contraindre à l’exode les Arméniens du Haut-Karabagh (80% de la population), l’Arménie renforce ses relations avec la France.

Sergey Smbatyan et l'Orchestre symphonique d’État d’Arménie

Sergey Smbatyan et l'Orchestre symphonique d’État d’Arménie

Le week-end du 28 et 29 septembre 2024 à la Philharmonie de Paris vise ainsi à célébrer la culture arménienne riche de ses traditions.

Le concert programmé en ce dimanche après-midi est dédié à Aram Khatchatourian (1903-1978), musicien emblématique qui a su faire renaître la musique traditionnelle arménienne à travers ses compositions modernes, et notamment ses musiques de ballets dont trois de ces œuvres sont interprétées en partie à cette occasion.

Bien que créé sous forme de musique de scène en 1941, puis transformé en suite orchestrale en 1944, ‘Mascarade’ ne deviendra un ballet qu’en 1982 sur la scène du Théâtre d’opéra et de ballet d’Odessa grâce au montage réalisé par Edgar Oganesyan

Sa valse introductive est bien connue, mais son galop final, lui, vaut surtout pour son énergie facétieuse et endiablée qui annonce ‘La danse du sabre’. Cette première pièce permet de découvrir l’excellente cohésion du jeune Orchestre symphonique d’État d’Arménie et la souplesse explosive de la direction de Sergey Smbatyan qui laisse toutefois les percussions éclater avec un lâcher prise à la limite du hors contrôle.

Mascarade Gayaneh Spartacus (Aram Khatchatourian) Cité de la musique

Puis, la violoncelliste française Astrig Siranossian rejoint les musiciens en place centrale pour interpréter le 'Concerto-Rhapsodie', une pièce qui commence par des réminiscences orchestrales orientalisantes, et qui laisse place ensuite à la verve de la soliste.

Elle laisse couler une douce mélancolie, mais imprime aussi un mordant de fer avec les cordes qui traduit le très grand volontarisme du tempérament arménien.

Et pour faire plaisir au public, elle fait découvrir un air arménien ‘Sareri Hovin Mernem’ - Je mourrai au vent des sommets de tes montagnes - qui nous connecte instantanément à la haute spiritualité arménienne qu’elle chante avec profondeur tout en jouant du violoncelle, une correspondance entre voix et instrument absolument somptueuse qui nous emmène loin sur des lieux anciens de haute altitude.

Astrig Siranossian

Astrig Siranossian

La seconde partie du concert rend encore plus hommage à l’inventivité de Khatchatourian à travers deux célèbres ballets, ‘Gayaneh et ‘Spartacus’.

De ‘Gayaneh’, personne n’ignore ‘ La danse du sabre’ et sa folie pétaradante, mais ‘La danse d’Aicha’ permet aussi d’entendre le velours des cordes graves de l’orchestre.

Cependant, quel dommage que nous n’ayons pas entendu de ce ballet  l’’Adagio’ que tout amateur de ‘2001 L’Odyssée de l’espace’ de Stanley Kubrick connaît bien, puisque ce passage qui exprime une solitude nostalgique poignante y est utilisé dans la scène où Dave s’entraîne seul sur le pont du vaisseau spatial. 

L'Orchestre symphonique d’État d’Arménie

L'Orchestre symphonique d’État d’Arménie

Il est vrai que les musiques que l’on découvre, ou redécouvre, en seconde partie montrent à quel point Aram Khatchaturian a su développer un style qui allait inspirer nombre de musiques de films du XXe siècle.

C’est particulièrement évident dans ‘Spartacus’, ballet créé en 1956 à Leningrad, dont l’'Adagio de Spactacus et Phrygia' évoque le romantisme hollywoodien et notamment l’ouverture de ‘Mayerling’ de Terence Young, avec Omar Sharif et Catherine Deneuve, dont le thème est directement empreint de ce si beau passage.

Sergey Smbatyan

Sergey Smbatyan

En rendant hommage à Aram Khatchatourian, ce concert d’une essence véritablement populaire, fait ainsi sentir comment le compositeur arménien a su intégrer la tradition arménienne au cœur des grands élans musicaux contemporains, et le petit bijou chanté par Astrig Siranossian permet aussi d’atteindre le cœur éternel de cette culture dont les musiciens vus et entendus cet après-midi ont su si bien défendre la force et la très haute tenue.

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Publié le 19 Septembre 2024

3e Symphonie (Gustav Mahler -
                          9 juin 1902, Krefeld)
Concert du 19 septembre 2024
Maison de la Radio et de la Musique 
Auditorium de Radio France

Ce que me content les Rochers.
Ce que me content les Fleurs des Prés
Ce que me content les Animaux de la Forêt
Ce que me conte l’Homme
Ce que me content les Anges
Ce que me conte l’Amour

Contralto Gerhild Romberger
Direction musicale Jukka-Pekka Saraste
Orchestre Philharmonique de Radio France
Chœur de Radio France et Maîtrise de Radio France

En résonance avec l’ouverture de la saison précédente qui avait permis d’entendre à la Philharmonie la '3e symphonie' de Gustav Mahler interprétée par l’Orchestre de Paris sous la direction de Semyon Bychkov, c’est cette fois le Philharmonique de Radio France qui présente en ce mois de septembre l’un des monuments éblouissants de la fin du romantisme dont la première exécution fut dirigée par le compositeur lui-même en juin 1902 à la Stadthalle de Krefeld, une salle de 1600 places, devant Richard Strauss, Alma Mahler et Engelbert Humperdinck.

Gerhild Romberger et Jukka-Pekka Saraste

Gerhild Romberger et Jukka-Pekka Saraste

Ce soir, c’est Jukka-Pekka Saraste qui assure la direction musicale, Mikko Franck, souffrant, ayant du se désister.

L’auditorium de la Radio, empli de spectateurs jusque dans les recoins les plus escarpés de ses chaleureux balcons en bois, se présente comme un écrin qui devrait accentuer la profondeur des passages les plus intimes, mais ce qui frappe dans l’interprétation du premier mouvement est la nature abrupte de sa structure avec des cuivres qui creusent des courants dissonants comme pour traduire les torsions de la matière. Les cordes entretiennent une tension frémissante, et il est assez étrange de se sentir dans l’univers du second acte du ‘Siegfried’ de Richard Wagner, ce qui a du sens puisque les impressions de la nature y jouent aussi un rôle important.

Orchestre Philharmonique de Radio France

Orchestre Philharmonique de Radio France

L’engagement des musiciens est merveilleux, et le soin qu’ils accordent tous à la clarté des détails, à la vivacité des lignes, à l’étirement des sons afin de les fusionner irrésistiblement, tout en semblant se nourrir eux-mêmes du son qu’ils produisent, est très beau à voir.

Chœur de Radio France et Maîtrise de Radio France

Chœur de Radio France et Maîtrise de Radio France

Vient le moment où la contralto Gerhild Romberger aborde le passage sur ‘ce que me conte l’Homme’, et le pathétisme du galbe de sa voix chargée de noirceur est d’une plénitude magnifique tant elle semble travaillée avec la même délicatesse que celle d’un verrier modelant finement un cristal à chaud - il sera d’ailleurs possible de la réentendre en Erda dans ‘Siegfried’ en avril prochain à la Philharmonie -.

Installés en arrière scène avec une allure de juges sérieux et impassibles, les enfants de la Maîtrise de Radio France se révèlent des anges très sûrs d’eux, leurs voix étant bien timbrées et harmonieusement équilibrées à celles des femmes, ce qui rend une impression de sérénité joyeuse fort charmante.

Orchestre Philharmonique de Radio France

Orchestre Philharmonique de Radio France

Mais le plus beau est dans la façon dont l’orchestre s’enfonce dans les voluptés de l’Amour. Il est souverain à insuffler un mouvement de fond aux contrastes prenants, un son d’une plasticité magnifique chargé d’irisations et d’éclats crépusculaires portés par une respiration à fleur de peau d’une densité chaleureuse impossible à se défaire.

Une interprétation rare qui vous reconnecte à l’essentiel.

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Publié le 31 Juillet 2024

Wagner und Zeitgenossen - Romantisches Feuerwerk für Cello und Klavier
Concert du 28 juillet 2024
Kammermusiksaal
Steingraeber & Söhne – Bayreuth

Paul Juon Marches Op.8 (1899)
Johannes Brahms Regenliedsonate Op. 78/1 (1879)
Richard Wagner Romanze E-dur - Nach dem Albumblatt (1861)
Gioachino Rossini Une larme (1858)

Violoncelle Tatjana Uhde
Piano Lisa Wellisch

En ce début de l’édition 2024 du Festival de Bayreuth, la maison Steingraeber & Söhne (fabricant de piano à Bayreuth depuis 1852), accueille dans sa salle de musique de chambre spécialement aménagée deux jeunes artistes qui se connaissent bien puisqu’elles ont enregistré en 2021 un premier album, ‘Märchenbilder’, deux ans après leur première rencontre en cette même ville.

Tatjana Uhde (Violoncelle) et Lisa Wellisch (Piano)

Tatjana Uhde (Violoncelle) et Lisa Wellisch (Piano)

Originaire de Freiburg, Tatjana Uhde fait dorénavant partie de l’orchestre de l’Opéra national de Paris en tant que deuxième violoncelle solo, et retrouve chaque l’été l’orchestre du Festival de Bayreuth, alors que Lisa Wellisch, qui a étudié à Stuttgart avec le mari de Tatjana, vit à Eckersdorf, et mène une carrière de pianiste indépendante.

Le programme qu’elles proposent en ce dimanche matin relie plusieurs pièces du romantisme allemand issues d’auteurs contemporains de Richard Wagner, créées pour instrument à cordes (violon, violoncelle ou contrebasse) et piano, qui se trouvent ainsi unifiées par la tessiture du violoncelle qui représente une même voix humaine parcourue d’émotions changeantes.

Le déroulement du concert se fait à rebours du temps sur 40 ans, puisque l’on part de 1899 pour finir en 1858.

Brahms Wagner Rossini (Uhde Wellisch) Steingraeber Haus – Bayreuth

Paul Juon, compositeur suisse d’origine russe, acheva ses études à Berlin à la fin du XIXe siècle où il composa ses premières œuvres. ‘ Marches’ est une pièce qui porte en elle une certaine légèreté insouciante et une composante mélodique qui n’est pas sans évoquer, en seconde partie, le charme des compositions de Tchaïkovski. La résonance du violoncelle de Tatjana Uhde est emplie d’un son vibrant très dense, avec de la matière même dans l’aigu, que le geste de la musicienne assouplit de manière à raviver des impressions passées qui deviennent fortement présentes.

Au piano, Lisa Wellisch offre une image stoïque de maîtrise et d’attention à sa partenaire, et pourtant, les sonorités sont, elles, chargées d’une intense noirceur cristalline, et ce romantisme pétri de chair bien ancrée sera dominant tout au long du récital.

Tatjana Uhde (Violoncelle) et Lisa Wellisch (Piano)

Tatjana Uhde (Violoncelle) et Lisa Wellisch (Piano)

La célèbre sonate ‘Regenlied’ de Johannes Brahms, composée originellement pour le violon, sur la rive nord de Wörthersee à la frontière de l’Italie et de l’Autriche, s’enchaîne très naturellement avec son premier mouvement enjoué et virtuose. Et c’est dans l’adagio central que le moelleux du violoncelle se révèle le plus feutré en nous emmenant au cœur de ces impressions qui mêlent nostalgie et sentiment de plénitude.

Dans le même esprit, parée des couleurs du violoncelle, la Romanze de Richard Wagner gagne en profondeur et montre aussi quelle finesse d’aigu il est possible d’atteindre avec cet instrument, et c’est sur une œuvre très mélancolique, ‘Une larme’, composée pour contrebasse par Gioachino Rossini, lorsqu'il revint vivre à Paris, que se conclut ce voyage à la fois incisif et inspirant.

Tatjana Uhde (Violoncelle) et Lisa Wellisch (Piano)

Tatjana Uhde (Violoncelle) et Lisa Wellisch (Piano)

Loin d’accentuer la noirceur mélancolique inhérente à cette pièce, Tatjana Uhde la teinte d’une forme d’espérance, et la prégnance de ces interprétations fortes entendues en cette fin de matinée vaut aux deux musiciennes une reconnaissance très marquée et chaleureuse devant un public venu faire salle comble. 

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Publié le 14 Juillet 2024

Ukrainian Freedom Orchestra – Keri-Lynn Wilson - 9e de Beethoven – St Eustache
Bucha Lacrimosa (Victoria Vita Poleva) et Symphonie n°9 (Ludwig van Beethoven)
Concert du 12 juillet 2024
Eglise Saint-Eustache, Paris

Victoria Vita Polevá
Bucha Lacrimosa (Bonn, le 29 août 2022)
Violon Marko Komonko

Ludwig van Beethoven
Symphonie n°9 (Vienne, le 7 mai 1824)
Olga Bezsmertna (soprano), Nataliia Kukhar (mezzo-soprano), Valentyn Dytiuk (ténor), Andrii Kymach (baryton-basse)

Yuri Shevchenko
We are! / paraphrase sur le thème de l’hymne national d’Ukraine (Kyiv, le 26 février 2022)

Direction musicale Keri-Lynn Wilson
Ukrainian Freedom Orchestra
Chœur uni Ukranien Symbole et Chœur de l’Armée Française

Sous le haut patronage de Madame Olena Zelenska, Première dame d’Ukraine, et de Madame Anne Hidalgo, Maire de Paris
Concert organisé en partenariat avec la ville de Paris, l’Ambassade d’Ukraine et avec le soutien du Ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères

Peu après le début de l’agression russe contre l’Ukraine, le 24 février 2022, le New-York Metropolitan Opera et le Grand Théâtre de Varsovie (Teatr Wielki) réunirent des musiciens ukrainiens, réfugiés de guerre pour certains, afin de fonder l’Ukrainian Freedom Orchestra.

The Ukrainian Freedom Orchestra, Chœur uni Ukranien Symbole et Chœur de l’Armée Française

The Ukrainian Freedom Orchestra, Chœur uni Ukranien Symbole et Chœur de l’Armée Française

Destiné à défendre l’art ukrainien et à redistribuer les bénéfices des concerts aux victimes de l’invasion, l’orchestre initia sa première tournée d’été le 28 juillet 2022, sous la direction de la cheffe d’orchestre canado-ukrainienne Keri-Lynn Wilson, artiste ardemment engagée, avec cœur et détermination, dans cette action de résistance, et inspiratrice de ce projet.

Cette année, c’est l’église Saint-Eustache de Paris, lieu d’inhumation de Jean-Philippe Rameau, qui donne le coup d’envoi de la troisième tournée internationale de l’ensemble qui se poursuivra à Varsovie, Londres, New-York et Washington.

Ukrainian Freedom Orchestra Keri-Lynn Wilson 9e Beethoven St Eustache

Au creux de cet édifice dont la première pierre fut posée en 1532, plus de 300 ans après la première paroisse, le sentiment d’intimité créé par la nef centrale entourée d’un double bas-côté est puissant, malgré sa hauteur vertigineuse.

Après un court discours introductif de la part de Vadym Omelchenko, ambassadeur d’Ukraine, et d’Arnaud Ngatcha, adjoint à la Maire de Paris en charge de l'Europe, des relations internationales et de la francophonie, le chœur, qui réunit chanteurs ukrainiens de la capitale et choristes de l’Armée Française, s’installe en premier, suivi des musiciens. Sont présents parmi les premiers rangs d’honneur, Peter Gelb, directeur du New-York Metropolitan Opera et époux de Keri-Lynn Wilson, et Alexander Neef, directeur de l’Opéra national de Paris.

Keri-Lynn Wilson

Keri-Lynn Wilson

Le concert ouvre avec ‘Bucha Lacrimosa’, pièce de Victoria Vita Polevá créée suite au massacre perpétré par les Russes au nord-ouest de Kyiv au début de la guerre. Les accords finement aigus du violon solo, Marko Komonko, flottant au dessus de l’évanescence orchestrale, évoquent la légèreté d’une âme slave qui finit par être rattrapée par la menace.

La rythmique devient de plus en plus stridente, et les vents assombrissent l’atmosphère jusqu’à ce qu’une fureur d'une lourdeur d'acier, fortement martelée par Keri-Lynn Wilson, balaye la clarté insouciante initiale, pour ne laisser place qu’à un dernier souffle abattu qui s’évanouit dans le silence.

La compositrice remerciera avec beaucoup de gratitude tous les musiciens pour cette interprétation très forte, sous le regard heureux et bienveillant de la cheffe d’orchestre.

The Ukrainian Freedom Orchestra, Chœur uni Ukranien Symbole et Chœur de l’Armée Française

The Ukrainian Freedom Orchestra, Chœur uni Ukranien Symbole et Chœur de l’Armée Française

Puis, la pièce centrale, la ‘9e symphonie’ de Beethoven, poème en musique universellement célèbre qui fête ses 200 ans d’existence, développe son premier mouvement avec un dramatisme d’emblée implacable. A plusieurs reprises se fera entendre un alliage de cordes et de cuivres à l’explosivité éclatante, alors que le sentiment d’harmonie s’installe très rapidement dans l’acoustique de cette église qui instille inévitablement un certain sentiment d’irréalité.

Contrebasses et violoncelles manœuvrent puissamment, mais le détail des phrases les plus vivaces se dissout également du fait du temps de réverbération qui règne à l'intérieur du transept.

Keri-Lynn Wilson

Keri-Lynn Wilson

Chaleur et luminosité de fin de jour irriguent l’ensemble de l’interprétation dont le troisième mouvement, un très bel adagio, prend en ce lieu tout son pouvoir de suspension temporelle, les mélodies des vents se réfléchissant avec enchantement à travers la complexité architecturale des volumes de l’édifice.

Andrii Kymach (Baryton-Basse)

Andrii Kymach (Baryton-Basse)

Le tant attendu final choral prend une tournure plus politique à travers un ’Ode à la Joie’ qui remplace ‘Freude’ par ‘Slava’, et réinterprète en ukrainien la partie chantée des quatre solistes.

Le chant de l’ensemble des chœurs reste très doux, porté par l’élégance de Keri-Lynn Wilson, et les accents slaves des chanteurs (Olga Bezsmertna, Nataliia Kukhar, Valentyn Dytiuk et Andrii Kymach) transmettent un esprit qui est un véritable appel à embrasser le cœur de tout un peuple.

Keri-Lynn Wilson et l'ensemble des musiciens

Keri-Lynn Wilson et l'ensemble des musiciens

Ovation sans retenue de la part des auditeurs, grand moment de joie pour tous les artistes, nous aurons aussi la chance d’entendre en bis l’adaptation de l’hymne national d’Ukraine que composa Yuri Shevchenko, désormais décédé, quelques jours après le début de l’invasion, ‘We are !’, une mélopée traversée de réminiscences nostalgiques.

Grande fierté et grande unité se dégagent de l’Ukrainian Freedom Orchestra, l’âme de ce concert en fait toute son humble puissance!

Le site de l'Ukrainian Freedom Orchestra.

The Ukrainian Freedom Orchestra - Eglise Saint-Eustache, 12 juillet 2024

The Ukrainian Freedom Orchestra - Eglise Saint-Eustache, 12 juillet 2024

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Publié le 1 Mai 2024

Anton Bruckner
Symphonie n°8 (Vienne, 18 décembre 1892)
Concert du 24 avril 2024
Philharmonie de Paris, Grande salle Pierre Boulez

 

Anton Bruckner (1824-1896)
Symphonie n°8 en ut mineur, A.117
Version révisée du 10 mars 1890

 

Direction musicale Herbert Blomstedt
Orchestre de Paris
Violon solo (invité) Igor Yuzefovich

Diffusion sur France Musique, le 06 mai 2024 à 20h

Ultérieure à la symphonie n°4 de Johannes Brahms (1885), mais antérieure à la symphonie n°2 de Gustav Mahler (1894), la symphonie n°8 d’Anton Bruckner doit son haut niveau d’inspiration à l’influence d’Hermann Levi, le chef d’orchestre de confession juive à qui Richard Wagner avait confié la direction musicale de la première de ‘Parsifal’ au Festival de Bayreuth, le 26 juillet 1882.

Herbert Blomstedt

Herbert Blomstedt

En effet, ayant rejeté, à l’automne 1887, la partition de la version originale que lui avait envoyé Bruckner et qu’il n’avait pas su comprendre, la santé nerveuse du compositeur en fut fortement affectée.

Mais débuta à ce moment là une période de révision qui concerna la 3e et la 4e symphonie, suivie de la 8e symphonie, qui sera achevée le 10 mars 1890, et enfin la 1er symphonie.

Pour cette raison, la version définitive de la symphonie n°8, totalement réorchestrée, est débarrassée des aspects conventionnels de la première version. Elle évoque dans son premier mouvement l’arrivée grandiose de la Mort, autant que la douceur des souvenirs des êtres aimés dans le troisième, un long adagio d’une demi-heure de temps.

Herbert Blomstedt et l'Orchestre de Paris

Herbert Blomstedt et l'Orchestre de Paris

C’est donc avec une grande émotion que nous retrouvons, à l’approche de ses 97 ans, Herbert Blomstedt à la direction de l’Orchestre de Paris, qu'il engage dans une symphonie que le chef suédois affectionne énormément.

Affaibli, arrivant au bras du 1er violon solo invité, Igor Yuzefovich, il prend pourtant les commandes de l’orchestre avec un esprit réconfortant mêlant rigueur et bienveillance, et développe une lecture qui montre de quelle manière il arrive en permanence à insuffler une respiration d'une grande profondeur au jeu des musiciens. Tout au long de la soirée, de grandes pages d'une plénitude absolue alternent ainsi avec des démonstrations de puissance chevaleresque ardentes.

Herbert Blomstedt

Herbert Blomstedt

Les cuivres, et les trompettes en particulier, sont fondus aux sections de bois et de cordes de façon à suggérer une force sous-jacente explosive sans effets trop clinquants, une très belle clarté se dégage des mouvements lents, détaillés avec un délié caressant d’une irrésistible sensibilité, et l’efficacité théâtrale se double d’une brillante netteté, sans aucun appesantissement. 

Et dans l’acoustique de la Philharmonie, le rendu des nappes de violons dépeint de magnifiques impressions d’irréalité diffuse.

Par sa façon de diriger, se ressent également un grand sens du dialogue avec l’orchestre, une compréhension mutuelle qui préserve sa part de mystère, et qui contribue à rendre ce moment inouï, tant il happe l’auditeur dans un rapport au temps qui le dépasse. 

Herbert Blomstedt et l'Orchestre de Paris

Herbert Blomstedt et l'Orchestre de Paris

Il s’agit véritablement d’une invitation à goûter et à chérir notre présence à la vie, et la joie d’Herbert Blomstedt reste une force d’inspiration toujours aussi peu commune qui fait la valeur de chacune de ses apparitions, car elles ont le pouvoir de recentrer notre rapport au monde.

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Publié le 29 Avril 2024

Vojtěch Saudek (1951-2003) – Erwin Schulhoff (1894-1942) – Paul Hindemith (1895-1963) - Jan Krejčík (1970)
Concert du 23 avril 2024
Goethe Institut, 17 avenue Iena, Paris 16

Vojtěch Saudek
Quatuor à cordes n°2 (1989)

Erwin Schulhoff
11 inventions, op.36 (1921)

Paul Hindemith
Quatuor à cordes 7/6 (1945)

Jan Krejčík
Sur trois poèmes de Paul Celan pour mezzo-soprano, piano et quatuor à cordes (2024)

FAMA Quartet - David Danel et Roman Hranička (violons), Ondřej Martinovský (alto) et Balázs Adorján (violoncelle)
Tomáš Víšek piano
Marie Kopecká Verhoeven mezzo-soprano
Jan Krejčík direction

En hommage au centenaire de la disparition de l’écrivain juif tchèque Franz Kafka, le 03 juin 1924, le Goethe Institut présente en partenariat avec le Centre tchèque de Paris, sur une scène poétiquement baignée d'un beau bleu luminescent, un concert consacré au destin des familles post-Kafka, dont les vies ont été bouleversées par l’histoire tragique des années 30 et la Seconde Guerre mondiale.

Marie Kopecká Verhoeven, David Danel, Jan Krejčík et Roman Hranička

Marie Kopecká Verhoeven, David Danel, Jan Krejčík et Roman Hranička

Le mardi 11 décembre 1990 à 18h30, dans le cadre d’une soirée intitulée ‘Musique à Terezin’, en mémoire du camp de concentration où furent déportés, au nord de Prague, un certain nombre de compositeurs tchèques, Radio France confia une carte blanche à Vojtěch Saudek, petit neveu de Kafka par sa mère, au cours de laquelle le Quatuor Martinu créa son second quatuor à cordes.

Ce soir, le quatuor praguois FAMA, que l’on a pu entendre la veille au Centre tchèque de Paris au cours d’une soirée dédiée aux compositeurs contemporains, interprète ce quatuor méditatif aux sons ténus qui se développent en entrecroisements complexes de traits vifs et insaisissables. 

Les résonances des instruments ont un caractère très pictural - la matière boisée se ressentant fortement -, et cette énergie virevoltante et très piquée renvoie à des sentiments nostalgiques, sans fard et très intimes. Les pensées du compositeur sont en fait tournées vers ses grands parents qu’il ne connut jamais, mais dont il récupéra des lettres décrivant leurs impressions sensibles.

Tomáš Víšek (11 inventions, op.36 d'Erwin Schulhoff)

Tomáš Víšek (11 inventions, op.36 d'Erwin Schulhoff)

Puis Tomáš Víšek, pianiste tchèque né en 1957 et inspiré par l’excès de pathos de la pianiste soviétique Valentina Kameníková (1930-1989), prend seul possession de la scène pour emmener le public dans l’univers d’Erwin Schulhoff, pianiste juif praguois qui ne fut plus joué en Allemagne dès les années 30, et qui fut arrêté au moment de la rupture du pacte germano-soviétique et mis au camp de prisonnier de Würzburg, où il mourut en 1942 à l’âge de 48 ans.

Ses ‘11 inventions’ de 1921 sont dédiées à Maurice Ravel, et Tomáš Víšek les restitue avec beaucoup d’intensité en chargeant le son de noirceur et de gravité saisissantes, tout en ayant un jeu d’un allant direct et radical. La profondeur de son attachement à cette musique se lit dans son visage fort, bien qu'il limite ses expressions au cours de l’interprétation.

FAMA Quartet - David Danel et Roman Hranička (violons), Ondřej Martinovský (alto) et Balázs Adorján (violoncelle)

FAMA Quartet - David Danel et Roman Hranička (violons), Ondřej Martinovský (alto) et Balázs Adorján (violoncelle)

Paul Hindemith, Allemand, fut lui aussi marqué par la montée du nazisme et dut s’exiler aux États-Unis.

Le quatuor FAMA revient pour jouer son dernier quatuor à cordes composé à la fin de la Seconde Guerre mondiale. On retrouve une écriture plus douce et joyeuse, mais incarnée par la rusticité des tessitures des cordes d’un virtuosité très assurée.

Marie Kopecká Verhoeven et David Danel

Marie Kopecká Verhoeven et David Danel

Enfin, le dernier moment de ce riche concert est dédié à Paul Celan, un des plus grands poètes de langue allemande d’après-guerre, né à Tchernivtsi (Ukraine), qui passa par un camp de travail forcé, après le décès de ses parents en camp d’internement.

Jan Krejčík a composé en sa mémoire une pièce sur trois de ses poèmes qui convoque quatuor à cordes, piano et mezzo-soprano.

Tous les artistes se retrouvent sur scène, y compris le compositeur en tant que directeur de l’ensemble, et la musique combine très étroitement la rythmique saccadée des cordes, d’une part, et la liquidité du toucher du piano, d’autre part, selon une évolution graduelle et continue qui rappelle beaucoup les compositions minimalistes et répétitives du compositeur américain John Adams

Marie Kopecká Verhoeven y adjoint son timbre de mezzo aux vibrations agiles, afin de mêler une voix humaine à ce flux électrique et effervescent qui s'arrête, finalement, sur une rupture nette et abrupte.

Marie Kopecká Verhoeven, Tomáš Víšek, David Danel, Roman Hranička, Ondřej Martinovský, Balázs Adorján et Jan Krejčík

Marie Kopecká Verhoeven, Tomáš Víšek, David Danel, Roman Hranička, Ondřej Martinovský, Balázs Adorján et Jan Krejčík

Une expérience sonore qui trouve son unité dans un esprit de mémoire sans mettre à l’écart une vraie joie ludique, et qui laisse place, à travers toutes ces compositions, à un imaginaire fortement en éveil.

Jan Krejčík et Marie Kopecká Verhoeven

Jan Krejčík et Marie Kopecká Verhoeven

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Publié le 27 Avril 2024

Quatuor FAMA (Srnka Adamek Rataj Krejcik) Centre Tchèque-Paris
Parcours croisés de créations contemporaines de Miroslav Srnka (1975), Ondřej Adámek (1979), Jakub Rataj (1984) et Jan Krejčík (1974)
Concert du 22 avril 2024
Centre Culturel Tchèque, 18 rue Bonaparte, Paris 6

Miroslav Srnka
That long town of White to cross - pour violon solo (2004)
Here With You - pour violon et violoncelle (2011/2016)

Ondřej Adámek
Rapid Eyes Movements (2003-05) - pour quatuor à cordes

Jakub Rataj
STRIA (2023-24) - pour violoncelle solo - création mondiale
Transition - pour quatuor à cordes (2018/2024)

Jan Krejčík
Emaux coulés de Jitka Válová (2024) - pour quatuor à cordes - création mondiale

FAMA Quartet : David Danel et Roman Hranička (violons), Ondřej Martinovský (alto) et Balázs Adorján (violoncelle)

Programme composé par Marie Kopecká Verhoeven


Ce ne sont pas moins de quatre compositeurs tchèques contemporains, dont deux présents ce soir au Centre Culturel Tchèque, Jakub Rataj et Jan Krejčík, que le quatuor FAMA, ensemble fondé à Prague en 2005 par des musiciens de grands orchestres nationaux, a le plaisir de jouer avec une passion sans faille.

Quatuor FAMA

Quatuor FAMA

Le premier de ces compositeurs, Miroslav Srnka, est déjà l’auteur de plus de 60 pièces depuis ‘Podvrhy / The Falsifications’ (1998).  En ouverture de ce concert, le violoniste David Danel interprète l’une de ses œuvres pour instrument solo ‘That long town of White to cross’, qui fut créée le 20 juin 2004 à Lysice par la violoniste morave Hana Kotková.

Dans une tessiture très aigüe, l’espace est tailladé de frémissements fins et mystérieux, de traits rêches adoucis par des tremolos, et de sinuosités qui font ressortir des sonorités étranges que l’on n'imaginerait pas émaner d’un violon. Ce monde imagé et rude cherche à illustrer le poème d’Emily Dickinson, ‘It can’t be ‘Summer’ !’ , qui décrit les impressions d’un monde situé entre l’hiver et le printemps, ce qui est tout à fait de saison.

David Danel

David Danel

Puis, David Danel est rejoint par Balázs Adorján pour interpréter une pièce plus récente, ‘Here With You’, créée à Fribourg le 06 octobre 2016. Ce qui est étonnant dans ce duo très subtil qui étire des sonorités à l’infini, est d’entendre comment les deux instruments se fondent dans les aigus, le violoncelle pouvant aussi creuser des résonances graves éphémères qui donnent subitement du volume à l'ensemble.

Pour mieux découvrir Miroslav Srnka, il sera possible d’entendre les créations françaises de ‘Milky Way’ (2019), le 27 mai 2024 au studio de la Philharmonie, et de ‘Superorganisms’ (2022) par l’Orchestre de Paris, le 12 juin 2024 à la Philharmonie, sous la direction de Klaus Mäkelä.

Roman Hranička

Roman Hranička

Nous retrouvons ensuite le Quatuor FAMA au complet pour évoquer Ondřej Adámek, compositeur d’une trentaine d’œuvres depuis la création de ‘Rapid Eye Movements’ à l’IRCAM en avril 2005 sous la direction de Jan Krejčík, qui est reprise à cette occasion sans dispositif électronique.

Entêtants sont ces mouvements de machines illustrés par les cordes frottées, ainsi que cette profusion de croisements de lignes saccadées et d’ondulations qui alternent rythmique incisive et passages très ludiques. Le plus étonnant est de voir comment les quatre musiciens se répondent, les voix de chacun ayant la même importance, ce que l’on ressent beaucoup plus rarement dans les concerts classiques traditionnels.

Balázs Adorján

Balázs Adorján

La seconde partie du concert est dédiée aux deux compositeurs présents en salle et à leurs créations.
Balázs Adorján revient seul sur scène afin de présenter en création mondiale ‘STRIA’ de Jakub Rataj, l’auteur d’une quarantaine d’œuvres et de musiques de films souvent associées à des univers électro-acoustiques.

Ce moment est très impressionnant par la façon dont le violoncelliste semble littéralement engagé avec son instrument de musique dans un corps à corps physique et profond, afin de faire ressortir de la matière un chant expressif et rugueux.

Jakub Rataj (compositeur) et David Danel (violon)

Jakub Rataj (compositeur) et David Danel (violon)

Le quatuor FAMA se forme à nouveau autour de lui afin de jouer une autre pièce du compositeur, ‘Transition’, créée en 2018 pour flûte basse et quatuor, mais retravaillée sous une autre forme ce soir. 

Les attaques des archets sont très franches, les traits saillants et d’une grande force de caractère, avec toujours d’étourdissants effets de variations de vibrations.

David Danel et Roman Hranička (violons), Ondřej Martinovský (alto)

David Danel et Roman Hranička (violons), Ondřej Martinovský (alto)

Enfin, c’est une pièce en quatre mouvements d’environ 4 minutes chacun que présente Jan Krejčík, ‘Emaux coulés de Jitka Válová’, inspirée par le travail de gravure sur verre de l’artiste tchèque disparue en 2011. 

D’une écriture précise et élégamment striée, avec des touches également très acérées, l’évocation est sémillante, parfois finement spasmodique, et décrit un tissage d’effets lumineux tenus qui s’enrichissent de couleurs vives et bariolées, avec aussi des moments de lentes variations de nuances.

Balázs Adorján (violoncelle) et Jan Krejčík (compositeur)

Balázs Adorján (violoncelle) et Jan Krejčík (compositeur)

Au delà du paysage sonore unique proposé pendant plus d’une heure de musique, ce sont la proximité avec les instruments et les musiciens, et les formes abstraites qui sont maniées à travers ces compositions, qui font ressentir un esprit qui invite aussi l’auditeur à se laisser imprégner de toutes ces ondes qui suscitent images en relief et souvenirs propres à chacun.

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Publié le 17 Janvier 2024

Derya Türkan et Erdal Erzincan – Musique alévi et bektashi
Concert du 13 janvier 2024
Théâtre de la Ville – Les Abbesses

Kamânche Derya Türkan
Bağlama Erdal Erzincan 

Minorité religieuse musulmane qui connut une forte répression sous l’empire Ottoman dès le XVIe siècle, l’alévisme bektashisme est une spiritualité qui touche 16 millions de Turcs d’Anatolie et qui se veut libre dans l’interprétation du Coran. La femme est l’égale de l’homme, et l’alcool n’est pas interdit.

Derya Türkan (Kamânche) et Erdal Erzincan (Bağlama)

Derya Türkan (Kamânche) et Erdal Erzincan (Bağlama)

Le principal opposant de Recep Tayyip Erdogan à l’élection présidentielle de 2023 était Kemal Kiliçdaroglu qui se revendiquait de ce courant. Il obtint 48% des voix.

Le retour de Derya Türkan et Erdal Erzincan au théâtre des Abbesses, deux ans après leur premier duo donné en première mondiale en ce lieu, est l’occasion de découvrir les mélodies inspirantes issues du confins de l’Anatolie.

Derya Türkan (Kamânche)

Derya Türkan (Kamânche)

Le Kamânche de Derya Türkan, sobre et constitué de trois cordes, est un instrument dont les origines profondes sont perses. 

Joué avec un archet – anciennement, cette vièle s’appréhendait manuellement avec une technique staccato -, il en sort une sonorité virtuose très fine, majestueusement étirée et imprégnée d’authenticité, qui évoque des horizons lointains, comme des chants tournés vers les cieux qui touchent l’âme très haut.

Erdal Erzincan (Bağlama)

Erdal Erzincan (Bağlama)

Erdal Erzincan y mêle le son délicat et intime du Bağlama, un luth présent de la Grèce jusqu’en Iran en passant par le Caucase et la Turquie. Le musicien s’est intéressé très jeune à cet instrument, et il en joue parfois tout en interprétant de poétiques mélodies au chant vibré qui traduisent une joie, ou bien une peine, on ne sait, profondément nostalgique.

La salle est pleine, le public extrêmement attentif, et l’envoûtement chaleureux se vit en totale communion avec l’esprit d’une région éloignée et située à la jonction de l’Europe et des traditions orientales.

Derya Türkan (Kamânche) et Erdal Erzincan (Bağlama)

Derya Türkan (Kamânche) et Erdal Erzincan (Bağlama)

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Publié le 17 Décembre 2023

Symphonie n°6 (Gustav Mahler - 27 mai 1906, Essen)
Concert du 09 décembre 2023
Paroisse Notre Dame du Travail – Paris

 

Symphonie n°6 en la mineur ‘Symphonie tragique’
Allegro energico, ma non troppo. Heftig, aber markig
Scherzo. Wuchtig
Andante moderato
Finale. Allegro moderato — Allegro energico

Direction musicale Maxime Pascal
Orchestre Impromptu

 

A l’entrée de l’hiver, du 08 au 17 décembre 2023, l’Orchestre Impromptu offre, en entrée libre, au sein de trois édifices religieux différents de la capitale, la Paroisse Notre Dame du Travail (14e), l’Église Saint-Pierre-de-Chaillot (16e) et Notre-Dame du Perpétuel Secours (10e), une impressionnante représentation de la '6e symphonie' de Gustav Mahler, celle que son épouse, Alma Mahler, indiquait être ‘la plus foncièrement personnelle qu'il ait jamais écrite, celle qui lui a jailli le plus directement du cœur’.

Maxime Pascal et l'Orchestre Impromptu

Maxime Pascal et l'Orchestre Impromptu

Selon les soirs, deux chefs d’orchestre se répartissent la direction, Maxime Pascal pour la première série, et Othman Louati pour la seconde, tous deux issus du Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris.

L’Orchestre Impromptu est un grand orchestre amateur de plus de cent musiciens fondé en 1994, qui célébrera ainsi ses 30 ans en 2024, et qui produit chaque année en public une dizaine de concerts dans des églises ou des salles musicales de Paris et d’Île de France.

Ce soir, à la Paroisse Notre Dame du Travail, édifice doté d’une architecture moderne et aérée dont le fer provient du Palais de l'industrie de l'Exposition universelle de 1855, c’est Maxime Pascal qui assure la direction de la '6e symphonie' de Gustav Mahler.

Nef de la Paroisse Notre Dame du Travail

Nef de la Paroisse Notre Dame du Travail

Ce jeune chef d’orchestre dirige l’Orchestre Impromptu depuis 2007, et est également connu pour être le fondateur en 2009 de l’ensemble Le Balcon.

Et pour bien cerner le talent de ce jeune artiste atypique et très curieux, il est possible de l’entendre régulièrement aux Festivals d’été d’Aix-en-Provence et de Salzbourg, et il fait même partie de la liste des 7 chefs d’orchestre que ‘Le Figaro’ a mis en avant dans son édition du 24 octobre 2023 pour succéder à Gustavo Dudamel à la direction de l’Opéra national de Paris.

C’est ainsi avec un enthousiasme débordant et une rigueur rythmique infaillible qu’il mène les musiciens à travers ce voyage dans les ombres et le fracas de la ‘Symphonie Tragique’ de Gustav Mahler – les deux batailles, ‘Allegro energico’ et ‘Scherzo’ sont jouées toutes deux à la suite, avant l’’Andante’ - , dont il tire une excellente unité et une souplesse de forme harmonieuse qui montre d’emblée que cet ensemble n’a pas à rougir au côté des orchestres professionnels français.

Orchestre Impromptu - Maxime Pascal - 6e symphonie de Mahler

De plus, l’acoustique très favorable de la Paroisse Notre Dame du Travail, moins réverbérée que dans d’autres édifices semblables, permet de bien cerner les détails et les accords des différents instruments. Un inévitable, mais mesuré, tassement du son dans les graves reste toutefois perceptible.

Maxime Pascal est absolument fascinant par son engagement physique, insufflant de la tension avec un vrai sens des contrastes, mais aussi de la légèreté dansante, avec une saisissante capacité à redresser l’architecture de l’orchestre pour ensuite le mener à une cadence strictement militaire dans cette marche qui capte fortement l’auditeur.

On peut même l’entendre romantiser le troisième mouvement avec une onctueuse richesse de son, alors que l’orchestre dispense aussi une très belle lumière dans les évanescences aiguës.

Maxime Pascal et l'Orchestre Impromptu

Maxime Pascal et l'Orchestre Impromptu

Le mélange des vents et des cordes et les couleurs qui en ressortent montrent aussi que l’orchestre s’approprie avantageusement le mysticisme mahlérien, et réentendre ces motifs de cuivres à la fois élégiaques et menaçants qui annoncent une fin terrible, crée ensuite une rémanence d’impressions d’inéluctable qui ne vous lâche plus.

Le coup de tonnerre final explose ainsi avec une netteté imparable, et Maxime Pascal arrive enfin à obtenir un très long silence à la toute fin – peut-être d'une durée d'une vingtaine de secondes, voir plus -, ce qui vaut aux musiciens et au chef d’obtenir une standing ovation soudaine et innée de la part du public.

Le site de l'Orchestre Impromptu : Orchestre Impromptu SITE OFFICIEL

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Publié le 28 Novembre 2023

Concours international Grand Prix Long-Thibaud 2023
Concert du 26 novembre 2023
Université Paris II Panthéon-Assas

Les lauréats
Miyu Kitsuwa (Concerto pour violon en ré majeur de Tchaïkovski)
Vikram Francesco Sedona (Concerto pour violon en ré majeur de Brahms)
Bohdan Luts (Concerto pour violon en ré majeur de Sibelius)
Koshiro Takeuchi (Concerto pour violon en ré majeur de Brahms)
Dayoon You (Concerto pour violon en ré majeur de Sibelius)

Direction musicale François Boulanger
Orchestre Symphonique de la Garde Républicaine

Jury
Sarah Nemtanu, Jean-Jacques Kantorow, Akiko Suwanai, Silvia Marcovici, Boris Kuschnir, Sergey Khachatryan, Marc Laforet, Jean-Claude Casadesus

Pour ses 80 ans d’existence, et sa 42e édition consacrée cette année au violon, le Concours Long-Thibaud a reçu 106 candidats originaires de 32 pays différents, mais seuls 21 artistes ont pu participer aux éliminatoires à partir du 22 novembre, et seuls 5 se sont retrouvés en finale ce dimanche après-midi.

Bohdan Luts

Bohdan Luts

Ce concours initié par la pianiste Marguerite Long (1874-1966) et le violoniste Jacques Thibaud (1880-1953) a accueilli de grands interprètes tels Samson François (1er prix en 1943), Aldo Ciccolini (1er prix en 1949), Ivry Gitllis (5e prix en 1951), Elisabeth Leonskaïa (3e prix en 1965), Cédric Tiberghien  (1er prix en 1998) ou Deborah Nemtanu (4e prix en 2002).

Le jury est composé cette année de 6 violonistes, Sarah Nemtanu, Jean-Jacques Kantorow, Akiko Suwanai, Silvia Marcovici, Boris Kuschnir, Sergey Khachatryan, un pianiste, Marc Laforet, et un chef d’orchestre et compositeur, Jean-Claude Casadesus.

 Marc Laforet, Sergey Khachatryan, Jean-Jacques Kantorow, Jean-Claude Casadesus, Akiko Suwanai, Sarah Nemtanu et Silvia Marcovici

Marc Laforet, Sergey Khachatryan, Jean-Jacques Kantorow, Jean-Claude Casadesus, Akiko Suwanai, Sarah Nemtanu et Silvia Marcovici

La finale se déroule au sein du grand amphithéâtre de l'université Paris 2 Panthéon-Assas, d’une capacité de 1800 places, qui a repris depuis 2015 ses activités de concerts classiques interrompues pendant 40 ans. De nombreux étudiants, mais également des musiciens professionnels, des mécènes, des politiques, la presse, et bien sûr les organisateurs, sont réunis à cette occasion.

Miyu Kitsuwa

Miyu Kitsuwa

Au cours d’un programme qui dura de 14h à 18h30, sous la conduite de François Boulanger à la direction de l’Orchestre Symphonique de La Garde Républicaine, jury et spectateurs ont ainsi pu apprécier la technicité et la personnalité de chacun des violonistes, que ce soit la vivacité exacerbée de Miyu Kitsuwa dans le ‘Concerto pour violon en ré majeur’ de Tchaïkovski, le baume du toucher doucereux et séducteur de Vikram Francesco Sedona dans le ‘Concerto pour violon en ré majeur’ de Brahms que le très jeune Koshiro Takeuchi, d’allure réservée, reprendra avec une souplesse très fine, puis deux interprétations du ‘Concerto pour violon en ré majeur’ de Sibelius, l’une d’abord exécutée par Bohdan Luts, la posture fière et arquée évoquant une grande puissance intérieure, les vibrations de l’archet d’une forte densité donnant le sentiment d’un jeu très engagé, farouche et maîtrisé, et l’autre jouée par Dayoon You dont on entend la teneur démonstrative s’affirmer avec un superbe travail sur les nuances et la flexibilité.

Koshiro Takeuchi

Koshiro Takeuchi

C’est uniquement à 20h que les 5 finalistes seront invités à revenir ensemble sur la scène de l’amphithéâtre pour l’annonce du palmarès, alors qu’au même moment, Gerard Bekerman, économiste, pianiste et président de la fondation Long-Thibaud depuis mai 2021, soulignera avec beaucoup de bienveillance l’importance de leur talent pour la musique et son lien à la société.

Miyu Kitsuwa, Vikram Francesco Sedona, Bohdan Luts, Koshiro Takeuchi et Dayoon You

Miyu Kitsuwa, Vikram Francesco Sedona, Bohdan Luts, Koshiro Takeuchi et Dayoon You

Étudiante originaire de Yokohama, Miyu Kitsuwa, 22 ans, remporte le 5e prix, prix SAS Le prince Albert II de Monaco d’une valeur de 6.000 €.

Vikram Francesco Sedona, né à Trévise en 2000, remporte le 4e prix, prix de la Ville de Paris d’une valeur de 8.000 €.

Koshiro Takeuchi, 18 ans, étudiant au Tokyo College of Music High School, décroche le 3e prix, prix de la Fondation Michelin d’une valeur de 12.000 €.

Dayoon You, 22 ans, obtient le 2e prix, prix de la Fondation BNP Parisbas d’une valeur de 20.000 €, 9 ans après le 4e prix de la violoniste sud-coréenne Kyung Ji Min.

Et c’est donc l'impressionnant ukrainien Bohdan Luts, né à Lviv le 28 novembre 2005, qui remporte le 1er prix du Concours international Long-Thibaud 2023 d’une valeur de 35.000 €, mais également le prix de la presse et le prix du public d’une valeur de 8.000 €.

Bohdan Luts

Bohdan Luts

Ce jeune violoniste, qui a donné son premier concert au Lviv Philharmonic Hall en 2012, suit actuellement l’enseignement de Renaud Capuçon, Guillaume Chilemme et Oleg Kaskiv à l’International Menuhin Music Academy à Rolle en Suisse.

Vikram Francesco Sedona, Bohdan Luts et Koshiro Takeuchi

Vikram Francesco Sedona, Bohdan Luts et Koshiro Takeuchi

Il a tenu, ce soir, à dire quelques mots en anglais en invitant chacun d’entre nous à n’avoir de pensées que pour ceux qui vivent des moments difficiles dans le monde, puis il a réinterprété le ‘Concerto pour violon en ré majeur’ de Sibelius avec une approche plus posée mais toujours avec la même fascinante détermination.

Il le rejouera également le lendemain au Théâtre des Champs-Elysées avec l'Orchestre symphonique de la Garde républicaine, la veille de la célébration de ses 19 ans.

L'intégralité de la finale du concours Long-Thibaud 2023

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