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Publié le 23 Décembre 2024

La Reine des neiges (Aniko Rekhviashvili – Kyiv, version originale 2016)
Version remaniée du 23 décembre 2022 ( Kyiv)
Livret d’Aniko Rekhviashvili et Oleksiy Baklan
Représentation du 21 décembre 2024
Théâtre des Champs-Élysées

La Reine des neiges Iryna Borysova
Gerda Tatyana Lyozova
Kai Yaroslav Tkachuk
Et aussi Kateryna Kurchenko, Oleksandr Skultin, Olena Karandeeva, Ivan Avdievskyi, Tetiana Sokolova, Kateryna Didenko, Maria Kirsanova, Clément Guillaume, Nikita Kaigorodov, Olesya Vorotniuk, Natalya Yakymchuk, Oleksiy Shidkyi, Denis Turchak
Corps de ballet de l’Opéra national d’Ukraine.

Direction musicale Sergii Golubnychyi
Orchestre Prométhée

Diffusion sur France 5 le vendredi 03 janvier 2025 à 21h05 (durée 1h40)

Inspiré par le Conte de Hans Christian Andersen ‘La Reine des neiges’ (1844), le ballet chorégraphié par Aniko Rekhviashvili (1963-2019) connut sa première à l’Opéra de Kyiv le 03 juillet 2016 sous la direction d’Oleksiy Baklan.

Son livret ne reprend pas l’intrigue originale mais la réadapte pour lui donner une résonance plus actuelle en racontant l’histoire de Gerda partie à la recherche de son ami, Kay, dont le cœur a été changé en glace par la Reine des neiges, femme très sûre d’elle qui a été fascinée par le jeune homme.

Iryna Borysova (La Reine des neiges) et Yaroslav Tkachuk (Kai)

Iryna Borysova (La Reine des neiges) et Yaroslav Tkachuk (Kai)

Sur son parcours, la jeune Gerda rencontrera un jardin magique, deux corneilles, un Prince et une Princesse tout juste mariés, puis des voleurs, avant d’atteindre le Palais glacé de la Reine des neiges où la pureté de la jeune fille viendra à bout du sortilège.

Tatyana Lyozova (Gerda)

Tatyana Lyozova (Gerda)

Initialement, la trame musicale de ‘La Reine des neiges’ était conçue sur un assemblage de musique de Piotr Ilitch Tchaïkovski, Anatoli Liadov, Alexandre Glazounov, Arthur Rubinstein, Jules Massenet et Edvard Grieg, mais la guerre, menée à grande échelle par la Russie contre l’Ukraine, obligea à réviser complètement la partition.

Yaroslav Tkachuk (Kai) et Tatyana Lyozova (Gerda)

Yaroslav Tkachuk (Kai) et Tatyana Lyozova (Gerda)

Mykola Dyadyura, le directeur de l’Opéra de Kyiv, le chorégraphe Viktor Ishchuk et le chef d’orchestre Sergii Golubnychyi rejoignirent l’équipe de production pour élaborer une nouvelle architecture musicale qui supprime les références aux compositeurs russes. 

Yaroslav Tkachuk (Kai) et Tatyana Lyozova (Gerda)

Yaroslav Tkachuk (Kai) et Tatyana Lyozova (Gerda)

Ils utilisèrent à leur place des compositions de Johan Strauss - ce qui peut surprendre en première partie -, Jacques Offenbach, Augusta Holmès, et même l’inattendu Intermezzo de ‘Cavalleria Rusticana’ de Pietro Mascagni lorsque Gerda rêve mélancoliquement au retour de son ami.

Cette nouvelle version sera jouée le 23 décembre 2022 à Kyiv avant de débuter une tournée internationale qui passe ce soir au Théâtre des Champs-Élysées, et s'y installe pour deux semaines.

Le jardin magique

Le jardin magique

Visuellement, les éclairages créent des ambiances aux teintes de bleue, mauve ou vert qui se fondent avec beaucoup de poésie et brillant aux dessins des décors, créant ainsi une atmosphère naïve et fantaisiste plaisante à regarder – le premier tableau représentant un village enneigé bordant un lac glacé où les danseurs semblent faire du patin à glace est très touchant -, à laquelle s’instille avec subtilité des effets vidéographiques animés.

Scène de rencontre entre Gerda et les deux corneilles

Scène de rencontre entre Gerda et les deux corneilles

La variété des scènes induit un renouvellement constant, d’autant plus que les musiques disparates changent également souvent, même si se ressentent des discontinuités de genres qui donnent surtout l’impression d’assister à un patchwork de scènes manquant d’unité musicale.

Yaroslav Tkachuk (Kai)

Yaroslav Tkachuk (Kai)

Une centaine de personnages sont ainsi incarnés par une soixantaine de danseuses et danseurs, et les chorégraphies comprennent de grands ensembles et des pas classiques dans les scènes du village, du Palais Royal ou du Palais de la Reine des neiges, mais aussi des mouvements plus modernes, notamment avec les quatre diablotins ou bien le très virtuose tableau des brigands dansé sur des musiques traditionnelles, dans la veine de Pavlo Virsky, pour donner une empreinte identitaire, voir orientaliste, au ballet.

La chef des voleurs

La chef des voleurs

Les trois danseurs principaux défendent avec beaucoup de noblesse et justesse leurs caractères, Iryna Borysova donnant une majestueuse impression de fluidité aristocratique à la Reine, alors que Yaroslav Tkachuk incarne un Kai puissant et racé – quelle magnifique portée acrobatique dans le somptueux pas de deux final! – tout en représentant idéalement une forme de romantisme classique aux lignes épurées. Quant à Tatyana Lyozova, d’une très belle souplesse de geste, elle danse tout en laissant transparaître de petits signes de joie qui décrivent un être qui croit en la vie.

Yaroslav Tkachuk (Kai) et Tatyana Lyozova (Gerda)

Yaroslav Tkachuk (Kai) et Tatyana Lyozova (Gerda)

Se distingue aussi la verve du Prince du château royal et la célérité provocante de la chef des voleurs, et il y a même un danseur français parmi la troupe, Clément Guillaume, pour rendre une ardeur enjouée au chef de gang.

Iryna Borysova (La Reine des neiges)

Iryna Borysova (La Reine des neiges)

Dans la fosse, Sergii Golubnychyi obtient de l'Orchestre Prométhée une lecture soignée, bien réglée sur le rythme des danseurs, attentif au contraste des couleurs qui s’épanouit le mieux dans les très beaux pas de deux que recèle ce spectacle accompli et bien à propos pour accompagner la période réflexive de Noël.

Iryna Borysova, Yaroslav Tkachuk et Tatyana Lyozova

Iryna Borysova, Yaroslav Tkachuk et Tatyana Lyozova

Musiques de la partition de 'La Reine des Neiges' (version de décembre 2022)

J. Strauss : Wiener Blut | Sang viennois - Valse
J. Massenet : Visions, poème-symphonique - épisode 1
H. Berlioz: Symphonie fantastique - Mouvement II
J. Massenet: Visions, poème-symphonique - épisode 2
E. Waldteufel: Les patineurs - Valse
A. Ponchielli: Danza delle Ore, extrait de La Gioconda
P. Mascagni: Intermezzo de Cavalleria rusticana
E. Grieg: Peer Gynt - Retour à la maison
E. Grieg: Peer Gynt - Danse d'Anita
J. Massenet: Suite d'orchestre n°4 - "Scènes pittoresques" - I. Marche & IV. Fête bohème
J. Offenbach: Mazurka extrait du ballet Le Papillon
J. Massenet: Le Cid - Aragonaise & Acte 2: Navarraise . National
A. Holmes: Andromède, poème symphonique - épisode 1
A. Holmes: Roland Furieux
A. Holmes: Andromède, poème symphonique - épisode 2
A. Holmes: La Nuit et l'Amour

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Publié le 25 Décembre 2022

Giselle (Adolphe Adam – Académie Royale de Musique-Le Peletier, 28 juin 1841)
Ballet de l'Opéra de Kiev
Représentations du 21 (19h30) et 24 (15h00) décembre 2022
Théâtre des Champs-Élysées

Giselle Natalia Matsak
Albrecht Sergii Kryvokon
Myrtha Iryna Borysova
Hilarion Kostiantyn Pozharnytskyi
Berthe Kseniia Ivanenko
Avec Tymofiy Bykovets, Maksym Bilokrynytskyi, Daria Manoilo, Sergii Lytvynenko, Petro Markishev et le corps de ballet de l’Opéra national d’Ukraine

Chorégraphie Marius Petipa, d’après Jules Perrot et Jean Coralli
Décors et costumes originaux Tetiana Bruni
Costumes nouveau design Malva Verbytska (Maison Malva Florea)
Maître de Ballet Kostyantin Sergieiev
Direction musicale Dmytro Morozov
Orchestre Prométhée

Avec la reprise de ‘Giselle’ au Palais Garnier, en juin dernier, suivie, dès la rentrée au Théâtre des Champs-Élysées, par la version d’Akram Khan, et maintenant avec la venue du Ballet de l’Opéra national d’Ukraine en ce même théâtre, l’année 2022 aura donc été une année ‘Giselle’ pour Paris.

Natalia Matsak (Giselle) et Sergii Kryvokon (Albrecht)

Natalia Matsak (Giselle) et Sergii Kryvokon (Albrecht)

Et, en préambule de la première du mercredi 21 décembre, Michel Franck, le directeur du célèbre Théâtre de l’avenue Montaigne, a bien pris soin de décrire au public les conditions avec lesquelles les artistes ont du composer pour venir en toute sécurité à la capitale : le voyage en car depuis Kiev vers Varsovie, la tempête de neige et les défaillances de leur moyen de transport, leur rapatriement vers Cracovie où l’organisatrice de la tournée a pu trouver en urgence 100 billets d’avions pour les danseurs, certains venant avec leurs enfants pour échapper aux bombardements de leur ville.

Michel Franck et l'organisatrice de la Tournée du ballet national d'Ukraine

Michel Franck et l'organisatrice de la Tournée du ballet national d'Ukraine

Ils sont arrivés au théâtre 3 jours plus tôt, un dimanche, et Michel Franck, décrivant le stress d’une alerte à la bombe lorsque l’un des artistes ukrainiens eut oublié d’éteindre son téléphone portable, a rappelé à quel point ces circonstances remettaient à leur juste place nos petits problèmes quotidiens.

Corps de Ballet de l'Opéra national d'Ukraine (Fête au village)

Corps de Ballet de l'Opéra national d'Ukraine (Fête au village)

Cette venue était programmée avant le début de la guerre, c’est pourquoi ‘Casse-Noisette’ était initialement programmé, et du être remplacé par ‘La fille des neige’ afin de ne pas donner prise à la Russie de Vladimir Poutine qui utilise la culture comme moyen de propagande.

Mais avec les multiples coupures d’électricité dues aux attaques aériennes sur les installations civiles, la troupe manquait de temps pour monter le ballet de Michael Corder, si bien que les danseurs de Kiev ont choisi d’interpréter ‘Giselle’ d’Adolphe Adam qu’ils connaissent par cœur.

Natalia Matsak (Giselle) et Sergii Kryvokon (Albrecht)

Natalia Matsak (Giselle) et Sergii Kryvokon (Albrecht)

Ils sont donc très heureux d’être à Paris, mais pour eux, il est important de montrer la réalité de ce qu’ils vivent, et chacun est bien décidé à ne pas se laisser faire et à poursuivre sa mission. Certains danseurs et danseuses sont même allés au combat, et un ancien soliste, Alexander Chapoval, a été tué par les Russes dans l’est de l’Ukraine.

Kseniia Ivanenko (Berthe)

Kseniia Ivanenko (Berthe)

La toute première venue au Théâtre des Champs-Élysées de la troupe du Ballet de l’Opéra de Kiev date de 1964 où, dans le cadre du deuxième Festival International de Danse de Paris, elle fut consacrée meilleure Compagnie, ainsi que leurs solistes, Irma Loukachova et Vladimir Parsegoff, qui reçurent le Grand Prix de la Ville de Paris pour leur pas de deux d'’Esmeralda’

Puis, il faudra attendre décembre 2018 pour retrouver en ces lieux la Compagnie Ukrainienne à l’occasion de ses 150 ans d’existence. 

Kostiantyn Pozharnytskyi (Hilarion), Natalia Matsak (Giselle) et Sergii Kryvokon (Albrecht)

Kostiantyn Pozharnytskyi (Hilarion), Natalia Matsak (Giselle) et Sergii Kryvokon (Albrecht)

Hasard de l’Histoire, c’est au moment de la naissance de l’Opéra de Kiev que ‘Giselle’ disparut de l’affiche de l’Opéra de Paris. Car si la création du célèbre ballet d’Adolphe Adam eut lieu avec succès le 28 juin 1841 à la salle Le Peletier, c’est Jules Perrot, venu à Saint-Pétersbourg en 1849, puis Marius Petipa, qui vont contribuer à l’installer en Russie. ‘Giselle’ ne reviendra par la suite au Palais Garnier qu’en 1910.

Kostiantyn Pozharnytskyi (Hilarion)

Kostiantyn Pozharnytskyi (Hilarion)

La chorégraphie interprétée ce soir reste donc inspirée de l’original de Marius Petipa, d’après Jules Perrot et Jean Coralli, et elle se déroule dans un un décor très classique, adapté par la créatrice ukrainienne Malva Verbytska, qui comprend, côté jardin, la petite maison de Giselle, et en arrière plan, un château de Contes de fées qui évoque les origines aristocratiques d’Albrecht.

Tymofiy Bykovets (Un paysan virtuose)

Tymofiy Bykovets (Un paysan virtuose)

En seconde partie, des lumières bleutées diffusent une atmosphère nocturne et poétique au Royaume des ombres, sur fond d’une nature fantomatique.

La tension et la mélancolie sont perceptibles, mais cela ne va empêcher les artistes de défendre ce chef d’œuvre romantique, non sans gravité, mais avec l’envie de se faire plaisir et de faire plaisir au public.

Corps de Ballet de l'Opéra national d'Ukraine (Royaume des ombres)

Corps de Ballet de l'Opéra national d'Ukraine (Royaume des ombres)

La danseuse étoile Natalia Matsak est en effet éblouissante. Technique qui lui permet de réussir sans concession et sans la moindre marque de fléchissement les mouvements tournoyants sur pointe, et de tenir des poses avec grande allure et élégance, cette magnifique artiste rayonne d’une fraîcheur très mature qui, à la fois, traduit la sincérité de Giselle, mais aussi en fait une femme intérieurement profonde, dont la perte de raison fait aussi penser à celle de la Traviata lorsqu’elle révèle fatalement ses souffrances intérieures.

Iryna Borysova (Myrtha)

Iryna Borysova (Myrtha)

Son partenaire, Sergii Kryvokon, est un splendide danseur, très grand est d’une physionomie qui figure à la fois la noblesse et la dominance souveraine d’Albrecht, avec énormément de sensibilité.
Grands élans aériens, expressivité romantique, assurance dans toutes les portées, nous sommes avec lui transportés dans le monde de l’indomptable fierté slave, et c’est absolument fascinant à admirer.

Natalia Matsak (Giselle) et Sergii Kryvokon (Albrecht)

Natalia Matsak (Giselle) et Sergii Kryvokon (Albrecht)

En seconde partie, Iryna Borysova donne également une leçon d‘exigence dans son incarnation de la blanche Myrtha, dans une attitude sévère mais consciente, et le rival d’Albrecht, Kostiantyn Pozharnytskyi, habillé comme il se doit en tenue de chasseur qui lui donne un aspect perçant, est tout aussi sensible, lui qui révèle dans la majesté et la célérité de ses impeccables postures une authenticité teintée subtilement d’ombre.

Kostiantyn Pozharnytskyi (Hilarion) et Natalia Matsak (Giselle)

Kostiantyn Pozharnytskyi (Hilarion) et Natalia Matsak (Giselle)

Dans la scène des danses paysannes, Tymofiy Bykovets est lui aussi brillant de par son aplomb et sa précision de mouvement, tout en affichant une certaine exigence dans sa relation au public, et le corps de ballet réussit à conserver une bonne cohésion d’ensemble, d’abord par sa vitalité joyeuse mais départie de tout superficialité excessive, en première partie, puis par sa quiétude recueillie en seconde partie, qui devient inévitablement fort inspirante pour l’auditeur.

Sergii Kryvokon (Albrecht)

Sergii Kryvokon (Albrecht)

Et dans la fosse d’orchestre, Dmytro Morozov, directeur musical de l’Opéra de Kharkiv, obtient de l’ensemble ‘Prométhée’ un très beau délié fluide et inspirant auquel on se laisse aller en toute sérénité, avec une tension juste qui soutient une théâtralité chaleureuse où les percussions sont sollicitées sans réserve. Très agréable poésie des vents, également, qui magnifie la belle gestuelle des solistes et des ensembles.

Dmytro Morozov (directeur musical de l'Opéra de Kharkiv)

Dmytro Morozov (directeur musical de l'Opéra de Kharkiv)

La soirée s’est achevée en standing ovation à la première, comme ce fut aussi le cas en matinée trois jours plus tard, avec plus de détente sans doute à la veille de Noël, les artistes étant heureux d’avoir retrouvé toutes leurs marques en quelques jours.

Et le fait de se montrer forts touchés par cet accueil s’est vraiment lu en eux, ce samedi après-midi. Un enchantement régnant parmi les spectateurs s'entendait ainsi à la sortie du Théâtre.

Natalia Matsak (Giselle), Sergii Kryvokon (Albrecht) et Kostiantyn Pozharnytskyi (Hilarion)

Natalia Matsak (Giselle), Sergii Kryvokon (Albrecht) et Kostiantyn Pozharnytskyi (Hilarion)

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