Publié le 26 Février 2019

Les lundis musicaux - Stéphane Degout (Baryton) et Alain Planès (Piano)

Récital du 25 février 2019
Athénée Théâtre Louis-Jouvet

Claude Debussy 1862-1918 : Chansons de France (1904, Charles d’Orléans) / Le Promenoir des deux amants (1910, Tristan L’Hermite)
Gabriel Fauré : 1845-1924 : Les berceaux (op. 23, 1882, René François Sully-Prudhomme) / Au bord de l’eau (op. 8 1871, René François Sully-Prudhomme) / Clair de Lune (op.46 1887, Paul Verlaine) / Mandoline (extraits des Mélodies de Venise, op 58, 1891, Paul Verlaine) / Danseuse (extraits de Mirages, op. 113, 1919, René de Brimont) / Après un rêve (op.7 1878, Romain Bussine)
Emmanuel Chabrier 1841-1894 : L’île heureuse (1890, Ephraïm Mikhaël) /Chanson pour Jeanne (1886, Catulle Mendès)
Henri Duparc 1848-1933 : La Vie antérieure (1884, Charles Baudelaire) /Sérénade (1869, Gabriel Marc) / Chanson triste (1869, Jean Lahor) / Elégie (1874, Thomas Moore) / Lamento (1883, Théophile Gaultier) / Le Galop (1869, Théophile Gautier)

Quelques jours après son incarnation splendide de Chorèbe dans la tragédie lyrique des Troyens d’Hector Berlioz, nous retrouvons Stéphane Degout au petit Théâtre de l’Athénée, un lundi soir propice aux réflexions introspectives, dans une incarnation magnifiquement unifiée des âmes poétiques décrites par les mélodistes français du tournant du XXe siècle, d’Henri Duparc à Claude Debussy.

Stéphane Degout

Stéphane Degout

La voix de Stéphane Degout se fond avec justesse dans l’intimité lovée de la salle semi-circulaire, elle qui s’épanouissait également si largement dans l’immensité de la scène Bastille, et le talent du baryton français est d’interpréter ces mélodies en les portant intérieurement par une délicatesse d’expression du regard, de légers froncements de sourcils, et des appuis obliques du corps qui s’adressent à l’auditeur en l’invitant à accueillir les poèmes sans forcer l’affectation.

Le Théâtre de l'Athénée le long du square de l'Opéra Louis-Jouvet

Le Théâtre de l'Athénée le long du square de l'Opéra Louis-Jouvet

Le sentiment de dignité et de joie mélancolique, qui innerve cet inaltérable souffle embrumé d’une clarté obscure, est ainsi le vecteur d’une vigueur à laquelle se mêle l’harmonie chaleureuse qu’Alain Planès distille à travers un rendu sonore hyalin, qui nimbe précieusement le relief subtilement creusé autour de de chaque mot. 

Ce chant ne pleure pas, mais conte le désarroi de la vie avec honneur et une accroche immédiate.

Et les spectateurs, en réponse à leurs chaleureux rappels, entendront trois mélodies supplémentaires, dont l’une de Maurice Ravel, Chanson romanesque (Don Quichotte à Dulcinée), et Diane Séléné de Gabriel Fauré.

Stéphane Degout

Stéphane Degout

Enfin, parmi le public, Barbara Hannigan, partenaire de Stéphane Degout à l’opéra dans Pelléas et Mélisande et Lessons in love and violence, et interprète passionnée d’œuvres contemporaines, est venue l’écouter avant de faire revivre dans deux jours, à la Philharmonie, la création française d’Hans Abrahamsen, Let me tell you.

Stéphane Degout et Alain Planès

Stéphane Degout et Alain Planès

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Publié le 22 Février 2019

Avec 214 représentations lyriques au cours de la saison 2019/2020, le MET diversifie un peu plus sa programmation que cette saison en présentant 25 ouvrages de 16 compositeurs différents, soit 2 de plus qu’actuellement, parmi lesquels 5 nouvelles productions sont présentes.

Et si 2018/2019 est une saison verdienne, la saison 2019/2020 sera une saison puccinienne (Tosca, Manon Lescaut, La Bohème, Turandot, Madame Butterfly) avec un quart des représentations dédié au compositeur toscan.

A cette occasion, Madame Butterfly devient le 5e ouvrage le plus représenté au MET depuis 1973, devant Aida de Verdi, et rejoint donc La Bohème et Tosca parmi les 5 premiers titres à l'affiche depuis près de 50 ans.

Le compositeur parmesan est, quant à lui, représenté par La Traviata, Simon Boccanegra et Macbeth.

Mozart fait également bonne figure avec 15% des représentations, devant Verdi, et sera défendu par Les Noces de Figaro, La Flûte enchantée et Cosi fan tutte.

Akhnaten - Photo English National Opera

Akhnaten - Photo English National Opera

Les 14 représentations de Porgy & Bess (production du DNO et de l’English National Opera) sont l'un des rendez-vous majeurs de la saison, ainsi que l’entrée au répertoire d’Akhnaten de Philip Glass (8 représentations de la production de l’English National Opera), deux ouvrages qui célébreront deux compositeurs anglo-saxons.

Et le répertoire français sera servi par Massenet (Manon et Werther), ainsi que par La Damnation de Faust de Berlioz, même si cette dernière sera jouée en version de concert, la production de Robert Lepage ayant été annulée.

Par ailleurs, un opéra baroque, Agrippina de Haendel (production de la Monnaie), fait son entrée au répertoire, et les ouvrages du XXe siècle seront représentés par Der Rosenkavalier de Strauss, Katia Kabanova de Janacek (3 représentations) et par une nouvelle production de Wozzeck d’Alban Berg (production du Festival de Salzburg). La reprise de Maria Stuarda, entré au répertoire en 2012, signera également l'unique présence de Donizetti cette saison.

Wagner n’est représenté que par Le Vaisseau Fantôme, dans une nouvelle production en provenance du DNO, et le répertoire slave repose sur La Dame de Pique de Tchaïkovski aux côtés de Katia Kabanova.

Ainsi, sur les 5 nouvelles productions, 3 sont dévolues à des œuvres du XXe siècle, et toutes sont des productions ou des coproductions européennes.

Enfin, en ajoutant l’Orphée et Eurydice de Gluck, on peut constater que plus de 20% du répertoire sera voué au baroque et au classique, ce qui est un exploit dans une salle de près de 4000 places.

Parmi les grands artistes présents cette saison, il sera possible d'entendre Joyce DiDonato et Kate Lindsey (Agrippina), Roberto Alagna et Maria Agresta (La Bohème), Javier Camarena (La Cenerentola), Nicole Car, Luca Pisaroni et Gerald Finley (Cosi fan tutte), Elina Garanca, Michael Spyres et Ildar Abdrazakov (La Damnation de Faust), Anja Kampe, Bryn Terfel  et Valery Gergiev (Le Vaisseau Fantôme), Anna Netrebko, Placido Domingo et Ildar Abdrazakov (Macbeth), Placido Domingo (Madame Butterfly), Lisette Oropesa et Michael Fabiano (Manon),  Sonya Yoncheva et Marcelo Alvarez (Manon Lescaut), Diana Damrau (Maria Stuarda), Anita Hartig, Marianne Crebassa, Mariusz Kwiecen (Les Noces de Figaro), Nadine Sierra, Gaëlle Arquez, Luca Pisaroni (Les Noces de Figaro), Angel Blue et Denyce Graves (Porgy & Bess), Lise Davidsen (La Dame de Pique), Anna Netrebko, Michael Volle (Tosca), Aleksandra Kursak, Lisette Oropesa, Dmitry Popov, Vittorio Grigolo (La Traviata), Nina Stemme, Hibla Gerzmava (Turandot), Yannick Nézet-Seguin, Elsa van den Heeven, Peter Mattei, Christopher Ventris (Wozzeck), Yannick Nézet-Seguin, Joyce DiDonato, Aida Garifullina, Piotr Beczala, Etienne Dupuis (Werther).

Tous les détails de la programmation sont consultables sous le lien suivant : Met 2019/2020 season.

Saison 2019/2020 du New-York Metropolitan Opera

La saison 2019/2020 du MET au cinéma 

10 spectacles, dont les 5 nouvelles productions, seront diffusés au cinéma au cours de la saison 2019/2020

Turandot - samedi 12 octobre 2019
Manon - samedi 26 octobre 2019
Madame Butterfly - samedi 09 novembre 2019
Akhnaten - samedi 23 novembre 2019
Wozzeck - samedi 11 janvier 2020
Porgy & Bess - samedi 01 février 2020
Agrippina - samedi 29 février 2020
Der Fliegende Holländer - samedi 14 mars 2020
Tosca - samedi 11 avril 2020
Maria Stuarda - samedi 09 mai 2020

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Publié le 15 Février 2019

La Gioconda (Amilcare Ponchielli)
Représentation du 10 février 2019
Théâtre de La Monnaie - Bruxelles

La Gioconda Hui He
Laura Adorno Szilvia Vörös
Enzo Grimaldo Stefano La Colla
Barnaba Scott Hendricks
La Cieca Ning Liang
Alvise Badoero Jean Teitgen
Isèpo Roberto Covatta
Zuane / Un pilot Bertrand Duby
Un Barnabotto / Una voce Bernard Giovani
Un cantore René Larya
Una voce Alejandro Fonté 

Direction musicale Paolo Carignani                               Hui He (La Gioconda)
Mise en scène Olivier Py (2019)
Nouvelle production en co-production avec le Théâtre du Capitole de Toulouse et Teatr Wielki Warszawa

Œuvre peu jouée de par la difficulté qu’elle représente pour les artistes constamment mis sous tension vocale – L’Italie entière n’en donne aucune représentation cette saison -, La Gioconda préfigure par sa richesse musicale un basculement d’époque.

En effet, depuis le début des années 1870, les grandes figures du Grand Opéra (Meyerbeer, Rossini, Auber, Halevy) ont disparu, et Verdi, après Don Carlos (1867) et Aida (1871), vient d’entrer dans une longue période de voyages artistiques et de révisions de ses œuvres (Simon Boccanegra, Don Carlo), dont il ne ressortira qu’en 1887 avec l’époustouflant Otello.

La Gioconda (He-Vörös-La Colla-Hendricks-Liang-Teitgen-Carignani-Py) La Monnaie

Et c’est également à partir de la seconde partie des années 1880 que vont apparaître les œuvres réalistes de Leoncavallo, Mascagni et Puccini, tournées vers des drames quotidiens.

Ainsi, avec le célèbre ballet ‘La danse des heures’, qui symbolise la lutte éternelle entre les forces du bien et du mal, subsiste toujours dans La Gioconda un écho du Grand Opéra passé.

Et le livret d’Arrigo Boito, le poète auquel Verdi s’associera pour Otello, basé sur la pièce de Victor Hugo ‘Angelo, tyran de Padoue’, mais transposé à Venise, rapproche d’autant plus Ponchielli de Verdi que ce dernier s’était déjà inspiré de deux ouvrages du dramaturge français, Hernani et Le Roi s’amuse, respectivement pour Ernani et Rigoletto.

Par ailleurs, l’œuvre comprend des passages virtuoses alliant le chœur et l’orchestre qui annoncent ce même Otello.

Pourtant, Ponchielli met aussi les chanteurs à rude épreuve avec une écriture dramatique que l’on va retrouver dans les opéras véristes les plus durs.

Jean Teitgen (Alvise Badoero)

Jean Teitgen (Alvise Badoero)

Et la mise en scène d’Olivier Py ne fait qu’éloigner l’ouvrage le plus célèbre de Ponchielli de la pompe du Grand Opéra, en plongeant les protagonistes dans un univers sous-terrain noir, sans lumière, là où l’eau croupit et où erre un clown triste et inquiétant, évoquant à la fois le personnage de Rigoletto et celui de Canio dans Il Pagliacci de Leoncavallo.

On ne pouvait pas mieux trouver comme scénographie qui jette un pont entre plusieurs univers, renforçant ainsi la position de confluence esthétique du chef-d’œuvre de Ponchielli. L’enchaînement des tableaux est brillamment réalisé sans temps morts, avec une sensation d’enfermement permanente accentuée par les structures frontales en forme de chambres carcérales, ou bien par l’effet d’infini en trompe-l’œil de la chambre photographique projetée en arrière-scène.

Le metteur en scène n’évite pas la complaisance pour les scènes sordides d’éventrement ou de viol, manie avec grâce les corps masculins des danseurs, et crée un climat surréaliste où le pouvoir apparaît nettement dissocié de la vie des bas-fonds, créant une tension exacerbée par la présence machiavélique de Barnaba.

Scott Hendricks (Barnaba)

Scott Hendricks (Barnaba)

Ce n’est donc pas une interprétation qui met à l’aise ou flatte l’œil, mais une mise en mouvement de l’histoire du sacrifice inhumain d’une artiste, La Gioconda, pour sa rivale en amour, un enchevêtrement de sentiments contradictoires à la hauteur des tensions vocales qu’elles engendrent, et qui prend ici une inexorable force théâtrale chevillée au corps. Nullement la production ennuyeuse de Pier Luigi Pizzi en 2013 à l’Opéra Bastille n’avait laissé une telle impression mémorable.

Cette sensation de coup de poing permanent doit aussi beaucoup à la direction nerveuse et sans relâche de  Paolo Carignani, qui n’était pourtant pas aussi prenante lors des représentations d’Il Trovatore à Munich dans la mise en scène d’Olivier Py. L’association des deux artistes est ici sans faille, et si les couleurs vrillées des cordes manquent sans doute de lustre et de raffinement, l’énergie sombre de cet orchestre survolté est avant tout au service d’un spectacle fort.

Hui He (La Gioconda) et Ning Liang (La Cieca)

Hui He (La Gioconda) et Ning Liang (La Cieca)

Et les chanteurs, dont on admire l’endurance, se montrent à la hauteur d’un enjeu extrêmement exigeant pour leur voix. La Gioconda de Hui He surmonte sans problème les redoutables aigus de la partition tout en s’appuyant sur une tessiture grave poignante, et ne donne jamais l’impression de vaciller. Splendide Suicidio ! et un engagement douloureusement fatal qu’elle exprime avec une dignité saisissante.

Stefano La Colla fait également partie de cette catégorie de ténors expressifs qui tiennent la distance face à la violence des propos chantés. Couleurs claires teintées d’intonations réalistes, solidité et fluidité du souffle, il s’abandonne à l’art de la plainte puissante en jouant avec des fragilités auxquelles il ne succombe pas.

Szilvia Vörös, en Laura, possède également une excellente résilience et un timbre d’airain monochrome, mais c’est Ning Liang qui, de par son rôle et la souplesse d’une voix touchante, est l’un des point émotionnel majeur de la soirée.

Hui He (La Gioconda)

Hui He (La Gioconda)

Enfin, Jean Teitgen se tire bien des incantations tendues du rôle d’Enzo, et, sans trop de surprise, le texan Scott Hendricks, fidèle à la Monnaie et à son public assidu, libère à nouveau sa capacité à incarner avec férocité un personnage aussi dur que celui de Barnaba.

Chœur endiablé et débarrassé de toute bride, on a bien compris qu’il s’agissait de ne laisser aucun répit et aucune perte d’attention aux spectateurs.

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