Histoire de l'Opéra, vie culturelle parisienne et ailleurs, et évènements astronomiques. Comptes rendus de spectacles de l'Opéra National de Paris, de théâtres parisiens (Châtelet, Champs Élysées, Odéon ...), des opéras en province (Rouen, Strasbourg, Lyon ...) et à l'étranger (Belgique, Hollande, Allemagne, Espagne, Angleterre...).
Peu médiatisée car dédiée aux artistes et collaborateurs qui travaillèrent avec lui, la soirée organiséepar Peter De Caluwe en hommage à Gerard Mortier fut l’occasion de réunir une grande partie de sa famille artistique et personnelle.
Sylvain Cambreling
On pouvait déjà croiser au Dominican - hôtel situé face à l’entrée des artistes - Krzysztof Warlikowski, Malgorzata Szczesniak, Christine Schäfer, Christoph Marthaler, Bernard Foccroulle, Jan Vandenhouwe, puis, dans la salle, Karl-Ernst et Ursel Herrmann, Dmitri Tcherniakov, Vesselina Kasarova, Teodor Currentzis, Philippe Boesmans, Viktor Schoner, Joan Matabosch, José van Dam, Peter Sellars, Christoph von Dohnanyi et Sylvain Cambreling.
Vesselina Kasarova
Alors qu’à l’entrée du Théâtre, Peter De Caluwe expliquait à la télévision belge le sens de cette soirée - sa finalité étant de rappeler la philosophie du directeur flamand pour qu’elle puisse se perpétuer -, les ouvreurs distribuaient une magnifique enveloppe.
Sur celle çi, était représenté un homme marchant seul sur l’eau au milieu des vagues, et l'on pouvait y lire un extrait de Cosi fan Tutte ‘Soave sia il vento, tranquilla sia l’onda..’. A la mémoire d'un spectacle mis en scène par Karl-Ernst et Ursel Herrmann, afin d'y recueillir les souvenirs de Gerard Mortier.
Jan Vandenhouwe, Alexander Neef, Viktor Schoner
La soirée se déroula sans interruption, en alternant discours, passages musicaux et vidéographies.
Parmi les fragments des propos retenus, on peut citer la vision d’un monde où la cupidité semble l’emporter, la pensée d’un théâtre comme lieu où nous sommes obligés de vivre ensemble, la paix que l’Art peut amener, la nécessité pour les hommes politiques de s’intéresser à l’Art.
Elzbieta Szmytka
Et il y en eut des témoignages, en français, en anglais, en allemand et en flamand, Dmitri Tcherniakov rappelant ainsi à quel point Mortier était ‘Full of Romanticism', ou bien Peter Sellars rapportant comment Mortier était revenu d'Allemagne à Madrid très amaigripour accueillir Violeta Urmana, à l’occasion des répétitions de Tristan & Isolde, avec un très beau bouquet de fleurs. Ensuite, il rentra simplement chez lui. On comprend surtout à quel point il était le protecteur de nombres d’artistes, et à quel point sa disparition laisse non seulement de la peine, mais également beaucoup d’inquiétude. Et pas uniquement dans le cœur des artistes.
Teodor Currentzis
Musicalement, la soirée débuta avec ‘Du bist die Ruh’, interprété par José van Dam, et se poursuivit avec une pièce de Kaija Saarahiao, jouée depuis une loge de côté, puis ‘Quatuor pour la fin des temps’ d’Olivier Messian, ‘Nun will die Sonn' so hell aufgehn’ de Gustav Mahler - chanté par Vesselina Kasarova -, un air de ‘L’enlèvement au Sérail’ par la soprano polonaise Elzbieta Szmytka, jusqu’au final du Requiem de Verdi dirigé par Teodor Currentzis, suivi, pour conclure, du trio de Cosi fan Tutte mené par Sylvain Cambreling.
Peter Sellars
Les vidéos montrèrent tout de Gerard Mortier, des situations banales et humoristiques – lorsqu’il fait le plein dans une station-service – jusqu'à de grandes interviews données dans le cadre du Palais Garnier, en passant sur ses réflexions de jeunesse, son goût pour les personnes non pas intellectuelles mais intelligentes, son art de l’improvisation, son côté "Homme de la Renaissance".
Dmitri Tcherniakov
Après plus de trois heures d’un hommage qui a su si bien conserver la joie du souvenir, il fut finalement offert, à la sortie, deux petits livrets, l’un sur Mortier et son engagement envers l’Art et l’Europe, l’autre, intitulé 'Lof van Sisyphus’, qui est un hommage de Gerard Mortier à Hugo Clauslezing, poète flamand dont il se sentait très proche.
Vernika Dzhioeva et Teodor Currentzis (Requiem de Verdi)
Don Giovanni (Wolfgang Amadé Mozart) Représentation du 26 mai 2014 Théâtre Firmin Gémier La Piscine Châtenay-Malabry
Artistes de l’Atelier Lyrique / Opéra de Paris Don Giovanni Piotr Kumon Il Commendatore Kakhaber Shavidze Donna Anna Olga Seliverstova Don Ottavio Oleksiy Palchykov Donna Elvira Andreea Soare Leporello Pietro Di Bianco Masetto Nemanja Milicevic Zerlina Adriana Gonzalez
Direction musicale Alexandre Myrat Mise en scène Christophe Perton Scénographie Barbara Creutz Malgorzata Szczesniak
Piotr Kumon (Don Giovanni)
Depuis les premières représentations de Don Giovanni au MC93 de Bobigny, les jeunes artistes de l’Atelier Lyrique poursuivent leur tournée autour de Paris pour chercher à atteindre un public qui ne vient pas couramment à l’Opéra. Et tous ces collégiens et lycéens qui sont venus investir l’entière salle du Théâtre de La Piscine ont dû retrouver dans la mise en scène des comportements humains qui les questionnent sur eux-mêmes.
Christophe Perton, le metteur en scène, cherche à travers le mythe de Don Giovanni à révéler l’humanité de chacun des personnages en les simplifiant, certes, mais de façon à ce que chaque spectateur reconnaisse un ou plusieurs traits de caractères courants de notre époque.
Olga Seliverstova (Donna Anna) et Oleksiy Palchykov (Don Ottavio)
Ainsi voit-on une Zerline – joliment défendue sur scène par Adriana Gonzalez malgré les petites faiblesses des aigus piqués - prête à se livrer très rapidement à Don Giovanni, sans trop se poser de questions vis-à-vis de sa relation à Masetto, jeune homme plutôt paresseux et soumis à la vitalité débordante de sa compagne.
Donna Anna, sous les traits d’une Olga Seliverstova surprenante par la densité du timbre auquel ne manque qu’un peu plus de souplesse pour lier les tonalités dramatiques et la finesse des coloratures, apparaît comme une bourgeoise, à priori une femme de valeurs, qui en vient à traiter Don Ottavio avec un mépris tel que lui-même en abandonne sa gentillesse naturelle pour libérer des instincts meurtriers insoupçonnés chez ce personnage généralement sous valorisé.
Oleksiy Palchykov, pour la sensibilité un peu écorchée dont il imprègne son chant, s’attire inévitablement l’enthousiasme touché des spectateurs.
Adria Gracia Galvez (Claveciniste), Piotr Kumon (Don Giovanni) et Andreea Soare (Donna Elvira)
Andreea Soare est déjà connue du public parisien - elle fut Enrichetta dans I Puritani à l’Opéra Bastille. Sa Donna Elvira, la plus violente - vocalement parlant - des trois interprètes féminines, représente la femme fidèle à un seul homme quelle que soit sa nature. Pas de dolorisme excessif dans son incarnation, elle mise avant tout sur une sobriété de jeu expressive.
Il est le plus applaudi de la soirée, Pietro Di Bianco, car il a une présence à laquelle personne ne peut échapper. Et pour cause, son premier grand air ‘Madamina, il catalogo e questo !’ est le catalyseur qui concentre tout l’intérêt de la salle, même si la maturité un peu rude de son chant laisse plutôt entendre les prémisses d’un jeune Iago que d’un Leporello cherchant à suivre la finesse vocale de son maître.
Oleksiy Palchykov (Don Ottavio)
Ce maître, Piotr Kumon, n’a pourtant pas une diction suffisamment précise pour rendre justice au charme décadent de Don Giovanni. Il a en revanche l’énergie et l’attractivité physique, bien mise en valeur, pour restituer l’existence de plus en plus diluée de cet homme sans aucun objectif de vie salvateur.
Christophe Perton en fait un homme qui sait d’avance qu’il est condamné à mort – sa blessure rougeoyante issue du combat avec le Commandeur – très bon Kakhaber Shavidze - se révèle au cours du drame – et donc n’a plus rien à perdre en suivant ses instincts sexuels. Le metteur en scène n’hésite même pas à transformer ‘Deh vieni a la finestra’ en une séance de plaisir solitaire devant un spectacle érotique, raillant ainsi la poésie feinte de cet air.
Scène du Bal masqué
Sa scénographie - basée sur un décor de piscine désaffectée conçu par Malgorzata Szczesniak, la fidèle amie et collaboratrice de Krzysztof Warlikowski – place cet univers en marge du monde, tout en le rajeunissant. La scène de bal vécue dans la promiscuité d’une boite de nuit plongée dans des lueurs bleutées fluctuantes est d’un impact visuel tout simplement charmant.
Les séquences vidéo, projetées sur tout l’ensemble, sont aussi judicieusement évocatrices, les croix culpabilisatrices du cimetière, le fantôme du commandeur évoquant la figure paternelle d'Hamlet, ce qui est encore un moyen d’insérer des techniques visuelles modernes. En contraste, le claveciniste en costume d’époque reste la seule référence à un passé révolu.
Kakhaber Shavidze (Il Commendatore)
Néanmoins, à cause de l’acoustique du théâtre, l’interprétation orchestrale noie le son dans une nappe sombre qui amplifie la lourdeur des percussions et ne permet pas d’entendre pleinement toute la finesse des cordes, pourtant bien perceptible. Cette délicatesse de la musique se perd avec dommage, devient plus facilement un soutien théâtral appuyé, mais ne gâte en rien l’esprit d’un spectacle dont le niveau musical est incomparablement supérieur à ce que l’on peut trouver dans nombres de spectacles populaires des capitales européennes – par exemple le Théâtre des Etats, à Prague, où fut créé Don Giovanni.
Les Contes d’Hoffmann (Jacques Offenbach) Version basée sur l’édition de Fritz Oeser Représentation du 17 mai 2014
Teatro Real de Madrid
Hoffmann Eric Cutler La Muse / Nicklausse Anne Sofie von Otter Lindorf / Coppelius Vito Priante Spalanzani Graham Valentine Andres / Cochenille Christoph Homberger Olympia Ana Durlovski Antonia / Giulietta Measha Brueggergosman Stella Altea Garrido La Voix de la Mère Lani Poulson Maître Luther Jean-Philippe Lafont
Scénographie Anna Viebrock Mise en scène Christoph Marthaler Direction Sylvain Cambreling Chœur et orchestre du Teatro Real Coproduction Opéra de StuttgartAnne Sofie von Otter (Nicklausse)
La première des Contes d’Hoffmann de l’Opéra de Madrid aurait dû être une grande soirée en hommage à la direction imaginative de Gerard Mortier. Puisqu’il n’est plus là, Sylvain Cambreling et l’ensemble des artistes ont donc eu la charge de rendre cette représentation la plus éclatante possible, et, comme nous le verrons plus loin, s’il y eut bien la tristesse de cette absence, il y eut également l’ultime pied de nez pour conclure l’épilogue.
Anne Sofie von Otter (Nicklausse)
Cambreling, Marthaler et Viebrock ont l’habitude de travailler ensemble – leur collaboration couvre une douzaine d’ouvrages dont Katia Kabanova, Les Noces de Figaro, La Traviata et Wozzeck – et, pour ces Contes d’Hoffmann, le décor qu’ils ont choisi de reconstituer sur la scène du théâtre est inspiré du Cercle des Beaux-Arts de Madrid, une institution connue pour ses salles d’expositions, sa vue panoramique sur la ville et ses environs – depuis le septième étage – et, surtout, son café qui accueille régulièrement des concerts de Jazz.
Ana Durlovski (Olympia)
La décoration intérieure diffuse, dans toute la salle, sa sensualité féminine, aussi bien sur les toiles murales, les plafonds colorés de lustres ovales, les colonnes blanches surmontées de chapiteaux ioniques et ornées de fins motifs, que sur le sol où repose une nymphe endormie.
Tout évoque avec évidence les obsessions amoureuses d’Hoffmann, mais, si la scénographe a reconstitué nombres d’éléments, les deux statues nues, les chaises ou le bar entier, cette pièce perd de son agréable luminosité pour se transformer en un espace désenchanté que le chœur, grimé en groupe de touristes simplets, vient animer de sa présence de plus en plus désincarnée et vide au cours du spectacle.
Pour figurer la présence d’un monde invisible, Marthaler fait ainsi gesticuler le personnel, dans un premier temps, de façon à montrer l’existence de formes auxquelles il se heurte mystérieusement, puis, fait petit à petit apparaître les personnages racontés par Hoffmann alors que des femmes défilent une à une, toutes les cinq minutes, pour poser nues devant deux peintres concentrés sur leur travail artistique et ignorant le monde environnant.
Il transforme ainsi Olympia en une petite fille modèle mélancolique et droguée qui amuse la galerie de ses artifices vocaux, Antonia comme une jeune chanteuse dépressive, semblable à Whitney Houston, liée malgré elle à une mère qui fut la pire des bourgeoises, et Giulietta, une femme avide de luxe qui pousse encore plus Hoffmann vers le désespoir avec le sourire. Trois femmes influencées et abimées par leur entourage, et le symbole d’un art qui a vendu son âme.
Measha Brueggergosman (Antonia) et Eric Cutler (Hoffmann)
Le personnage le plus intéressant est en réalité Nicklausse, personnage en apparence en marge mais qui prend soin du poète le plus tendrement possible, sans hésiter à le bousculer. Anne Sofie von Otter n’est pas étrangère à la réussite de cette incarnation, vivante et attachante, même si sa ligne de chant n’a plus la pureté et l’élégance qu’elle fut. Il reste le timbre, inimitable.
Anne Sofie von Otter (Nicklausse) et Measha Brueggergosman (Giulietta)
Quant à Hoffmann, Marthaler en montre petit à petit la lente destruction qui, paradoxalement, intensifie sa propre violence et sa propre révolte, ce qui fait sortir Eric Cutler de sa dérive initiale pour mieux y retomber. Pour lui aussi, le phrasé manque de clarté ce qui sera une constante chez la plupart des chanteurs.
Measha Brueggergosman, en Antonia et Giulietta, possède dans la voix des vibrations qui, finalement, lui donnent un charme fragile et humain, elle compose deux très belles femmes de caractère, transpose certains aigus – dans le cas d’Antonia – et elle a pour elle cette beauté noire qui la rend fascinante.
Ana Durlovski, elle, se joue facilement des virtuosités d’Olympia, et son timbre contient en lui-même des couleurs mélancoliques qui accentuent la tonalité de ce passage absolument pas joyeuse voulue par Marthaler.
Parmi les rôles masculins, Vito Priante a beaucoup de mal à imposer le caractère pourtant central de Lindorf. Il s’en sort mieux dans l’acte d’Antonia qui met plus en valeur la richesse de son médium. Graham Valentine, acteur né, marque surtout pour les déformations comiques de sa voix et son incarnation dingue de Spalanzani.
Gerard Mortier et Anna Viebrock (Photo La Revista del Real)
Et Jean Philippe Lafont peut compter sur sa forte présence, et une coloration grise du timbre qui ne fait qu’évoquer le Macbeth qu’il fut par le passé.
Christoph Marthaler ne réussit cependant pas toujours à maintenir un intérêt scénique constant, car il doit composer avec le choix de la partition basée sur l’édition de Fritz Oeser (1976)
Measha Brueggergosman (Giulietta) et Eric Cutler (Hoffmann)
Cette version, que Sylvain Cambreling a déjà gravé au disque en 1988, est en plus complétée par des éléments que le chef d’orchestre a retrouvé dans les archives de la Bibliothèque Nationale de France lors de son passage à Paris.
L’œuvre s’étend ainsi sur plus de trois heures vingt, soit plus d’une demi-heure que la version utilisée par Robert Carsen à l’Opéra National de Paris.
Eric Cutler (Hoffmann) et Anne Sofie von Otter (La Muse)
Dès l’ouverture, la tonalité du chœur est modifiée, de nombreux passages musicaux viennent s’insérer dans le prologue jusqu’à l’acte de Giulietta profondément différent.
Et l’on retrouve la lenteur des tempi de Cambreling présents dans son enregistrement EMI. Mais ce qu’il fait entendre de la partition dépasse de loin ce que l’on est habitué à entendre chez Offenbach. La musique est traversée d’ombres et de lumières somptueuses proche d’un Grand Verdi - comme le Don Carlo que dirigea Teodor Currentzis à l’Opéra Bastille. Il donne une dimension tellement fantastique au drame que l’on en vient même à regretter que cette interprétation ne soit pas associée à une mise en scène plus sombre et dramatique. Le son est prodigieux, l’architecture orchestrale souple et hédoniste, jusque dans les finals où les percussions brillent sans fracas. Et les variétés de cisèlements dynamiques font tout autant penser à la vitalité piquante de Mozart.
Anne Sofie von Otter, Christoph Marthaler, Sylvain Cambreling et Anna Viebrock
Cambreling est ainsi le grand enchanteur de cette soirée, auquel s’associe un chœur magnifique d’inspiration et d’une beauté triste et nostalgique.
Le pied de nez vient cependant à la toute fin, quand Stella prend la parole pour réciter un poème de Fernando Pessoa, Ultimatum, écrit après la Première Guerre Mondiale. Marthaler et Viebrock renvoient vers le public un texte ultra violent envers les politiciens, intellectuels et bourgeois de l’époque pour réclamer de grands politiciens, poètes et généraux capables de construire une Grande Europe.
Ce cri de désespoir, à prendre tel quel, n’a pas manqué de faire réagir une partie des spectateurs, sans surprise…
El Circulo de Bellas Artes.
Retransmission de la seconde représentation du 21 mai 2014 en direct sur Mezzo et ConcertArte
Les Contes d'Hoffmann mis en scène par Christoph Marthaler au Teatro Real de Madrid
Chorégraphie Pina Bausch (1975) Ballet de l’Opéra National de Paris
Balthasar-Neumann Ensemble & Chor Direction musicale Manlio Benzi
Marie-Agnès Gillot (Eurydice)
Œuvre de jeunesse créée en 1975 lorsque Pina Bausch rejoignit Wupperthal, près de Düsseldorf, Orphée et Eurydice est reprise pour la troisième fois depuis son entrée au répertoire de l’Opéra National de Paris à la fin du printemps 2005. Cette reprise est le commencement d’une série de rendez-vous avec la Chorégraphe allemande qui se poursuivra, au Théâtre de la ville, avec ‘Palermo Palermo’ (1989), puis, de nouveau, au Palais Garnier, avec ‘Two Cigarettes in the dark’ (1985), en début de saison prochaine.
Florian Magnenet (Orphée)
Sur la scène de ce Palais Garnier, bâtiment dominé par la figure d’Apollon brandissant brillamment sa lyre, justement, la légende d’Orphée y trouve un lieu de représentation presque idéal.
En effet, Pina Bausch a abouti à une expression corporelle qui sublime le drame du deuil à travers de longs épanchements de grâce qui prolongent la pureté des lignes de la musique et des voix chorales écrites par Gluck. Elle révèle le mystère qu’il y a dans cette fascination pour ces mouvements incroyablement plaintifs visant à l’inaccessible, et, à la fois, y imprègne un fin sentiment de joie de vivre à travers la personnification de l’Amour.
Marie-Agnès Gillot (Eurydice) et Stéphane Bullion (Orphée)
Quel plaisir à regarder Muriel Zusperreguy virevolter et venir au pied de Stéphane Bullion pour tenter de lui insuffler ne serait-ce qu’une petite flamme de vie afin de poursuivre son chemin vers le royaume d’Hadès! Et Jaël Azzareti, joli timbre de voix colorature fruité, émerveille d’espérance ce petit rôle essentiel qui reste l’unique lien avec le monde réel.
Mais alors que les délicats drapés noirs des pleureuses s’effacent devant le buste d’Eurydice en voile de mariée, le personnage d’Orphée poursuit sa danse douloureuse et les torsions qui exaltent la perfection antique de son corps. Stéphane Bullion, pour lequel la dernière reprise de ce ballet était une prise de rôle, est toujours aussi captivant. De sa musculature impressionnante se dégage une énergie fauve et forte et un sentiment d’introspection qui peut être pris pour un détachement excessif. Avec les lumières ombrées et ce mélange de poses christiques et érotiques on a ainsi l’impression d’être face à une peinture vivante du Caravage, et c’est un éblouissement de bout en bout.
Florian Magnenet (Orphée) et Agata Schmidt
Florian Magnenet, en recherche d’assurance, fait penser beaucoup plus à un Saint-Sébastien un peu éthéré, adouci par les traits fins du visage, mais dont les expressions trahissent une interprétation mélodramatique un peu en dessous de l’enjeu tragique du récit.
Et les deux Eurydice, selon les soirs, sont deux magnifiques interprètes, l’une, Marie-Agnès Gillot, bouleversante de poésie et le regard éperdu, à la fois merveilleusement fluide et entièrement habitée comme si sa sensibilité émanait de pleurs ne pouvant s’exprimer, et Alice Renavand, plus fière et maitrisée aux cambrures incroyables et parfaites, qui a également dans son regard une noirceur torturée expressive et dramatique qui en est sa force, et même sa marque.
Alice Renavand (Eurydice)
Sa voix n’est pas ample, ses graves sont souvent discrets, et pourtant, Maria Riccarda Wesseling incarne un Orphée avec un sens de la tragédie grecque extrêmement émouvant et un sentiment de fragilité subtilement transmis par les tremblements du timbre. Agata Schmidt, elle, a certes un galbe vocal plus sombre et souple, mais elle n’obtient pas le même effet affectif.
Quant à Yun Jung Choi, elle est à nouveau une Eurydice d’une très grande dignité et d’une très grande sagesse orientale.
En voulant renforcer la puissance tragique de l’ouvrage, Pina Bausch n’a pas conservé son ouverture trop académique afin que la musique commence sur les lamentations pathétiques du chœur. Le Balthasar-Neumann Chor, dissimulé sous la scène, est si élégiaque qu’il dépasse ce pathétisme pour évoquer une plénitude heureuse et religieuse émouvante et lumineuse. Et lorsqu’il s’allie à l’ensemble des danseurs qui laissent exprimer leur peine à la fin du tableau plongé dans la noirceur pacifiée des enfers, il en sublime tout, la souplesse du geste, la beauté des visages et la sculpture de chaque corps. Car ce ballet est aussi une ode aux idéaux de grâce féminine et de puissance masculine.
Face à cet univers au-delà du réel, Manlio Benzi étire les sonorités du Balthasar-Neumann Ensemble afin d’en gorger d’intensité la fosse et la salle, et peint une ambiance musicale où les motifs des vents se fondent plus qu’ils ne se détachent de la nappe orchestrale. Sa direction austère mais très nuancée fait entendre, à quelque occasion, de fines stries qui zèbrent l’air en un éclair, sublime les ondoyances poétiques de la partition et s’unit magnifiquement à l’ensemble des expressions artistiques dont il ne galvanise pas pour autant la violence. C’est cette fulgurance qui manque dans la scène des Cerbères. Et cet orchestre, en lui-même, possède des couleurs de timbres originales qui peuvent accrocher l’oreille de chacun, selon sa sensibilité, comme le son de la harpe qui porte en lui les scintillements d’une cithare.
Jeudi 01 mai 2014 sur France 2 à 0h30
Symphonies n°4 & 5, Egmont de Beethoven Phil. de Vienne, dir. Thielemann
Samedi 03 mai 2014 sur France 3 à 0h20
La Damnation de Faust (Berlioz) Fenton, Gautrot, Rouillon, Herriau. Opéra de Rouen, dir. Kruger. Roëls, m.s.
Dimanche 04 mai 2014 sur Arte à 18h30
Puccini, Gershwin, Massenet. Peretyako, Montero Orch. de la Radio de Badeb-Baden et Freiburg, dir. Roth.
Jeudi 08 mai 2014 sur France 2 à 0h30
Aïda (Verdi) Aaron, Paksoglou, Shvachka, Eyglier, De Rooster... Orch. national de Montpellier, dir. Vakoulsky. Roubaud, m.s.
Samedi 10 mai 2014 sur France 3 à 0h20
Dialogues des Carmélites (Poulenc) Caton, Barbeyrac, Gillet, Lamprecht, Junker, Fassbender, Hunold... Opéra de Nantes, dir. Lacombe. Delunsch, m.s.
Dimanche 11 mai 2014 sur Arte à 18h30
L'Apprenti sorcier (Dukas) Lionel Bringuier, chef d'orchestre
Jeudi 15 mai 2014 sur France 2 à 0h30
Symphonies n°9 & 10 de Mahler Symph. de Londres, dir. Gergiev
Samedi 17 mai 2014 sur France 3 à 0h20
Don Giovanni (Mozart) Werba, Persson, Behle, Marin-Dégor, Gleadow, Malfi, Di Pierro, Humes. Le Cercle de l'Harmonie, dir. Rhorer. Braunschweig
Dimanche 18 mai 2014 sur Arte à 18h30
Rachmaninov, Chopin, Scriabine, Strauss. Trifonov (piano).
Jeudi 22 mai 2014 sur France 2 à 0h30
Les Enfants du Paradis (Ballet de Dupin) Orch. de l'Opéra de Paris dir. Verdier. Martinez, chorégraphie
Samedi 24 mai 2014 sur France 3 à 0h20
Le Petit Cheval bossu, ballet de Chedrine. Théâtre Mariinsky, dir.Gergiev. Ratmansky, chorégraphie.
Dimanche 25 mai 2014 sur Arte à 18h30
Extraits Peer Gynt, Cto en la m. de Grieg. Buniatishvili (piano), Capitole de Toulouse, dir. Tugan Sokhiev
Jeudi 29 mai 2014 sur France 2 à 0h30
Grands Motets de campra, Bernier, De Lalande. Toth, Getchell, Geslot, Buet. Les Agréments, dir. Van Waas.
Samedi 31 mai 2014 sur France 3 à 0h20
Britten, Berlioz, Ravel. Jansen (violon), Tamestit (alto), Orch. de Paris, dir. Järvi.
Web : Opéras en accès libre
Lien direct sur les titres et sur les vidéos)
Brokeback Mountain (Teatro Real de Madrid)
Elektra (Festival d'Aix en Provence)
Au Monde (Théâtre de La Monnaie)
The Indian Queen (Teatro Real de Madrid) jusqu'au 25 mai 2014
Alceste (Teatro Real de Madrid) jusqu'au 14 juin 2014
Hamlet (Thomas) au Théâtre Royal de la Monnaie jusqu'au 17 juin 2014
Dialogues des Carmélites (Théâtre des Champs Elysées) jusqu'au 20 juin 2014
Einstein on the Beach (Théâtre du Châtelet) jusqu'au 07 juillet 2014
Les Indes Galantes (Opéra National de Bordeaux) jusqu'au 26 août 2014
Platée (Opéra Comique) jusqu'au 03 octobre 2014
La Finta Giardiniera (Opéra de Lille) jusqu'au 25 septembre 2014
Il Mondo della Luna (Opéra de Montecarlo) jusqu'au 25 mars 2015