Histoire de l'Opéra, vie culturelle parisienne et ailleurs, et évènements astronomiques. Comptes rendus de spectacles de l'Opéra National de Paris, de théâtres parisiens (Châtelet, Champs Élysées, Odéon ...), des opéras en province (Rouen, Strasbourg, Lyon ...) et à l'étranger (Belgique, Hollande, Allemagne, Espagne, Angleterre...).
La Force du destin (Giuseppe Verdi) Représentation du 18 janvier 2014 Oper Köln (Cologne)
Il Marchese di Calatrava Wilfried Staber Leonora di Vargas Adina Aaron Don Carlo di Vargas Vladimir Stoyanov Alvaro Burkhard Fritz Padre Guardiano Young Doo Park Fra Melitone Matias Tosi Preziosilla Katrin Wundsam Mastro Trabuco Ralf Rachbauer Alcalde Marcelo de Souza Felix Chirurgo Luke Stoker Curra Andrea Andonian
Chor der Oper Köln & Extra Chor Orchester Gürzenich-Orchester Köln
Direction musicale Will Humburg Mise en scène Olivier PyAdina Aaron (Leonore)
Depuis le début de cette année 2014, Olivier Py est dorénavant totalement investi par sa mission à la direction du festival d’Avignon, et il laisse de côté, pour quelques temps, son travail de metteur en scène d’Opéra.
La production de La Forza del destino qu’il a réalisé pour l’Opéra de Cologne est donc une reprise qui marquait ses débuts dans un théâtre lyrique allemand. Elle fut suivie par une seconde mise en scène d’un opéra de Verdi, à l’ouverture du festival de Munich 2013 : Il Trovatore.
Katrin Wundsam (Preziosilla)
Comme pour ce dernier, la dramaturgie de La Force du destin n’est pas facile à suivre, avec cette histoire improbable de deux ennemis qui deviennent, sans se reconnaître, les meilleurs amis du monde sur le champ de bataille. Sous l’angle de vue d’Olivier Py, ce destin prend la forme d’une force qui bouscule tout, entraîne tout un monde vers un chaos - l’apocalypse est proche - que même la foi religieuse ne peut contrer, si bien qu’aucun protagoniste, hormis le père, ne survit : Alvaro se suicide et Preziosilla finit même fusillée à la fin de farandole du troisième acte.
Cette œuvre de Verdi, composée quelques mois après que Victor-Emmanuel II soit devenu Roi d’Italie, se déroule pendant la Guerre de succession d’Autriche (1740-1748) sur un des fronts qui opposa les Espagnols et les Français aux Autrichiens dans la péninsule italique.
C’est une dénonciation de la fatalité humaine de la guerre qui transparait dans cette mise en scène extrêmement sombre : le drapeau nationaliste italien flotte au dessus des têtes pour galvaniser les foules, Preziosilla aguiche l’appétit sexuel des soldats, les décors n’arrêtent pas de se bousculer très loin dans l’arrière scène, et d’immenses roues tournent en permanence tandis que la présence d’un ange maléfique signe l’exécution du jugement final.
Adina Aaron (Leonore)
Les décors sont massifs et se reconfigurent en permanence sous un ciel zébré d’éclairs, ce qui finit par faire ressentir une lourdeur assommante. Olivier Py donne surtout de la force aux grands mouvements de masses, les religieux, les militaires, la population paysanne qui finissent tous par s’opposer les uns aux autres. La rancune et l’histoire sentimentale qui lient les personnages principaux sont, elles, totalement défaites sous cette pression des évènements.
Fond du décor acte I
Musicalement, la distribution est dominée par Adina Aaron. Elle est une Leonore éblouissante d’homogénéité et d’expressivité, et elle peut soutenir une musicalité qui perdure sans que le souffle ne semble se reprendre même dans les pianis les plus discrets. La projection est splendide, et rien ne laisse transparaître un tempérament de diva, sinon, plutôt,une manière d’être sur scène assez franche.
Burkhard Fritz détonne considérablement dans cet opéra, car ce ténor wagnérien - il fut Parsifal à Bayreuth au cours de l’été 2012 - a surtout la voix puissante et grimaçante de Mime ou de Loge. Rien d’italien, donc, dans son chant, mais, cependant, une certaine capacité à émouvoir qui trouve son accomplissement dans le grand duo du troisième acte avec Carlo.
Katrin Wundsam (Preziosilla)
Dans ce rôle, justement, Vladimir Stoyanov fait bien meilleure impression que dans la production de Jean-Claude Auvray qui fut créée à l’Opéra Bastille en novembre 2011 : ses inflexions verdiennes restituent les couleurs sanguines que cette œuvre porte en elle, sans qu’il soit pour autant le grand baryton pétrifiant qu’il devrait être.
Young Doo Park est, lui, un magnifique prêtre dont les intonations prennent, parfois, des teintes slaves, et Katrin Wundsam, à la voix très claire et dispersée, est surtout une Preziosilla fantastiquement exubérante.
Burkhard Fritz (Alvaro) et Vladimir Stoyanov (Don Carlo di Vargas)
Chœur fluide et à l’unisson, direction d’orchestre emportée par un chef, Will Humburg, qui ne ménage ni l’énergie ni la fougue des musiciens, la texture orchestrale est d’un esthétisme très allemand, affiné et sensuel, mais qui se dilue sensiblement dans l’acoustique réverbérée de cette salle musicale située en face de la cathédrale, le long du Rhin, et où se déroulent les représentations en attendant la fin de la rénovation de l‘opéra de Cologne.
Platonov (Anton Tchekhov) Le Fléau de l’absence des pères Représentation du 09 janvier 2014 Odéon Théâtre de l’Europe - Ateliers Berthier
Mikhail Platonov Joseph Fourez Sophia Iegorovna Sophie Dumont Anna Petrovna Elsa Granat Sacha Macha Dussart Serguei Voinitsev Valentin Boraud Ivan Triletski Guillaume Compiano Nikolai Triletski Tristan Gonzales Ossip Arnaud Charin
Scénographie & Mise en scène Benjamin Porée
Production Compagnie La Musicienne du Silence Coproduction Odéon - Théâtre de l’Europe, Théâtre de Vanves Créé le 11 mai 2012 au Théâtre de Vanves
Joseph Fourez (Mikhail Platonov)
Le hasard des circonstances a du bon, parfois, surtout s’il permet de découvrir le travail d’un jeune metteur en scène, Benjamin Porée, qui n’était pas forcément attendu au cours de la saison bien avancée du Théâtre de l’Europe.
Dès le début de ce spectacle qui s’étend sur quatre heures trente, on sent tout de même un certain académisme qui rappelle celui de la Comédie Française, c’est-à-dire une façon de déclamer qui ne sonne pas tout à fait naturelle.
Joseph Fourez (Mikhail Platonov) et Sophie Dumont (Sophia Iegorovna)
Mais les expressions corporelles des personnages vivent et interagissent avec célérité, et l’ensemble de la troupe, une vingtaine d’acteurs, est lié par une énergie de vie qui se ressent très rapidement.
Ce jeu se construit alors pour aboutir à un premier grand tableau réussi, le tableau des jardins de la maison des Voinitsev qui couvre toute la deuxième partie du premier acte.
Il y règne un foisonnement étourdissant entre la scène centrale et l’arrière scène, où les invités mènent la grande vie autour de la table conviviale, jusqu’à la scène de bal entrainante. On y distingue les mauvais et les bons danseurs, et tout ce petit monde semble heureux. Mais, par la suite, les relations malheureuses entre Platonov et les héroïnes principales, Sophia, Anna et Sacha mettent sous tension toute la fin de cet acte.
Joseph Fourez (Mikhail Platonov) et Sophie Dumont (Sophia Iegorovna)
Le second, à la lisière d’une forêt, se déroule dans l’ombre, et les poteaux télégraphiques originels sont remplacés par des balançoires vides, comme le souvenir d’une enfance heureuse perdue à laquelle se sont substitués le noir et le silence d’une absence.
C’est pourtant véritablement le troisième acte qui signe un grand moment de théâtre, car le lieu est resserré vers l’avant scène, elle-même jonchée d’un mur de bouteilles de vin - on se souvient également du tapis de bouteilles qui irisait la chambre de Petra von Kant dans la mise en scène de Martin Kusej - qui dit tout de la spirale de problèmes irrésolus qui entraîne Platonov vers le néant.
Dans cet acte, Benjamin Porée reconstitue une pièce sale et décrépie, mais représente Platonov,contrairement aux descriptions sordides du texte, dans l’entière nudité de son corps splendide. Il se crée alors un contraste saisissant entre la fraicheur de l’apparence physique de Joseph Fourez et la déliquescence mentale et lucide qu’il confronte à ses protagonistes.
Joseph Fourez (Mikhail Platonov) et Sophie Dumont (Sophia Iegorovna)
C’est d’ailleurs dans cet acte que l’on comprend réellement ce qui le lie à sa femme Sacha, la bourgeoise protectrice, à Sophia, qui voit en lui une inspiration spirituelle que ne peut lui apporter son mari figé dans son statut social, et Anna Petrovna, sa mère intime. Elsa Granat est sans doute l’actrice qui dégage une profondeur viscérale la plus marquante parmi ces jeunes artistes pleins de vie. Sophie Dumont (Sophia), elle, fait considérablement penser au personnage d'Elvire de par la sensibilité digne qu'elle dégage.
En trainant ainsi sa nudité jusque dans sa baignoire, Benjamin Porée assimile Platonov à Hamlet, perdus qu’ils sont, tous deux, sans figure paternelle solide et fiable proche d’eux. Mais le plus inexplicable est de voir comment un être qui se détruit s’attire en même temps l’amour de ces trois femmes. Bien entendu, on voudrait rapprocher Platonov de Don Giovanni, mais le personnage que l’on voit ici a une conscience tellement négative de lui-même que l’on ne peut même plus l’assimiler au héros mythique.
Valentin Boraud (Serguei Voinitsev)
Le dernier acte s’achève alors dans un immense salon presque vide. Ne trainent plus que deux vieux canapés, deux lustres, quelques chaises et un gramophone. L’ambiance dépressive plate contamine tous les survivants de ce désastre psychologique.
Anton Tchekhov avait 18 ans quand il écrivit cette pièce qui est sa première œuvre. Le texte, si rythmé et si révélateur des âmes, paraît cependant trop dense pour que la représentation théâtrale suffise à tout en saisir, ce qui invite, ainsi, à le relire dans les jours qui suivent.
Le 28 décembre 2013, une très longue interview de Gerard Mortier est parue dans le journal De Standaard, un quotidien belge néerlandophone. Elle est présente dans son intégralité sur le site culturel flamand « Detheatermaker».
La traduction française qui en est faite ci-dessous est un effort pour en reconstituer le sens le plus fidèlement possible.
L’interview est signée du journaliste culturel Geert Van der Speeten
Il y eut le diagnostic de son cancer, puis, son licenciement controversé. Son année désastreuse l’a marqué, mais également amaigri.
« L’Art ne nous réconcilie pas avec la vie, mais il nous aide à mieux y faire face ». Dans la bibliothèque, très bien rangée, de son appartement du Parc du Cinquantenaire, à Bruxelles, Gerard Mortier (70 ans) nous reçoit. Sur une table, des livres sont également classés en piles très bien ordonnées. « La mort fait partie de la vie. Et même les lettres de Mozart nous apprennent qu’il pensait à la mort tous les soirs. »
Gerard Mortier :« Je suis les recommandations de mon médecin. Vous devez garder espoir, me dit-il, mais les illusions ne vous feront pas vous sentir mieux. »Javier del Real
Son rythme est très lent. D’une vie active - il est un des plus grands intendants d’opéra d’Europe - il est passé à une vie contemplative. « Ma force intellectuelle m’empêche de me laisser aller. Je peux écrire, lire, penser : c’est une bonne thérapie. »
Alors il lit de grands romans du calibre d’Anna Karénine. Il écrit des articles pour les journaux et magazines en les imprégnant de l'essence d’artistes comme Wagner, Verdi ou Büchner . « Je reste curieux. Ecrire m’oblige à réfléchir sur tout ce qui constitue mes convictions et mes croyances. »
Mortier va bientôt commencer une seconde chimiothérapie. Sa maladie, qui s’est révélée au printemps dernier lors d’un examen de routine, laisse des traces visibles. Il ne veut pas en parler, bien qu’il ait accepté cette interview qui dresse le bilan de cette année.
A propos de la manière dont il a vécu l’annonce de cette maladie : « En un jour, ma vie a basculé. Vous devez d'abord encaisser le choc, puis c’est au tour des gens autour de vous. En parler reste difficile. Je sais, après plusieurs visites à l'hôpital, que chaque souffrance est différente. Supposons que je sois un père de famille, je réagirais différemment à cette maladie. Maintenant, je pense surtout à mes fils spirituels, les personnalités du monde de l’opéra comme Serge Dorny, Bernard Foccroulle ou bien Viktor Schoner. Je partage mes expériences sans les imposer . La question qui se pose naturellement est si la fin est proche ou pas. »
En Septembre, Mortier a du encaisser un second coup. Le Teatro Real de Madrid, qui l’avait accueilli comme un sauveur en 2010, l’a limogé de façon inattendue. Une déclaration malheureuse dans une interview donnée à un journal - Mortier y critiquait la façon dont son successeur avait été nommé sans respecter les procédures établies - a été la goutte d'eau de trop.
Ce fut un autre moment douloureux quand Joan Matabosch, le directeur du Liceu de Barcelone, fut nommé pour remplacer Mortier à Madrid. Celui-ci fut informé de sa destitution par téléphone, alors qu’il suivait son traitement médical en Allemagne. Il en a résulté un tollé international et une vague d’indignations et de courriers de soutien à Mortier. « A Madrid, ils commencent à se demander comment ils ont pu se laisser influencer par un ministre insolent, et réalisent qu’ils ont fait une grossière erreur. »
Vous vous êtes montré combattif. Puis, vous avez recherché la paix par le compromis, alors que c’est contre votre nature. Pourquoi?
« Ce n'était pas le problème. Pourquoi devrais-je poursuivre pendant quatre ans si je n‘ai même pas ce temps à vivre ? Mon but était de sauver cette saison et de tenir mes engagements pris antérieurement. Je souhaitais également accueillir les artistes de Brokeback Mountain et Tristan und Isolde dès le début des répétitions. Je tiens enfin à être dans la dernière ligne droite jusqu’à la première. De plus, je peux compter sur mes assistants et je peux tout arranger par email. »
« Des grands triomphes jusqu’à la défaite finale, j’aurai finalement tout vécu dans ma carrière à l'opéra . Sic transit gloria mundi ! »
« Vous voyez aussi les choses sous un angle différent. Si l’on prend l’exemple de mon travail sur Mozart, mon compositeur favori absolu, je m’y suis quelques fois cassé les dents. Au Festival de Salzbourg, j’ai eu de la réussite avec quelques œuvres. Mais je me rends compte, maintenant, que mon projet Mozart y a échoué. Il a donc conduit à de nouvelles idées, et, par conséquent, à deux productions de Mozart du réalisateur Michael Haneke. Elles ont reçu un accueil enthousiaste dans le monde entier. »
Il y a dix ans, vous trouviez que l‘on produisait trop d‘opéras. Qu'en est-il maintenant ?
« C’est toujours le cas, nous produisons trop d’opéras et la valeur événementielle prend souvent le dessus. Prenez Der Rosenkavalier, à Anvers, où un acteur hollywoodien a fait ses débuts comme metteur en scène. Je pouvais déjà prédire les avis. »
« En outre, le manque de connaissances musicales dans de nombreuses maisons d'opéra est choquant. Et cela ne concerne pas que les metteurs en scène, mais aussi les directeurs musicaux. Ils n’ont pas suffisamment l’expérience de l’opéra et ne sont pas prêts à travailler correctement. Prenez l’exemple d’Herbert von Karajan faisant répéter un chanteur interprétant Wotan : il connaissait chaque mot par cœur. »
« Beaucoup de metteurs en scène n'ont pas leur place dans une maison d’opéra. Ils ne savent rien sur la musique, et viennent seulement avec une idée de départ. L’Anneau du Nibelung de Wagner joué dans une station de ski : pas si difficile. Mais qui les engage ? Transposer l’opéra à notre époque ce n’est pas seulement changer les costumes. Vous devez savoir exactement ce que vous voulez traduire. Nous identifions nos émotions et nos sentiments à travers l’opéra. Ils vivent en nous et nous devons les confronter à des personnages qui vivent des problèmes similaires auxquels le compositeur a lui aussi pensé. Nous nous rendons compte ainsi que nous ne sommes pas seuls, ce qui nous renforce. C’est cette sensation que nous devons traduire.»
Etes-vous pessimiste sur cette évolution?
« Beaucoup de metteurs en scène appartiennent à une génération qui se réfère à Wikipedia pour comprendre l’histoire de l’opéra. Ce n’est que le symptôme d’un problème plus profond : la vitesse à laquelle tout évolue, l'abondance d'informations, ainsi que les outils de communication tels que Facebook et Twitter qui ne servent qu’à miser sur la valeur marchande de l’art. »
«Je ne vois pas vraiment de solution. Mais être pessimiste ? Non, jamais cela. Seulement, je suis dépassé par cette situation. La vie me rend mélancolique. Celui qui croit aux utopies et qui comprend qu’elles ne sont pas possibles devient triste. Par conséquent, je suis les recommandations de mon médecin. Vous devez garder espoir, me dit-il, mais les illusions ne vous feront pas vous sentir mieux. »
Qu’est-ce qui peut vous faire tenir en ce moment?
« Les vrais amis qui me soutiennent et avec lesquels je reste en contact. Les réactions positives aussi, y compris celles suscitées par l'article, paru dans votre journal, sur l’importance politique de Verdi. »
«Quand j'étais jeune, des terreurs me submergeaient parfois. En particulier, l'idée d’éternité me faisait peur, car c’est quelque chose qui ne se termine pas, contrairement au cycle de la nature que nous connaissons bien. »
« Maintenant, j’en souffre beaucoup moins. Pour moi, tout se termine avec la mort. Ce que nous appelons résurrection se résume à vivre en sachant que nous ne faisons que passer. En outre, je crois en la spiritualité, au charisme intellectuel, aux relations que nous ne pouvons pas comprendre. »
Qu’est-ce qui vous attire dans l‘art?
« L'art donne forme à des questions existentielles que nous ne pouvons pas résoudre immédiatement dans la vie quotidienne. La dimension spirituelle de la vie trouve son expression dans l'art, c‘est une certitude. Mais, contrairement aux croyances populaires, l'art n'est pas quelque chose de flou ou d’insaisissable. Par exemple, la musique est une science aussi exacte que l'algèbre. Vous pouvez analyser une partition parfaite de façon mathématique. Cette caractéristique de l’art est parfois sous-estimée.»
« En outre, le génie d'un artiste réside dans son inspiration. On retrouve cela chez Mozart, Beethoven ou Wagner. Quelqu'un comme Richard Strauss maîtrisait parfaitement l’orchestration musicale. Mais il composait parfois comme s’il tricotait tout en parlant.»
« Quand les gens sont pris dans une situation difficile qui les jette à terre, ils se tournent vers l'art. On entend toujours de la musique aux funérailles de quelqu’un. Après les deux Guerres Mondiales, les théâtres se remplirent continument. L’art ne nous réconcilie pas avec la vie, mais il nous aide à mieux y faire face.»
Considérez-vous que l’opéra, et l’art plus généralement, est une activité élitiste?
« Cette idée que l’art est élitiste et qu’il est destiné à un club restreint est aujourd’hui dépassée. Peut-être que cela a toujours été le cas et que c’est une question qui n’intéresse qu’un petit groupe de personnes. Mais regardez les attitudes de consommation partout dans le monde. Les rayons Dior sont présents partout, les voitures et les vêtements sont symboles de statut social, et les consommateurs veulent tout immédiatement. Ils se comportent comme des enfants gâtés.»
« Grandir est synonyme de faire des choix. C‘est aussi réclamer sa liberté ultime et faire les bons choix. J'ai toujours gardé cela à l'esprit. J'ai souvent été sévèrement critiqué pour ma programmation sélective et radicale, mais je ne pouvais pas faire autrement.»
Y a-t-il quelque chose de beau que vous vouliez faire à Madrid mais que vous ne pourrez pas réaliser?
« Mais cette saison finira en beauté. Les contes d' Hoffmann est ma dernière production. Christoph Marthaler sera le metteur en scène et Sylvain Cambreling le directeur musical. Les opéras d'Offenbach ne sont pas aussi importants que ceux de Mozart, mais Les contes d' Hoffmann disent quelque chose d'essentiel au sujet de notre quête de l'amour idéal. Seulement, les gens ne croient plus en rien aujourd‘hui, et ne croient même pas en l’amour. »
La pièce s’achève par une ode à l'art et à l'inspiration comme moyen de consolation et d'espérance.
« Les politiciens considèrent les artistes et les intellectuels comme quantité négligeable, un cadre décoratif. Si tout allait bien, nous n'aurions pas besoin des artistes. Mais les grandes révolutions que nous devons affronter font peur aux gens. Elles les font fuir vers le matérialisme. Alors, j’ai au moins la conviction que cette peur peut-être contrée par l’art, la science et la philosophie. »
« Nous avons systématiquement refoulé la mort. Nous en avons développé la peur et cultivé des alternatives, comme le fanatisme. Mais la mort fait partie de la vie. Les lettres de Mozart nous apprennent, même s’il n’avait que 28 ans et était un homme d’esprit, qu’il pensait à la mort tous les soirs. Je partage le point de vue des stoïciens que nous serons récompensés ou punis pendant notre vie, mais pas après. »
« Des épicuriens j'ai appris à apprécier les choses simples de la vie. Récemment, j'ai vu passer un train sur le Rhin au coucher de soleil. J’en étais très heureux. Avant, je ne l’aurais même pas remarqué parce que j’étais trop souvent penché sur les rapports et les plannings. »
« Néanmoins, ces choses simples ne sont pas suffisantes, et l’homme doit vouloir construire des cathédrales. Notre mission est d’oser rêver. La dernière chose que je peux faire est de transmettre mes connaissances. »
Plexus - Pièce pour Kaori Ito (Aurélien Bory) Représentation du 08 janvier 2014 Théâtre de la Ville (au Théâtre des Abbesses)
Scénographie & Mise en scène Aurélien Bory Chorégraphie Kaori Ito Composition musicale Joan Cambon Création Lumières Arno Veyrat
Production Compagnie 111 - Aurélien Bory
Avec Kaori Ito
Cette pièce imaginée par Aurélien Bory pour Kaori Ito a beau ne durer qu’une petite heure, elle n’en dégage pas moins une puissance troublante et fascinante. Tout est en effet conçu pour donner l’illusion d’une force invisible qui contraint les mouvements de l’artiste présente sur scène, un peu à la manière d’une matière sombre qui dominerait sa vie.
On se retrouve alors face à une forêt de structures de bandes verticales élastiques dont l’artifice est invisible. La lumière, dorée, se reflète sur une partie de ce décor, dans l’ombre duquel Kaori Ito semble, dans un premier temps, se débattre. Qu’elle tente de tomber, son corps tordu se bloque et se glace, qu’elle veuille se relever, un lien insoupçonnable la redresse. Seuls les battements de son cœur sont évoqués et amplifiés.
Cette vision donne l’impression d’être hypnotisé par un être qui se débat avec sa propre intériorité.
Puis le décor tourne, et, sans comprendre pourquoi, il change de forme et prend plutôt l’aspect d’une croix. Et, à nouveau, la danseuse, ou bien l’acrobate, on ne sait même plus comment la décrire, cherche à gagner sa liberté. La musique prend de plus en plus d’importance, sorte de New-wave et de musique répétitive qui évoque le même style de musique que l’on peut entendre, au même moment, au Théâtre du Châtelet qui reprend Einstein on the Beach. Ensuite, cette chorégraphie devient aérienne. L’artiste japonaise surnage en apesanteur, puis son corps s'élève avec la même posture mortelle que celle qu'avait magnifiquement réalisé Bill Viola à la fin de sa vidéo de Tristan & Isolde.
Malgré l’obscurité, on ne ressent absolument rien d’oppressant.
Il s’agit même d’une naissance, d’une éclosion qui se met en scène, avec ses spasmes les plus violents.
Le plateau se libère enfin. Dans une atmosphère d’ombres argentées, Kaori Ito se jette au sol, se courbe pour jeter des cris inaudibles vers le haut, et elle tournoie avec un voile noir flottant et sensuel.
Et soudain, au bruit de pas de géants tonitruants, la scène devient immatérielle. Le sol ne se distingue plus, plus aucune limite ne paraît visible, et la jeune femme s’envole vers le ciel dans tout ce fracas, sa légèreté affirmée enfin acquise.
Ce spectacle est un mystère de bout en bout, et il est fort probable que pas deux spectateurs n’aient vu et vécu la même chose.
Mercredi 01 janvier 2014 sur France 2 à 11h15 Concert du nouvel An à Vienne
Dimanche 05 janvier 2014 sur Arte à 16h05 Leonard Bernstein The Making of "West Side Story"
Dimanche 05 janvier 2014 sur Arte à 18h40 Magnificat (Bach et Vivaldi), Haendel, Lully. La Capella Reial de Catalunya, Le Concert des Nations, dir. Savall
Lundi 06 janvier 2014 sur Arte à 01h25 Michael Nyman Un compositeur en devenir
Mardi 07 janvier 2014 sur France 3 à 01h45 Cendrillon (Massenet) DiDonato, Coote, Gutierrez, Podles, Lafont Dir. de Billy, msc. Pelly (Royal Opera House)
Dimanche 12 janvier 2014 sur Arte à 19h00 Chansons de la Belle Epoque
Dimanche 19 janvier 2014 sur Arte à 19h00 Femmes violonistes Film de Nele Münchmeyer
Lundi 20 janvier 2014 sur Arte à 01h05 Hommage à Krzysztof Penderecki
Dimanche 26 janvier 2014 sur Arte à 19h00 Bruch, Lehar, Strauss, extraits de Zarzuelas. Domingo, Oeste, Blue. Orchestre philharmonque de Baden-Baden, dir.Kohn
Jeudi 30 janvier 2014 sur France 2 à 00h30 Nixon in China (John Adams) Pomponi, Anderson, Sidhom, Kim, Jo, Chun Kim ... Dir. Briger, msc. Shi-Zheng
Web : Opéras en accès libre
Lien direct sur les titres et sur les vidéos)
La Traviata (Scala de Milan) jusqu'au 06 janvier 2014
Rigoletto (Festival d'Aix en Provence) jusqu'au 11 janvier 2014
Guillaume Tell (Getry) à l'Opéra de Wallonie jusqu'au 08 février 2014
Manon Lescaut (Puccini) au Théâtre Royal de la Monnaie jusqu'au 28 février 2014
Oedipe Rex (Amel Opera Festival) jusqu'au 24 mars 2014
Le Tour d'écrou (Amel Opera Festival) jusqu'au 31 mars 2014
Le Songe d'une nuit d'été (Grand Théâtre de Genève) jusqu'au 02 avril 2014
Le Couronnement de Poppée (Opéra de Lille) jusqu'au 12 avril 2014
L'Allegro, il Penseroso ed il Moderato (Festival de Beaune) jusqu'au 27 avril 2014
L'Or du Rhin (Bayreuth-ms Chéreau) jusqu'au 11 avril 2014
La Walkyrie (Bayreuth-ms Chéreau) jusqu'au 11 avril 2014
Siegfried (Bayreuth-ms Chéreau) jusqu'au 09 avril 2014
Le Crépuscucle des Dieux (Bayreuth-ms Chéreau) jusqu'au 11 avril 2014
Einstein on the Beach (Théâtre du Châtelet) jusqu'au 07 mai 2014
The Indian Queen (Teatro Real de madrid) jusqu'au 25 mai 2014
Hamlet (Thomas) au Théâtre Royal de la Monnaie jusqu'au 17 juin 2014
Dialogues des Carmélites (Théâtre des Champs Elysées) jusqu'au 20 juin 2014
Un Ballo in Maschera (Teatro Regio di Parma) jusqu'au 01 octobre 2014