Publié le 30 Août 2012
Des influences européennes au premier opéra russe (1735-1855)
Jusqu’en 1836, il y eut peu d’opéras russes remarquables.
1735 St Petersburg : La Tsarine Anna Ivanovna nomme le compositeur italien Francisco Araia comme Maître de Chapelle. Toutefois, seule sa dernière composition Tsefal i Prokris (1755), d’après Les Métamorphoses d’Ovide, sera écrite en russe.
Plus tard, Catherine II de Russie voit dans l’Opéra un support pour la propagation des idées politiques et sociales.
Mais elle préserve cependant son admiration pour les œuvres françaises, italiennes et allemandes.
1779 Moscou : Le Meunier magicien, rusé et marieur de Mikhaïl Sokolovsky, créé au Théâtre Petrovsky, est un des tout premiers opéras russes.
1780 Moscou : La troupe du Bolchoï, fondée par le Prince Urusov et l’entrepreneur anglais Michael Maddox, acquière le Théâtre Petrovsky, renommé Théâtre du Bolchoï.
A cette époque, nombres d’acteurs étaient des serfs. Cette pratique va disparaître en 1806.
1815 Dans l’euphorie de la défaite de Napoléon, Catterino Cavos, compositeur et chef d’orchestre italien, crée un opéra pour exalter le sentiment nationaliste à partir de l’histoire de Soussanine. Son opéra ne fait guerre impression, mais il va apparaître comme une étape décisive dans l’histoire de l’opéra russe.
Les débuts de l’Opéra russe datent effectivement d’une soirée bien précise :
1836 St Petersburg : Lors de la soirée du 09 décembre, Nicolas Ier et sa famille assistent à la création de l’opéra Ivan Soussanine de Mikhaïl Glinka. Ce soir là, Cavos en assure la direction.
Par la suite , Ivan Soussanine ouvrira chaque saison d’opéra à Moscou et St Petersburg jusqu’en 1913. Nicolas Ier suggère néanmoins un autre titre : Une vie pour le Tsar, nom sous lequel cet opéra est connu en occident aujourd’hui.
Mikhaïl Glinka ayant beaucoup voyagé en Europe et rencontré Donizetti, Bellini et Berlioz, les influences européennes se manifestent dans Une vie pour le Tsar. Mais il utilise aussi les échos musicaux de son enfance, les chants liturgiques orthodoxes, le son des cloches.
Il se réfère également à la littérature de son pays, Alexandre Pouchkine en particulier.
Malheureusement, Pouchkine meurt en 1837 et ne peut achever sa collaboration avec Glinka sur son second opéra Rousslan et Ludmilla.
1842 St Petersburg : Rousslan et Ludmilla est enfin créé au Bolchoï.
Désormais, la mention « d’après Pouchkine » va être apposée sur les livrets des œuvres de Moussorgski, Tchaïkovski, Rimski-Korsakov, Rachmaninov, Stravinsky etc.
Par la suite, Dargomyjski met en musique la langue russe selon le principe que la note doit exprimer le mot. Mais la forme de récitatif presque continu du Convive de Pierre, créé en 1872 bien après sa mort, ne peut captiver le public.
Le Groupe des Cinq et Tchaïkovski (1855-1910)
Entre 1856 et 1862, Mili Balakirev, pianiste et compositeur rassemble autour de lui un groupe de jeunes musiciens, le groupe des cinq. Trois d’entre eux sont officiers, un autre est chimiste.
1869 St Petersburg : William Ratcliff, l’opéra le plus connu de César Cui, un des membres du groupe des cinq, est représenté au Théâtre Marinskii. Bien que cet opéra ait beaucoup inspiré ses collègues, Moussorgski, Rimski-Korsakov, Borodine, les quinze ouvrages du compositeur disparaitront du répertoire.
1869 St Petersburg : La même année, Modest Moussorgski créé Boris Godounov au Théâtre Marinskii. D’abord rejetée, l’œuvre fortement révisée triomphe auprès du public en 1874. Elle comporte trois rôles splendides pour les basses.
Resté à l’écart du groupe des cinq, Piotr Ilitch Tchaïkovski voyage en Allemagne et en France, s’imprégnant de la musique de ce pays. Il composera 10 opéras et trois ballets.
1879 Moscou : Création d’Eugène Onéguine, œuvre d’un très grand charme musical et d’une très grande force lyrique, la plus célèbre de Tchaïkovski.
Tchaïkovski triomphe 11 ans plus tard à St Petersburg avec La Dame de Pique. L’oeuvre annonce inconsciemment sa propre fin, et on y trouve la prophétie de Carmen qui l’avait tant marqué.
En 1893, huit jours après la création de la 6ème symphonie, il se donne la mort.
Plus que tout autre, il fit connaître la musique russe dans le monde.
1886 St Petersburg : Opéra Posthume de Moussorgski, La Khovantchina traite d’une période antérieure d’un siècle à Boris Godounov. Inachevé, Rimski-Korsakov en complète l’orchestration.
1890 St Petersburg : Borodine a écrit les plus beaux quatuors à cordes. Le Prince Igor, œuvre massive comme Boris Godounov, est une réussite de bout en bout.
Rimski Korsakov a fait le plus pour ses collègues par son travail de correction et d’achèvement de leurs œuvres.
Il a composé en tout 14 opéras en illustrant différents genres historiques (La Pskovitaine, La Fiancée du Tsar) ou féériques (Sadko, La Légende de la ville de Kitège)
1909 Moscou : Le Coq d’Or, œuvre posthume de Rimski-Korsakov, est créé au théâtre Solodovnikov, théâtre privé créé en 1895 par Sawa Mamontov.
Cet industriel et philanthrope a créé sa propre compagnie sous le nom « Compagnie Mamontov ». Elle joue aussi bien à Nijni-Novgorod qu’à Moscou, et permet au public russe de découvrir les opéras contemporains, Aïda, Faust, que l’on ne pouvait pas voir dans les théâtres impériaux.
Il offrait également des occasions de carrière aux chanteurs nationaux, dont le plus illustre fut Fédor Chaliapine.
Enfin, il persuada de grands artistes de réaliser les décors des opéras contemporains, préfigurant ce que feront Léon Bakst et Alexandre Benois pour Serge de Diaghilev en Europe occidentale.
1897 Moscou : création du Théâtre d’art de Moscou par Vladimir Nemirovitch-Dantchenko et Constantin Stanislavski. Tout deux militaient en faveur d’un style de mise en scène et de jeu naturaliste.
Stanislavski demandait à ses acteurs de s’identifier totalement aux personnages qu’ils interprétaient.
Avec l’avancée dans le siècle, le théâtre et l’opéra vont se nourrir mutuellement et les idées de Stanislavski vont avoir une influence qui dépassera largement les frontières de la Russie.
Le renouveau du théâtre musical russe (1910-1955)
1910 Opéra de Paris : un an après la création en France de la compagnie de danse, les Ballets russes, Serge de Diaghilev crée l’Oiseau de Feu sur la musique d‘Igor Stravinsky.
Quelque chose de nouveau apparaît dans le théâtre musical russe.
Diaghilev commande , en effet, les décors et les costumes auprès des meilleurs artistes, Picasso, Braque, Matisse …, et la musique aux compositeurs les plus originaux, Ravel, Debussy, Prokofiev, Strauss …
1913 Théâtre des Champs Elysées (Paris) : la création du Sacre du printemps attire sur la tête d’Igor Stravinsky la fureur d’une génération élevée dans la tradition du siècle passé, une émeute qui sera pire que celle qui accompagna la création de Tannhäuser à l’Opéra de Paris.
1914 Opéra de Paris : Stravinsky crée Le Rossignol au cours de la saison organisée par Diaghilev.
1917 A l’époque de la révolution d’octobre, Stravinsky, Diaghilev et une bonne partie des danseurs étaient déjà passés à l’étranger. Grand pianiste, Serge Prokofiev voit la première de son opéra, Le joueur, annulée, et le public devra attendre 1929 pour l’entendre sur scène à la Monnaie de Bruxelles.
Prokofiev émigre aux Etats-Unis.
1921 Chicago : Prokofiev crée l’Amour des 3 Oranges, fondé sur un vieux canevas de la commedia dell’arte.
1923 Ettal (Haute Bavière) : Dans le calme des Alpes, Prokofiev compose L’Ange de Feu, œuvre violemment expressionniste qui ne sera jouée qu’en 1954 au Théâtre des Champs Elysées à Paris.
1930 Leningrad : Le Nez, opéra de Chostakovitch sur un livret satirique de Gogol suscite la controverse mais est accepté par la censure.
1934 Leningrad : Lady Macbeth de Mtsensk, œuvre d’un surréalisme flamboyant, est acclamé au Théâtre Maly, puis à Moscou, Cleveland, Philadelphie et New-York.
1936 Moscou : Staline assiste à Lady Macbeth de Mtsensk et condamne sans appel l’œuvre de Chostakovitch .
1946 Leningrad : quatre ans après sa composition, l’opéra en treize scènes de Prokofiev, Guerre et Paix, est créé au Théâtre Maly.
1948 Le Comité central du Parti Communiste publie une résolution critiquant la musique et les musiciens soviétiques. Les compositeurs sont contraints à l’autocritique, et doivent reconnaître publiquement leurs erreurs, un des moments les plus infâmes de l’histoire de la musique de notre siècle.
1951 Venise : Igor Stravinsky crée The Rake’s Progress, œuvre néoclassique et extravagante.
Pour aller plus loin, revenir à la rubrique Histoire de l'Opéra