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Publié le 30 Juillet 2022

Capriccio (Richard Strauss - 1942)
Représentation du 27 juillet 2022
Bayerische Staatsoper - Prinzregententheater

Die Gräfin Diana Damrau
Der Graf Michael Nagy
Flamand Pavol Breslik
Olivier Vito Priante
La Roche Kristinn Sigmundsson
Die Schauspielerin Clairon Tanja Ariane Baumgartner
Monsieur Taupe Toby Spence
Eine italienische Sängerin Deanna Breiwick
Ein italienischer Tenor  Galeano Salas
Der Haushofmeister Christian Oldenburg
Diener Christian Wilms, Dimitrios Karolidis, Paul Kmetsch, Leonhard Geiger, Hans Porten, Robin Neck, Leopold Bier, Gabriel Klitzing
Drei Tänzerinnen Anna Henseler, Zuzana Zahradníková, Ute Vermehr

Direction musicale Leo Hussain
Mise en scène David Marton (2013)

Découvrir ou revoir la production de 'Capriccio' imaginée par David Marton pour l'opéra de Lyon en 2013 n'est sûrement pas une perte de temps, surtout lorsqu'elle est montée dans la ville où l'œuvre est née.

L'ultime opéra de Richard Strauss - 'Die Liebe der Danae' était achevé deux ans avant ' Capriccio' - est en effet le tout dernier qui sera créé au Bayerische Staatsoper de Munich, le 28 octobre 1942, avant que l'édifice ne soit détruit par les bombardements alliés en 1943.

Il connut de nombreuses représentations au Théâtre Cuvilliés de 1970 à 1988, théâtre d'un magnifique style rococo mais qui ne peut proposer que 509 places, puis disparut de la programmation de l'Opéra d'Etat bavarois jusqu'à aujourd'hui, même s'il y eut à partir du 11 octobre 1998 quelques représentations au Prinzregententheater interprétées par la compagnie du Gärntnerplatztheater.

Vito Priante (Olivier), Diana Damrau (Madeleine), Pavol Breslik (Flamand) et Kristinn Sigmundsson (La Roche)

Vito Priante (Olivier), Diana Damrau (Madeleine), Pavol Breslik (Flamand) et Kristinn Sigmundsson (La Roche)

C'est donc au Prinzregententheater que 'Capriccio' revient au répertoire du Bayerische Staatsoper et non dans la salle principale, et c'est un peu dommage car le très complexe décor de ce spectacle représente une coupe longitudinale d'un opéra néo-classique - on reconnait les colonnes corinthiennes qui encadrent les loges près de la scène - qui est probablement une évocation de l'Opéra de Munich au moment des répétitions en 1942.

Les différents espaces de vie sont bien définis, la scène surélevée, la fosse d'orchestre très profonde, les premiers rangs du parterre, les loges de côté, et même les dessous de scènes camouflés dans l'ombre sont ainsi bien visibles. 

Nous assistons ainsi à la création de 'Capriccio' en pleine Seconde Guerre mondiale comme si nous y étions, ce qui permet à David Marton de montrer en filigrane des conversations ce qu'il se passe dans le théâtre et notamment la participation du personnel administratif à l'épuration des artistes juifs.

Et Monsieur Taupe, joué par le bien zélé Toby Spence, détient un rôle dans ce travail de filtration, lui qui étudie les visages des danseuses ou des chanteurs pour en déduire leurs origines, et dont on en verra certains partir avec leurs valises vers les camps.

Kristinn Sigmundsson (La Roche)

Kristinn Sigmundsson (La Roche)

L'autre effet de la mise en abyme est de détacher totalement l'intérêt de l'auditeur pour l'enjeu amoureux entre Olivier, Flamand et la Comtesse, puisque celui ci se confond avec le jeu théâtral qui se déroule sur la scène du décor. Par ailleurs, le lieu et le temps originels de l'action, les alentours de Paris en 1775 au moment de la réforme de l'opéra initiée par Christoph Willibald Gluck, sont distanciés, mais les Munichois n'oublieront pas ce que la capitale française doit à un musicien né dans une petite commune du sud de Nuremberg.

Bien sûr, il y a toujours plaisir à réentendre les amusantes réflexions sur un certain type de public d'opéra qui émanent aussi bien du directeur lorsqu'il raille ceux qui ne goûtent que les décors et le registre aigu de leur ténor préféré - même s'il y voit également une opportunité financière -, que d'Olivier, le poète, qui regrette la stupidité de la plupart des livrets et leur faible niveau d'intelligence, ou bien de Flamand, le musicien, qui constate que la musique n'est pas suffisamment prise en considération, ce qui montre que les problématiques du temps de Strauss n'ont pas tant évolué que cela, 80 ans plus tard.

Diana Damrau (Madeleine) et Tanja Ariane Baumgartner (Clairon)

Diana Damrau (Madeleine) et Tanja Ariane Baumgartner (Clairon)

Toutefois, c'est l'action sur la scène du théâtre qui intrigue beaucoup plus que les discussions dans la salle ou en coulisse, même si les interactions entre les protagonistes sont réalistes et vivantes mais pas forcément des plus signifiantes.

Il en résulte que si peu d'empathie est engendrée directement par ce petit monde, le spectacle fonctionne de par les questions qu'il pose pendant et après la soirée.

L'un des personnages les mieux dessinés est celui du directeur, La Roche, incarné par Kristinn Sigmundsson, la basse de référence des années Hugues Gall à l'Opéra de Paris de 1995 à 2004, inoubliable en Commandeur et Grand inquisiteur.

A 71 ans, le chanteur islandais impose une véritable dimension avec des clartés inattendues et des couleurs encore riches qui donnent beaucoup de crédibilité à son personnage et une humanité profonde.

Lorsqu'éclate son ras-le-bol de voir qu'il n'est pas suffisamment considéré pour son importance dans la mise en valeur des artistes, David Marton le fait chanter dans l'ombre de la fosse d'orchestre, au pied de la scène, pour accentuer la puissance de ce moment mais aussi ses ambiguïtés. Kristinn Sigmundsson fait ressortir aussi bien les influx sanguins du directeur, que ses angoisses aux commandes du théâtre dans un tel contexte politique.

Galeano Salas et Deanna Breiwick (Les chanteurs italiens)

Galeano Salas et Deanna Breiwick (Les chanteurs italiens)

Autre personnage sous très forte tension, le Flamand de Pavol Breslik est interprété de manière impulsive et écorchée. La voix est dramatique avec des teintes ombrées, et c'est la souffrance des sentiments non reconnus qu'il exprime par dessus tout. Vito Priante est moins expansif dans ses revendications. Sous ses traits, Olivier est plus humble et intériorisé, la tessiture vocale est très homogène et mate, mais on ne le sent pas parti pour gagner, alors que le Comte de Michael Nagy a, lui, beaucoup de brillant pour séduire Clairon dont le rôle paraît sous-dimensionné pour Tanja Ariane Baumgartner, elle qui incarnait Clytemnestre avec une très grande force ces deux dernières années à Salzbourg.

Dans les rôles des chanteurs italiens, Deanna Breiwick et Galeano Salas fonctionnent à merveille en affichant une très belle connivence. Par ailleurs, le ténor américano-mexicain devient une des valeurs enthousiastes et rayonnantes de la troupe de l'opéra de Munich très plaisante à suivre de par son goût pour le travail approfondi de comédien et sa belle assise vocale.

Excellents sont aussi les serviteurs qui portent haut en couleur la voix de ceux qui n'œuvrent qu'en coulisses.

Diana Damrau (Madeleine)

Diana Damrau (Madeleine)

Et pour sa nouvelle prise de rôle, Diana Damrau fait vivre Madeleine sous une nature joueuse, adolescente et affectueuse qui refuse toute dramatisation. Timbre lumineux et fruité voué à la netteté du chant, il y a bien peu de place pour d'amples tourments, mais la grande scène finale - chantée non sur les planches mais dans la fosse d'orchestre du décor - lui permet d'assoir une sensibilité irradiante et, enfin, les premiers doutes lorsqu'elle réalise face à son double vieilli qu'en ne faisant aucun choix elle a laissé filer le temps et sa vie.

Enfin, si la réalisation orchestrale ne manque pas d'ampleur et de sensualité harmonique, Leo Hussain, remplaçant au pied levé de Lothar Koenig, ne met pas suffisamment en valeur le raffinement des textures et privilégie le grand son sans caractère. Il y a pourtant tant de subtiles vibrations à faire vivre dans cette musique.

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Publié le 30 Juillet 2021

Don Giovanni (Wolfgang Amadé Mozart - 1787)
Représentation du 26 juillet 2021
Festival de Salzbourg - Großes Festspielhaus

Don Giovanni Davide Luciano
Il Commendatore Mika Kares
Donna Anna Nadezhda Pavlova
Don Ottavio Michael Spyres
Donna Elvira Federica Lombardi
Leporello Vito Priante
Masetto David Steffens
Zerlina Anna Lucia Richter

Direction musicale Teodor Currentzis
Mise en scène Roméo Castellucci
Chorégraphie Cindy Van Acker 
Chœur et Orchestre MusicAeterna
Nouvelle production
                                                                                                Davide Luciano (Don Giovanni)

Après une inoubliable Salomé qui, trois ans plus tôt, avait fortement marqué le public de la Felsenreitschule et les spectateurs de la retransmission télédiffusée, Roméo Castellucci se voit confier la nouvelle production du Don Giovanni de Mozart en ouverture du Festival de Salzbourg 2021. Il retrouve ainsi le jeune et prodigieux chef d'orchestre avec lequel il réalisa une ésotérique version du Sacré du Printemps lors de la Ruhrtriennale 2012, Teodor Currentzis.

Cette alliance de deux artistes hors du commun était d'avance excitante sur le papier, mais associée à une équipe de chanteurs de tout premier ordre elle se révèle, ce soir, prolifique et d'une énergie folle pour rendre au chef d’œuvre romantique de Mozart sa puissance sulfureuse et brosser des caractères fortement évocateurs. Les images inattendues ne manquent pas, mais les grands thèmes de l'ouvrage qui intéressent le metteur en scène restent dans l'ensemble lisibles et inspirants malgré son grand sens de l'abstraction.

Teodor Currentzis

Teodor Currentzis

Lorsque le rideau de scène s'ouvre dans le silence sur un impressionnant intérieur néo-classique d'une église recouverte sur ses murs de magnifiques toiles peintes et de sculptures religieuses, la magnificence du décor saisit le spectateur. Mais il est vite gagné par le décontenancement ou l'amusement lorsqu'il voit des ouvriers sur fond de bruits urbains entrer pour retirer un à un tous les objets d'art de la nef. Nous entrons dans un monde contemporain qui s'est débarrassé de toutes ses références esthétiques et spirituelles acquises par le passé. La période de la Renaissance s'efface pour ne laisser que le néant.

La lourde chute d'une puissante automobile de luxe annonce avec l'ouverture orchestrale les valeurs auxquelles est voué Don Giovanni, et la violence qu'elle draine. Mais ici, c'est surtout l'illusion de cette brève séquence qui laisse le spectateur abasourdi.

Davide Luciano (Don Giovanni) et Nadezhda Pavlova (Donna Anna) - Photo Salzburger Festspiele

Davide Luciano (Don Giovanni) et Nadezhda Pavlova (Donna Anna) - Photo Salzburger Festspiele

La première partie de Don Giovanni se déroule donc dans la blancheur ouatée de cette architecture élégante, et les portraits de chacune des trois héroïnes sont traités de façon bien distincts aussi bien stylistiquement que métaphoriquement.

Zerlina est la plus proche d'une interprétation littérale, une femme ingénue pour qui la douceur du rapport au corps a à voir avec une recherche d'une saine harmonie avec la nature. Quelques simples éléments de décors sont introduits, buisson, tronc d'arbre torturé, et Anna Lucia Richter peut faire vivre l'esprit d'une jeune paysanne aux beaux graves qui pleurent, douée d'un timbre au poli varié et doré.

Son compagnon, Masetto, est interprété par David Steffens qui rend à ce personnage, avec l'aide du metteur en scène, une nature sombre et inquiétante assez inhabituelle chez un être généralement présenté comme un grand benêt, comme pour mieux montrer comment l'influence de Don Giovanni en a fait un être violent, stupide et dépossédé de son âme.

Donna Elvira, elle, est une femme bourgeoise qui a eu un enfant avec Don Giovanni, ce qui ne manque pas de le rapprocher de Pinkerton, l'horrible américain de Madame Butterfly de Puccini.

Roméo Castellucci ne lui accorde pas véritablement un jeu scénique développé, mais Federica Lombardi possède une telle présence vocale au médium noble et attendrissant, et aux aigus saisissants et bouleversants, qu'elle offre un très beau portrait romantique de la seule femme véritablement amoureuse du héros pervers.

Federica Lombardi (Donna Elvira) et Vito Priante (Leporello)

Federica Lombardi (Donna Elvira) et Vito Priante (Leporello)

Mais le couple formé par Donna Anna et Don Ottavio est celui qui véritablement inspire le plus Roméo Castellucci. La fille du Commandeur prend en première partie des allures de Médée entourée d'Érinyes qui harcèlent Don Giovanni sous la forme d'une chorégraphie souple et esthétique aux corps et chevelures noirs.

Elle est un caractère passionné et vengeur, et Nadezhda Pavlova tire son incarnation vers la tragédie grecque à partir d'une posture assurée et surtout un tempérament en flamme qui se traduit pas une puissance vocale qu'elle oriente et jette sous la forme d'un fusain vers les auditeurs comme pour montrer sa détermination.

Et on la retrouve plus loin à se livrer à une virtuosité lumineuse, ascensionnelle et sensationnelle comme dans les passages les plus élégiaques et les plus spirituels des messes de Mozart, et cette audace sans faille qui traduit une envie d'atteindre des cieux inaccessibles a un effet sidérant en salle.

Et en seconde partie, le metteur en scène lui réserve un superbe écrin, volontairement kitsch, pour "Non mi dir, bel'idol mio" où, sous des lumières rosées et pastel, Donna Anna semble incarner une prêtresse entourée uniquement de femmes et de jeunes filles, comme si son idéal était dorénavant un monde où l'homme serait absent.

Nadezhda Pavlova (Donna Anna) - Photo Salzburger Festspiele

Nadezhda Pavlova (Donna Anna) - Photo Salzburger Festspiele

Quant au pauvre Don Ottavio, il est amené à représenter sous différentes formes des hommes de pouvoir et d'honneur ayant traversé l'histoire, et Roméo Castellucci le statufie au cours de ses principaux airs pour mieux le ridiculiser. Il y a bien ce grand caniche au pelage sculpté qui l'accompagne, mais il y a surtout cette grande scène du bal où le jeune noble erre en monarque lourdement affublé de blanc dans une brume tout aussi blanche. Sur le plan visuel, la confusion est formidable à ressentir, et au fil de la soirée Michael Spyres offre une superbe personnalité vocale, claire, aérée et nuancée en recherchant les limites d'une finesse extrême. Mais le plus beau est son dernier air "Il mio tesoro intanto" où l'on entend ce sublime chanteur se transformer progressivement en l'Empereur de "La Clémence de Titus" en densifiant et en enrichissant son timbre de teintes brunes.

Seul un artiste protéiforme de son niveau peut arriver ainsi à jeter un pont d'une œuvre de Mozart à une autre. Cette soirée aura véritablement été celle des surprises vocales les plus inattendues.

Nadezhda Pavlova (Donna Anna)

Nadezhda Pavlova (Donna Anna)

Et si Don Giovanni n'est pas ici un homme d'une stature humaine qui domine tout ce petit monde de sa désinvolture, Davide Luciano le fait vivre à travers sa tessiture d'airain qui décrit un jeune prédateur sans tendresse et d'une très grande précision d'élocution. Très à l'aise scéniquement, splendide en chantant sa sérénade tout en mimant un Christ en croix pour mieux plaire à Donna Elvira, son plus grand défi survient à la scène finale où, comme punition, il est amené à se dissoudre dans la blancheur du lieu tout en se débattant nu comme pour échapper à des sables mouvants qui le recouvrent jusqu'à ce qu'il n'existe plus.

La direction musicale de Teodor Currentzis est absolument terrifiante, à la fois brutale et foisonnante, au fur et à mesure que Don Giovanni se liquéfie.

Le double du séducteur, Leporello, trouve en Vito Priante un interprète au timbre plus habituellement sombre et sans effets métalliques ce qui le distingue de Davide Luciano.

Très naturel dans l'air du catalogue chanté autour d'une imprimante industrielle qui évoque la nature machinale de Don Giovanni amené à reproduire indéfiniment ses comportements, il fait ressentir l'humanité sous emprise du serviteur sans jamais en faire un bouffon pour autant.

Michael Spyres (Don Ottavio) et Nadezhda Pavlova (Donna Anna)

Michael Spyres (Don Ottavio) et Nadezhda Pavlova (Donna Anna)

Etourdissant par ses inventions en première partie, même si elles ne construisent pas une progression dramaturgique à proprement parler, Roméo Castellucci est beaucoup plus sobre dans la seconde partie qui pourrait s'intituler "La vengeance des 1003 femmes". Il utilise en effet nombre de figurantes de tout âge pour chorégraphier sous différentes formes, que ce soit à l'aide de voilages flottant en suivant les mouvements de la musique, ou lors de la scène du cimetière où les esprits des morts refont surface dans un brouhaha insensé, les forces féminines qui préparent leur vengeance. Au final, c'est le Commandeur (Mika Kares) qui est perdant car il est relégué en coulisses et sonorisé, avec toutefois un bon équilibre acoustique.

Teodor Currentzis et Maria Shabashova (Pianoforte)

Teodor Currentzis et Maria Shabashova (Pianoforte)

Si l'architecture de cette soirée est aussi stimulante, elle le doit également à Teodor Currentzis et à son orchestre MusicAeterna qui nous fait entendre Mozart comme jamais il ne nous sera possible de l'entendre de la part d'un orchestre d'une grande institution de répertoire. Il y a d'abord le charme des sonorités des instruments qui évoquent une matière vivante et vibrante, puis la célérité avec laquelle les musiciens arrivent à générer une musique complexe en nervures, riche en noirceur de son et aussi fortement lumineuse si bien que l'auditeur est saturé de chatoiements irrésistibles, même pendant les récitatifs.

Mais à d'autres moments, Currentzis pratique des effets de ralentis, étire le temps, comme pour mieux attirer l'attention sur ce que disent chaque chanteurs. Il est d'ailleurs très attentif à leur souffle et leur rythme, module l'orchestre aussi bien pour lui insuffler toutes sortes de variabilités d'humeur que pour assurer que les solistes ne perdent pas pied.

La diffusion de la représentation en différé le 07 août 2021  sur Arte TV (21h40) et Arte Concert (21h05) permettra de revivre cette éblouissante interprétation musicale, mais il est possible que les effets de lumière théâtraux de la scénographie de Roméo Castellucci soient en partie atténués par la captation vidéo.

https://www.arte.tv/fr/videos/105066-000-A/don-giovanni-festival-de-salzbourg-2021/

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Publié le 12 Mars 2016

Iolanta – Casse-Noisette (Piotr Ilyitch Tchaikovski)
Répétition générale du 05 mars 2016 - Version de concert du 09 mars 2016 - Représentation du 11 mars 2016 - Palais Garnier

Iolanta (1892)

Le Roi René Alexander Tsymbalyuk
Iolanta Sonya Yoncheva
Vaudémont Arnold Rutkowski
Robert Andrei Jilihovschi
Ibn Hakia Vito Priante
Alméric Roman Shulakov
Bertrand Gennady Bezzubenkov
Martha Elena Zaremba
Brigitta Anna Patalong

Casse-Noisette (1892)
Marie Marion Barbeau
Vaudemont Stéphane Bullion
Drosselmeyer Nicolas Paul
Le Père Aurélien Houette
La Mère Alice Renavand
Robert Takeru Coste
La Sœur Caroline Bance

Direction musicale Alain Altinoglu         Sonya Yoncheva (Iolanta) et Arnold Rutkowski (Vaudémont)
Mise en scène Dmitri Tcherniakov (2016)

Chorégraphie Arthur Pita (L’Anniversaire de Marie), Edouard Lock (La nuit, La forêt, Divertissement), Sidi Larbi Cherkaoui (Pas de deux, Valse des Flocons, Valse des Fleurs, Pas de deux et variations) - Nouvelle production

Ultime opéra de Tchaïkovski, Iolanta est un ouvrage intimiste dont toutes les composantes, chœur féminin, airs pour soprano et basse, duo d’amour, respirations et couleurs de l’orchestre, dépeignent une ambiance profondément mélancolique.

L’action y est minimale, mais la puissance des états d’âme que suggère la musique en fait toute la beauté.

Depuis la création de la production de Peter Sellars au Teatro Madrid en 2012 qui est depuis immortalisée en DVD, Iolanta revient régulièrement sur les scènes lyriques, d’autant plus que des artistes telles Ekaterina Scherbachenko, Anna Netrebko ou Sonya Yoncheva l’incarnent magnifiquement.

Sonya Yoncheva (Iolanta)

Sonya Yoncheva (Iolanta)

Le livret de l’opéra écrit par Modeste Ilitch Tchaikovski, le frère du composteur, est inspiré de la pièce d’Henrik Hertz « Kong Renés Datter », et romance la vie de la fille du Roi René d’Anjou, Comte de Provence.

Celle-ci, ignorant qu’elle est aveugle, vit une vie heureuse, mais est excessivement protégée par son père qui ne veut pas la voir s’émanciper. Le médecin arabe de la cour, Ibn-Hakia, lui, sait que sa guérison passe par la prise de conscience de son état.

La passion du chevalier Vaudémont pour Iolanta devient alors la force révélatrice qui va lui permettre de voir et découvrir le monde tel qu’il est.

Sonya Yoncheva (Iolanta) et Elena Zaremba (Martha)

Sonya Yoncheva (Iolanta) et Elena Zaremba (Martha)

Ce sujet, bien que se déroulant en France au début du XVème siècle, est une nouvelle occasion pour Dmitri Tcherniakov de réaliser une transposition dans l’univers de la Russie du XIXème siècle, afin de lui donner une couleur tchekhovienne comme il l’avait fait pour Eugène Onéguine.

Et afin d’accentuer l’impression d’oppression mentale, il utilise un procédé bien rôdé dans ses autres propositions pour « Macbeth », « Lady Macbeth de Mzensk » et, surtout, « Dialogues des Carmélites », en reconstituant une pièce très resserrée et isolée au milieu du noir de la scène.

Les fenêtres laissent deviner un espace extérieur glacial, tout un petit monde évolue autour de la personne de Iolanta, un sapin évoque le temps de Noël de Casse-Noisette, et deux vases contenant respectivement une rose rouge et une rose blanche décorent la pièce, fleurs révélatrices de la cécité de la jeune fille.

Andrei Jilihovschi (Robert)

Andrei Jilihovschi (Robert)

La violence passionnelle qui irrigue les veines du metteur en scène russe s’extériorise uniquement quand les grands sentiments se libèrent. Il donne ainsi une emphase insouciante et exaltée à ceux de Robert, le Duc de Bourgogne, pour Mathilde, et exacerbe un dolorisme aigu tout au long du duo entre Iolanta et Vaudémont.
Leur chant déchiré s’achève ainsi par une irrésistible et désespérée étreinte, blottis l’un contre l’autre.

Et l’on retrouve l’infinie minutie avec laquelle le metteur en scène russe aime si bien animer les moindres gestes de chaque personnage, quelle que soit l’importance de leurs rôles.
Il leur donne une impression de vie réelle, concentrée dans l’instant présent.

Sonya Yoncheva (Iolanta) et Elena Zaremba (Martha) - Version de concert du 09 mars

Sonya Yoncheva (Iolanta) et Elena Zaremba (Martha) - Version de concert du 09 mars

La transition avec Casse-Noisette est alors figurée par un éloignement du petit salon qui constitue le décor unique de Iolanta, afin de laisser émerger, au-devant de la scène, un autre salon bourgeois bien plus grand où l’on fête l’anniversaire de Clara, renommée Marie. Sonya Yoncheva, avec un magnifique sourire, salue les auditeurs sous les applaudissements des acteurs, mais également de la salle Garnier, merveilleux mélange de scène jouée et de réactions réelles.

Pendant les six scènes qui suivent, Dmitri Tcherniakov met en scène une soirée d’anniversaire festive où la chorégraphie d’Arthur Pita s’évertue à restituer l’ambiance Rock’n’Roll déjantée entre les participants. Avec ses allures de somptueuse Lady Macbeth en robe de velours, Alice Renavand évolue dans ce petit monde superficiel en laissant deviner d’un regard noir un tempérament quelque peu intrigant.

Marion Barbeau (Marie)

Marion Barbeau (Marie)

Nous nous retrouvons ainsi dans un univers bien connu du metteur en scène où l’apparente légèreté sous-tend des pensées plus sombres.

Au moment de minuit, ces personnages reviennent avec un regard inquisiteur quand Marie se retrouve seule avec Vaudémont, joué par Stéphane Bullion. La chorégraphie saccadée, mécanique et déshumanisée d’Edouard Lock prend le dessus, et Alice Renavand devient une sorte de femme maléfique et impressionnante qui tente de faire barrage à un amour grandissant.

Tcherniakov introduit alors un moment de rupture implacable en faisant disparaître la demeure dans un vacarme noir avant que ses débris ne viennent recouvrir l’entière scène.

Nous sommes maintenant dans un autre univers fantasmagorique débarrassé du petit monde bourgeois du début. On y découvre d’abord des laissés-pour-compte perdus dans une nuit d’hiver évoluant de façon macabre. Puis, apparaît Stéphane Bullion qui rejoint alors Marion Barbeau, dans un élan révélateur, pour entamer un beau pas-de-deux, pivotant sur des axes parfois très instables, qui donne une impression de fragilité à leur relation.

Alice Renavand (La Mère)

Alice Renavand (La Mère)

A partir de cet instant, la poésie de Sidi Larbi Cherkaoui est constamment sollicitée afin d'innerver de sensibilité les pas de deux et les valses du ballet.

Toutefois, la force de la vidéographie prend parfois le dessus sur la chorégraphie, aussi bien dans la scène de la forêt où se démultiplie Vaudémont, que dans cette scène spectaculaire où Marie semble isolée sur un astéroïde, à l’instar du Petit Prince, alors qu’un météore en feu se dirige vers elle. C’est d’ailleurs cet évènement qui la sort de son cauchemar pour la ramener dans sa demeure d’origine.

Danse arabe

Danse arabe

Et le célèbre tableau des divertissements, envahi de jouets géants multicolores déambulant sur des effets comiques, prend une dimension burlesque totalement à part dans la scénographie. Il est ensuite suivi d'une évocation des souvenirs nostalgiques de Marie, le souvenir de son grand-père dans une nuit lunaire en particulier.

Cependant, les changements de scènes dans la dernière partie sont abruptes et les motifs chorégraphiques ne s’installent pas toujours dans la durée pour pouvoir en profiter - Lock donne parfois l'impression, dans les divertissements, qu'il déploie de larges mouvements pour les refermer précipitamment sur eux-mêmes. L'immersion du spectateur dans ce monde visuellement fort demande donc une aptitude à changer d'environnement émotionnel très rapidement, d’autant plus que les écarts stylistiques entre Cherkaoui et Lock sont importants.

Marion Barbeau (Marie) et Stéphane Bullion (Vaudémont)

Marion Barbeau (Marie) et Stéphane Bullion (Vaudémont)

Musicalement, ce diptyque baigne dans une même tonalité sobre qui accorde une présence charmante à l’harmonie chantante des vents. Mais l’on est particulièrement surpris par la manière avec laquelle Alain Altinoglu s’évertue à préserver la finesse des cordes, sans rechercher l’ornementation envoutante que l’orchestre saurait pourtant libérer dans Iolanta. Comme un refus de donner à la musique une profondeur et une violence débordante qui sonnerait trop russe, trop passionnée.

C’est d’autant plus frustrant lorsque l’on a encore dans l’oreille sa splendide interprétation de Lohengrin à Bayreuth l’été dernier.

Sonya Yoncheva (Iolanta) et Arnold Rutkowski (Vaudémont)

Sonya Yoncheva (Iolanta) et Arnold Rutkowski (Vaudémont)

La distribution vocale est, elle, dominée par Sonya Yoncheva, actrice qui fait sienne l’hystérie communicative de Dmitri Tcherniakov, et qui prête à la jeune fille des accents de bête blessée comme pourrait l’être Violetta (La Traviata de Giuseppe Verdi).

Elle a un charme naturel, une attitude à la fois naïve et charnelle qui sonne toujours juste, des aigus vibrants très clairs, et quelques inflexions bien timbrées et graves qui révèlent une véritable complexité psychologique.

La tendresse avec laquelle elle accueille Marion Barbeau au salut final est très touchante, tendresse identique à celle qu’elle manifesta envers Arnold Rutkowski (Vaudémont), lors de la version de concert donnée le jour de la première, suite au mouvement de grève national.

Marion Barbeau (Marie) et Sonya Yoncheva (Iolanta)

Marion Barbeau (Marie) et Sonya Yoncheva (Iolanta)

Le ténor polonais incarne un Vaudémont serviable et romantique, en état d’admiration devant Iolanta, volontaire dans des aigus d’ampleur modeste, et affectif quand le médium de sa tessiture prend des accents slaves.

Son comparse, Andrei Jilihovschi, chante avec une joie et une clarté de timbre qui lui donnent une assurance séductrice indéniable, faisant ainsi pâlir le médecin de Vito Priante, touchant par la sagesse qui en émane, mais sans l’autorité paternaliste que l’on pourrait attendre de son rôle.

Alexander Tsymbalyuk (Le Roi René)

Alexander Tsymbalyuk (Le Roi René)

Le Roi René d’Alexander Tsymbalyuk n’a donc aucun mal à imposer une stature vocale noble mais jeune, ce qui ne transparaît pas à travers son costume de patriarche qui le vieillit beaucoup trop.

Quant à la Martha d’Elena Zaremba, excellente actrice compassionnelle, la texture complexe de son timbre d’alto en fait une femme bien à part parmi celles qui entourent Iolanta, c'est-à-dire une personnalité forte à la main de velours.

Sonya Yoncheva (Iolanta) et Elena Zaremba (Martha)

Sonya Yoncheva (Iolanta) et Elena Zaremba (Martha)

Lier les deux œuvres en induisant une continuité entre les personnages de l’opéra et ceux du ballet – chaque chanteur a son pendant comme danseur – est un défi que peu de metteurs en scène pouvaient relever.

Dmitri Tcherniakov s’est sans doute laissé emporter par la démesure et la complexité du songe de Casse-Noisette, mais ses univers restent toujours aussi passionnants quand ils portent en eux un regard aussi humain sur l'héroïne qu'il défend, et acéré sur la société dans laquelle elle évolue.

 

Ce spectacle fera l’objet d’une captation audiovisuelle

Une co-production Opéra national de Paris et Bel Air Média avec le soutien du CNC et la participation de France 3, réalisée par Andy Sommer.
A revoir sur Culturebox jusqu'au 25 septembre 2016 - Video.Iolanta / Casse-Noisette

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Publié le 21 Mai 2014

Les Contes d’Hoffmann (Jacques Offenbach)
Version basée sur l’édition de Fritz Oeser
Représentation du 17 mai 2014

Teatro Real de Madrid

Hoffmann Eric Cutler
La Muse / Nicklausse Anne Sofie von Otter
Lindorf / Coppelius Vito Priante
Spalanzani Graham Valentine
Andres / Cochenille Christoph Homberger
Olympia Ana Durlovski
Antonia / Giulietta Measha Brueggergosman
Stella Altea Garrido
La Voix de la Mère Lani Poulson
Maître Luther Jean-Philippe Lafont

Scénographie Anna Viebrock
Mise en scène Christoph Marthaler
Direction Sylvain Cambreling
Chœur et orchestre du Teatro Real
Coproduction Opéra de Stuttgart                                   Anne Sofie von Otter (Nicklausse)


La première des Contes d’Hoffmann de l’Opéra de Madrid aurait dû être une grande soirée en hommage à la direction imaginative de Gerard Mortier. Puisqu’il n’est plus là, Sylvain Cambreling et l’ensemble des artistes ont donc eu la charge de rendre cette représentation la plus éclatante possible, et, comme nous le verrons plus loin, s’il y eut bien la tristesse de cette absence, il y eut également l’ultime pied de nez pour conclure l’épilogue.

Anne Sofie von Otter (Nicklausse)

Anne Sofie von Otter (Nicklausse)

Cambreling, Marthaler et Viebrock ont l’habitude de travailler ensemble – leur collaboration couvre une douzaine d’ouvrages dont Katia Kabanova, Les Noces de Figaro, La Traviata et Wozzeck – et, pour ces Contes d’Hoffmann, le décor qu’ils ont choisi de reconstituer sur la scène du théâtre est inspiré du Cercle des Beaux-Arts de Madrid, une institution connue pour ses salles d’expositions, sa vue panoramique sur la ville et ses environs – depuis le septième étage – et, surtout, son café qui accueille régulièrement des concerts de Jazz.

Ana Durlovski (Olympia)

Ana Durlovski (Olympia)

La décoration intérieure diffuse, dans toute la salle, sa sensualité féminine, aussi bien sur les toiles murales, les plafonds colorés de lustres ovales, les colonnes blanches surmontées de chapiteaux ioniques et ornées de fins motifs, que sur le sol où repose une nymphe endormie.

Tout évoque avec évidence les obsessions amoureuses d’Hoffmann, mais, si la scénographe a reconstitué nombres d’éléments, les deux statues nues, les chaises ou le bar entier, cette pièce perd de son agréable luminosité pour se transformer en un espace désenchanté que le chœur, grimé en groupe de touristes simplets, vient animer de sa présence de plus en plus désincarnée et vide au cours du spectacle.

Les Contes d'Hoffmann (Marthaler-Viebrock-Cambreling) Madrid

Pour figurer la présence d’un monde invisible, Marthaler fait ainsi gesticuler le personnel, dans un premier temps, de façon à montrer l’existence de formes auxquelles il se heurte mystérieusement, puis, fait petit à petit apparaître les personnages racontés par Hoffmann alors que des femmes défilent une à une, toutes les cinq minutes, pour poser nues devant deux peintres concentrés sur leur travail artistique et ignorant le monde environnant.

Il transforme ainsi Olympia en une petite fille modèle mélancolique et droguée qui amuse la galerie de ses artifices vocaux, Antonia comme une jeune chanteuse dépressive, semblable à Whitney Houston, liée malgré elle à une mère qui fut la pire des bourgeoises, et Giulietta, une femme avide de luxe qui pousse encore plus Hoffmann vers le désespoir avec le sourire. Trois femmes influencées et abimées par leur entourage, et le symbole d’un art qui a vendu son âme.

Measha Brueggergosman (Antonia) et Eric Cutler (Hoffmann)

Measha Brueggergosman (Antonia) et Eric Cutler (Hoffmann)

Le personnage le plus intéressant est en réalité Nicklausse, personnage en apparence en marge mais qui prend soin du poète le plus tendrement possible, sans hésiter à le bousculer. Anne Sofie von Otter n’est pas étrangère à la réussite de cette incarnation, vivante et attachante, même si sa ligne de chant n’a plus la pureté et l’élégance qu’elle fut. Il reste le timbre, inimitable.

 Anne Sofie von Otter (Nicklausse) et Measha Brueggergosman (Giulietta)

Anne Sofie von Otter (Nicklausse) et Measha Brueggergosman (Giulietta)

Quant à Hoffmann, Marthaler en montre petit à petit la lente destruction qui, paradoxalement, intensifie sa propre violence et sa propre révolte, ce qui fait sortir Eric Cutler de sa dérive initiale pour mieux y retomber. Pour lui aussi, le phrasé manque de clarté ce qui sera une constante chez la plupart des chanteurs.

Measha Brueggergosman, en Antonia et Giulietta, possède dans la voix des vibrations qui, finalement, lui donnent un charme fragile et humain, elle compose deux très belles femmes de caractère, transpose certains aigus – dans le cas d’Antonia – et elle a pour elle cette beauté noire qui la rend fascinante.

Ana Durlovski, elle, se joue facilement des virtuosités d’Olympia, et son timbre contient en lui-même des couleurs mélancoliques qui accentuent la tonalité de ce passage absolument pas joyeuse voulue par Marthaler.

Parmi les rôles masculins, Vito Priante a beaucoup de mal à imposer le caractère pourtant central de Lindorf. Il s’en sort mieux dans l’acte d’Antonia qui met plus en valeur la richesse de son médium. Graham Valentine, acteur né, marque surtout pour les déformations comiques de sa voix et son incarnation dingue de Spalanzani.

                                                                                 Gerard Mortier et Anna Viebrock (Photo La Revista del Real)

Et Jean Philippe Lafont peut compter sur sa forte présence, et une coloration grise du timbre qui ne fait qu’évoquer le Macbeth qu’il fut par le passé.

Christoph Marthaler ne réussit cependant pas toujours à maintenir un intérêt scénique constant, car il doit composer avec le choix de la partition basée sur l’édition de Fritz Oeser (1976)

Measha Brueggergosman (Giulietta) et Eric Cutler (Hoffmann)

Measha Brueggergosman (Giulietta) et Eric Cutler (Hoffmann)

Cette version, que Sylvain Cambreling a déjà gravé au disque en 1988, est en plus complétée par des éléments que le chef d’orchestre a retrouvé dans les archives de la Bibliothèque Nationale de France lors de son passage à Paris.

L’œuvre s’étend ainsi sur plus de trois heures vingt, soit plus d’une demi-heure que la version utilisée par Robert Carsen à l’Opéra National de Paris.

Eric Cutler (Hoffmann) et Anne Sofie von Otter (La Muse)

Eric Cutler (Hoffmann) et Anne Sofie von Otter (La Muse)

Dès l’ouverture, la tonalité du chœur est modifiée, de nombreux passages musicaux viennent s’insérer dans le prologue jusqu’à l’acte de Giulietta profondément différent.

Et l’on retrouve la lenteur des tempi de Cambreling présents dans son enregistrement EMI. Mais ce qu’il fait entendre de la partition dépasse de loin ce que l’on est habitué à entendre chez Offenbach. La musique est traversée d’ombres et de lumières somptueuses proche d’un Grand Verdi - comme le Don Carlo que dirigea Teodor Currentzis à l’Opéra Bastille.  Il donne une dimension tellement fantastique au drame que l’on en vient même à regretter que cette interprétation ne soit pas associée à une mise en scène plus sombre et dramatique. Le son est prodigieux, l’architecture orchestrale souple et hédoniste, jusque dans les finals où les percussions brillent sans fracas. Et les variétés de cisèlements dynamiques font tout autant penser à la vitalité piquante de Mozart.

Anne Sofie von Otter, Christoph Marthaler, Sylvain Cambreling et Anna Viebrock

Anne Sofie von Otter, Christoph Marthaler, Sylvain Cambreling et Anna Viebrock

Cambreling est ainsi le grand enchanteur de cette soirée, auquel s’associe un chœur magnifique d’inspiration et d’une beauté triste et nostalgique.

 

Le pied de nez vient cependant à la toute fin, quand Stella prend la parole pour réciter un poème de Fernando Pessoa, Ultimatum, écrit après la Première Guerre Mondiale. Marthaler et Viebrock renvoient vers le public un texte ultra violent envers les politiciens, intellectuels et bourgeois de l’époque pour réclamer de grands politiciens, poètes et généraux capables de construire une Grande Europe.

Ce cri de désespoir, à prendre tel quel, n’a pas manqué de faire réagir une partie des spectateurs, sans surprise…

El Circulo de Bellas Artes.

El Circulo de Bellas Artes.

Retransmission de la seconde représentation du 21 mai 2014 en direct sur Mezzo et ConcertArte

Les Contes d'Hoffmann mis en scène par Christoph Marthaler au Teatro Real de Madrid

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