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Publié le 16 Mai 2023

Der Fliegende Holländer (Richard Wagner – 1843)
Version de concert du 15 mai 2023
Théâtre des Champs-Elysées

Daland Karl-Heinz Lehner
Senta Ingela Brimberg
Erik Maximilian Schmitt
Mary Dalia Schaechter
Der Steuermann Dmitry Ivanchey
Der Holländer James Rutherford

Direction musicale François-Xavier Roth
Les Siècles
Chœur de l’Opéra de Cologne

Coproduction Théâtre des Champs-Élysées / Les Siècles / Atelier Lyrique de Tourcoing / Oper Köln / Bühnen Köln

                                                      François-Xavier Roth

10 ans après l’interprétation par l’Orchestre Philharmonique de Rotterdam sous la direction de Yannick Nézet-Séguin (18 septembre 2013), et 50 ans après celle du Deutsche Staatsoper de Berlin menée par Wilfried Werz (19 mars 1973), le Théâtre des Champs-Élysées est à nouveau embarqué pour un soir dans l’élan romantique du ‘Vaisseau Fantôme’, mais avec cette fois une coloration musicale issue d’instruments allemands de l’époque de la création à Dresde.

James Rutherford (Der Holländer) et Ingela Brimberg (Senta)

James Rutherford (Der Holländer) et Ingela Brimberg (Senta)

Dés l’ouverture, qui se déroule dans une ambiance lumineuse ambrée, se dégagent les qualités orchestrales qui vont se déployer tout le long du concert, le charme des sonorités chantantes des vents au délié rond, bien timbré et très poétique, la chaleur et la tessiture un peu âpre des cuivres, le dessin soigné et nuancé des différentes lignes harmoniques, et un surprenant métal scintillant des cordes qui, toutefois, n’est pas aussi prédominant que dans d’autres versions plus expansives.

Et il y a surtout ce sens du tempo net et souple qui crée une théâtralité percutante d’une très grande élégance.

François-Xavier Roth, Les Siècles et le Chœur de l’Opéra de Cologne

François-Xavier Roth, Les Siècles et le Chœur de l’Opéra de Cologne

On aime également chez François-Xavier Roth cette manière passionnée de danser et d’humaniser la musique de Richard Wagner, d’en faire ressortir le toucher intime, mais aussi de galvaniser la scène à l'instar du grand choral ‘Johohoe!’ du dernier acte où les choristes de l’Opéra de Cologne, tous accourus à l’avant-scène, s’emparent de l’audience pour l’entraîner avec un impact franc phénoménal, et aussi avec grand sens de la cohésion et de la détermination qui induit un véritable sentiment fraternel entre eux.

François-Xavier Roth et Les Siècles

François-Xavier Roth et Les Siècles

Par ailleurs, si l’ensemble de la distribution est très impliqué, la psychologie de certains personnages montre de nouvelles facettes, à commencer par le Hollandais incarné par James Rutherford. Le baryton britannique se distancie d’une figure qui serait trop froide pour insuffler une forme d’autorité au gant de velours. Timbre homogène, voix sombre et attendrissante, il rend son personnage plus proche de nous, et il est très étonnant de voir comment Maximilian Schmitt lui oppose un Erik qui est son exact reflet physique, mais avec des expressions plus émotives, un tempérament bien écorché, la mise en espace semblant mettre en équilibre ces deux fortes personnalités face à Senta.

James Rutherford (Der Holländer)

James Rutherford (Der Holländer)

La soprano suédoise Ingela Brimberg brosse aussi un grand portrait wagnérien de la fille de Daland, un peu plus dur et moins romantique que d’autres interprètes, mais avec une solidité de timbre et un splendide aigu qui rendent une sensible impression névrotique à son caractère. Ses regards fusants sont à l’unisson de la forte pénétrance de son élocution ample et bien marquée, et point même l’envie d’y voir certains reflets de l’art déclamatoire de Waltraud Meier.

Ingela Brimberg (Senta)

Ingela Brimberg (Senta)

Autre personnalité forte, Karl-Heinz Lehner fait aussi vivre un Daland assez violent et particulièrement retentissant, dans une veine très théâtrale et vigoureuse où l’on sent l’influence d’un grand personnage straussien, le Baron Och du ‘Rosenkavalier’.

Quant à Dalia Schaechter, elle affiche une sévérité excessive alors que la nourrice de Senta pourrait révéler un visage maternel très attachant.

Dmitry Ivanchey (Der Steuermann) et Karl-Heinz Lehner (Daland)

Dmitry Ivanchey (Der Steuermann) et Karl-Heinz Lehner (Daland)

Et par contraste avec ses partenaires, Dmitry Ivanchey apporte une touche plus légère et mozartienne en dénuant le pilote de tout vague à l’âme sombrement mélancolique, tout en lui ajoutant, avec sa tessiture très claire, une tonalité humoristique inattendue.

Un version attachante, amoureusement dirigée, dont le souffle, la générosité et la précision musicale font à nouveau la valeur de cette brillante soirée wagnérienne donnée au Théâtre des Champs-Élysées.

Chœur de l’Opéra de Cologne

Chœur de l’Opéra de Cologne

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Publié le 31 Mars 2023

Présentation de la saison Lyrique 2023 / 2024 du Théâtre des Champs Élysées

Depuis le mardi 21 mars 2023, la quatorzième saison de Michel Franck à la direction du Théâtre des Champs Élysées est officiellement dévoilée à travers une visioconférence diffusée en matinée.

Cette saison s’inscrit dans la continuité des saisons passées et comprend 5 productions d’opéras en version scénique données sur un total de 24 soirées, une pièce de théâtre 'Le malade imaginaire' jouée sur 16 soirées, 22 soirées d’opéras en version concert (dont 2 soirs pour ‘Giulio Cesare’ et un dimanche matin pour ‘Didon et Enée’) et 5 oratorio et œuvres religieuses (dont 2 soirs pour ‘Carmina Burana’ avec Ludovic Tézier), 20 concerts symphoniques (dont 4 avec Les Siècles), 11 récitals vocaux, 19 récitals de piano, 11 concerts de l’orchestre de chambre de Paris, 5 autres concerts de musique de chambre, 19 concerts du dimanche matin, 5 ballets dansés sur 16 soirées et 2 soirées de Théâtre musical (‘Le Carnaval Baroque’).

Par ailleurs, une version de ‘La Flûte enchantée’ ramenée à une durée d’une heure et trente minutes,  interprétée par l’ensemble Les Siècles, sera créée pour le jeune public, et donnée en onze représentations sur le temps scolaire, ainsi que sur trois matinées et trois soirées tout public.

Ce spectacle sera une coproduction avec l’Atelier Lyrique de Tourcoing, l’opéra de Reims et l’opéra de Bordeaux

Cette ligne programmatique redonne également de la place aux opéras en version scéniques avec 5 nouvelles productions, et c’est cette fois la danse qui s’efface un peu pour laisser la place au théâtre à l’occasion des fêtes de Noël avec la reprise du ‘Malade imaginaire’ dans l’ancienne production de Claude Stratz (2001) de la Comédie française.

Les soirées d’opéras en version concert battent un nouveau record de représentations (plus de 20 soirées), mais les récitals vocaux sont fortement réduits par rapport aux saisons précédentes (une dizaine de soirées seulement).

'Boris Godounov' - Mise en scène Olivier Py

'Boris Godounov' - Mise en scène Olivier Py

Opéras en version scénique

La Cenerentola (Gioachino Rossini)
9, 11, 13, 15, 17, 19 octobre (6 représentations)

Direction musicale Thomas Hengelbrock  Mise en scène Damiano Michieletto
Marina Viotti, Levy Sekgapane, Edward Nelson, Peter Kálmán, Alice Rossi, Justyna Ołów, Alexandros Stavrakakis
Balthasar-Neumann-Ensemble, Balthasar-Neumann-Chor
Coproduction Semperoper Dresden

La Flûte enchantée (Wolfgang Amadé Mozart)
14, 16, 18, 20, 22, 24 novembre (6 représentations)

Direction musicale François-Xavier Roth, Mise en scène Cédric Klapisch
Cyrille Dubois, Regula Mühlemann, Florian Sempey, Catherine Trottmann, Jean Teitge, Marc Mauillon, Aleksandra Olczyk, Judith van Wanroij, Isabelle Druet, Marion Lebègue, Ugo Rabec, Blaise Rantoanina
Les Siècles, Chœur Unikanti-Maîtrise des Hauts-de-Seine
Coproduction Atelier Lyrique de Tourcoing, Théâtre Impérial–Opéra de Compiègne, Opéra de Nice-Côte d’Azur

Boris Godounov (Modeste Moussorgski)
28 février, 1, 3, 5, 7 mars (5 représentations)

Direction musicale Andris Poga, Mise en scène Olivier Py
Matthias Goerne, Victoire Bune, Lila Dufy, Svetlana Lifar, Marius Brenciu, Mikhail Timoshenko, Andreï Chtchelkalov, Roberto Scandiuzz, Airam Hernández, Yuri Kissi, Fabien Hyon, Sarah Laulan, Kristofer Lundin, Barnaby Re, Sulkhan Jaiani
Orchestre National de France, Chœur de l’Opéra National du Capitole, Maîtrise des Hauts-de-Seine Coproduction Opéra National du Capitole

David et Jonathas (Marc-Antoine Charpentier)
18, 19 mars (2 représentations)

Direction musicale Sébastien Daucé, Mise en scène Jean Bellorini
Petr Nekoranec, Gwendoline Blondeel, Jean-Christophe Lanièce, Lucile Richardot, Etienne Bazola, Alex Rosen, Hélène Patarot
Chœur et Orchestre Ensemble Correspondances
Production théâtre de Caen
Coproduction Théâtre des Champs-Élysées, Ensemble Correspondances, Les Théâtres de la Ville de Luxembourg, Opéra National de Lorraine, Opéra de Lille, Théâtre National Populaire Villeurbanne

L’Olimpiade (Antonio Vivaldi)
20, 23, 25, 27, 29 juin (5 représentations)

Direction musicale Jean-Christophe Spinosi, Mise en scène Emmanuel Daumas
Jakub Józef Orliński, Marina Viotti, Varduhi Abrahamyan, Delphine Galou, Jodie Devos, Luigi De Donato, Christian Senn
Choeur et Orchestre Ensemble Matheus
Ce projet a reçu le label Olympiade Culturelle

Elena Stikhina dans 'Adriana Lecouvreur'

Elena Stikhina dans 'Adriana Lecouvreur'

Opéras et oratorio en version de concert

Les Boréades (Jean-Philippe Rameau) le 23 septembre
Sabine Devieilhe, Reinoud Van Mechele, Thomas Doli, Tassis Christoyannis, Benedikt Kristjánsson, Philippe Estèphe, Gwendoline Blondeel

György Vashegyi direction, Orfeo Orchestra,  Purcell Choir
       
Requiem (Wolfgang Amadé Mozart) le 10 octobre
Julia Lezhneva, Eva Zaïcik, Mauro Peter, Nahuel Di Pierro

Julien Chauvin direction, Chœur de chambre de Namur

Carmen  (Georges Bizet) le 22 octobre
Marianne Crebassa, Stanislas de Barbeyrac, Iulia Maria Dan, Jérôme Boutillier, Faustine de Monès, Floriane Hasler, Florent Karrer, Thomas Morris, Nicolas Brooymans, Yoann Dubruque

Ben Glassberg direction, Orchestre de l’Opéra de Rouen Normandie, Choeur Accentus / Opéra de Rouen Normandie 

Jules César en Égypte (Georg Friedrich Haendel le 23 et 25 octobre
Cecilia Bartoli, Carlo Vistoli, Sara Mingardo, Max Emanuel Cenčić , José Coca Loza, Kangmin Justin Kim

Gianluca Capuano direction Orchestre et Les Musiciens du Prince-Monaco

Adriana Lecouvreur (Francesco Cilea) le 05 décembre
Elena Stikhina, Brian Jagde, Misha Kiria, Clémentine Margaine, Maurizio Muraro, Robert Lewis, Giulia Scopelliti, Thandiswa
Mpongwana, Pete Thanapat
Daniele Rustioni direction Orchestre et Chœurs de l’Opéra de Lyon

Véronique Gens dans 'Iphigénie en Tauride', 'Alceste' et 'Atys'

Véronique Gens dans 'Iphigénie en Tauride', 'Alceste' et 'Atys'

Oratorio de Noël (Jean-Sébastien Bach) le 08 décembre
A
nna Dennis , Hugh Cutting, Guy Cutting, Dominic Sedgwick
Masaaki Suzuki direction, Orchestra & Choir of the Age of Enlightenment

L’Enlèvement au sérail (Wolfgang Amadé Mozart) le 11 décembre
Albina Shagimuratova, Julien Behr, Florie Valiquette, Sulkhan Jaiani, Sahy Ratia

Julien Chauvin direction, Le Concert de la Loge, Chœur Fiat Cantus

La Chauve-souris (Johann Strauss) le 13 décembre
Huw Montague Rendall, Jacquelyn Stucker, Samuel Hasselhorn, Alina Wunderlin, Sandrine Buendia, Magnus Dietrich, Krešimir Špicer, Marina Viotti, Sunnyi Melles

Marc Minkowski direction, Les Musiciens du Louvre

Iphigénie en Tauride (Henry Desmarest / André Campra) le 09 janvier
Véronique Gens, Reinoud Van Mechelen, Tassis Christoyannis, David Witczak, Olivia Doray, Floriane Hasle, Tomislav Lavoie , Antonin Rondepierre, Jehanne Amzal, Marine Lafdal-Franc

Hervé Niquet direction, Orchestre et Chœur Le Concert Spirituel

Les sept péchés capitaux (Kurt Weill) le 10 janvier
Marina Viotti, Judith Chemla

Marc Leroy-Calatayud direction, L’Orchestre de Chambre de Genève

Philippe Jordan dans 'Don Giovanni'

Philippe Jordan dans 'Don Giovanni'

Carmina Burana (Carl Orff) le 25 et 26 janvier
Regula Mühlemann, Matthias Rexroth, Ludovic Tézier

Kazuki Yamada direction, Orchestre National de France, Choeur de Radio France, Maîtrise de Radio France

Alceste (Jean-Baptiste Lully) le 01 février
Véronique Gens, Cyril Auvity, Luigi De Donato, Luc Bertin-Hugault , Camille Poul, Léo Vermot-Desroches, Geoffroy Buffières, Claire Lefilliâtre, Cécile Achille

Stéphane Fuget direction, Les Epopées

Rinaldo (Georg Friedrich Haendel) le 02 février
Carlo Vistoli, Emőke Baráth | Armida, Chiara Skerath, Lucile Richardot, Anthea Pichanick, Andrea Mastroni

Thibault Noally direction, Les Accents

Didon et Enée (Henry Purcell) le 04 février
Anna Wal, Yoann Dubruque, Apolline Raï-Westphal

Johannes Pramsohler direction, Ensemble Diderot
       
Don Giovanni (Wolfgang Amadé Mozart) le 05 février
Christian Van Horn, Slávka Zámečníková , Bogdan Volkov, Federica Lombardi, Peter Kellner, Antonio Di Matteo, Martin Häßler, Patricia Nolz

Philippe Jordan direction, Orchestre et Chœur de l’Opéra de Vienne

Joyce DiDonato dans 'Didon et Enée'

Joyce DiDonato dans 'Didon et Enée'

Didon et Enée / Jephté (Henry Purcell / Giacomo Carissimi) le 08 février
Joyce DiDonato, Andrew Staples, Fatma Saïd, Beth Taylor, Carlotta Colombo, Alena Dantcheva, Anna Piroli, Massimo Altieri, Hugh Cutting

Maxim Emelyanychev direction, Il Pomo d’Oro

Les Pêcheur de perles (Georges Bizet) le 04 mars
Sandra Hamaoui, Xabier Anduaga, Benjamin Appl, Matthieu Lécroart

Lorenzo Passerini direction, Orchestre de chambre de Paris, Chœur de chambre de Rouen 

La Damnation de Faust (Hector Berlioz) le 21 mars
Stanislas de Barbeyrac, Stéphanie d’Oustrac, Jean Teitgen, Frédéric Caton

Cristian Măcelaru direction, Orchestre National de France, Chœur de Radio France

Passion selon Saint Matthieu (Jean-Sébastien Bach) le 22 mars
Maximilian Schmitt , Yannick Debus, Kateryna Kasper, Philippe Jaroussky, Emiliano Gonzalez Toro, Andreas Wolf

Francesco Corti  direction, Freiburger Barockorchester, Zürcher Sing-Akademie

Atys (Jean-Baptiste Lully) le 26 mars
Mathias Vidal, Véronique Gens, Deborah Cachet, Tassis Christoyannis, Floriane Hasler, Eléonore Pancrazi, David Witczak, Adrien Fournaison, Antonin Rondepierre, Carlos Rafael Porto, Marine Lafdal-Franc, François-Olivier Jean

Alexis Kossenko direction, Les Ambassadeurs~La Grande Ecurie, Les Pages et les Chantres du Centre de musique baroque de Versailles

Yannick Nézet-Séguin dans 'La Walkyrie'

Yannick Nézet-Séguin dans 'La Walkyrie'

Elektra (Richard Strauss) le 29 avril
Iréne Theorin, Violetta Urmana, Simone Schneider, Paweł Koni, Matthias Klink
Cornelius Meister direction, Staatsorchester Stuttgart

La Walkyrie (Richard Wagner) le 04 mai
Stanislas de Barbeyrac, Elza van den Heever, Soloman Howard , Brian Mulligan, Karen Cargill, Tamara Wilson, Justyna Bluj, Iris van Wijnen, Maria Barakova, Ronnita Miller, Bongiwe Nakani, Catriona Morison
Yannick Nézet-Séguin direction, Rotterdams Philharmonisch Orkest

Berenice (Georg Friedrich Haendel) le 21 mai
Sandrine Piau , Ann Hallenberg, Paul-Antoine Bénos-Djian, Hugh Cutting, Rupert Charleswort, John Chest
Francesco Corti direction, Il Pomo d’Oro

L’Heure espagnole (Maurice Ravel) le 22 mai
Isabelle Druet, Julien Behr, Loïc Félix, Thomas Dolié, Jean Teitgen
François-Xavier Roth direction, Les Siècles

Tolomeo (Georg Friedrich Haendel) le 31 mai
Franco Fagioli, Giulia Semenzato, Andrea Mastroni, Giuseppina Bridelli, Christophe Dumaux
Giovanni Antonini direction, Kammerorchester Basel

Les Grandes Voix d'Afrique

Les Grandes Voix d'Afrique

Récitals vocaux

Paris Opera Competition, le 15 septembre

Philippe Jaroussky (Hasse, Leo, Valentini, Traëtta, Bernasconi, Ferrandini, Haendel, J. C. Bach, Jommelli), le 26 novembre

Franco Fagioli (Rossini, Meyerbeer, Morlacchi, Nicolini), le 09 décembre

Golda Schultz, Amitai Pati, Pene Pati Donizetti, Mozart, Verdi, Gounod, Lehár), le 08 janvier

Les grandes voix lyriques d’Afrique, le 23 mars

Lisette Oropesa et Benjamin Bernheim

Lisette Oropesa et Benjamin Bernheim

Matthias Goerne (Schumann, Brahms), le 28 mars

Opera Fuoco fête ses 20 ans (Marcello, Telemann, Haendel, Mozart, Haydn, Mayr, Bizet, Rossini, Bellini, Offenbach), le 09 avril

Lisette Oropesa, Benjamin Bernheim (Rossini, Donizetti, Verdi, Offenbach, Bizet, Massenet, Gounod), le 26 avril

Lauranne Oliva, Eva Zaïcik, Bruno de Sá, Christophe Dumaux (Haendel, Porpora, Vivaldi), le 14 mai

Gala Belle Époque (Debussy, Saint-Saëns, Massenet, La Tombelle, Bonis, Dubois, Caplet), le 26 juin

Marina Viotti (Haendel), le 28 juin

'Le Malade imaginaire' - Comédie Française

'Le Malade imaginaire' - Comédie Française

Théâtre musical

Le Carnaval Baroque Art du cirque, musique et danse du XVIIe siècle D’Il Fàsolo à Monteverdi) le 13 et 15 janvier
Anaïs Bertrand, Paco Garcia, Martial Paulia, Igor Bouin, Stefano Amori, Julien Lubek

Vincent Dumestre direction, Cécile Roussat mise en scène
Le Poème Harmonique

 

Théâtre

Le Malade imaginaire (Molière) du 21 décembre au 7 janvier
Avec la troupe de la Comédie Française

Claude Stratz mise en scène

Vladimir Jurowski

Vladimir Jurowski

Concerts (sélection subjective)

Wiener Philharmoniker, Jakub Hrůša direction, Igor Levit piano (Brahms, Dvořak), le 14 septembre

Bayerisches Staatsorchester, Vladimir Jurowski direction, Yefim Bronfman, Elsa Dreisig (Wagner, Schumann, Mahler), le 21 septembre

Orchestre de chambre de Paris, Maxim Emelyanychev direction (Mendelssohn, Saint-Saëns), le 16 octobre

Les Siècles, François-Xavier Roth direction (Voyage musical de Mozart à Beethoven), le 14 octobre

Orchestre de chambre de Paris, Thomas Dausgaard direction, Elisabeth Leonskaja piano (Honegger/Pesson Rugby, Mozart, Mendelssohn), le 18 octobre

Dmitry Masleev piano (Rachmaninov, Cui, Liszt, Medtner, Balakirev, Glinka, Moussorgski), le 17 novembre

Quatuor Zaïde, Xavier Phillips violoncelle, Michel Portal clarinette (Mozart, Beethoven, Schubert), le 21 novembre

Orchestre national de France, Trevor Pinnock direction, Gil Shaham violon (Beethoven, Schubert), le 07 décembre

Emmanuel Pahud flûte, Maja Avramovic violon, Joaquín Riquelme García alto, Tim Park violoncelle (Mozart, Dvořák), le 17 décembre

Orchestre de chambre de Paris, Gábor Káli direction, Roger Muraro piano (Kodály, Chopin, Dvořák), le 11 janvier

Quatuor Hanson (Chostakovitch, Beethoven), le 21 janvier

Igor Levit piano (Mahler , Brahms, Beethoven), le 29 février

Maxim Emelyanychev piano, Aylen Pritchin violon (Brahms , Dvořák, Grieg), le 10 mars

Les Siècles, François-Xavier Roth direction, Marie-Nicole Lemieux contralto, Andrew Staples ténor (Rameau, Mahler Das Lied von der Erde), le 25 mars

Nikolaï Lugansky piano (Mendelssohn, Chopin Ballade , Wagner-Lugansky), le 27 mars

Andreï Korobeinikov piano (Beethoven, Schumann, Scriabine, Messiaen), le 12 avril

Orchestre Colonne, Marc Korovitch, Laurent Petitgirard direction (Dukas, Pierné, Berlioz, Petitgirard, Stravinsky, Ravel), le 28 avril

Les Siècles, François-Xavier Roth direction, Jean-Efflam Bavouzet piano, Renaud Capuçon violon (Alex Nante, Berg , Schoenberg), le 30 avril

Staatskapelle Dresden, Christian Thielemann direction (Weber, Wagner , Strauss), le 24 mai

Jean-Christophe Spinosi et Emmanuel Daumas dans 'L'Olimpiade'

Jean-Christophe Spinosi et Emmanuel Daumas dans 'L'Olimpiade'

Première impression sur la saison 2023 / 2024

Avec 8 opéras en version de concert d’après Lully, Desmarest, Gluck, Berlioz, Bizet et Ravel, la langue française prédomine parmi les soirées lyriques en version de concert pour la deuxième année consécutive, et tous les siècles depuis Louis XIV jusqu’à la Première Guerre mondiale sont représentés.

En revanche, pour défendre l'opéra français en version scénique, seuls deux soirs sont consacrés au ‘David et Jonathas’ de Marc-Antoine Charpentier mis en scène par Jean Bellorini.

Les opéras en italiens continuent de voir leur représentativité se réduire (aucun Monteverdi, Verdi, Puccini, Donizetti, Bellini ne sont programmés), mais la version scénique de ‘L’Olimpiade’ de Vivaldi est une vrai proposition, car rarement le compositeur vénitien a droit à une mise en scène (le dernier opéra de Vivaldi mis en scène remonte à la saison 2010/2011 avec ‘Orlando furioso’ dans la production de Pierre Audi dirigée par Jean-Christophe Spinosi).

Quant à ‘La Cenerentola’ de Gioachino Rossini, la mise en scène de Damiano Michieletto se substituera à celle d’Irina Brook dont la dernière reprise date de 2010.

‘Jephté’ de Giacomo Carissimi sera par ailleurs la découverte, en version de concert, de la saison.

Après deux saisons de mise en retrait, le répertoire allemand reprend des couleurs avec une version scénique de ‘La Flûte enchantée’, les versions de concert d’’Elektra’ de Richard Strauss et de ‘La Walkyrie’ de Richard Wagner, mais aussi des compositeurs tels Johann Strauss, Kurt Weill, et Jean-Sébastien Bach pour les oratorios.

Cette saison reflète d’ailleurs une certaine complétude du répertoire, car les langues slaves et anglaises y sont aussi représentées.

Stéphanie d'Oustrac dans 'La Damnation de Faust'

Stéphanie d'Oustrac dans 'La Damnation de Faust'

La nouvelle production de ‘Boris Godounov’ par Olivier Py, metteur en scène attaché à la maison, est un évènement qui s’inscrit dans la continuité d’’Eugène Onéguine’ mis en scène par Stéphane Braunschweig deux saisons auparavant.

Et pour les amoureux du baroque anglais, une matinée et une soirée sont dédiées à ‘Didon et Enée’ d’Henry Purcell interprété par deux équipes artistiques différentes, dont l’une avec Joyce Di Donato.

Quant à la langue latine, elle se limite au ‘Requiem’ de Mozart et ‘Carmina Burana’ de Carl Orff, où l’on retrouvera Ludovic Tézier dans la célèbre cantate.

Mais globalement, cette saison respecte les fondamentaux du théâtre centrés principalement sur le répertoire du XVIIIe et XIXe siècle, en s’appuyant sur 3 piliers équivalents, les répertoires italien, français et allemand.

Parmi les soirées très attendues, le ‘Don Giovanni’ dirigé par Philippe Jordan, la venue du Bayerisches Staatsorchester dirigé par Vladimir Jurowski, avec la participation d’ Elsa Dreisig, ‘Le Chant de la Terre’ par Les Siècles avec Marie-Nicole Lemieux et Andrew Staples, les ouvrages aussi surdimensionnés que sont ‘Elektra’ ou bien ‘La Walkyrie’, le récital de Lisette Oropesa et Benjamin Bernheim, ‘Atys’ avec Mathias Vidal et Véronique Gens, sont quelques exemples d’incontournables.

L'intégralité de la saison c'est ici.

Présentation de la Saison 2023-2024 du Théâtre des Champs-Elysées par Michel Franck

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Publié le 25 Décembre 2022

Giselle (Adolphe Adam – Académie Royale de Musique-Le Peletier, 28 juin 1841)
Ballet de l'Opéra de Kiev
Représentations du 21 (19h30) et 24 (15h00) décembre 2022
Théâtre des Champs-Élysées

Giselle Natalia Matsak
Albrecht Sergii Kryvokon
Myrtha Iryna Borysova
Hilarion Kostiantyn Pozharnytskyi
Berthe Kseniia Ivanenko
Avec Tymofiy Bykovets, Maksym Bilokrynytskyi, Daria Manoilo, Sergii Lytvynenko, Petro Markishev et le corps de ballet de l’Opéra national d’Ukraine

Chorégraphie Marius Petipa, d’après Jules Perrot et Jean Coralli
Décors et costumes originaux Tetiana Bruni
Costumes nouveau design Malva Verbytska (Maison Malva Florea)
Maître de Ballet Kostyantin Sergieiev
Direction musicale Dmytro Morozov
Orchestre Prométhée

Avec la reprise de ‘Giselle’ au Palais Garnier, en juin dernier, suivie, dès la rentrée au Théâtre des Champs-Élysées, par la version d’Akram Khan, et maintenant avec la venue du Ballet de l’Opéra national d’Ukraine en ce même théâtre, l’année 2022 aura donc été une année ‘Giselle’ pour Paris.

Natalia Matsak (Giselle) et Sergii Kryvokon (Albrecht)

Natalia Matsak (Giselle) et Sergii Kryvokon (Albrecht)

Et, en préambule de la première du mercredi 21 décembre, Michel Franck, le directeur du célèbre Théâtre de l’avenue Montaigne, a bien pris soin de décrire au public les conditions avec lesquelles les artistes ont du composer pour venir en toute sécurité à la capitale : le voyage en car depuis Kiev vers Varsovie, la tempête de neige et les défaillances de leur moyen de transport, leur rapatriement vers Cracovie où l’organisatrice de la tournée a pu trouver en urgence 100 billets d’avions pour les danseurs, certains venant avec leurs enfants pour échapper aux bombardements de leur ville.

Michel Franck et l'organisatrice de la Tournée du ballet national d'Ukraine

Michel Franck et l'organisatrice de la Tournée du ballet national d'Ukraine

Ils sont arrivés au théâtre 3 jours plus tôt, un dimanche, et Michel Franck, décrivant le stress d’une alerte à la bombe lorsque l’un des artistes ukrainiens eut oublié d’éteindre son téléphone portable, a rappelé à quel point ces circonstances remettaient à leur juste place nos petits problèmes quotidiens.

Corps de Ballet de l'Opéra national d'Ukraine (Fête au village)

Corps de Ballet de l'Opéra national d'Ukraine (Fête au village)

Cette venue était programmée avant le début de la guerre, c’est pourquoi ‘Casse-Noisette’ était initialement programmé, et du être remplacé par ‘La fille des neige’ afin de ne pas donner prise à la Russie de Vladimir Poutine qui utilise la culture comme moyen de propagande.

Mais avec les multiples coupures d’électricité dues aux attaques aériennes sur les installations civiles, la troupe manquait de temps pour monter le ballet de Michael Corder, si bien que les danseurs de Kiev ont choisi d’interpréter ‘Giselle’ d’Adolphe Adam qu’ils connaissent par cœur.

Natalia Matsak (Giselle) et Sergii Kryvokon (Albrecht)

Natalia Matsak (Giselle) et Sergii Kryvokon (Albrecht)

Ils sont donc très heureux d’être à Paris, mais pour eux, il est important de montrer la réalité de ce qu’ils vivent, et chacun est bien décidé à ne pas se laisser faire et à poursuivre sa mission. Certains danseurs et danseuses sont même allés au combat, et un ancien soliste, Alexander Chapoval, a été tué par les Russes dans l’est de l’Ukraine.

Kseniia Ivanenko (Berthe)

Kseniia Ivanenko (Berthe)

La toute première venue au Théâtre des Champs-Élysées de la troupe du Ballet de l’Opéra de Kiev date de 1964 où, dans le cadre du deuxième Festival International de Danse de Paris, elle fut consacrée meilleure Compagnie, ainsi que leurs solistes, Irma Loukachova et Vladimir Parsegoff, qui reçurent le Grand Prix de la Ville de Paris pour leur pas de deux d'’Esmeralda’

Puis, il faudra attendre décembre 2018 pour retrouver en ces lieux la Compagnie Ukrainienne à l’occasion de ses 150 ans d’existence. 

Kostiantyn Pozharnytskyi (Hilarion), Natalia Matsak (Giselle) et Sergii Kryvokon (Albrecht)

Kostiantyn Pozharnytskyi (Hilarion), Natalia Matsak (Giselle) et Sergii Kryvokon (Albrecht)

Hasard de l’Histoire, c’est au moment de la naissance de l’Opéra de Kiev que ‘Giselle’ disparut de l’affiche de l’Opéra de Paris. Car si la création du célèbre ballet d’Adolphe Adam eut lieu avec succès le 28 juin 1841 à la salle Le Peletier, c’est Jules Perrot, venu à Saint-Pétersbourg en 1849, puis Marius Petipa, qui vont contribuer à l’installer en Russie. ‘Giselle’ ne reviendra par la suite au Palais Garnier qu’en 1910.

Kostiantyn Pozharnytskyi (Hilarion)

Kostiantyn Pozharnytskyi (Hilarion)

La chorégraphie interprétée ce soir reste donc inspirée de l’original de Marius Petipa, d’après Jules Perrot et Jean Coralli, et elle se déroule dans un un décor très classique, adapté par la créatrice ukrainienne Malva Verbytska, qui comprend, côté jardin, la petite maison de Giselle, et en arrière plan, un château de Contes de fées qui évoque les origines aristocratiques d’Albrecht.

Tymofiy Bykovets (Un paysan virtuose)

Tymofiy Bykovets (Un paysan virtuose)

En seconde partie, des lumières bleutées diffusent une atmosphère nocturne et poétique au Royaume des ombres, sur fond d’une nature fantomatique.

La tension et la mélancolie sont perceptibles, mais cela ne va empêcher les artistes de défendre ce chef d’œuvre romantique, non sans gravité, mais avec l’envie de se faire plaisir et de faire plaisir au public.

Corps de Ballet de l'Opéra national d'Ukraine (Royaume des ombres)

Corps de Ballet de l'Opéra national d'Ukraine (Royaume des ombres)

La danseuse étoile Natalia Matsak est en effet éblouissante. Technique qui lui permet de réussir sans concession et sans la moindre marque de fléchissement les mouvements tournoyants sur pointe, et de tenir des poses avec grande allure et élégance, cette magnifique artiste rayonne d’une fraîcheur très mature qui, à la fois, traduit la sincérité de Giselle, mais aussi en fait une femme intérieurement profonde, dont la perte de raison fait aussi penser à celle de la Traviata lorsqu’elle révèle fatalement ses souffrances intérieures.

Iryna Borysova (Myrtha)

Iryna Borysova (Myrtha)

Son partenaire, Sergii Kryvokon, est un splendide danseur, très grand est d’une physionomie qui figure à la fois la noblesse et la dominance souveraine d’Albrecht, avec énormément de sensibilité.
Grands élans aériens, expressivité romantique, assurance dans toutes les portées, nous sommes avec lui transportés dans le monde de l’indomptable fierté slave, et c’est absolument fascinant à admirer.

Natalia Matsak (Giselle) et Sergii Kryvokon (Albrecht)

Natalia Matsak (Giselle) et Sergii Kryvokon (Albrecht)

En seconde partie, Iryna Borysova donne également une leçon d‘exigence dans son incarnation de la blanche Myrtha, dans une attitude sévère mais consciente, et le rival d’Albrecht, Kostiantyn Pozharnytskyi, habillé comme il se doit en tenue de chasseur qui lui donne un aspect perçant, est tout aussi sensible, lui qui révèle dans la majesté et la célérité de ses impeccables postures une authenticité teintée subtilement d’ombre.

Kostiantyn Pozharnytskyi (Hilarion) et Natalia Matsak (Giselle)

Kostiantyn Pozharnytskyi (Hilarion) et Natalia Matsak (Giselle)

Dans la scène des danses paysannes, Tymofiy Bykovets est lui aussi brillant de par son aplomb et sa précision de mouvement, tout en affichant une certaine exigence dans sa relation au public, et le corps de ballet réussit à conserver une bonne cohésion d’ensemble, d’abord par sa vitalité joyeuse mais départie de tout superficialité excessive, en première partie, puis par sa quiétude recueillie en seconde partie, qui devient inévitablement fort inspirante pour l’auditeur.

Sergii Kryvokon (Albrecht)

Sergii Kryvokon (Albrecht)

Et dans la fosse d’orchestre, Dmytro Morozov, directeur musical de l’Opéra de Kharkiv, obtient de l’ensemble ‘Prométhée’ un très beau délié fluide et inspirant auquel on se laisse aller en toute sérénité, avec une tension juste qui soutient une théâtralité chaleureuse où les percussions sont sollicitées sans réserve. Très agréable poésie des vents, également, qui magnifie la belle gestuelle des solistes et des ensembles.

Dmytro Morozov (directeur musical de l'Opéra de Kharkiv)

Dmytro Morozov (directeur musical de l'Opéra de Kharkiv)

La soirée s’est achevée en standing ovation à la première, comme ce fut aussi le cas en matinée trois jours plus tard, avec plus de détente sans doute à la veille de Noël, les artistes étant heureux d’avoir retrouvé toutes leurs marques en quelques jours.

Et le fait de se montrer forts touchés par cet accueil s’est vraiment lu en eux, ce samedi après-midi. Un enchantement régnant parmi les spectateurs s'entendait ainsi à la sortie du Théâtre.

Natalia Matsak (Giselle), Sergii Kryvokon (Albrecht) et Kostiantyn Pozharnytskyi (Hilarion)

Natalia Matsak (Giselle), Sergii Kryvokon (Albrecht) et Kostiantyn Pozharnytskyi (Hilarion)

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Publié le 13 Novembre 2022

Ariodante (Georg Friedrich Haendel – 1735)
Version de concert du 07 novembre 2022
Théâtre des Champs-Élysées

Ariodante Franco Fagioli
Ginevra Melissa Petit
Dalinda Sarah Gilford
Polinesso Luciana Mancini
Lurcanio Nicholas Phan
Le Roi d’Ecosse Alex Rosen

Direction musicale George Petrou
Il Pomo d’Oro

                                                  Melissa Petit (Ginevra)

 

Après ‘Giulio Cesare’ et ‘Alcina’, ‘Ariodante’ est l’opéra de Georg Friedrich Haendel le plus interprété depuis la production de Pier Luigi Pizzi créée à la Scala de Milan le 24 mars 1981, qui circula à Édimbourg (septembre 1982), Nancy (octobre 1983) et même Genève (février 1986).

Melissa Petit (Ginevra) et Franco Fagioli (Ariodante)

Melissa Petit (Ginevra) et Franco Fagioli (Ariodante)

Comme il s’agissait d’une coproduction de l’Opéra de Paris, Pierre Bergé et du Théâtre des Champs-Élysées, ce spectacle fit son entrée sur la scène parisienne de l’avenue Montaigne le 25 mars 1985, pour 5 représentations, sous la direction de Jean-Claude Malgoire.

Dès lors, le Théâtre des Champs-Élysées a accueilli une seconde production par Lukas Hemleb en mars 2007, avec Angelika Kirchschlager dans le rôle-titre et Christophe Rousset à la direction musicale, et pas moins de deux versions de concert données en mai 2011, avec Joyce DiDonato sous la direction d’Alan Curtis, puis en mai 2017 avec Alice Coote sous la direction d’Harry Bicket qui le dirigera également à l'Opéra de Paris en avril 2023.

Sarah Gilford (Dalinda)

Sarah Gilford (Dalinda)

La version de concert dirigée ce soir est cette fois confiée à George Petrou, directeur artistique du Festival Haendel International de Göttingen, qui a débuté cette tournée ‘Ariodante’ à Barcelone pour se poursuivre à Essen, Paris et La Coruña. 

Il est associé à dix-neuf musiciens de l’ensemble Il Pomo d’Oro qui jouent sur instruments d’époque avec une ravissante habileté à distiller des sonorités brillantes et raffinées sur un tempo qui engage à l’allégresse, malgré les noirceurs et tristesses de ce drame sentimental. 

Les musiciens d'Il Pomo d’Oro

Les musiciens d'Il Pomo d’Oro

Profiter de cette clarté musicale permet d’apprécier la délicatesse et la volupté de chaque instrument, tel le magnifique lamento sombre et mélancolique du basson (Katrin Lazar), et de créer une impression de sérénité qui saisit l’audience d’autant plus que la distribution réunie fait honneur à la nature belcantiste du chant haendélien.

Le chef d'orchestre veille ainsi à assurer la cohésion entre solistes et instrumentistes tout en insufflant tension, théâtralité et nuances dans un esprit de symbiose très réussi.

Luciana Mancini (Polinesso) et Sarah Gilford (Dalinda)

Luciana Mancini (Polinesso) et Sarah Gilford (Dalinda)

C’est dans une version pour contre-ténor que le second opéra d’Haendel inspiré par l’’Orlando Furioso’ de l’Arioste – le premier était ‘Orlando’ en 1733 – est chanté, et Franco Fagioli est éblouissant de virtuosité dans les airs purement dédiés à des exercices de grande agilité dont il préserve avec talent la suavité vocale qui naturellement se magnifie dans l’air central ‘Scherza infida’.

Se perd toutefois le charme trouble qui se manifeste lorsque ce rôle est confié à une mezzo-soprano, effet que l’on pourra cependant retrouver dans la prochaine production du Palais Garnier prévue au printemps prochain.

Melissa Petit, qui incarne la fille du Roi d’Écosse, se révèle être une partenaire parfaite de par sa dignité classique un peu austère dont le chant aux teintes ambrées prend aussi des accents d’urgence dramatique qui en font un grand personnage de tragédie. 

Nicholas Phan (Lurcanio)

Nicholas Phan (Lurcanio)

Sarah Gilford, elle, offre un portrait de Dalinda riant, lumineux et juvénile qui a énormément de fraîcheur, pouvant compter sur la pureté de sa voix aux lignes courbes et légères, comme une fleur s'épanouissant, ce qui crée un contraste saisissant avec le Polinesso intrigant et manipulateur que Luciana Mancini fait vivre avec un esprit acéré et charismatique, tout en affichant une aisance à traverser des airs véloces sans que cela ne dénature la texture brune, condensée et très homogène de son timbre de voix. 

Nicholas Phan, Alex Rosen, George Petrou et Franco Fagioli

Nicholas Phan, Alex Rosen, George Petrou et Franco Fagioli

Déjà présent en mai 2011 dans le rôle de Lurcanio, le frère d’Ariodante, Nicholas Phan est un très élégant interprète qui exprime les sentiments avec une subtile profondeur. C’est un ténor qui mêle clarté, maturité des couleurs et très grande souplesse qui lui permettent d’exprimer des élans passionnés très assurés dans les aigus, alliés à une langueur sensiblement mozartienne.

Enfin, Alex Rosen brosse un portrait du Le Roi d’Ecosse posé et réservé avec une belle tessiture qui dépeint gravité, noblesse et jeunesse, ce qui parachève avantageusement ce grand tableau de valeur, défendu par des artistes qui sont une découverte pour beaucoup de spectateurs comblés en ce lundi soir.

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Publié le 15 Octobre 2022

Giselle (Akram Khan – 2016)
Représentation du 12 octobre 2022
Théâtre des Champs-Elysées

Giselle Tamara Rojo
Albrecht Isaac Hernández
Hilarion Ken Saruhashi
Myrtha Stina Quagebeur

Chorégraphie Akram Khan (2016)
Conception sonore Vincenzo Lamagna

English National Ballet

d’après la trame originale d’Adolphe Adam

La venue de l’English National Ballet au Théâtre des Champs-Elysées est une occasion de découvrir comment une référence du ballet romantique de la première moitié du XIXe siècle peut être adaptée pour séduire un public d’aujourd’hui.

Tamara Rojo (Giselle)

Tamara Rojo (Giselle)

‘Giselle’ d’Adolphe Adam a été créé à la salle Le Peletier de l’Académie Royale de Musique le 28 juin 1841 sur une chorégraphie de Jean Coralli et Jules Perrot qui est toujours au répertoire de l’Opéra national de Paris. Il s’agit toutefois d’une version qui fut adaptée par Patrice Bart et Eugène Polyakov au moment où ce ballet mythique fit son retour sur la scène du Palais Garnier, le 25 avril 1991, et elle enregistre dorénavant 170 représentations sur les 30 dernières années.

La version de ‘Giselle’ qu’a imaginé Akram Khan pour l’English National Ballet a été créée au Palace Theatre de Manchester le 27 septembre 2016. La musique a été composée par un musicien italien installé à Londres, Vincenzo Lamagna, musique électronique répétitive qui s’avère souvent dure et monumentale, comme pour évoquer la lourde machinerie du monde industriel moderne.

Tamara Rojo (Giselle) et Isaac Hernández (Albrecht)

Tamara Rojo (Giselle) et Isaac Hernández (Albrecht)

On se retrouve ainsi saisi par un univers sonore qui rappelle celui de grands films épiques ou d’anticipation (‘Blade Runner’, ‘Dune’), mais des motifs de la musique d’Adolphe Adam s’insèrent également avec un traitement acoustique et spatial grandiose qui leur donne une dimension futuriste obsédante. 

Le mystère et la méditation sont loin d’être absents, surtout en seconde partie, et c’est un plaisir béat que de se laisser porter par les rythmes et la gestuelle orientalisantes du Kathak, danse indienne dont Akram Khan est un interprète reconnu, qui s’immiscent dans la chorégraphie pour mettre en valeur la vitalité et les magnifiques mouvements d’ensembles ornementaux et plein d’allant du corps de ballet.

Tamara Rojo (Giselle) et Isaac Hernández (Albrecht)

Tamara Rojo (Giselle) et Isaac Hernández (Albrecht)

Le décor se limite à un immense mur pivotant autour d’un axe central situé en hauteur et parallèle à la longueur de la scène, sur lequel sont imprimées les traces des mains des danseurs. L’ambiance est sombre, et l’on ressent que ces femmes et hommes avec lesquels Giselle vit sont enfermés dans un monde oppressant qui restreint leur liberté.

Ken Saruhashi (Hilarion) et les danseurs de l'English National Ballet

Ken Saruhashi (Hilarion) et les danseurs de l'English National Ballet

Tamara Rojo dessine une Giselle aux émotions parfaitement contrôlées, souple et naturelle dans ses poses arquées, forte et déterminée sur pointes au royaume des Willis. En Albrecht, le riche noble, Isaac Hernández est un partenaire bienveillant mais aussi assez lisse, moins marquant que le redoutable Ken Saruhashi qui brosse un portrait remarquablement anguleux, fort et sincère d’Hilarion par son amour sombre pour la jeune fille, avec une célérité et une précision de mouvement splendides.

Tamara Rojo (Giselle) et Ken Saruhashi (Hilarion)

Tamara Rojo (Giselle) et Ken Saruhashi (Hilarion)

Stina Quagebeur, très sollicitée sur ses pointes omniprésentes qui traduisent bien la nature acérée du tempérament de Myrtha, offre une vision insaisissable de cette créature vengeresse, sous des lumières bleutées, comme dans le ballet classique. Toutefois, dans cette seconde partie, la musique n’exprime pas la même délicatesse à fleur de peau que celle d’Adolphe Adam, et les affectations se ressentent moins. La chorégraphie, très épurée, esthétise surtout une danse de la mort entre Albrecht et Giselle pour sublimer l’harmonie qui lie les deux êtres.

Tamara Rojo (Giselle) et les Willis

Tamara Rojo (Giselle) et les Willis

Et si la modernité de la musique associée à un univers fantastique est un facteur immersif important capable d’emporter l’adhésion d’une large audience, et que la chorégraphie use de langages très divers pour exprimer les sentiments des personnages, on retrouve dans ce spectacle un défaut qui parcoure beaucoup d’œuvres cinématographiques aujourd’hui en ce qu’il ne représente pas de personnalités suffisamment fortes qui dépassent la propre trame dramatique de l'ouvrage.

Tamara Rojo (Giselle) et Isaac Hernández (Albrecht)

Tamara Rojo (Giselle) et Isaac Hernández (Albrecht)

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Publié le 6 Octobre 2022

Eden (de Marini et Valentini à Copland et Portman)
Récital du 05 octobre 2022
Théâtre des Champs-Elysées

Charles Ives The Unanswered Question (1908 – version révisée 1930-1935)
Rachel Portman The First Morning of the World (2021 - Première Française)
Gustav Mahler ‘Ich atmet’ einen linden Duft’ (Rückert-Lieder - 1901)
Biagio Marini ‘Con le stelle in ciel che mai’ (Scherzi e canzonette - 1623)
Josef Myslivecek ‘Toglierò le sponde al mare’ (Adamo ed Eva - 1771)
Aaron Copland ‘Nature, the Gentlest Mother’ (Eight Poems of Emily Dickinson - 1970)
Giovanni Valentini Sonata enharmonica (1619)
Francesco Cavalli ‘Piante ombrose’ ( La Calisto - 1651)
Christoph Willibald Gluck 'Danza degli spettri e delle furie: Allegro non troppo’ (Orfeo ed Euridice - 1764)
Christoph Willibald Gluck ‘Misera, dove son… Ah! non son io che parlo’ (Ezio - 1750)
Georg Friedrich Haendel ‘As with rosy steps the morn’ (Theodora - 1750)
Gustav Mahler 'Ich bin der Welt abhanden gekommen’ (Rückert-Lieder - 1901)

Mise en espace Marie Lambert-Le Bihan
Lumières John Torres

Mezzo-Soprano Joyce DiDonato
Direction et violon Zefira Valova
Ensemble Il Pomo d’Oro
Chœur d’enfants Sotto Voce

C’est au lendemain du concert donné à l’Hôtel de Ville de Paris, le 06 janvier 2003, que Joyce DiDonato fit ses débuts au Théâtre des Champs-Elysées en reprenant le même programme dédié à Henri Dutilleux, Hector Berlioz et Georges Bizet, sous la direction de John Nelson.

Joyce DiDonato - Eden

Joyce DiDonato - Eden

Deux décennies plus tard, et après nombre de récitals et d’opéras en version de concert (Ariodante, Alcina, Agrippina, Theodora, Maria Stuada, Werther) joués sur cette scène, Joyce DiDonato est de retour avenue Montaigne pour interpréter devant le public parisien un spectacle créé sur la base de son dernier album ‘Eden’ (Erato) sorti le 25 février 2022 au lendemain du déclenchement de l’agression russe en Ukraine.

La conception musicale de ce programme mêle des airs italiens, baroques et classiques, au panthéisme mahlérien et à la composition américaine du XXe siècle, et intègre même une création contemporaine.

Mais loin d’être liés chronologiquement, ces différents morceaux sont agencés de manière à dépeindre une évolution spirituelle qui suit une dramaturgie, si l’on peut parler ainsi, bien précise.

Joyce DiDonato - Eden

Joyce DiDonato - Eden

‘The Unanswered Question’ de Charles Ives est un hymne à la contemplation et au mystère de la vie que prolonge, dans le même esprit, ‘The First Morning of the World’ composé en 2021 pour Joyce DiDonato par Rachel Portman, sur un texte de Gene Scheer.

Avant que ne commence cette première séquence, on pouvait entrevoir la cantatrice américaine monter les marches intérieures du Théâtre pour débuter un long appel depuis les hauteurs des balcons, puis revenir à l’orchestre reprendre cet ode au temps, et enfin, rejoindre la scène.

Joyce DiDonato - Eden

Joyce DiDonato - Eden

L’évocation des parfums dans ‘Ich atmet’ einen linden Duft’, extrait des Rückert-Lieder, vient apporter une évocation de l’être aimé qui s’immisce doucereusement dans le charme hypnotique de cet état de grâce.

Puis, afin d'imprégner le spectateur de cet état évanescent, une fine brume baigne la salle en la tamisant de multiples jeux de lumières aux teintes or ou fuchsia dirigés dans tout l’espace, procédé qui fera merveille à plusieurs reprises au cours de la soirée, comme si Joyce DiDonato utilisait le magnifique cadre des fresques de Maurice Denis pour se créer un espace intérieur profondément inspirant.

Et si ‘Con le stelle in Ciel che mai’ de Biagio Marini commence à laisser entrevoir que le Soleil peut soigner les horreurs et les souffrance sur la Terre, alors que la scénographie s'enflamme d'un feu rougissant, ‘Nature, the gentlest mother’ d’Aaron Copland verse à nouveau dans l’ode à la nature.

Joyce DiDonato - Eden

Joyce DiDonato - Eden

Cependant, ‘Toglierò le sponde al mare’ de Josef Myslivecek évoque dorénavant un Dieu destructeur. Les pensées et les expressions du visage de Joyce DiDonato deviennent plus sombres, et nous sommes entraînés dans les ravages de la guerre et de la mort.

‘Piante ombrose’ de Cavalli fait ainsi apparaitre des paysages de destruction, la célèbre danse des spectres et des furies d’’Orphée et Eurydice’ de Gluck nous accompagne dans la folie à l’approche des enfers – l’allant et la vivacité d’ 'Il Pomo d’Oro’ sont absolument splendides -, et les lamentations après un tel désastre s’élèvent avec le ‘Misera, dove son! Ah! Non son io che parlo’ extrait d’’Ezio’.

Joyce DiDonato - Eden

Joyce DiDonato - Eden

Puis vient le moment du retour à l’espoir avec ‘As with rosy stepts the morn’ issu de ‘Theodora’ de Haendel, et un avenir possible se profile à travers 'Ich bin der Welt abhanden gekommen’, à nouveau repris des Rückert Lieder, qui invite à un détachement vis-à-vis du monde afin de trouver refuge en un nouveau Paradis.

Cette narration n’est pas sans rappeler l’esprit new-âge de notre époque récente, mais elle est cette fois développée sur la base d’un matériau musical qui couvre quatre siècles de création lyrique.

Joyce DiDonato et Zefira Valova

Joyce DiDonato et Zefira Valova

La voix de Joyce DiDonato, caractérisée par une vibration bien connue qui s’assouplit pour former de magnifiques effets diaphanes – quelle merveille que se ‘Ombra mai fu’ qu’elle chantera en bis -, et qui se charge en couleurs boisées somptueuses au corps puissant, est idéale pour restituer ce mélange de craintes, de flammes, d’amour profond et d’aspiration à la paix.

La scénographie, qui joue avec les symboles circulaires de l’harmonie et de la Terre, a également juste ce qu’il faut d’épure pour illustrer tous ces airs.

Nous restons tout autant admiratif pour l’ensemble orchestral dont Zefira Valova, au violon, arrive à coordonner tous les musiciens disposés de manière circulaire autour de la si attachante mezzo-soprano.

De par ses timbres chaleureux, ‘Il Pomo d’Oro’ arrive ainsi à lier en une même unité des compositeurs très différents, et à mixer mystère et ambiance intime avec talent.

Joyce DiDonato et les artistes du chœur Sotto Voce

Joyce DiDonato et les artistes du chœur Sotto Voce

Et pour finir, comme elle le fait à chaque étape de sa tournée internationale, Joyce DiDonato invite un chœur d’enfant résidant dans la ville où elle se produit à la rejoindre – Paris est la dix-neuvième étape du récital ‘Eden’ -.

Il s’agit ce soir du chœur 'Sotto Voce', en résidence au Théâtre du Châtelet, qui, de tout son enthousiasme, vient chanter ‘Seeds of Hope’, puis un air surprise, dans le même esprit d’optimisme qui fait la force d’une des grandes artistes lyriques de notre temps.

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Publié le 2 Octobre 2022

L’Oiseau de feu, Petrouchka, Le Sacre du Printemps (Igor Stravinsky)
Concert du 30 septembre 2022
Théâtre des Champs-Elysées

L’Oiseau de feu (25 juin 1910, Opéra de Paris – Palais Garnier)
Petrouchka (13 juin 1911 – Théâtre du Châtelet)
Le Sacre du Printemps (29 mai 1913 – Théâtre des Champs-Elysées)

Direction musicale François-Xavier Roth
Les Siècles

En cette rentrée de saison 2022/2023, François-Xavier Roth est fortement présent dans l'actualité avec, d’abord, de splendides représentations des ‘Troyens’ d'Hector Berlioz données à l’Opéra de Cologne, puis la publication de la 'Quatrième symphonie' de Gustav Mahler, sa nomination à la tête de l' Orchestre symphonique de la SWR de Stuttgart en 2025, bientôt la direction de la nouvelle production de ‘Lohengrin’ de Richard Wagner au Bayerische Staatsoper, et, ce soir, l’interprétation des trois ballets d’Igor Stravinsky créés à Paris entre 1910 et 1913 qui marque son début de résidence au Théâtre des Champs-Elysées accompagné par son orchestre Les Siècles qui célèbrera ses 20 ans le 10 janvier prochain en jouant des œuvres françaises du XXe siècle.

François-Xavier Roth

François-Xavier Roth

Bien sûr, le fait d’enchainer ces trois chefs-d’œuvre pour conclure avec celui qui fut créé en ce lieu même, il y a près de 110 ans, est une manière de recréer un lien avec l’histoire musicale parisienne, et de mesurer l’évolution des mentalités sur tout ce temps où l’on est passé du scandale à l’enchantement obsédant.

Et ce qui frappe dans l’interprétation donnée par Les Siècles et leur directeur musical est comment leur lecture acérée entraîne l’auditeur dans une histoire où émergent une variété de plans sonores imbriqués les uns avec les autres, la finesse de crêpe des textures des cordes, la chaleur colorée et la rondeur lumineuse des bois, la profondeur de la structure musicale qui lui donne une énergie fortement tournée vers l’expression d’un théâtre intense et intime, et de superbes superpositions de rythmes qui deviennent parfaitement lisibles.

D’ailleurs, la direction de François-Xavier Roth traduit bien cette exigence de précision tenue d’un geste rigoureux comme s’il s’agissait de ne perdre aucun détail des éléments de vie de ces partitions.

L'orchestre Les Siècles

L'orchestre Les Siècles

D’où cette impression de s’être trouvé toute la soirée au cœur du processus de création des images sonores de ces trois musiques de ballet avec une présence captive qui se ressentait fortement dans l’audience. Une expérience qui n'est pas sans laisser un certain sentiment de mystère.

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Publié le 24 Avril 2022

L’Or du Rhin (Richard Wagner – 1869)
Version de concert du 23 avril 2022
Théâtre des Champs-Elysées

Wotan Michael Volle
Loge Gerhard Siegel
Alberich Samuel Youn
Mime Thomas Ebenstein
Erda Wiebke Lehmkuhl
Fasolt Stephen Milling
Fafner Mikhail Petrenko
Fricka Jamie Barton
Froh Issachah Savage
Donner Thomas Lehman
Freia Christiane Karg
Wellgunde Iris van Wijnen
Flosshilde Maria Barakova
Woglinde Erika Baikoff

Direction musicale Yannick Nézet-Séguin
Rotterdams Philharmonisch Orkest
Diffusion sur France Musique le le 21 mai 2022

Depuis 12 ans qu’il dirige le Théâtre des Champs-Élysées, Michel Franck représente régulièrement les œuvres de Richard Wagner dont il a déjà programmé deux versions de concert de ‘Parsifal’, une version de concert de ‘Tristan und Isolde’, ‘La Walkyrie’ et ‘Le Vaisseau Fantôme’, et une version scénique de ‘Tristan und Isolde’.

Quant à ’L’Anneau du Nibelung’, il n’avait plus été joué depuis avril 1988 lorsque deux cycles intégraux furent interprétés dans la mise en scène de Daniel Mesguisch conçue pour l’Opéra de Nice. ‘L’Or du Rhin’ fait donc son grand retour avenue Montaigne après 34 ans d’absence.

Michael Volle et Yannick Nézet-Séguin

Michael Volle et Yannick Nézet-Séguin

Et l’on croise les doigts pour que le prologue magnifiquement dépeint ne soit que le début d’un cycle intégral tant l’extraordinaire théâtralité de la direction orchestrale et de l’ensemble de la distribution a contribué à déployer un drame sans relâche et totalement prenant tout le long de la soirée, alors que la première de cette série venait juste d’avoir lieu la veille à Rotterdam. Tous se retrouveront ensuite à Dortmund et à Baden Baden, respectivement les 28 et 30 avril, pour deux autres représentations.

Iris van Wijnen (Wellgunde) et Maria Barakova (Flosshilde)

Iris van Wijnen (Wellgunde) et Maria Barakova (Flosshilde)

Dans l’alcôve qui sert d’écrin au Rotterdams Philharmonisch Orkest, l’introduction, loin d’être comme une lointaine évocation d’un fleuve à l’origine du monde, saisit pas sa présence et la tension vive et colorée des bois sombres qui l’animent, et la concentration dans la salle dès ce prélude est encore plus palpable.

Samuel Youn (Alberich)

Samuel Youn (Alberich)

Les ondines du Rhin, Iris van Wijnen, Maria Barakova et Erika Baikoff, ont toutes trois une aisance scénique servie par des timbres de voix bien marqués, la première mettant en avant des effets coloratures audacieux alors que la seconde fait vivre des opulences graves comme pour charmer et que la troisième représente le mieux la raison.

Michael Volle (Wotan)

Michael Volle (Wotan)

L’arrivée de Samuel Youn est absolument fantastique car il va personnifier Alberich, le nain qui s’emparera de l’or gardé par les nymphes, avec une expressivité délirante, des expressions du visage qui traduisent acuité et intentions maléfiques perçantes, et une agressivité corporelle inattendue chez ce chanteur qui incarnait le Hollandais volant à Bayreuth jusqu’en 2015 de façon bien plus réservée. 

Jamie Barton (Fricka) et Christiane Karg (Freia)

Jamie Barton (Fricka) et Christiane Karg (Freia)

Le timbre gris-argent est fait d’un métal à la fois souple et endurci qui lui donne une pénétrance infaillible et rend son personnage passionnant d’admiration. Et son insertion avec la vitalité de la musique – magnifiques clins d’œil à de furtifs motifs orchestraux – démontre aussi en quoi Wagner raconte de manière incomparable un puissant drame théâtral que Yannick Nézet-Séguin intériorise de manière déchaînée.

Stephen Milling (Fasolt) et Mikhail Petrenko (Fafner)

Stephen Milling (Fasolt) et Mikhail Petrenko (Fafner)

Splendide, lui aussi, et souverain d’allure puisque Wotan règne à la fois sur les dieux, les géants, les hommes et les nains, Michael Volle est loin d’être un puissant sur le déclin tant sa déclamation est assurée sans le moindre ébranlement, qu’il porte en lui une autorité naturelle magnifiée par une noblesse de timbre feutrée éloquente, et qu’il inspire autant la ruse que le bouillonnement éruptif prêt à paralyser son auditoire.

Thomas Lehman (Donner) et Issachah Savage (Froh)

Thomas Lehman (Donner) et Issachah Savage (Froh)

Son jeu de connivence avec le Loge de Gerhard Siegel est d’une très haute tenue, le ténor allemand ayant toujours de cet éclat imparable qui assoit la consistance manipulatrice de son personnage, avec toutefois un peu plus d’ombres dans le timbre de voix qui accroît l’impression de maturité et met en retrait la nature démoniaque du dieu du feu.

Gerhard Siegel (Loge) et Michael Volle (Wotan)

Gerhard Siegel (Loge) et Michael Volle (Wotan)

Et quelle correspondance stupéfiante entre la carrure massive de Stephen Milling et Mikhail Petrenko, d’une part, et les géants Fasolt et Fafner, d’autre part, venus demander leur rétribution pour la construction du Walhalla, la résidence des dieux, qu’ils évoquent avec une distinction d’expression qui correspond très bien à leurs caractères. 

Samuel Youn (Alberich) et Thomas Ebenstein (Mime)

Samuel Youn (Alberich) et Thomas Ebenstein (Mime)

Stephen Milling a ainsi des inflexions de voix et un rendu noble et sensible qui font beaucoup penser au Roi Marke de ‘Tristan und Isolde’, et cette sensibilité reflète avec justesse les sentiments pour Freia, dirigée de manière percutante par Christiane Karg, alors que Mikhail Petrenko est plus froid et acerbe ce qui le prédispose à être celui qui tuera son frère pour s’emparer de la totalité du trésor remis aux géants par Wotan.

Yannick Nézet-Séguin et le Rotterdams Philharmonisch Orkest

Yannick Nézet-Séguin et le Rotterdams Philharmonisch Orkest

Avec sa voix qui draine des agrégats de textures mélangeant graves profonds, multiples vibrations aux reflets hétéroclites et des aigus fauves, Jamie Barton est loin de simplement jouer une Fricka se sentant abandonnée par Wotan attaché à son désir d’éternelle jeunesse, mais évoque déjà la stature plus dominatrice de la déesse que nous retrouverons plus tard dans ‘La Walkyrie’. 

Wiebke Lehmkuhl (Erda)

Wiebke Lehmkuhl (Erda)

La sensualité sauvage est donc portée par Wiebke Lehmkuhl dont la beauté opulante du chant dépasse la simple expression de la sagesse d’Erda, mère des trois Nornes fileuses du destin, pour en faire une femme d’une somptueuse séduction ensorceleuse. 

Maria Barakova (Flosshilde), Iris van Wijnen (Wellgunde) et Erika Baikoff (Woglinde)

Maria Barakova (Flosshilde), Iris van Wijnen (Wellgunde) et Erika Baikoff (Woglinde)

Et même les traits de caractère de Mime, dont la déclamation assombrie de Thomas Ebenstein traduit bien le tempérament veule, et la posture vaillante et fiable de Issachah Savage et Thomas Lehman en Froh et Donner, participent à la crédibilité de cette histoire de famille dont l’avenir du monde dépend.

Michael Volle et Yannick Nézet-Séguin

Michael Volle et Yannick Nézet-Séguin

Yannick Nézet-Séguin et le Rotterdams Philharmonisch Orkest sont ainsi éblouissants dans le rendu de cette version extraordinairement dramatique de ‘L’Or du Rhin’ qui dispense un son superbement chaleureux aux colorations d’or rougeoyant, vivifiée par un courant finement nuancé et une rondeur merveilleusement poétique dans les solo de vents. Les chatoiements des coups d'enclumes au moment de la plongée vers le Nibelung ont aussi un effet enchanteur par l'émerveillement qu'ils procurent.

Les changements d’ampleur sont menés sans ambages mais sans brusquerie non plus, avec un soin à ne pas saturer le son et faire perdre en richesse de détails, et cette lecture à la fois intime et galvanisante réussit quelque chose de très rare dans une salle de spectacle qui est d’absorber totalement l’attention du public dans un tout avec la musique et les solistes de par la magnificence du récit et sa prégnance interprétative.

Jamie Barton, Gerhard Siegel, Michael Volle, Yannick Nézet-Séguin et Samuel Youn

Jamie Barton, Gerhard Siegel, Michael Volle, Yannick Nézet-Séguin et Samuel Youn

Beaucoup sont sortis du Théâtre des Champs-Élysées probablement abasourdis par cet emport qui les a dépassé.

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Publié le 20 Avril 2022

Voix d’Afrique
Récital du 16 avril 2022
Théâtre des Champs-Élysées

Suppé  Cavalerie légère, Ouverture
Puccini  « O mio babbino caro » - Gianni Schicchi (Kimmy Skota)
Verdi  Air de Banco - Macbeth (Blaise Malaba)
Verdi  « Pace, pace, mio dio » - La Force du destin (Cyrielle Ndjiki)
Offenbach  « Barcarolle » - Contes d’Hoffmann (Leïla Brédent et Cyrielle Ndjiki)
Catalini  « Eben andro lontana » - La Wally (Elisabeth Moussous)
Rossini  Duetto Lindoro Mustafa - L’Italienne à Alger (Levy Sekgapane et Blaise Malaba)
Delibes  Duo des fleurs (Cyrielle Ndjiki et Kimmy Skota)
Verdi Mort de Rodrigue (Edwin Fardini)
Verdi « Dieu nous sépare » - Jérusalem (Cyrielle Ndjiki, Levy Sekgapane et Blaise Malaba)
Auber Air de l’éclat de rire - Manon Lescaut (Leïla Brédent)
Verdi  « La Vergine degli angeli » - La Force du destin (Elisabeth Moussous et Chœur)
Mascagni  Cavalleria rusticana - Intermezzo                 
 Adriana Bignagni-Lesca
Bizet « Près des remparts de Séville» - Carmen ( Adriana Bignagni-Lesca)
Donizetti  « Ah mes amis quel jour de fête » - La Fille du régiment (Levy Sekgapane)
Gershwin « Bess, you my woman » (Elisabeth Moussous et Edwin Fardini), « I got planty of nuttin’ » (Chœur), « Oh, I can’t sit down »  (Chœur), « Oh Lawd, I’m on my way » (solistes et Chœur)
Christopher Tin  Baba Yetu (« Notre Père » en swahili, Chœur)
Thula Baba, berceuse d’Afrique du Sud en langue zoulou (Kimmy Skota)
Mohau Mogale « Thamalakwane », air lyrique (Kimmy Skota)
Eding, Chant sacré du Cameroun (Chœur)
Verdi « Va pensiero » - Nabucco (solistes et Chœur)

Leïla Brédent soprano
Elisabeth Moussous soprano
Cyrielle Ndjiki soprano
Kimmy Skota soprano
Blaise Malaba basse
Levy Sekgapane ténor
Adriana Bignagni-Lesca mezzo soprano
Edwin Fardini baryton

Direction musicale Sébastien Billard
Orchestre de la Garde républicaine et Chœur de l’Armée française

Coproduction Africa Lyric’s Opéra / Women of Africa / Opera for Peace 
Concert au profit de Women of Africa et en soutien aux jeunes artistes lyriques et aux projets pour les femmes

Organisée par Patricia Djomseu, ancienne professeur de danse classique au Cameroun qui a repris la direction de l’association Women of Africa créée il y a 20 ans par sa mère, cette grande soirée caritative est pour beaucoup l’occasion de découvrir une nouvelle génération de chanteurs lyriques professionnels originaires d’Afrique et d’Outre-Mer.

Kimmy Skota - « O mio babbino caro »

Kimmy Skota - « O mio babbino caro »

Même si la majeure partie de ce récital est constituée d’airs d’opéras italiens et français du XIXe siècle régulièrement interprétés en concerts lyriques, le véritable plaisir vient de la diversité de couleurs, d’amplitudes et de timbres de voix des huit artistes invités qui permettent à l’auditeur de varier constamment les impressions sensorielles.

Blaise Malaba - Air de Banco

Blaise Malaba - Air de Banco

Toute fine et délicate, Kimmy Skota débute avec un ‘O mio babbino caro’ très émouvant par sa manière d’en exprimer les sentiments sur le souffle d’un filet de voix ténu et intime, puis apparaît plus impétueuse dans ‘Thamalakwane’ du compositeur sud-africain Mohau Mogale, et se révèle d’une irrésistible sensibilité pour la berceuse sud africaine ‘Thula Baba’, susurrée avec une soyeuse luminosité intemporelle. 

Cyrielle Ndjiki - « Pace, pace, mio dio »

Cyrielle Ndjiki - « Pace, pace, mio dio »

Cet air très doux intervient juste après que nous ayons été emportés par un chant en langue swahili originaire d’Afrique de l’Est, ‘Baba Yetu’, qui est une composition de Christopher Tin devenue célèbre à travers le jeu de stratégie ‘Civilization IV’, une des fantastiques surprises de cette soirée qui a engagé le chœur de l’Armée française dans une ode pleine d’espérance.

Leïla Brédent et Cyrielle Ndjiki - « Barcarolle »

Leïla Brédent et Cyrielle Ndjiki - « Barcarolle »

Voix véritablement verdienne, riche en vibrations dramatiques, Cyrielle Ndjiki donne énormément d’intensité au «Pace, pace, mio dio» de la 'Force du destin', puis s’adapte parfaitement à la tessiture bien plus légère de Kimmy Skota dans le duo des fleurs de ‘Lakmé’, avec une recherche d’harmonie subtilement réussie.

Et en duo avec Leïla Brédent, pour l’air de la ‘Barcarolle’, c’est cette fois-ci l'alliage d’un chant fruité, délié et bien focalisé mêlé à la tessiture voilée de Cyrielle Ndjiki qui en fait le charme.

Chœur de l’Armée française interprétant 'Baba Yetu' de Christopher Tin

Chœur de l’Armée française interprétant 'Baba Yetu' de Christopher Tin

Splendide dans l’air de 'La Wally' où la clarté du timbre est étoffée d’un médium expressif, Elisabeth Moussous offre le second portrait de Leonora de la ‘La Force du destin’, où elle apporte une touche de classicisme supplémentaire.

Et si l’on n’entendra Adriana Bignagni-Lesca, première lauréate du concours des grandes Voix d’Afrique, que pour un air qui plongera Carmen dans une noirceur fortement ténébreuse, il sera possible de la retrouver en juin 2022 sur la scène du Palais Garnier où elle interprétera Junon dans ‘Platée’ de Rameau auprès de Lawrence Brownlee, ténor américain qui partageait la scène de la salle Gaveau avec Levy Sekgapane il y a encore trois semaines.

Elisabeth Moussous - « La Vergine degli angeli »

Elisabeth Moussous - « La Vergine degli angeli »

Levy Sekgapane, Comte Almaviva sur la scène Bastille en 2018, est présent ce soir et profite d’airs de Rossini et Donizetti pour faire montre d'aisance, souplesse, éclat et précision sans le moindre dépareillement de ses aigus légers agréablement vibrés. Blaise Malaba lui donne la réplique dans le rôle de la basse, mais c’est plus dans Verdi que l’artiste congolais peut mettre en valeur le velours d’un souffle majestueux à travers la mort de Banco.

Levy Sekgapane - « Ah mes amis quel jour de fête »

Levy Sekgapane - « Ah mes amis quel jour de fête »

Enfin, en l'absence de Sir Willard White atteint du covid, c’est Edwin Fardini, gagnant de la 3e édition du concours « Voix des Outre-mer » le 22 janvier 2021, qui se charge de le remplacer, ce qui vaudra au public d'entendre un air de Rodrigo issu de ‘Don Carlo’ de Verdi d’une impressionnante sonorité bien galbée et en contraste total avec l’allure longiligne du chanteur.

Edwin Fardini - Mort de Rodrigue

Edwin Fardini - Mort de Rodrigue

Sous la direction fluide et chaleureuse de Sébastien Billard, l’Orchestre de la Garde républicaine et le Chœur de l’Armée française sont des soutiens attentifs, et tous se rejoignent, solistes compris, dans un ‘Va, Pensiero’ final qui permet d’achever dans une sérénité recueillie un récital généreux empreint d’une modestie très touchante.

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Publié le 12 Avril 2022

Anna Bolena (Gaetano Donizetti – 1830)
Version de concert du 11 avril 2022
Théâtre des Champs-Élysées

Anne Boleyn Marina Rebeka
Jane Seymour Karine Deshayes 
Henri VIII Erwin Schrott
Lord Richard Percy Enea Scala
Lord Rochefort Matthieu Lécroart
Sir Hervey Raphaël Brémard
Smeaton Héloïse Mas

Direction musicale Maurizio Benini
Orchestre de chambre de Paris
Ensemble Lyrique Champagne-Ardenne

 

Le Théâtre des Champs-Élysées est la salle parisienne où la 'Trilogie Tudor' de Gaetano Donizetti, un ensemble de trois opéras consacrés à la célèbre maison royale de la renaissance anglaise, est représentée depuis les vingt dernières années à travers des versions de concert, ‘Roberto Devereux’ en septembre 2005, ‘Anna Bolena’ en novembre 2008 et ‘Maria Stuarda’ en décembre 2018, mais aussi en version scénique avec ‘Maria Stuarda’ en juin 2015, puis ‘Roberto Devereux’ en mars 2020 qui fut malheureusement annulé pour les raisons que nous connaissons tous.

Karine Deshayes (Jane Seymour) et Marina Rebeka (Anne Boleyn)

Karine Deshayes (Jane Seymour) et Marina Rebeka (Anne Boleyn)

Le retour du premier volet de cette fresque belcantiste, qui est aussi le premier épisode dans l’ordre chronologique historique puisqu’il se déroule en 1536 sous le règne d’Henri VIII, vient donc rivaliser avec le souvenir des spectateurs les plus fidèles qui purent assister à la précédente version entendue quatorze ans plus tôt quand Ermonela Jaho interprétait le rôle titre.

Coïncidence magnifique, la soprano albanaise vient d’incarner 'Thaïs' sur la même scène il y a seulement deux jours.

Ensemble Lyrique Champagne-Ardenne et Orchestre de chambre de Paris

Ensemble Lyrique Champagne-Ardenne et Orchestre de chambre de Paris

Si c’est avec ‘Anna Bolena’ que la maturité de Gaetano Donizetti s’est épanouie, elle le doit notamment à la liberté d’écriture qu’il s’est accordée et qui peut paraître pour certains passionnés comme la quintessence de l’art vocal qui façonne les grandes divas lyriques, tout en représentant pour d’autres une tentative d’atteindre des limites humaines extrêmes qui vont au-delà de l’entendement.

Et c’est véritablement cette impression qui est rendue ce soir avec cette crainte mêlée d’abasourdissement à voir et entendre ces artistes emportés par leur ivresse pour défendre une expression de sentiments outrancière tout en s’appuyant sur une excellente rigueur stylistique.

Erwin Schrott (Henri VIII)

Erwin Schrott (Henri VIII)

Dans le rôle de Jane Seymour, celle que le Roi Henri VIII aime dorénavant, Karine Deshayes insuffle un élan vital torrentiel avec des effets d’amplification qui caractérisent le naturel de sa voix prompte à s’extérioriser de façon foudroyante. Le timbre corsé est riche en couleurs fauves et reflets métalliques portés par des fulgurances intenses, et cette densité va aussi de pair avec un traitement subtil et réussi dans les allégements du phrasé que ce soit lors des échanges intimes avec le Roi ou avec Anne Boleyn. Quand on repense à son petit rôle du garçon cuisinier très remarqué dans ‘Rusalka’ lors de sa création à l’Opéra Bastille il y a tout juste vingt ans, quel chemin n’a t’elle pas parcouru !

Marina Rebeka (Anne Boleyn)

Marina Rebeka (Anne Boleyn)

Marina Rebeka s’inscrit dans un tempérament bien différent. La gestuelle est clairement plus conventionnelle et repliée sur une intériorité d’apparence froide, les inflexions de voix expriment un dramatisme charmant et discret, et sa technique lui permet des variations ornementales palpitantes et vertigineuses avec une brillance de cristal sculpté comme pour faire d’elle même une œuvre d’art provocatrice. L’émotionnel semble ainsi totalement sublimé dans un accomplissement esthétique qui pousse très loin la projection d’aigus spectaculaires superbement dardés.

Héloïse Mas (Smeaton)

Héloïse Mas (Smeaton)

Auprès de ces deux femmes excessives et à l’égo fort, Héloïse Mas incarne un page amoureux doué d’une magnifique noirceur langoureuse, une lente respiration de sentiments qui font de toutes ses interventions un cœur palpitant généreux et mélancolique qui apporte énormément de chaleur en contrepoint de tant d’exubérance.

Enea Scala (Lord Richard Percy)

Enea Scala (Lord Richard Percy)

Et l’un des personnages manipulés pour servir les intérêts d’Henri VIII, Lord Richard Percy, trouve en Enea Scala un esprit vaillant suffisamment audacieux pour aller chercher les aigus très haut, en suivant des arabesques très bien dessinées de manière nécessairement forcée. Il en découle une caractérisation fortement héroïque et écorchée mais sans noirceur, l’exact opposé de la figure de mâle dictatorial qu’impose Erwin Schrott avec ses résonances graves bien posées qui brosse un portrait d’Henri VIII serein dans sa construction d’une manigance redoutable pour sa femme. 

Beaucoup plus de douceur et de sagesse ressort alors du très beau Lord Rochefort chanté par Matthieu Lécroart, et, dans le rôle très court de Sir Hervey, Raphaël Brémard laisse transparaître sa bonhommie alors que l’ambiance est incisive entre les principaux protagonistes.

Karine Deshayes (Jane Seymour) et Marina Rebeka (Anne Boleyn)

Karine Deshayes (Jane Seymour) et Marina Rebeka (Anne Boleyn)

Entraîné par un Maurizio Benini pulsant et très attentif aux chanteurs, l’ Orchestre de chambre de Paris fait preuve d’une belle unité dans des coloris assez sombres dominés par les alliages de bois et de cordes où les cuivres se fondent discrètement, et l’ensemble Lyrique Champagne-Ardenne crée des instants d’élégie intemporelle qui s’immiscent très finement au tissu de l’orchestre, un bien précieux travail de soierie qui s'apprécie tout au long de la soirée.

Marina Rebeka (Anne Boleyn)

Marina Rebeka (Anne Boleyn)

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