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Publié le 29 Juin 2019

Macbeth (Giuseppe Verdi)
Représentation du 23 juin 2019
Opera Vlaanderen – Anvers

Macbeth Craig Colclough
Lady Macbeth Marina Prudenskaya
Banco Tareq Nazmi 
Macduff Najmiddin Mavlyanov 
Dama di Lady Macbeth Chia Fen Wu 
Malcolm Michael J. Scott 

Directeur musical Paolo Carignani
Mise en scène Michael Thalheimer (2019)

                                                                                             Marina Prudenskaya (Lady Macbeth)
Coproduction Théâtres de la Ville de Luxembourg, Deutsche Oper am Rhein Düsseldorf, Grand Théâtre du Luxembourg et Opéra de Gand.

La solitude du couple Macbeth dégénérée en folie meurtrière est une tragédie dont chaque adaptation au théâtre comme à l'opéra revisite les mécanismes des violences totalitaires, de la peur de chuter, et des révoltes des opprimés.
Michael Thalheimer, en n'ayant recours, comme seul décor, qu'à une fosse en forme de vasque aux parois lisses et arrondies, répond à chaque scène par la même sensation de trappe qui piège aussi bien le couple maudit que Banquo et son fils, ou bien Macduff et les siens.

Marina Prudenskaya (Lady Macbeth)

Marina Prudenskaya (Lady Macbeth)

Les arrivées des sorcières se font en surplomb, en rampant sous des portes qui enserrent la scène, et l'ambiance lumineuse métallique reste constamment sombre, avec quelques beaux effets de mise en valeur des solistes, comme par une simple lame de lumière pour la Lady Macbeth interprétée par Marina Prudenskaya.

La jeune mezzo-soprano russe aborde un de ses rôles les plus complexes, et se jette avec impudence dans les noirceurs hurlantes de la Lady, alliant graves dé-féminisés et rondeur du galbe vocal qui permettent de donner un profil élancé et héroïque à ses fulgurances, une puissance stupéfiante au regard de sa physionomie fine accentuée par la gestuelle arachnéenne que le metteur en scène lui insuffle.

Par ailleurs, elle conserve une excellente souplesse dans les piqués de la scène du banquet, mais ne se risque pas avec raison au suraigu filé de la scène de somnambulisme.

Craig Colclough (Macbeth) et Marina Prudenskaya (Lady Macbeth)

Craig Colclough (Macbeth) et Marina Prudenskaya (Lady Macbeth)

Son partenaire, Craig Colclough, est beaucoup plus brut et sauvage dans son incarnation de Macbeth, en parfaite adéquation avec l'approche primitive du régisseur, développe une véritable personnalité gagnée par la folie, recouverte de sang, cherchant une reconnaissance dérisoire, avec quelque chose d'enfantin dans le regard.

Et le Banco de Tareq Nazmi est lui aussi bardé d'aspérités vocales rocailleuses, encore plus marquées par des intonations d'outre-tombe. Mais il parait défait dès son entrée en scène.

Quant à Najmiddin Mavlyanov, son Macduff s'inscrit dans la même patine rude, solide de timbre, au souffle bien assuré.

Craig Colclough (Macbeth) après le meurtre de Duncan

Craig Colclough (Macbeth) après le meurtre de Duncan

Cependant, si le concept de Michael Thalheimer se défend parfaitement pendant toute la première partie, jusqu'à la scène des apparitions de la seconde partie, rappelant le naturalisme du film de Roman Polanski basé sur la pièce de William Shakespeare, et déroule sans temps morts l'enchaînement de l'action, l'unicité et l'invariance du dispositif finit par atténuer le relief des situations.

Tareq Nazmi (Banco) et le fils de Banco

Tareq Nazmi (Banco) et le fils de Banco

Paolo Carignani qui avait, il y a quelques années, une technique extrêmement fine, et presque féminine, de cisèlement du tissu orchestral, a récemment évolué pour privilégier la violence théâtrale, la fusion avec le drame scénique, comme il l'a valeureusement prouvé dans La Gioconda joué à La Monnaie de Bruxelles récemment.

Mais ici, si la pâte noire aux reflets de bronze est d'emblée travaillée avec force et compacité pour soutenir la fureur de l'entière interprétation - on pense beaucoup à la version, au disque, de Giuseppe Sinopoli et Maria Zampieri -, il aurait sans doute pu ajouter de l'effet en revenant à une sculpture fine des lignes écrites par Verdi, afin de créer une tension avec l'immobilisme qui gagne au final la direction scénique.

Craig Colclough (Macbeth)  et le fantôme de Banco

Craig Colclough (Macbeth) et le fantôme de Banco

Et de la même façon, les chœurs répondent avec volontarisme et cohésion aux ressorts de l'action, sans que pour autant 'Patria oppressa' ne crée un fort sentiment d'affliction.

Il sera ainsi possible de retrouver à Gand et Luxembourg les mêmes artistes de cette production, hormis Marina Prudenskaya qui sera remplacée par Katia Pellegrino, la saison prochaine, ainsi que les seconds rôles qui s'insèrent eux aussi parfaitement dans les coloris de l'interprétation.

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Publié le 15 Février 2019

La Gioconda (Amilcare Ponchielli)
Représentation du 10 février 2019
Théâtre de La Monnaie - Bruxelles

La Gioconda Hui He
Laura Adorno Szilvia Vörös
Enzo Grimaldo Stefano La Colla
Barnaba Scott Hendricks
La Cieca Ning Liang
Alvise Badoero Jean Teitgen
Isèpo Roberto Covatta
Zuane / Un pilot Bertrand Duby
Un Barnabotto / Una voce Bernard Giovani
Un cantore René Larya
Una voce Alejandro Fonté 

Direction musicale Paolo Carignani                               Hui He (La Gioconda)
Mise en scène Olivier Py (2019)
Nouvelle production en co-production avec le Théâtre du Capitole de Toulouse et Teatr Wielki Warszawa

Œuvre peu jouée de par la difficulté qu’elle représente pour les artistes constamment mis sous tension vocale – L’Italie entière n’en donne aucune représentation cette saison -, La Gioconda préfigure par sa richesse musicale un basculement d’époque.

En effet, depuis le début des années 1870, les grandes figures du Grand Opéra (Meyerbeer, Rossini, Auber, Halevy) ont disparu, et Verdi, après Don Carlos (1867) et Aida (1871), vient d’entrer dans une longue période de voyages artistiques et de révisions de ses œuvres (Simon Boccanegra, Don Carlo), dont il ne ressortira qu’en 1887 avec l’époustouflant Otello.

La Gioconda (He-Vörös-La Colla-Hendricks-Liang-Teitgen-Carignani-Py) La Monnaie

Et c’est également à partir de la seconde partie des années 1880 que vont apparaître les œuvres réalistes de Leoncavallo, Mascagni et Puccini, tournées vers des drames quotidiens.

Ainsi, avec le célèbre ballet ‘La danse des heures’, qui symbolise la lutte éternelle entre les forces du bien et du mal, subsiste toujours dans La Gioconda un écho du Grand Opéra passé.

Et le livret d’Arrigo Boito, le poète auquel Verdi s’associera pour Otello, basé sur la pièce de Victor Hugo ‘Angelo, tyran de Padoue’, mais transposé à Venise, rapproche d’autant plus Ponchielli de Verdi que ce dernier s’était déjà inspiré de deux ouvrages du dramaturge français, Hernani et Le Roi s’amuse, respectivement pour Ernani et Rigoletto.

Par ailleurs, l’œuvre comprend des passages virtuoses alliant le chœur et l’orchestre qui annoncent ce même Otello.

Pourtant, Ponchielli met aussi les chanteurs à rude épreuve avec une écriture dramatique que l’on va retrouver dans les opéras véristes les plus durs.

Jean Teitgen (Alvise Badoero)

Jean Teitgen (Alvise Badoero)

Et la mise en scène d’Olivier Py ne fait qu’éloigner l’ouvrage le plus célèbre de Ponchielli de la pompe du Grand Opéra, en plongeant les protagonistes dans un univers sous-terrain noir, sans lumière, là où l’eau croupit et où erre un clown triste et inquiétant, évoquant à la fois le personnage de Rigoletto et celui de Canio dans Il Pagliacci de Leoncavallo.

On ne pouvait pas mieux trouver comme scénographie qui jette un pont entre plusieurs univers, renforçant ainsi la position de confluence esthétique du chef-d’œuvre de Ponchielli. L’enchaînement des tableaux est brillamment réalisé sans temps morts, avec une sensation d’enfermement permanente accentuée par les structures frontales en forme de chambres carcérales, ou bien par l’effet d’infini en trompe-l’œil de la chambre photographique projetée en arrière-scène.

Le metteur en scène n’évite pas la complaisance pour les scènes sordides d’éventrement ou de viol, manie avec grâce les corps masculins des danseurs, et crée un climat surréaliste où le pouvoir apparaît nettement dissocié de la vie des bas-fonds, créant une tension exacerbée par la présence machiavélique de Barnaba.

Scott Hendricks (Barnaba)

Scott Hendricks (Barnaba)

Ce n’est donc pas une interprétation qui met à l’aise ou flatte l’œil, mais une mise en mouvement de l’histoire du sacrifice inhumain d’une artiste, La Gioconda, pour sa rivale en amour, un enchevêtrement de sentiments contradictoires à la hauteur des tensions vocales qu’elles engendrent, et qui prend ici une inexorable force théâtrale chevillée au corps. Nullement la production ennuyeuse de Pier Luigi Pizzi en 2013 à l’Opéra Bastille n’avait laissé une telle impression mémorable.

Cette sensation de coup de poing permanent doit aussi beaucoup à la direction nerveuse et sans relâche de  Paolo Carignani, qui n’était pourtant pas aussi prenante lors des représentations d’Il Trovatore à Munich dans la mise en scène d’Olivier Py. L’association des deux artistes est ici sans faille, et si les couleurs vrillées des cordes manquent sans doute de lustre et de raffinement, l’énergie sombre de cet orchestre survolté est avant tout au service d’un spectacle fort.

Hui He (La Gioconda) et Ning Liang (La Cieca)

Hui He (La Gioconda) et Ning Liang (La Cieca)

Et les chanteurs, dont on admire l’endurance, se montrent à la hauteur d’un enjeu extrêmement exigeant pour leur voix. La Gioconda de Hui He surmonte sans problème les redoutables aigus de la partition tout en s’appuyant sur une tessiture grave poignante, et ne donne jamais l’impression de vaciller. Splendide Suicidio ! et un engagement douloureusement fatal qu’elle exprime avec une dignité saisissante.

Stefano La Colla fait également partie de cette catégorie de ténors expressifs qui tiennent la distance face à la violence des propos chantés. Couleurs claires teintées d’intonations réalistes, solidité et fluidité du souffle, il s’abandonne à l’art de la plainte puissante en jouant avec des fragilités auxquelles il ne succombe pas.

Szilvia Vörös, en Laura, possède également une excellente résilience et un timbre d’airain monochrome, mais c’est Ning Liang qui, de par son rôle et la souplesse d’une voix touchante, est l’un des point émotionnel majeur de la soirée.

Hui He (La Gioconda)

Hui He (La Gioconda)

Enfin, Jean Teitgen se tire bien des incantations tendues du rôle d’Enzo, et, sans trop de surprise, le texan Scott Hendricks, fidèle à la Monnaie et à son public assidu, libère à nouveau sa capacité à incarner avec férocité un personnage aussi dur que celui de Barnaba.

Chœur endiablé et débarrassé de toute bride, on a bien compris qu’il s’agissait de ne laisser aucun répit et aucune perte d’attention aux spectateurs.

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Publié le 30 Juin 2013

Il Trovatore (Giuseppe Verdi)
Représentation du 27 juin 2013
Bayerische Staatsoper München

Ferrando Kwangchul Youn
Inez Golda Schultz
Leonora Anja Harteros
Count di Luna Alexey Markov
Manrico Jonas Kaufmann
Azucena Elena Manistina

Direction musicale Paolo Carignani
Mise en scène Olivier Py

 

                                                                                                           "Di quella Pira"

 

Olivier Py, nouveau directeur du Festival d’Avignon et metteur en scène pour lequel Paris vient de commander pas moins de trois nouvelles productions au cours de l’automne prochain, Alceste à l’Opéra Garnier, Aïda à l’Opéra Bastille et Dialogues des Carmélites au Théâtre des Champs Élysées, fait sa première apparition à l’Opéra de Munich en ouvrant la première journée du festival avec Il Trovatore de Giuseppe Verdi.

Jonas Kaufmann (Manrico)

Jonas Kaufmann (Manrico)

Son univers noir, l’esthétique homo-érotique qui lui est chère quand il s’agit de faire intervenir des combattants torse-nus, la figure finale de la mort - un homme en noir qui rode autour de Léonore - et sa revendication chevillée au corps de sa foi catholique, renvoient des images qui, dans l’ensemble, s’insèrent bien dans le climat sordide de l’œuvre.

Ferrando, ce superbe Kwangchul Youn qui fait ressortir tous les angles saillants et inquiétants du récit d’introduction, raconte l’histoire devant un rideau de théâtre, comme un acteur partie prenante du drame, car Olivier Py en fait, à la toute fin, le meurtrier de Manrico.

Choeur des forgerons (début Acte II)

Choeur des forgerons (début Acte II)

Il fait apparaître un personnage généralement jamais représenté, la mère d’Azuzena, vieille femme défigurée par toutes les souffrances qu’elle a enduré, brûlée vive dans une forêt incendiée blanche de cendres, qui pèse comme une malédiction sur les protagonistes du drame.

Cependant, les images ne suffisent pas à créer une cohérence dramaturgique, et l’on s’y perd un peu avec cette actrice sensuelle qui danse sur une locomotive, à l‘arrivée d‘Azuzena, qui charme le Comte sur son lit et qui offre, en conclusion, une très belle icône d’une femme en désir d’enfant sur un fond de toiles ondoyant. L'analyse psychologique se fond ainsi à l'action, la relation fusionnelle entre Azucena et Manrico étant très nettement soulignée.

Martyre de la mère d'Azucena

Martyre de la mère d'Azucena

Le couple que forme Manrico et Leonore est bien mis en valeur, mais un peu à la façon dont le metteur en scène avait traité le romantisme sans issue de Roméo et Juliette. Il commet même une erreur en faisant surgir Jonas Kaufmann, idéal de musicalité et d’un charme sombre au point de gommer légèrement l’héroïsme flamboyant de ce rôle de ténor italien impétueux, en le faisant surgir au moment où Anja Harteros est emportée dans les subtilités éthérées d’ « E deggio, o posso crederlo». Olivier Py, à ce moment précis, n’a pas l’humilité de s’effacer devant la musique. Car, si le timbre de la cantatrice allemande est un peu froid dans son premier air, sa splendeur vocale repose sur la précision de sa projection, lancée comme un intense faisceau saisissant, et, surtout, sur la finesse des lignes dont la grâce est trop inhabituelle pour ne pas y réagir avec une extrême sensibilité.

Anja Harteros (Leonora)

Anja Harteros (Leonora)

Dans la seconde partie, Anja Harteros est encore plus impliquée dramatiquement, parfois même avec violence, et laisse une impression terrible en se retirant prise par des spasmes de folies dans un très bel effet visuel angoissant.
Cette dernière scène s’achève d’ailleurs par un impressionnant trio avec Elena Manistina, bien plus noire et hallucinante qu’en première partie, alors que le jeune couple l’accompagne d’effets véristes très appuyés qui annoncent la mort.

Alexey Markov, avec ses intonations russes élégantes mais hors sujet dans ce répertoire, campe un Comte dont il manque la stature à la fois sensible et dominatrice pour imprimer un caractère qui s’impose avec suffisamment de force face à un Jonas Kaufmann qui chante dans une tessiture proche de celle du baryton.

Elena Manistina (Azucena)

Elena Manistina (Azucena)

Après un spectaculaire numéro de foire, deux bébés gigantesques et grotesques gesticulant sur le plateau circulaire du théâtre, Olivier Py devient plus mesuré dans les changements de décors, beaucoup trop nombreux et rapides en première partie. Il crée ainsi une atmosphère plus prenante, faite d’enchevêtrements mécaniques complexes et sombres qui concordent avec le climat musical nocturne de ces deux derniers actes.

Le bûcher d’Azucena laisse place à une magnifique croix ardente, l’inévitable expression de la ferveur religieuse de Manrico, mais surtout du metteur en scène.
 

Jonas Kaufmann (Manrico) et Anja Harteros (Leonora)

Jonas Kaufmann (Manrico) et Anja Harteros (Leonora)

Comme on a pu l’entendre dans Tosca à l’Opéra Bastille, Paolo Carignani est un chef qui soigne les lignes musicales. Les lignes des cordes sont toujours aussi séduisantes, des reflets métalliques et élégants en émanent magnifiquement, mais, pendant les deux premiers actes, la tension théâtrale est trop faible pour soutenir l’action scénique. Le son semble même confiné en sourdine dans la fosse d’orchestre. Par la suite, le rayonnement musical est bien meilleur, le volume prend de l’ampleur, et les tableaux retrouvent une beauté sonore sombre captivante.

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Publié le 23 Octobre 2012

Tosca (Giacomo Puccini)
Répétition générale du 20 octobre 2012

Opéra Bastille


Floria Tosca Martina Serafin
Mario Cavaradossi Marco Berti
Le Baron Scarpia Sergey Murzaev
Cesare Angelotti Nicolas Testé
Un Sacristain Lucianio di Pasquale
Spoletta Simeon Esper

Mise en scène Werner Schroeder (1994)
Direction musicale Paolo Carignani

                                                                         Martina Serafin (Tosca) et Marco Berti (Mario)

Il n’est plus nécessaire de commenter les détails de la mise en scène de Tosca à l’Opéra Bastille, elle a fait l’objet de nombreuses reprises et a considérablement contribué à l’équilibre financier de la Maison.

Mais son interprétation, cette saison, comporte une originalité musicale, car la direction de l’orchestre est confiée à Paolo Carignani.

Martina Serafin (Tosca)

Martina Serafin (Tosca)

Le chef italien dispense un soin presque précieux à l’ornementation des motifs, signant d’un geste en torsade, féminin et oriental les moindres drapés fluctuants. Sur de telles ondoyances, les flottements des voiles de Tosca estampent même des sensations visuelles caressantes à fleur de peau.

Plus fabuleux encore, les dispersions argentées du gong, au lever du soleil sur le Château Saint-Ange, se fondent dans la majestueuse lenteur vaporeuse des cordes, une évocation impressionniste des brumes éclairées par les premières lueurs de l’aube inoubliable

La théâtralité perd de sa violence, mais il s‘agit d‘une vision qui veut croire à une grâce toujours présente malgré la nature sordide du drame.

Sergey Murzaev (Scarpia)

Sergey Murzaev (Scarpia)

Autre tableau moins conventionnel, le duo du second acte entre Scarpia et Tosca, pourtant pervers, prend une dimension amoureuse tant Sergey Murzaev imprime une noblesse et un cœur troublant, car jamais le Baron n’a paru aussi sincèrement épris, et séducteur.

Très fine musicienne au timbre un peu suranné, Martina Serafin maintient une ligne aristocratique et mesure ses affects au point de perdre un peu de pouvoir émotionnel. Il en résulte un « Vissi d’Arte » très bien chanté, mais trop distancié.

Elle a en revanche l’art du mouvement magnifique, quand la musique s’étire dans le temps.

Le berger (Acte III)

Le berger (Acte III)

Surdimensionné à cet univers réaliste mais sensible, Marco Berti ne fait qu'esquisser la légèreté artistique de Mario. Son chant puissant et les changements soudains de couleur de grain séduisent peu, mais « E Lucevan le stelle », accompagné par un orchestre sublime, révèle pourtant une subtilité absente depuis la rencontre à l'église Sant'Andrea della Valle. 

Pupitres (Fin Acte I)

Pupitres (Fin Acte I)

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Publié le 27 Septembre 2010

Les Vêpres siciliennes (Verdi) 

Représentation du 26 septembre 2010 

De Nederlandse Opera (Amsterdam)

Hélène Barbara Haveman
Ninetta Livia Aghova
Henri Burkhard Fritz
Guy de Montfort Alejandro Marco-Buhrmester
Jean Procida Balint Szabo
Tybalt Huber Francis
Danieli Fabrice Farina
Mainfroid Rudi de Vries
Robert Roger Smeets
Le sire de Bethune Jeremy White
Le Conte de Vaudemont Christophe Fel

Direction Musicale Paolo Carignani
Mise en scène Christof Loy

 

 

 

                          Barbara Haveman (Hélène)

Après sa création à Paris le 13 juin 1855, et une reprise en 1863, la capitale s'est détournée des Vêpres Siciliennes qui ne fut, par la suite, quasiment plus chantée en français.

L'œuvre disparut même au cours de la première partie du XXième siècle avant de réapparaitre à Florence et à Milan en 1951, renaissance immortalisée par un enregistrement live de la version italienne I Vespri siciliani avec Maria Callas et sous la direction de Erich Kleiber.

Il fallut donc attendre 2003 pour que la version française renaisse à l'Opéra Bastille sous la direction de James Conlon, dans une mise en scène d'Andrei Serban.

En attendant une reprise éventuelle de la part du spécialiste des voix qui dirige actuellement l'Opéra de Paris, sa rareté justifie un déplacement à Amsterdam.

Alejandro Marco-Buhrmester (Guy de Montfort)

Alejandro Marco-Buhrmester (Guy de Montfort)

Le fait que Christof Loy soit le régisseur de la production peut induire une vague appréhension, mais son  travail a au moins le mérite de conserver l'intégralité de la partition et notamment le ballet des quatre saisons.

Dans ce passage de près d'une demi-heure, cédé aux exigences de l'Académie impériale, la musique de Verdi y est facétieuse, enthousiaste, dramatiquement hors sujet, ce qui devient prétexte à une burlesque évocation de l'enfance d'Henri, avec ses jeux et ses bêtises, dans un décor kitsch des années 60.

La mise à profit d'une musique de divertissement pour évoquer un rêve décalé n'est pas nouvelle, Arnaud Bernard y avait eu recours dans La Dame de Pique créée au Capitole de Toulouse en 2008.

Les Vêpres siciliennes. Fin acte III (mise en scène Christof Loy)

Les Vêpres siciliennes. Fin acte III (mise en scène Christof Loy)

Il y a bien quelques frayeurs lorsque l'opéra ouvre directement sur la scène des Français convoitant les Siciliennes, jusqu'à ce que l'ouverture apparaisse entre l'acte I et II pour marquer le temps relativement long qui sépare ces deux phases théâtrales.

Mais dans l'ensemble, bien que le metteur en scène allemand analyse l'évolution psychologique d'Hélène, qui ne peut devenir une femme aimante tant qu'elle n'a pas fait le deuil du meurtre de son frère, on retient surtout de la réussite pour les scènes rayonnant de joie de vivre..

Parmi cet univers banal et souvent vide, rien sur le plan esthétique, pas même les éclairages, ne contribue à une sorte d'emprise mentale, et le travail d'acteur n'est percutant que pour Hélène, le chœur, et quelques rôles mineurs parmi les soldats français. La liberté que s'octroie Loy est un défi engagé avec le spectateur qui doit soit s'en contenter, soit s'en aller.

Barbara Haveman (Hélène) et Burkhard Fritz (Henri)

Barbara Haveman (Hélène) et Burkhard Fritz (Henri)

Ainsi, lorsque le visuel déçoit, intellectuellement parlant, les grandes émotions verdiennes doivent compter sur la qualité musicale.

La sensibilité de Paolo Carignani est gourmande de sensualité, de fusion parfaite entre cordes, cuivres et vents, et de sonorités patiemment polies.

Le chef sait même être léger et entrainant au cours du ballet ou du boléro. Il se refuse en revanche à toute réaction sanguine, aux attaques fulgurantes, aux grondements de terreur, aux grands traits qui soulèvent les passions humaines.

Barbara Haveman (Hélène)

Barbara Haveman (Hélène)

Cette relative placidité se retrouve sur scène, que ce soit Burkhard Fritz, Henri au langage sensible, élégiaque et sans fougue, ou bien Alejandro Marco-Buhrmester (Amfortas dans le mémorable Parsifal mis en scène par Warlikowski en 2008),  Guy de Montfort  humain et dépressif, ou encore Balint Szabo, Jean Procida au grain mûr et aux lignes vocales toujours élégamment modulées.

Mais la grande satisfaction verdienne, sans aucune réserve, se concentre sur Barbara Haveman.

A aucun moment il n’est possible de décrocher d’une incarnation de feu, la souplesse, l’aisance dans les transitions du registre le plus grave aux piani les plus subtiles et les plus élevés, une puissance sauvage et sensuelle, et une présence scénique qui domine ses partenaires masculins.

Barbara Haveman (Hélène). Boléro (Acte V)

Barbara Haveman (Hélène). Boléro (Acte V)

Timbre similaire à celui d’Anna Caterina Antonacci, diction française un peu moins précise que la soprano italienne toutefois, la soprano néerlandaise n’avait pas donné aussi forte impression il y a deux ans dans le rôle de Lisa à Toulouse.

Le chœur, fortement sollicité par l’action à laquelle il participe amplement et avec joie, assume la ferveur enthousiaste de la partition.

Synopsis des Vêpres Siciliennes.

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Publié le 30 Septembre 2008

La Traviata à la gare de Zurich (Giuseppe Verdi)
En direct sur Arte le 30 septembre 2008


Violetta        Eva Mei                 Mise en scène         Adrian Marthaler
Alfredo        Vittorio Grigolo
Germont       Angelo Veccia       Direction musicale   Paolo Carignani

Pour l'habitué des salles lyriques, l'expérience d'un opéra joué au milieu d'un lieu public touche à une des dimensions clé de ce spectacle vivant : le rapport au spectateur.

Qui n'a jamais trouvé détestable le comportement de cette frange du public d'opéra qui se paye (parfois cher) une place pour aller huer tel ou tel artiste ?
Nous le vivons tous les jours et là l'on se dit que quelque part ces personnes ne méritent pas d'avoir pu assiter à cette représentation et que bien d'autres devraient pouvoir en profiter.

C'est donc avec beaucoup d'émotion que l'on suit Eva Mei et Vittorio Grigolo déambulant au milieu de ces gens qui restent là, debout, à simplement apporter attention et émerveillement à ces chanteurs qui n'auront jamais vécu une aussi proche interaction.

De plus, les effets de travellings offrent aux téléspectateurs de fantastiques survols de la foule et les pauses où les artistes analysent en direct ce qu'ils vivent mettent ainsi en scène des prises de recul par rapport au théâtre qui se joue.

Une minorité de personnes s'intéresse à l'art lyrique. Alors cette manière de l'amener dans une gare permet de dire : "voilà ce que nous aimons et que nous aimerions vous voir tant aimer."

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