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Publié le 28 Janvier 2024

Dans les coulisses de l’Opéra national de Paris
Un reportage de Laetitia Cénac dessiné par Laure Fissore
Editions de La Martinière – Sortie le 22 septembre 2023
ISBN : 978-2-7324-9039-7
Nombre de pages 223

Dans les coulisses de l’Opéra national de Paris – Présentation et Impressions

Depuis son arrivée anticipée à la direction de l’Opéra national de Paris, le 01 septembre 2020, en pleine crise pandémique, Alexandre Neef a eu à cœur de mettre en avant le potentiel humain de l’institution avec la même importance que sa programmation artistique.

Cela s’est d’abord concrétisé, à la demande d’une partie du personnel, par la remise du rapport sur la diversité confié à Pap Ndiaye et Constance Rivière, par le maintien de l’activité de production pendant la période de fermeture des salles au public – on se souvient d’un technicien intermittent remercier pour cela le directeur en direct sur France Musique -, la nomination de Paul Marque en tant qu’Étoile en streaming et en direct dans ce même temps, l’édition d’un DVD ‘Opéra de Paris : une saison (très) particulière’, plus généralement la mise en avant de l’activité chorégraphique et des danseurs au même niveau que l’activité lyrique, l’illustration du programme de la saison 2021/2022 avec les visages des personnels de l’Opéra, et des actions de coopérations avec l’Opéra de Santiago du Chili, le conservatoire de musique, de danse et de théâtre de Guyane, ou bien avec la villa Hegra en Arabie Saoudite.

L'Opéra de Paris à la Villa Hegra, le 17 janvier 2024 (makkahnewspaper.com)

L'Opéra de Paris à la Villa Hegra, le 17 janvier 2024 (makkahnewspaper.com)

La sortie du magnifique livre de Laetitia Cénac, grand reporter à Madame Figaro, et Laure Fissore, artiste voyageuse, intitulé ‘Dans les coulisses de l’Opéra national de Paris’, s’inscrit dans la même logique et permet de comprendre comment le travail de tous les acteurs de l’Opéra, qui emploie 1500 salariés et 250 à 300 employés surnuméraires, s’articule. 

Sur la forme, ce livre se décompose en deux rencontres, l’une avec Alexander Neef, en prologue, et l’autre avec José Martinez, en épilogue. Elles encadrent 9 chapitres qui présentent en premier lieu le déroulement de plusieurs soirées d’opéras en 2022 et 2023 (‘Cendrillon’, ‘La Bayadère’, ‘Faust’, ‘Platée’), puis tout le travail de répétition en amont sur plusieurs spectacles (‘Parsifal’, ‘La Cenerentola’, ‘Ariodante’, ‘Fin de Partie’).

Alexander Neef et José Martinez

Alexander Neef et José Martinez

Puis s’en suit une entrée en profondeur dans le travail et l’organisation des musiciens et des choristes – ils doivent assurer près de 600 services et plus de 300 spectacles par an -, qui se prolonge par une même analyse pour les 154 danseurs du Corps de Ballet, avec lesquels il faut être capable de prévoir 5 distributions pour un spectacle donné sur 20 à 25 représentations.

Vient le temps de la formation avec, d’abord, un focus sur l’Ecole de Danse installée à Nanterre depuis 1987 à la demande de Claude Bessy et sous l’impulsion de Jack Lang – en 2022, 73 garçons et 85 filles y développent leur apprentissage -, et un second focus se porte sur l’Académie créée en 2015 par Myriam Mazouzi pour parfaire la technique des futurs chanteurs professionnels – une interview de Marine Chagnon, Ramon Teobald et Victoria Sitja montre notamment l’importance de la rencontre avec les metteurs en scène -.

La Khovanchtchina

La Khovanchtchina

Nous entrons ensuite dans les métiers de l’illusion pour découvrir une foule d’ateliers et de métiers (flou, modistes, tailleurs et décorateurs de costumes, perruques, maquilleurs, cordonniers et nettoyeurs) proches des artistes puisqu’ils sont chargés de les habiller. Les équipes de Bastille puis de Garnier sont présentées en détail avec leurs particularités. Le Central costume, dirigé par Xavier Ronze, se situe à Garnier et conserve une partie des costumes du répertoire de ballet, le reste étant stocké à Berthier.

Pour tout savoir sur la construction des décors depuis leur conception jusqu’à leur mise en œuvre au cours des spectacles, un grand chapitre est dédié au plateau Bastille où l’on découvre les bureaux d’études, animés par des dessinateurs et des ingénieurs très pointus en modélisation 3D, des ateliers de peinture, des ateliers de matériaux composites - on apprend que les toiles de la dernière reprise de ‘Casse-Noisette’ ont été repeintes et que des paravents ont été refaits en composite pour gagner 30kg de charge -, les ateliers de sculpture, de menuiserie, de serrurerie (pour réaliser l’ossature des grands éléments), les tapissières, les accessoiristes – qui font la même chose que les ateliers mais en plus petit -, et les importantes équipes de machinistes (89 personnes à Bastille et 62 à Garnier) organisées pour gérer jusqu’à 3 spectacles en exploitation et 1 en répétition par semaine dans chaque établissement. Les locaux sont si gigantesques qu’un Airbus A380 pourrait se garer dans les coulisses de Bastille.

La même organisation à Garnier, où se jouent les 3/4 des ballets, est étudiée et notamment la machinerie de scène. On apprend que c’est seulement depuis 1996 que les cintres sont électrifiés (il y en a 10 et 83 porteuses de 26m de haut pour manipuler les décors).

Le central costumes - Palais Garnier (Mars 2016)

Le central costumes - Palais Garnier (Mars 2016)

Un autre passionnant chapitre décrit le fonctionnement des ateliers Berthier où sont stockés les décors de Garnier. Ces locaux ont été construits par Charles Garnier avec l’appui de Gustav Eiffel suite à l’incendie en janvier 1894 des magasins de la rue Richer. 80 % du trafic des 17 remorques spécifiquement conçues circule à destination de Garnier, car cet édifice datant du Second Empire ne permet pas de laisser passer par ses grilles les conteneurs de décors standardisés. Berthier opère donc un rôle de sas de conversion.

Plus de 6000 toiles et 60000 vêtements y sont également entreposés.
Et pour stocker son patrimoine historique composé de 16000 partitions, la Bibliothèque-Musée dirigée par Mathias Auclair joue un véritable rôle d’Institution de Conservation auprès de l’Opéra.

Charles-Edouard et Nicolas - Protocole

Charles-Edouard et Nicolas - Protocole

Enfin, un dernier chapitre est laissé à l’organisation managériale en abordant le rôle de ‘Tour de contrôle’ de Martin Ajdari, chargé de coordonner les actions découlant des décisions prises par le directeur général, celui de Jean-Yves Kaced qui a la double casquette de directeur du développement et du mécénat de l’Opéra et de directeur de l’AROP (association constituée le 8 juillet 1980 et qui aligne 23 Millions d’euros de mécénat fin 2023, soit près de 10% du budget de l’institution), ou celui de la direction administrative et financière chargée de suivre le budget de fonctionnement de 240 millions d’euros, dont 100 millions d’euros proviennent de subventions de l’État français.

Le rôle des Cercles Berlioz, Noverre, et Lully qui aident les activités lyriques et chorégraphiques est aussi essentiel.

Façade de l'Opéra Bastille

Façade de l'Opéra Bastille

Le spectateur n’est pas oublié puisqu’il est le sujet privilégié de la direction de l’Expérience spectateur et marketing (140 personnes), qui cherche à fidéliser ces 40 à 45% de spectateurs qui, chaque soir, dans la salle, viennent pour la première fois à l’opéra – on ne peut s’empêcher de sourire à ceux qui prétendent, dans le milieu artistique, journalistique ou bien des passionnés, connaître ce que veulent les spectateurs -.

Pour valoriser la programmation artistique, l’Opéra de Paris réalise par ailleurs ses propres captations et dispose de sa propre plateforme de diffusion, Paris Opera Play.

Impossible de ne pas évoquer les préparatifs de la célébration des 150 ans de l’ouverture du Palais Garnier – qui eut lieu au début de la 3e République le 05 janvier 1875 -. Un documentaire est envisagé à cette occasion, ainsi qu’un gala d’anniversaire fin janvier 2025.

Un glossaire conclusif permet de mieux comprendre le jargon du théâtre et notamment les 4 points cardinaux, cour, jardin, face, lointain, pour les quatre endroits situés respectivement à droite, à gauche, en avant et en arrière de la scène lorsque l'on est face à elle.

La Bayadère

La Bayadère

Toutes ces activités sont ainsi approfondies en faisant intervenir des interviews d’artistes invités tels Benjamin Bernheim, qui rappelle l’importance d’avoir des artistes et des metteurs en scènes en phase avec leur temps, Guillaume Gallienne, qui précise sa méthode d’écoute des œuvres, ou bien Robert Carsen pour qui l’opéra est le meilleur moyen de casser le rapport au temps.

La voix est cependant surtout laissée au personnel de l’Opéra, les inspecteurs principaux, Charles-Edouard et Nicolas, qui racontent des histoires drôles et surprenantes sur le public, les danseurs étoiles et le sens qu’ils veulent donner à leur présence, les chefs des différents services et leur multiples contraintes de planning, d’espace ou de ressources, les artistes des chœurs et leur rapport aux autres personnels – très touchante anecdote sur Mariame Clément qui avait appris par cœur les prénoms des 60 choristes de la production de ‘Cendrillon’ -, et l’on apprend mille nuances entre les différentes fonctions, entre une maîtresse de ballet et un professeur de danse, que l’on peut jouer un Mozart et un Wagner chaque soir dans les deux théâtres ou bien deux Puccini, qu’il peut y avoir chaque soir sur le plateau 300 personnes, ce qui fait le coût réel d’une production, bien plus que les décors qui, eux, sont amortis avec le temps.

Mariame Clément - Cendrillon (26 mars 2022)

Mariame Clément - Cendrillon (26 mars 2022)

Ainsi, le fait de découvrir les noms et prénoms de tous ces intervenants ainsi que leurs visages dessinés à la main en noir et blanc, de voir des scènes de vie de plateau, de travail en atelier, de réunions, ou de pauses café aux Associés, peintes en couleurs pastel, renforce l’attache affective à cette organisation humaine que chaque personne prise individuellement ne soupçonne pas forcément. Un musicien peut alors découvrir à la lecture de ce livre ce que fait un machiniste, tout comme un régisseur va découvrir les états d’âmes des danseurs, ou bien un personnel de l’accueil va prendre fait de la taille de l’activité des accessoiristes et de leurs multiples compétences.

La nécessité de sortir de l’entre-soi, de s’ouvrir le plus possible à la société, d’inclure toutes ses composantes – le programme ‘Dix mois d’École et d’Opéra’ créé en 1991 participe à ce rôle inclusif -, est véritablement saillante tout au long des échanges, une urgence depuis les crises sociale et sanitaire de 2020 et 2021.

Atelier de couture - Palais Garnier (Mars 2016)

Atelier de couture - Palais Garnier (Mars 2016)

La vision qui en ressort, riche et complexe, est celle d’une organisation aux multiples ramifications qui sont interdépendantes, et l’on se rend compte de la responsabilité écrasante de la direction du planning et de la production qui doit tout prévoir 3 ans à l’avance et avoir le meilleur état de synthèse possible de tous les projets en cours et à développer.

Et en même temps, il ne s’agit que d’extraits de deux années de vie lyrique et chorégraphique rapportés en scènes imaginées sous une forme artistique qui replace l’humain dans son rapport à la technique professionnelle. 

Absolument indispensable pour aborder la vision d’ensemble du métier de l'Opéra et en tirer une meilleure conscience.

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Publié le 8 Janvier 2024

Article de juillet 2016 mis à jour le 08 janvier 2024

L'article qui suit est une mise à jour intégrale de son contenu rédigé la première fois en juillet 2016.
Il fait un état des lieux de l’audience des sites internet de théâtres lyriques, de salles de concert classique, d’orchestres philharmoniques, de revues musicales, de radios musicales, de chaînes culturelles, de bases de données classiques et de sites de vidéos en streaming et cherche à en tirer quelques enseignements.

Le point de départ est le site de mesure d'audience Similarweb.com (une jeune compagnie britannique de technologie de l'information) qui donne, gratuitement, quelques indicateurs, à ne considérer que pour leurs ordres de grandeur, et un classement mondial des sites sélectionnés (classement basé sur le nombre de consultations mais aussi le temps passé et le nombre de pages consultées par les lecteurs).

Il fournit, notamment, le nombre de consultations par mois, la part du trafic lié à un accès direct au site (plus la part des accès directs est importante, plus la part des lecteurs fidèles est élevée), et la nationalité des visiteurs. Contrairement aux idées reçues, la part de lecteurs amenée par les réseaux sociaux (Facebook, twitter, Instagram ..) est très faible et représente dans la plupart des cas moins de 5% du trafic. Ces sites sont avant tout consultés par accès direct (pour les fidèles) ou par recherche google pour lequel leur bon référencement est indispensable à leur visibilité.

Un même visiteur pouvant consulter un même site plusieurs fois par mois, voir par jour, et depuis différents moyens électroniques, le nombre de consultations est donc très supérieur au nombre de personnes physiques distinctes ayant accédé à un site internet.  Ainsi, ‘Google’, le site n°1, reçoit 90 milliards de consultations par mois, alors que seuls 4 milliards d’habitants ont accès à internet dans le monde. Le nombre de visiteurs réels d’un site web est donc probablement 20 à 100 fois inférieur au nombre de consultations.

Klaus Mäkelä et l'Orchestre de Paris à la Philharmonie de Paris en septembre 2021

Klaus Mäkelä et l'Orchestre de Paris à la Philharmonie de Paris en septembre 2021

 Le tableau qui suit présente le classement de 200 sites lyriques et musicaux pour les 11 catégories suivantes auxquelles un code couleur différent est associé (bleu foncé pour les maisons d'opéras, bleu clair pour les centres de musiques et les orchestres, rose pour les webzine et blog, etc.), à savoir :

  • 2 chaînes culturelles à titre de référence : Arte et 3Sat
  • 7 radios musicales (Classik FM, France Musique, Radio Classique, WQXR, BR Klassik ...)
  • 97 maisons d’opéras internationales (Opéra national de Paris, MET, Covent Garden, Mariinski etc.)
  • 38 salles de concerts et orchestres philharmoniques ou symphoniques et centres musicaux
  • 4 sites qui agrègent plusieurs salles (Kennedy Center, Aalto Theater Essen, Château de Versailles Spectacles et Opera Australia)
  • 24 webzines (Slipped Disc, Forum Opera, Bachtrack, etc.)
  • 4 sites dédiés aux violonistes (Violinist, The Strad, Strings Magazine, The Violin Channel)
  • 4 sites de streaming (Operavision, Medici TV, Digital Concert Hall, Opera on video)
  • 9 bases de données de partitions et d'archives (IMSLP, Opera Arias, La Flûte de Pan, Bärenreiter etc.)
  • 10 sites de ventes en ligne d’enregistrements musicaux (JPC, Qobuz, Presto Music, Naxos etc.)
  • 1 site de billetterie (Music Opéra)

 

Le choix du seuil de 200 sites permet d'inclure quasiment tous les sites recevant au minimum 50 000 consultations par mois (soit de quelques milliers de lecteurs individuels pour les plus modestes à plusieurs centaines de milliers pour Arte). Ce nombre de consultations mensuelles est une moyenne calculée sur le second semestre 2023 (Similar Web affiche les résultats des 3 derniers mois ce qui oblige à faire plusieurs sondages au cours de l'année).

Pour chaque site est affiché :

  • son classement mondial (moyenne des 6 derniers mois)
  • l'évolution de son classement par rapport au premier semestre 2023
  • le nombre de consultation par mois (moyenne des 6 derniers mois)
  • la part de visiteurs qui accèdent directement au site (sans recherche google ou réseaux sociaux)
  • la part de visiteurs français

 

Une mise à jour d'ensemble de ce classement aura lieu tous les 6 mois, chaque mois de janvier et juillet, afin de suivre l'évolution annuelle du succès de ces sites. 

Audience comparée de sites dédiés à la Musique classique et à l'Art lyrique (juillet à décembre 2023)

Audience comparée de sites dédiés à la Musique classique et à l'Art lyrique (juillet à décembre 2023)

Audience comparée de sites dédiés à la Musique classique et à l'Art lyrique (juillet à décembre 2023)

Audience comparée de sites dédiés à la Musique classique et à l'Art lyrique (juillet à décembre 2023)

Audience comparée de sites dédiés à la Musique classique et à l'Art lyrique (juillet à décembre 2023)

Audience comparée de sites dédiés à la Musique classique et à l'Art lyrique (juillet à décembre 2023)

Audience comparée de sites dédiés à la Musique classique et à l'Art lyrique (juillet à décembre 2023)

Audience comparée de sites dédiés à la Musique classique et à l'Art lyrique (juillet à décembre 2023)

Audience comparée de sites dédiés à la Musique classique et à l'Art lyrique (juillet à décembre 2023)

Audience comparée de sites dédiés à la Musique classique et à l'Art lyrique (juillet à décembre 2023)

Audience comparée de sites dédiés à la Musique classique et à l'Art lyrique (juillet à décembre 2023)

Audience comparée de sites dédiés à la Musique classique et à l'Art lyrique (juillet à décembre 2023)

Audience comparée de sites dédiés à la Musique classique et à l'Art lyrique (juillet à décembre 2023)

Audience comparée de sites dédiés à la Musique classique et à l'Art lyrique (juillet à décembre 2023)

Audience comparée de sites dédiés à la Musique classique et à l'Art lyrique (juillet à décembre 2023)

Audience comparée de sites dédiés à la Musique classique et à l'Art lyrique (juillet à décembre 2023)

Classic FM, première chaîne de musique classique
Avec plus de 3 millions d’accès par mois sur internet, et 5 millions d’auditeurs chaque week-end sur les ondes hertziennes, la chaîne de musique classique britannique Classic FM a fêté ses 30 ans le 7 septembre 2022 et est devenue la première chaîne de musique classique au monde. 

 

En France, France Musique et Radio classique sont au coude à coude avec environ 1 million d’auditeurs par jour en hertzien. Mais sur internet, France Musique prend le dessus sur sa concurrente avec 1,4 millions de consultations du site par mois (1,2 millions en 2016), ce qui peut être du à la richesse de son contenu numérique. Plus de 80 % des auditeurs numériques des deux radios sont français, mais 10 % du trafic de Radio Classique provient d’auditeurs belges, alors que 10 % du trafic web de France Musique provient d’auditeurs canadiens, suisses, espagnols et grecs.

Toutefois, depuis février 2022, Radio France agrège sur un même site ses différentes chaînes radios (France Culture, France Inter etc..) si bien qu'il n'est plus possible de suivre l'évolution de France Musique. Le nombre de consultations affiché ici est donc une estimation à partir de l'évolution de la fréquentation de Radio France.

Le ROH, l’ONP, le MET, le Mariinsky et le Bolshoi en tête des sites web de maisons lyriques les plus consultés au monde.
Le Royal Opera House Covent Garden, l’Opéra national de Paris, le MET Opera de New-York, le Théâtre du Mariinsky et le Bolshoi sont les cinq maisons d’opéra qui disposent de sites internet classés parmi les 100 000 plus consultés au monde avec plus de 500 000 connexions par mois (et même 1 million pour le ROH). On observe cependant une nuance entre les maisons occidentales et les maisons russes.

70 % des visiteurs numériques des maisons occidentales sont nationaux, et 8 % proviennent aussi des USA pour le Covent Garden et l’Opéra de Paris, tandis que 8 % des visiteurs numériques du MET sont britanniques ou canadiens.

 

Avec plus de 500 000 consultations par mois, les maisons russes de Saint-Pétersbourg (Le Mariinski) et Moscou (Le Bolshoi) talonnent ces trois maisons phares, mais  90 % de leurs visiteurs sont cette fois nationaux et 2 % sont américains. Et depuis fin 2023, et la nomination de Valery Gergiev, le site du Théâtre du Bolshoi est même le plus consulté des sites d'institutions lyriques.

Avec 400 000 visiteurs par mois, le site de l’Opéra de Vienne a une structuration de sa fréquentation un peu différente. Seuls 30 % des visiteurs sont nationaux, 15 % sont allemands, 10 % sont américains, 6% sont britanniques et 5% sont français, ce qui reflète une image de maison de répertoire ouverte au monde entier. Les Russes, qui représentaient 10% du public avant la guerre en Ukraine, en sont dorénavant absents.

Et hors Opéra de Paris, le Théâtre des Champs-Élysées, le Théâtre du Châtelet, l'Opéra de Lyon et l'Opéra de Bordeaux sont les seuls sites de théâtre lyrique et classique français à dépasser largement les 50 000 consultations par mois.

Les opéras allemands sont bien représentés en seconde partie de ce classement, le Bayerische Staatsoper de Munich (300 000 consultations) en tête, mais également les maisons européennes telles le Norwegian Opera, le Royal Danish Opera, le Teatro Real de Madrid, l'Opéra d'Amsterdam, l’Opéra d’État de Prague et le Théâtre national de Brno.

Hors Europe, le Teatro Colon de Buenos Aires se détache nettement avec 400 000 visiteurs par mois.

Les succès de la Philharmonie de Paris et de l’ElbPhilharmonie et la reconnaissance internationale du Philharmonique de Vienne
Ouvertes respectivement en 2015 et 2017, la Philharmonie de Paris et l’ElbPhilharmonie de Hambourg sont devenues en quelques années les salles de concerts philharmoniques disposant des sites les plus consultés au monde.

Quant au site du Philharmonique de Vienne (plus de 250 000 consultations par mois) – l’orchestre a célébré ses 180 ans en 2022 -, il dispose d’une structuration de ses visiteurs totalement internationale dont seuls 15 % sont autrichiens, 15 % allemands, 10 % américains, 5% polonais, 5% italiens et 5% japonais..

Il est de plus fréquenté à 50 % par une multitude d’autres nationalités. Vienne est véritablement associée à une image de culture musicale mondiale - mais le concert du nouvel an qui augmente l'afflux de visiteurs sur le site du Wiener Philharmoniker en janvier joue beaucoup sur cette mise en avant -.

Enfin, pas moins de 13 sites d'orchestres américains apparaissent dans ce classement, dont le New York Philharmonic qui est en tête (300 000 visites par mois) suivi par le Boston Symphony Orchestra et le Los Angeles Philharmonic, et le site de l'emblème musicale des Pays-Bas, le Concertgebow d'Amsterdam, atteint désormais les 250 000 consultations par mois.


 

Slipped Disc et Classical Music en tête des Webzines internationaux, Forum Opera n°1 français pour l'Opéra.
Les magazines en ligne de musique classique se sont développés au même rythme que les sites lyriques. On y trouve des interviews d’artistes, des chroniques de spectacles ou d’enregistrements, l’actualité musicale, et parfois des lieux de discussions. Les groupes anglo-saxons dominent sans partage ce genre de média et sont les véritables promoteurs de cet art dans le monde.

Fondé en 2007 par l’écrivain et critique Norman Lebrecht, Slipped Disc est devenu le n°1 mondial des webzines avec plus de 1 million de consultations par mois. Son lectorat est à 40 % américain, à 25 % britannique, 8 % allemand et 7 % canadien.

Classical Music, le site de la revue BBC Music Magazine (1992), obtient un nombre de consultations qui atteint 700 000 par mois, et d’autres webzines tels Gramophone Uk (la revue fut créée en 1923 par Compton MacKenzie) ou Classics Today (au contenu mis à jour de façon journalière) obtiennent respectivement 350 000 et 200 000 consultations par mois.

Et depuis 2016, un site américain, Operawire (déjà 300 000 visites par mois), monte pour mettre en valeur les artistes de l’art lyrique.

Fondé en 2008 par David et Alison Karlin, le site Bachtrack regroupe des interviews et des comptes-rendus internationaux de concerts, opéras et spectacles chorégraphiques, et peut être consulté en français depuis 2013 (même si seules 10 % de ses 300 000 consultations mensuelles proviennent de l’hexagone).

Tel un gigantesque hub, cet outil propose de nombreux liens vers les évènements et les captations vidéos accessibles en ligne. Il regroupe 150 chroniqueurs dans le monde qui publient 250 articles par mois.

D'autres webzines internationaux ont acquis une importance significative tels Connesi all Opera (Italie), Concerti (Allemagne), Schweizer Musikzeitung (Suisse) ou Opera Plus (Tchéquie).

BelCanto (depuis 2002) et Classical Music News (depuis 2006 - Rédacteur en Chef : Boris Lifanovsky) sont les deux sites russes phares qui dépassent les 300 000 visiteurs par mois.

 

Créé en 2001 par Camille de Rijck, et numéro 1 en France avec plus de 120 000 consultations par mois, Forum Opera est spécifiquement orienté Opéra et Art lyrique. 85 % de son lectorat est français, 4% belge, 2 % américain et 2 % tchèque.

Quatre autres webzines français le rejoignent, Resmusica (qui a quasiment doublé son niveau de fréquentation ces 5 dernières années pour devenir le site généraliste n°1 en France - puisqu'il couvre la danse, les concerts et les représentations lyriques), Opera Online (45% de lecteurs français, 10% allemands, 20% anglo-saxons) avec 110 000 visites par mois et des critiques aussi reconnus qu'Alain Duault ou Dominique Adrian (également présent sur Resmusica), Diapason Magazine, la vitrine du magazine papier du même nom, et Olyrix, exclusivement centré sur l’Opéra et qui s’est bien implanté ces 5 dernières années également (environ 90 000 consultations par mois).

D’autres sites français permettent d’avoir accès à des comptes-rendus de concerts et d’opéras (Concertonet, Altamusica, Anaclase, Classykeo, Carnets sur Sol, Concert Classic, Wanderer ...) avec toutefois une audience plus confidentielle (de quelques centaines de lecteurs à 1000 lecteurs pour 10 000 à 35 000 lectures mensuelles).

Quant aux forums de discussions, mal référencés car pénalisés par Google, ils ne réunissent que quelques centaines de lecteurs habituels.

Il est toutefois assez étrange de constater que l'Union européenne ne dispose pas de grand site de musique classique et lyrique au niveau de ceux des britanniques. Serait-ce parce que ces derniers sont plus commerçants dans l'âme?

 

Les réussites des sites de commerce et de streaming Qobuz, JPC, Presto Music, Arte concert, Medici TV 
Fondé par Alexandre Leforestier et Yves Riesel, dirigeants d'Abeille Musique, et avec près de 3 000 000 de consultations par mois, Qobuz s’est imposé comme la référence des sites de commerce en ligne et de streaming musicaux, suivi par Presto Music (spécialisé en musique classique). 

Au même niveau de fréquentation que Qobuz, la compagnie JPC fondée en 1973 par Gerhard Georg Ortmann dispose du premier site de commerce en ligne européen pour la musique classique (bien qu'elle ne se limite pas à cette catégorie de musique). Elle propose des enregistrements à prix très attractifs, des DVD, des livres et des partitions.

 

Arte concert (gratuit) et Medici TV (payant) se partagent le créneau de la diffusion d’opéras et de concerts en vidéo, et Opera Vision (exclusivement européen), avec seulement 80 000 consultations par mois, semble en perte de vitesse et surtout consulté par des russes. Il est en fait probable que ses accords de diffusion sur Youtube diluent les informations de consultations dans ceux de la chaîne américaine et qu’il ne devienne plus possible de mesurer son audience réelle de manière immédiate.

Enfin, impossible de ne pas citer le Digital Concert Hall du Philharmonique de Berlin qui permet d'avoir accès pour 150 euros par an à plus de 650 concerts enregistrés au cours des 60 dernières années. Ce site remarquable reçoit près de 300 000 visites par mois, et 25% des visiteurs sont anglo-saxons.

 

Naxos, leader mondial des labels d'enregistrements de musique classique
Né en 1987 à l'initiative de Klaus Heymann, un entrepreneur allemand, Naxos est devenu le premier éditeur label mondial de nouveaux enregistrements classiques, avec un catalogue réunissant plus de 15 000 disques à prix économiques.

 

Egalement, signalons les sites de bases de données de partitions, IMSLP (International Music Score Library Project ), Free score et Opera Arias, un site de calendriers de spectacles d’opéras (Operabase) qui couvre les salles du monde entier, ainsi que le très original Bach Cantatas, projet collectif débuté en 1999 sur les 209 Cantates de Bach.

 

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Publié le 9 Juillet 2023

L’art lyrique a connu en France une période prodigieusement foisonnante du milieu des années 1990 jusqu’au début de l’année 2020, avant que la vie culturelle ne soit fortement ébranlée par la pandémie mondiale que tout le monde a connu.

Que ce soit à Paris, avec la prise en main de l’opéra Bastille par Hugues Gall chargé de développer un nouveau répertoire - alors qu’en parallèle la capitale augmentait année après année son soutien au Théâtre du Châtelet sous les mandats de Stéphane Lissner et Jean-Pierre Brossmann -, ou en région où les opéras de Lyon, de Strasbourg, de Bordeaux, de Montpellier et de Nancy ont progressivement obtenus le label d’’Opéra national en région’ de 1996 à 2006, partout en France l’opéra va connaître un essor et un renouveau qui verra même apparaître de nouvelles maisons (Opéra de Massy en 1993) et de nouveaux festivals tels ceux de Sanxay ou bien Saint-Céré.

Ateliers de décors de l'Opéra Bastille

Ateliers de décors de l'Opéra Bastille

L’ouvrage dirigé par Hervé Lacombe ‘Histoire de l’opéra français – De la Belle Époque au monde globalisé’ (2022), retrace avec un sens du détail hors du commun cette évolution, si bien que l’article qui suit cherche uniquement à rendre compte, de façon très synthétique et visuelle, comment l’art lyrique est représenté aujourd’hui à travers chaque région de France.

Cette synthèse s’appuie uniquement sur les données recensées par le site de base de donnée international Operabase, qui comprend cependant quelques lacunes dont l’impact reste à la marge.

Faire ce bilan en 2023 est une façon de regarder le chemin parcouru, mais aussi de mettre en garde sur la trajectoire que va prendre dorénavant ce milieu artistique riche et fragile si les politiques publiques, étatiques et régionales, ne font pas le choix résolu de soutenir ces structures en période d’inflation, car il s’agit également de préserver un savoir faire artistique pointu acquis pas nombre de musiciens et chanteurs du territoire français, mais aussi de soutenir des qualités techniques uniques de fabricants de décors de costumes et d’accessoires qui font l’identité culturelle d’une nation.

45 maisons et festivals d’opéras en France sont ainsi considérés (voir tableau ci-dessous) sur la période 1996-2023, ce qui couvre deux fois plus de structures que celles analysées par la Réunion des Opéras de France dans leur dernier rapportObservation de l’Art Lyrique en France 2018-2020’ édité en 2022.

Une analyse de l’évolution de la programmation est également menée en identifiant deux sous-périodes, 1996-2007 et 2008-2023, un découpage pertinent surtout à Paris avec l’arrivée de Jean-Luc Choplin au Théâtre du Châtelet, qui va substituer, aux opérettes et opéras, des comédies musicales américaines, et avec l’arrivée de Jérôme Deschamps à la direction de l’Opéra Comique qui va substituer, aux opérettes programmées à outrance, le répertoire lyrique français historique de la salle Favart.

1. Les salles lyriques considérées

Le tableau ci-dessous récapitule les caractéristiques (nombre moyen de représentations par an et nombre de places proposées) des 45 salles et établissements à vocation lyrique pris en considération pour cette étude.

Région Théâtre ou Festival Soirées lyriques par an Capacité
Bretagne Opéra de Rennes 25 640
Normandie Théâtre de Caen 12 1070
Normandie Opéra de Rouen 20 1300
Hauts-de-France Opéra de Lille 25 1130
Hauts-de-France Atelier Lyrique de Tourcoing 8 210
Grand Est Opéra national du Rhin 65 1200
Grand Est Opéra national de Lorraine 30 1050
Grand Est Opéra de Metz 25 750
Grand Est Opéra de Reims 15 750
Bourgogne France Comté Opéra de Dijon 25 1375
Bourgogne France Comté Opéra-Théâtre de Besançon 10 1100
Bourgogne France Comté Festival de Beaune 6 830
Auvergne-Rhône-Alpes Opéra national de Lyon 65 1100
Auvergne-Rhône-Alpes Théâtre de l’Opérette de Lyon 8 1900
Auvergne-Rhône-Alpes Opéra de Saint-Étienne 15 1350
Auvergne-Rhône-Alpes Opéra de Clermont-Ferrand 10 600
Auvergne-Rhône-Alpes Opéra de Vichy 4 1480
Auvergne-Rhône-Alpes Festival d’Opérettes d’Aix-les-Bains 6 1300
Auvergne-Rhône-Alpes Festival d’Ambronay 2 1000
Provence-Alpes-Côte d’Azur Opéra de Marseille 30 1820
Provence-Alpes-Côte d’Azur Théâtre de l’Odéon de Marseille 8 800
Provence-Alpes-Côte d’Azur Opéra de Nice 25 1070
Provence-Alpes-Côte d’Azur Opéra de Toulon 20 1320
Provence-Alpes-Côte d’Azur Opéra d’Avignon 20 700
Provence-Alpes-Côte d’Azur Chorégies d’Orange 3 8300
Provence-Alpes-Côte d’Azur Festival d’Aix-en-Provence 35 1050
Occitanie Théâtre du Capitole de Toulouse 50 1150
Occitanie Opéra Orchestre national Montpellier 35 1000
Occitanie Festival lyrique de Lamalou-les-Bains 15 500
Occitanie Festival de Saint-Céré 12 500
Nouvelle-Aquitaine Opéra national de Bordeaux 40 1100
Nouvelle-Aquitaine Opéra de Limoges 10 1480
Nouvelle-Aquitaine Le Pin Galant de Mérignac 5 1400
Nouvelle-Aquitaine Festival de Sanxay 3 2500
Pays-de-Loire Angers-Nantes Opéra 35 750
Pays-de-Loire Opéra de Baugé 10 300
Centre Val de Loire Opéra de Tours 20 970
Île de France hors ONP Théâtre national de l’Opéra Comique 50 1200
Île de France hors ONP Théâtre de l’Athénée Louis-Jouvet 20 500
Île de France hors ONP Théâtre des Champs-Élysées 35 1900
Île de France hors ONP Théâtre du Châtelet 45 2040
Île de France hors ONP Philharmonie de Paris 7 2400
Île de France hors ONP Opéra Royal de Versailles 30 650
Île de France hors ONP Opéra de Massy 15 880
Opéra national de Paris Palais Garnier et Opéra Bastille 185 2500

Tableau 1 : Capacité moyenne et nombre de représentations moyen d’œuvres lyriques (concert ou scénique) par an pour 45 structures française entre 1996 et 2023.

2. L’offre de places de spectacles lyriques en France entre 1996 et 2023

Chaque année, 1,6 million de places de spectacles lyriques sont proposées en France. 
Dans ses deux salles principales, le Palais Garnier et l’Opéra Bastille, l’Opéra national de Paris en propose à lui seul 30% (et même 50% des places de spectacles chorégraphiques en France), et 17% supplémentaires sont apportés par les autres structures d’Île de France.

C’est donc près de 50% des places de spectacles lyriques en France qui sont proposées à 12 millions de franciliens et parisiens.

Avec Marseille, Toulon, Nice, Avignon, Orange et Aix-en-Provence, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur est l’autre région très dense en propositions lyriques avec 13% de l’offre nationale, et ce sont les régions de Centre Val de Loire (Tours) et Bretagne (Rennes) qui ont l’offre la plus limitée (1% chacune de l’offre nationale), mais pas forcément la moins diversifiée comme nous le verrons plus loin.

La carte suivante rend compte de la volumétrie de l’offre lyrique par région, ainsi que de l’évolution entre 1996-2007 et 2008-2023.

Volumétrie de l’offre lyrique par région et évolution entre 1996-2007 et 2008-2023

Volumétrie de l’offre lyrique par région et évolution entre 1996-2007 et 2008-2023

On observe une légère baisse de l’offre dans 4 régions, Bourgogne Franche-Comté, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Occitanie et Nouvelle Aquitaine, mais globalement, le nombre de représentations proposées en région reste de l’ordre de 750 soirées par an.

A Paris, le nombre de représentations lyriques est passé de 340 à 370 par an, progression qui est essentiellement due à la réouverture de l’Opéra de Versailles en 2009, l’inauguration de la Philharmonie en 2015, et l’intensification des comédies musicales au Théâtre du Châtelet.

3. La composition du répertoire lyrique en France selon les régions

Entre 1996 et 2023, plus de 1330 ouvrages lyriques de la période fin XVIe siècle à 2023 ont été joués en France, dont 300 interprétés pour un ou deux soirs seulement (‘Le Vin herbé’ de Frank Martin à l’Opéra de Lyon en 2008, par exemple).

Pour donner un premier aperçu général des opéras qui sont joués en France, il est possible de distinguer les catégories suivantes : les opérettes françaises (Offenbach, Lopez, Hervé, Lecoq, Audran, Varney, Messager, Ganne …), les opéras français (du baroque au contemporain), les opéras de Mozart, les opéras des compositeurs italiens du XIXe siècle (Verdi, Puccini, Donizetti, Rossini, Bellini etc.), les opéras de Richard Wagner, les œuvres baroques allemande, italienne et anglaise, et enfin le répertoire du XXe et XXIe siècle (hors français).

La carte ci-dessous représente de manière schématique et très visuelle la répartition de ce répertoire région par région, en distinguant la période 1996-2007 et 2008-2023.

Répartition et évolution du répertoire lyrique par régions de France sur les périodes 1996-2007 et 2008-2023

Répartition et évolution du répertoire lyrique par régions de France sur les périodes 1996-2007 et 2008-2023

L’opérette française est plus ou moins présente partout en France sauf à l’Opéra national de Paris, et elle se développe à l’ouest (Bretagne, Normandie, Pays de Loire, Centre Val de Loire, Nouvelle Aquitaine) où elle peut atteindre 15% des soirées lyriques.

Dans ce prolongement, l’opéra français (baroque inclus) représente entre 15% et 25% du répertoire des maisons lyriques françaises, et c’est en Bretagne qu’il est proportionnellement bien défendu, au même niveau qu’en Île de France depuis le retour de l’opéra français à l’Opéra Comique.

Le répertoire des compositeurs italiens du XIXe siècle est naturellement une valeur sûre pour plaire au plus grand nombre, et il peut représenter de 15% (Auvergne-Rhône-Alpes) à 40% de la programmation (Centre Val de Loire avant 2008). 

En Île de France, l’Opéra national de Paris est une immense machine à propager le romantisme italien où il représente plus du tiers de la programmation, surtout depuis le passage de Stéphane Lissner à la direction générale qui pouvait programmer jusqu’à 5 œuvres de Giuseppe Verdi par saison.

En revanche, en dehors de cette grande institution nationale, seuls l’opéra de Massy et le Théâtre des Champs-Élysées accueillent à bras ouverts les Italiens du XIXe siècle au sein de la première région de France.

Wolfgang Amadé Mozart est aussi bien présent sur tout le territoire (de 7 à 15% du répertoire avec un maximum atteint de 25% au Théâtre des Arts de Rouen au cours de la période 1996-2007), et seul l’Opéra national de Paris offre aux œuvres de Richard Wagner 6% de ses soirées (la scène de l’opéra Bastille s’y prêtant magnifiquement), alors qu’en province seulement 2% des représentations lui sont consacrées.

Pour les amateurs d’opéras baroques italien, allemand et anglais, les Hauts-de-France (avec l’opéra de Lille et l’Atelier lyrique de Tourcoing), la Normandie et la Bourgogne Franche-Comté (Festival de Beaune) sont les destinations à privilégier. 14 à 18% du répertoire leur est consacré, et même 19% à 25% si l’on y ajoute le répertoire baroque français (Lully, Campra, Rameau…).

A Paris, si l’Opéra n’accorde qu’une place réduite à ce répertoire, le Théâtre des Champs-Élysées lui consacre 25% de sa programmation, et même 30% en y ajoutant le baroque français.
Quant à l’Opéra Royal de Versailles, il lui dédie 60% de sa programmation, baroque français inclus.

Enfin, l’opéra du XXe siècle et les compositeurs contemporains (hors français) sont représentés de façon très diverses sur le territoire.

Ainsi, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur lui dédie 15% de sa programmation seulement, alors que l’Île de France, hors Opéra de Paris, le Grand-Est et Auvergne-Rhône-Alpes consacrent ces dernières années jusqu’à 30% de leurs soirées à ce répertoire, en y incluant les comédies musicales américaines.

A l’Opéra de Paris, cette représentativité est plutôt en baisse ces dernières années pour atteindre 15% de la programmation depuis 2008.

4. Evolution du nombre de représentations proposées ville par ville sur la période 1996-2023

Afin de donner un petit aperçu du répertoire de chaque institution, ce chapitre donne la tendance à la hausse où la baisse de la fréquence de représentation des opéras ville par ville, et liste pour chacune d’elle les œuvres de deux saisons séparées d'une vingtaine d'années. 

8 villes en région où l’art lyrique est en expansion
Rouen, Lille, Tourcoing, Clermont Ferrand, Lyon, Saint-Étienne, Angers-Nantes et Tours sont les villes où l’opéra a nettement progressé entre les années 2000 à 2020, passant de 160 représentations à 215 représentations par an pour cet ensemble de 8 villes. 

Bien que ne disposant d’aucun opéra national en région, la façade nord-ouest de la France défend très bien l’art lyrique ainsi que sa diffusion au sein de la population.

Quelques exemples de programmations à 20 ans d’intervalle sont présentés ci-dessous, bien que certaines de ces programmations ont été altérées en cours de saison à cause de l’augmentation des coûts de fonctionnement dus à la crise énergétique.

Rétrospective sur l'offre et le répertoire de l'Art Lyrique en France de 1996 à 2023

15 villes ou institutions en région où l’art lyrique est en contraction
Metz, Beaune, Besançon, Dijon, les théâtres d’opérettes d’Aix-les-Bains et de Lyon et de Lamalou-les-Bains, Avignon, Nice, Les Chorégies d’Orange, Toulon, Montpellier, le Festival de Saint-Céré,  Bordeaux, Mérignac, sont les villes où l’opéra et l’opérette sont en phase de contraction entre les années 2000 à 2020, passant de 300 représentations à 225 représentations par an pour cet ensemble de 15 villes. Elles sont quasiment toutes situées dans le Sud de la France.

Quelques exemples de programmations à 20 ans d’intervalle sont présentés ci-dessous.

Rétrospective sur l'offre et le répertoire de l'Art Lyrique en France de 1996 à 2023

13 villes ou institutions où l’offre se maintient
Enfin, un groupe de 13 villes et institutions, Rennes, Caen, Reims, Nancy, l’Opéra du Rhin (Strasbourg, Mulhouse et Colmar), Ambronay, Vichy, le Festival d’Aix-en-Provence, Marseille, Toulouse, Limoges et les festivals de Baugé et Sanxay, reste globalement constant dans sa diversité de programmation, et porte 270 représentations d’opéras par an. 

Quelques exemples de programmations à 20 ans d’intervalle sont présentés ci-dessous.

Rétrospective sur l'offre et le répertoire de l'Art Lyrique en France de 1996 à 2023

Et en Ile de France?
La situation au sein de la capitale (Opéra de Paris, Théâtre des Champs-Élysées, Théâtre du Châtelet, Opéra Comique, Théâtre de l’Athénée …) et en Île de France (Versailles et Massy) a toujours été florissante tout au long de la période 2000-2020, avec même de nouveaux établissements tels la Philharmonie et l’Opéra Royal de Versailles qui contribuent à augmenter l’offre lyrique. 

Au cours de cette période le nombre de soirées est ainsi passé de 150 à 185 par an (hors Opéra de Paris), nombre qui est doublé si on y ajoute les 185 soirées lyriques de l’Opéra de Paris.

Seul l’Opéra Comique a réduit son nombre de représentations lorsqu’il a arrêté de représenter à la chaine plus de 50 soirées de ‘La vie parisienne’ ou de ‘La Périchole’ par an, pour se concentrer avec profondeur sur le répertoire française lyrique ou la création, alors qu’à l’inverse le Théâtre du Châtelet a abandonné sa programmation lyrique pour les comédies musicales américaines avant de traverser un passage à vide dont on entrevoit cependant l’issue depuis la nomination d’Olivier Py à sa direction.

Quant à l’Opéra de Paris, si la diversité des œuvres lyriques s’estompe un peu, la durée des séries augmente de façon à maintenir le même nombre de représentations.

Quelques exemples de programmations à 20 ans d’intervalle sont présentés ci-dessous.

Rétrospective sur l'offre et le répertoire de l'Art Lyrique en France de 1996 à 2023
Rétrospective sur l'offre et le répertoire de l'Art Lyrique en France de 1996 à 2023

5. La création contemporaine

La vitalité de la création contemporaine est très importante pour le genre lyrique, car c’est ce qui lui permet de ne pas s’enkyster dans l’image d’un art du passé. D’ailleurs, elle intéresse souvent les publics les plus novices en quête de sujets qui parlent à leur imaginaire d’aujourd’hui.

Pour en rendre compte, ce chapitre fait l’état des lieux des œuvres créées en France et dans le monde au cours de la période 1990-2023 et qui ont été jouées sur notre territoire. On compte ainsi pas moins de 336 ouvrages contemporains, dont 271 ont été joués en région, 81 en Île de France hors Opéra de Paris, et 21 à l’Opéra de Paris. Dans tous les cas, 40% des créations lyriques proviennent de compositeurs français.

Et si en Île de France la moitié des créations jouées l'ont été en région, 90% des œuvres contemporaines jouées à l’Opéra de Paris n'ont pas été représentées ailleurs en France.

La création lyrique en région
Les régions sont donc le premier vecteur de la diffusion des œuvres contemporaines, et l’on observe des variations entre les Hauts-de France, les Pays-de-Loire et le Grand-Est où ce répertoire représente de 9 à 10% des soirées (ce qui est considérable!), et le Centre Val de Loire, la Nouvelle Aquitaine, l’Occitanie et Provence-Alpes-Côte d’Azur où il ne représente que 4 à 5% des soirées.

Un constat s’impose : le sud de la France accorde deux fois moins de place à la création contemporaine que le nord de la France.

Ci dessous, sont listées les œuvres contemporaines jouées pour au moins une dizaine de soirées en région.

Les principales créations lyriques contemporaines jouées en région de 1996 à 2023

Les principales créations lyriques contemporaines jouées en région de 1996 à 2023

L’Ombre de Venceslao’, composé par Martin Matalon sur un livret de Jorge Lavelli, fut créé en 2016 à l’Opéra de Rennes et a ensuite circulé sur le territoire jusqu’au Chili et en Argentine. Il s’agit du plus grand succès en région qui, pourtant, n’a toujours pas été joué en Île de France.

Avec au moins cinq opéras créés en France, Isabelle Aboulker est une compositrice prolixe qui a à cœur de toucher la jeunesse. Son opéra pour enfant ‘Jérémy Fischer’, d’après la pièce de Mohamed Rouabhi, a été créé à l’opéra de Lyon en 2007 et été repris avec succès.

D’autres ouvrages tels ‘Schneewittchen’ de Marius Felix Lange, un autre opéra pour enfant créé à Cologne en 2011, ‘Le balcon’ de Peter Eötvös (2002), ‘Les enfants terribles’ de Philip Glass (1996), et bien sûr les opéras de Philippe Boesmans (‘Julie’, ‘Pinocchio’, ‘Wintermärchen’, ‘Reigen’) ont aussi trouvé leur public.

La création lyrique en Île de France
En Île de France, hors Opéra de Paris, le répertoire contemporain représente 7% des soirées, ce qui le situe dans la moyenne nationale. 
Ci dessous sont listées les œuvres contemporaines jouées pour au moins cinq soirées dans la première région de France.

Les principales créations lyriques contemporaines jouées en Ile de France (hors ONP) de 1996 à 2023

Les principales créations lyriques contemporaines jouées en Ile de France (hors ONP) de 1996 à 2023

Les parisiens se souviennent de ‘Monkey Journey to the West’, un opéra pop de Damon Albarn, d’après un classique de la littérature chinoise, qui fut créé au Théâtre du Châtelet en début de mandat de Jean-Luc Choplin. Un peu auparavant, ce même théâtre avait accueilli l’un des chefs-d’œuvre de Kaija Saariaho créé à Salzbourg en 2000, ‘L’Amour de loin’, sur un livret d’Amin Maalouf.

Plus récemment, la création en 2019 à l’Opéra Comique de ‘L’Inondation’ de Francesco Filidei fut un tel succès qu’il y fut repris en 2023, en coproduction avec Rennes, Angers-Nantes, Caen et Limoges et l’aide du Ministère de la Culture.

A Paris, le Théâtre de l’Athénée a accueilli beaucoup de créations de Philip Glass, ‘Les Enfants terribles’, ‘In the penal colony’, de Thomas Adès (‘Powder her face’), de George Benjamin (‘Into the Little Hill’) ou de Michael Jarrell (‘Cassandra’). 

La création lyrique à l’Opéra de Paris
Grand théâtre de répertoire, l’Opéra de Paris ne consacre que 3% de ses soirées à la création contemporaine. Gerard Mortier a beaucoup contribué à l'élargissement des portes de l’institution à ces ouvrages, puisque 6 opéras sur les 21 présentés depuis 1996 l’ont été au cours de son mandat de seulement 5 ans.

Les spectacles aux frontières de l’opéra, du rock et du théâtre y ont trouvé leur place (‘The Temptation of Saint Anthony’ de Bernice Johnson Reagon, ‘Le Temps des Gitans’ de Stribor Kusturica), Philippe Fénelon a pu produire 3 opéras de 1998 à 2010 (‘Salammbô’, ‘Faust’, ‘La Cerisaie’), et ‘K’ de Philippe Manoury et ‘Yvonne, princesse de Bourgogne’ de Philippe Boemans sont les seules créations, avec ‘Salammbô’, a avoir été reprises.

Et alors que ‘Il Viaggio, Dante’ de Pascal Dusapin fera son entrée au Palais Garnier au cours de la saison 2024-2025, la question se pose de savoir si ‘Le Soulier de Satin’ de Marc-André Dalbavie, créé en 2021, reviendra sur les planches du plus bel opéra du monde.

Les créations lyriques jouées à l'Opéra national de Paris de 1996 à 2023

Les créations lyriques jouées à l'Opéra national de Paris de 1996 à 2023

6. Un vœux pour finir

Cette petite rétrospective mêlant synthèse et détails tente de rendre compte de la place du théâtre lyrique dans la vie culturelle française, et de son évolution au cours des 25 dernières années qui a constitué une période très riche portée par un élan sans entrave. Le rôle des régions dans la diffusion des œuvres contemporaines est clairement visible.

Cet art ne peut cependant exister sans une volonté politique forte, seule apte à accorder un soutien stable, sous forme de subventions aux institutions françaises.

Représentant en France un budget de l’ordre de 600 millions d’euros (danse et concerts compris) dont 375 millions proviennent de subventions publiques (avec une disparité entre l’Opéra de Paris subventionné à 45% seulement, et les opéras en région subventionnés en moyenne à 78%), les institutions lyriques doivent dorénavant composer avec un paysage politique de moins en moins favorable (voir les exemples malheureux de Lyon ou Bordeaux), une image parfois kitsch entretenue par quelques passionnés d’un autre temps, et une image élitiste qui s’estompe cependant petit à petit par une volonté de casser les codes en salle et sur scène.

Le mécénat prend toute sa place dans leur modèle économique, mais étant plus volatile, il peut rendre les maisons d’opéras fragiles s’il se retire en cas de crise économique. Toutes ne bénéficient pas du soutien aussi indéfectible que celui accordé par la ville de Toulouse à son Théâtre du capitole, dont le budget est couvert à 90% par les subventions, ce qui le met à l’abri des vicissitudes économiques.

Vivre avec son temps est donc une priorité afin de renouveler le public, mais si l’on prend en considération que les 375 millions d’euros de subventions publiques aux théâtres lyriques et chorégraphiques ne représentent que 3,5% des 11 milliards d’euros d’aides au secteur culturel (4 milliards provenant de l’État et 7 milliards provenant des régions), on peut poser la question des conditions qui permettraient de revoir à la hausse cette participation.

Alors, en s’engageant pour plus d’innovations dans les programmes, pour plus de créations, pour plus de coopérations, et pour une diffusion plus élargie sur le territoire, ne peut-on pas souhaiter voir les aides aux établissements à vocation lyrique représenter 4% du budget culturel français d’ici 4 ou 5 ans, ce qui, concrètement, reviendrait à réévaluer les subventions de fonctionnement annuelles de l’Opéra Comique et de l’Opéra de Paris de 10 millions d’euros supplémentaires dans leur ensemble, et de 12 millions d’euros en régions?

C’est bien le vœux que l'on peut formuler pour l’avenir.

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Publié le 4 Février 2023

Les difficultés financières qui s’accumulent au cours de la saison 2022/2023 à la suite de l’épidémie de covid, aggravées par la crise énergétique (Martin Ajdari, le directeur général adjoint de l’Opéra national de Paris, relève que les dépenses énergétiques de l’institution sont passées de 1,6 M€ en 2019 à 4,1 M€ en 2022, et que ce sera encore plus en 2023)(2) , ont déjà obligé plusieurs opéras français à annuler des spectacles. C’est le cas de l’Opéra national du Rhin qui a annulé la version scénique du ‘Conte du Tsar Saltan’, et de l’Opéra national de Montpellier Occitanie qui a reporté les ‘Scènes du Faust de Goethe'.(1)

Opéra de Rouen Normandie : Une structure que le Ministère de la Culture doit soutenir en priorité

Le rapport sur la politique de l’Art lyrique en France piloté par Caroline Sonrier a par ailleurs souligné en 2021 que ‘L'écart des financements entre Paris et les régions, et l’absence d’opéra national de région à l’Ouest et au Nord de la France nécessite des rééquilibrages. La mise en place d’un nouveau label unique selon des critères simplifiés pourrait aussi permettre un élargissement et une meilleure représentation du réseau sur le territoire’(3).

Or, un autre opéra vient d’annoncer sa fermeture pour 6 semaines, à partir du 1er avril 2023, afin de préserver sa saison 2023 / 2024, l’Opéra de Rouen Normandie, la facture d’énergie ayant augmenté de 450 000 euros.

Pour bien comprendre l’importance de cette structure et sa position très particulière sur le territoire, la carte ci-dessous, élaborée lors de l’analyse du rapport de Caroline Sonrier (Analyse et réflexions à propos du rapport 2021 sur la politique de l’art lyrique en France), montre que hors de la région parisienne, les opéras nationaux en région sont tous situés dans le sud et à l’est, et qu’au nord et à l’ouest, seuls les opéras de Lille et de Rouen bénéficient du statut de Théâtre lyrique d’intérêt national, ce qui leur permet de recevoir une subvention de la part de l’État, mais plus faible que celle des opéras nationaux.

Opéra de Rouen Normandie : Une structure que le Ministère de la Culture doit soutenir en priorité

Et l’Opéra de Rouen, dirigé par Loïc Lachenal, est la seule structure du nord-ouest de la France à disposer de son propre orchestre (40 musiciens), en plus d’ateliers de costumes et de décors. Le tableau ci-dessous compare quelques éléments budgétaires et de performances de l’Opéra de Rouen à d’autres opéras nationaux en région selon le Rapport sur les Opéras en Région édité par le Ministère de la Culture en 2018(4).

  Rouen Nancy Strasbourg Montpellier Bordeaux Lyon
Budget 14 M€ 15 M€ 21 M€ 22 M€ 28 M€ 36 M€
Subventions totales 10,5 M€ 13 M€ 16 M€ 20 M€ 20 M€ 29 M€
dont subvention d'Etat 1,5 M€ 3 M€ 5 M€ 3,2 M€ 4,7 M€ 6 M€
Spectateurs 90 000 62 000 100 000 74 000 165 000 115 000
Levers de rideau 100 + 30 (tournées) 125 155 190 200 200
dont spectacles lyriques 20 à 25% 45% 55% 27% 10% 50%
ETP permanents 100 165 315 210 335 300
ETP non permanents 50 45 105 215 115 105

 

Bien que ne faisant pas partie des opéras nationaux en région, l’Opéra de Rouen est comparable à l’Opéra national de Lorraine (Nancy) avec un nombre bien plus important de spectateurs (45 % en plus). Mais le nombre de rideaux lyriques reste un peu trop faible pour être véritablement reconnu comme opéra national. 

Et pourtant, obtenir ce statut lui permettrait de voir sa subvention étatique passer de 1,5 M€ à plus de 3 M€, et donc de consolider sa structure et d’accroître à la fois son rayonnement et sa capacité de production.

L’autre particularité de l’opéra de Rouen est qu’il est le seul où la région représente plus de 75 % de l’apport en subvention, ce qui traduit l’une de ses vocations à opérer des tournées régulières dans des villes telles Evreux, Vernon, Condé-sur-Vire ou Petit-Caux.

La métropole de Rouen participe donc peu en comparaison des autres métropoles du territoire au soutien de son opéra, mais le maire, Nicolas Mayer-Rossignol, souligne qu’il y a d’autres structures à Rouen qui sont intégralement soutenues par la ville. La tension entre le conseil régional et le maire est donc accrue par ce contexte budgétaire.

L’excellente performance de rayonnement de l’Opéra de Rouen mise en rapport avec son budget (plus de 90 000 spectateurs pour 10,5 millions d’euros de subventions) et son positionnement unique dans le nord-ouest de la France justifient donc un intérêt prioritaire de la part du Ministère de la Culture afin de ne pas laisser seules la région et la ville de Rouen décider du sort d’une structure dont l’existence est sollicitée et appréciée par les habitants de la Normandie. 

Sinon, la réduction de son activité ne lui permettrait plus de répondre à une demande qui existe pourtant bien, au vu des chiffres de fréquentation rendus publics.

Addendum : le vendredi 10 février 2023, le Ministère de la Culture a annoncé qu'une rallonge de 200.000 euros était allouée à l'Opéra Rouen Normandie, et, dans la foulée, la métropole a débloqué 300.000 euros supplémentaires.

Opéras en souffrance : l'État annonce des coups de pouce (radiofrance.fr)

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Publié le 28 Août 2022

Hervé Lacombe, Histoire de l’opéra français, De la Belle Epoque au monde globalisé
Editions Fayard - Sortie le 11 mai 2022
ISBN : 978-2-213-70991-8
Nombre de pages 1520

Histoire de l’opéra français, De la Belle Epoque au monde globalisé - Présentation et impressions.

Le troisième et dernier tome de la série ‘Histoire de l’opéra français’ (mai 2022) dirigée par Hervé Lacombe en collaboration avec une centaine de chercheurs paraît après les deux premiers volumes ‘Du Consulat aux débuts de la IIe république’ (octobre 2020) et ‘Du Roi-Soleil à la Révolution’ (mars 2021), et ce qui nous touche dans cet ouvrage composé de 21 chapitres est son rôle de jonction entre le monde du passé et le monde d’aujourd’hui qu’il remplit avec beaucoup de force et une profusion de détails sur l’histoire des compositeurs, des œuvres et des institutions, inégalée à ce jour, au point qu’il rend compte de l’étendue du monde lyrique en nous faisant prendre conscience qu’il s’agit d’un univers de galaxies en expansion, alors que certains soi-disants ‘experts’ du domaine voudraient le réduire à un petit amas d’étoiles du passé perdu dans l’immensité de l’espace.

Jacques Rouché chez lui (1910)

Jacques Rouché chez lui (1910)

Sont ainsi racontés en premier lieu les prémices de la démocratisation et de la popularisation de l’opéra au cours de la IIIe République, le développement des nouvelles techniques de divertissement, le cinéma et le music-hall en particulier, le rôle des femmes dans la transmission, et les premières réflexions décentralisatrices pour encourager les créations en Province dont certaines seront reprises et primées à Paris (‘Salomé’ d’Antoine Mariotte – 1908).

Malgré la prégnance de Wagner en ce début de XXe siècle, l’implication des compositeurs français tels Debussy ou Dukas pour redécouvrir le répertoire français du passé, et l’intérêt des écrivains tels Cocteau, Gide ou Guitry pour imaginer les nouveaux livrets d’opéras, vont permettre, dans un premier temps, de donner de nouvelles formes à l’inspiration wagnériste - un focus est réalisé sur ‘Pelléas’ et Mélisande’, dont la prosodie se démarque des airs à numéros -. 

Puis, vient le succès du naturalisme musical (vérisme) en résonance avec le naturalisme littéraire (Zola), et cette recherche de nouvelles formes d’expressions se prolonge avec le groupe des six (Auric, Durey, Honneger, Milhaud, Poulenc et Tailleferre).

La grande période de Jacques Rouché à l’Opéra tente bien de limiter l’importance de Wagner, alors qu’une réflexion s’amorce sur les complémentarités entre l’institution parisienne et l’Opéra Comique au même moment que grandit l’opposition entre le Théâtre des Champs-Elysées, dépendant des mécènes, et le Théâtre du Châtelet, propriété de la ville de Paris.

L'entre Deux-Guerres voit aussi la renaissance de l’esprit d’Offenbach grâce à Reynaldo Hahn (‘Ciboulette’) et ses affinités avec André Messager, et l'ouvrage étudie également le rapport à l’exotisme au moment de l’Exposition coloniale de 1931 à travers, notamment, une étude de la commande de ‘Padmâvati’ d’Albert Roussel par Jacques Rouché.

Le retour à l’antiquité grecque (‘Oedipe’ de Georges Enesco, ‘Penélope’ de Gabriel Fauré) quand sont restaurés, dans le même temps, des sites archéologiques afin d’accueillir de grands festivals (Oranges, Nîmes) pose la question de ce que représente le néo-classicisme : ne s’agit-il pas d’un besoin de clarté tout en déformant les modèles du passé?

Cette première partie du XXe siècle démontre ainsi comment l’opéra absorbe les grands mouvements historiques et philosophiques d’une époque charnière, ce qui en fait un art vivant en perpétuel mouvement.

Le Renard - Ballet par Igor Stravinsky (1929)

Le Renard - Ballet par Igor Stravinsky (1929)

Mais vient rapidement la remise en cause de l’opéra, genre bourgeois par excellence. Et cette remise en cause est d’abord artistique avec, par exemple, la création à l’Opéra de ‘Renard’ de Stravinsky, proche du théâtre de foire. Il y a ainsi une volonté de s’échapper du genre opératique via le théâtre musical avec des œuvres telles ‘Socrate’ de Satie ou ‘L’histoire du Soldat’ de Stravinsky.

Ce qui n’empêche pas, parfois, des retours aux grands opéras, comme le démontre ‘Christophe Colomb’ de Darius Milhaud.

On découvre également l’essor des opéras en plein air et l’âge d’or des casinos français (où se jouent ‘Les Huguenots’ à Vichy, ‘Don Carlos’ et ‘Lohengrin’ à Monte-Carlo), mais qui s’essoufflent après la crise économique. 

Aux frontières, La Monnaie de Bruxelles apparaît alors comme un lieu d’élargissement possible du répertoire, à un moment où l'on parle de la disparition de la civilisation de l’Opéra, car la France néglige toujours de grandes œuvres de Strauss, Bartok ou Berg.

La crise s’avère féconde, car apparaît en filigrane des réflexions sur la nécessité de redonner toutes leurs places à la musique et à l’action. Et malgré le développement de l’opéra français aux Etats-Unis et en Grèce, son érosion est sensible.

Le chercheur Rémy Campos fait ainsi un constat sévère : ‘Le répertoire français n’est dès lors plus qu’une machine à nourrir la nostalgie d’auditeurs âgés en voie de disparition’.

En effet, en 1946, l’architecte et décorateur André Boll publie ‘La Grande Pitié du théâtre lyrique’ sur le délabrement du genre et l’impossibilité de le faire évoluer. Après la Seconde Guerre mondiale, l’avant garde, de Brecht à Boulez, rejette l’opéra. Et même Patrice Chéreau, en 1974, ne craint pas d’affirmer : ‘Quand je vois le public d’opéra que j’ai appris à découvrir, je me rends compte que ces gens me sont étrangers, sont la plupart d’une inculture saisissante, que je n’ai rien à leur dire, que je ne veux rien avoir à leur dire’.

« Domaine privé », Rolf Liebermann (prod. François Serrette / France Musique 1995) ©Getty

« Domaine privé », Rolf Liebermann (prod. François Serrette / France Musique 1995) ©Getty

Au cours des années 50 à 70, l’État laisse donc l’Opéra de Paris s’affaiblir. Tout un chapitre décrit alors le détail des subventions aux opéras, les aides à la création, la réorganisation des mandats des directeurs, les collaborations, le mécénat, la recherche sonore et l’Ircam, les librettistes (femmes notamment), et même les inspirations de films cultes.

Un historique passionnant de la R.T.L.N de 1944 à 1972 est développé pour comprendre les rôles du ministère et des directeurs sur cette période, leurs réflexions sur l’avenir de l’institution et les oppositions qu’ils rencontrent, les drames, jusqu’à l’arrivée de Rolf Liebermann. Les mandats des directeurs suivants, et particulièrement les mandats de Pierre Bergé, Hugues Gall, Gerard Mortier et Stéphane Lissner, sont étudiés, et il en va de même pour l’Opéra Comique, le Théâtre des Champs-Elysées et le Théâtre du Châtelet.

Sont également présentées les structures qui s’organisent à l’échelle nationale ou européennes telles la Réunion des Opéras de France (ROF), le club Opera Europa, FEDORA, ainsi que celles destinées à encourager la création (ENOA, MEDINEA).

Puis, plus d’une centaine de pages sont consacrées à l’historique des 24 structures d’opéras en régions et aux opéras de Versailles, de Massy et de Monte-Carlo. Il s’agit d’un voyage là aussi passionnant sur les rapports des villes et des régions à leurs opéras, les sensibilités des directeurs, l’évolution des salles, les changements de goût du public, qui fait prendre conscience qu’il y eut des hauts mais aussi des bas dont ces maisons se sont toujours sorties un jour où l’autre quand la volonté politique a prévalu.

Les festivals ne sont pas oubliés, dont celui de Vichy (1952-1963), mais, sauf erreur, les festivals populaires de Sanxay et de Saint-Céré, ainsi que le festival baroque de Beaune auraient mérité d’être présentés.

La création est abordée sous deux angles, l’innovation (Zimmermann) et la déconstruction (Nono), et aussi sur le rapport aux sources littéraires. Une large ouverture est offerte à des compositeurs qui sont une découverte même pour les passionnés d’opéras qui parcourent l'ouvrage. ‘Saint-François d’assise’ d’Olivier Messiaen apparaît finalement comme un aboutissement.

Tous les grands compositeurs des années 90 sont également évoqués (Hersant, Manoury, Dusapin, Fénélon ..), leurs styles musicaux comme les sujets qu’ils explorent avec une grande diversité, ce qui permet de dépasser la défiance exprimée par les avant-gardistes après la Seconde guerre mondiale.

Et effectivement, impossible de ne pas contempler à l’issue de cette partie le chemin parcouru en si peu de temps à l’échelle de la vie de l’opéra.

Philip Glass (compositeur) et Robert Wilson (metteur en scène)

Philip Glass (compositeur) et Robert Wilson (metteur en scène)

Mais l’ouvrage revient aussi sur la redécouverte du répertoire baroque dans les années 90 après le choc d’’Atys’ de Lully par les Arts Florissants en 1986, et sur l’accélération de l’intégration du répertoire français de l’Opéra Comique au répertoire de l’Opéra de Paris à partir des années 1970.

Puis, l’accueil tardif des œuvres russes, tchèques et surtout anglo-saxonnes (Britten, Philip Glass et son ‘Einstein on the Beach’) est présenté comme un mouvement qui recoupe les évolutions musicales que connaît la France à ce moment là.
Dans le prolongement des compositeurs des années 90, cinq compositeurs contemporains (Boesmans, Eötvös, Saariaho, Raskatov et Benjamin) sont analysés dans toute la verve de leur esprit, leurs techniques, et leurs lieux de découverte.

Et l’exploration du genre s’étend aux limites du théâtre musical, de la comédie musicale et de la programmation ‘jeune public’ jusqu’à son insertion dans la musique de cinéma.

Puis, la réflexion revient sur les plus récentes architectures (Bastille, Lyon …) sans omettre les défauts, et opère une plongée dans le monde numérique qui devient le nouveau support incontournable de l’opéra comme moyen de diffusion, mais aussi de création et d’ouverture sur le monde (‘La 3e scène' de l’Opéra de Paris).

Un des thèmes les plus importants de l’ouvrage à propos de l’évolution de la mise en scène d’opéra est confié à Isabelle Moindrot qui lui consacre pas moins de 80 pages. Les évolutions techniques (machineries, lumières, décors, costumes, espaces scéniques) sont détaillées et démontrent que de ce progrès découlent naturellement les évolutions et la modernisation des mises en scène, mais pas seulement. 

L’arrivée de metteurs en scène qui accordent de l’importance au sens profond des textes des œuvres, à la musique qui éclaire le texte, et à la vérité des gestes, bouscule le regard sur ces mêmes œuvres. Toutes les dimensions, y compris la langue des ouvrages, sont analysées, et les qualités théâtrales de certains grands chanteurs sont aussi mises en valeurs.

Et, à nouveau, l’opéra apparaît comme un art qui peut révéler et explorer des dimensions inconnues de l’art, ce que propose Robert Wilson avec sa gestuelle qui possède un univers propre qui croise les différents plans de la musique comme s’il s’agissait d’ouvrir des espaces multi-dimensionnels à l’infini pour rendre compte de la complexité des sens de la vie.

Isabelle Moindrot rappelle à juste titre que la mise en scène comprend deux parties, l’organisation de l’action scénique, d’une part, et le point de vue interprétatif, d’autre part. Cette seconde dimension, inhérente au théâtre, ne peut être niée, et, de fait, la mise en scène va permettre à l’opéra de se dégager des soupçons qui pèsent sur lui depuis près d’un siècle, et de le replacer dans le monde d’aujourd’hui.

Krzysztof Warlikowski (metteur en scène)

Krzysztof Warlikowski (metteur en scène)

Enfin, la relation à la presse est abordée par l’énumération des revues papiers depuis Lyrica (1925-1940) à Opéra Magazine (depuis 2005) et Avant Scène Opéra, et sont aussi présentés tous les grands sites numériques français (ainsi que leurs créateurs) à dominante lyrique qui se sont imposés auprès du grand public et des professionnels (Forum Opera, Opera Online (et son célèbre critique Dominique Adrian, alias 'MusicaSola' sur twitter), ResMusica, Olyrix), consultés tous les mois par des milliers de lecteurs – sans oublier de citer, bien que localisé en Suisse, le site de Guy Cherqui, Wanderersite, toujours d’une haute précision dans ses analyses -, qui permettent ainsi de croiser les points de vue et d’avoir la vision la plus large possible sur ce genre toujours sous le feu des préjugés.

Le dernier chapitre, un peu prématuré, tente de tracer une analyse de six grandes scènes internationales au début du XXIe siècle sur une période un peu trop courte (2005 à 2015 seulement) et compare différents modèles économiques et de répertoire, toutes ces maisons ayant en commun un besoin important de financements publics ou privés pour finalement se consacrer à un répertoire dominé par le XIXe siècle.

Et l’on retient surtout à la fin de cette seconde décennie du XXIe siècle que s’il y a bien un vieillissement du public, celui-ci est général et concerne aussi le public rock, si bien que l’on peut voir avec optimisme les politiques pour les jeunes qui commencent à porter leurs fruits, et d’envisager avec le sourire l’avenir de l’opéra.

Véritablement, cet ouvrage est une ode à l’opéra et à toutes ses contradictions qui permet d’asseoir les fondements d’un genre qui n’a pas fini de se diffuser et de se transformer.

Et le jeudi 20 octobre 2022, Hervé Lacombe s'est vu remettre au Théâtre des Champs-Elysées le prix Georges Bizet pour 'Histoire de l’opéra français, De la Belle Epoque au monde globalisé', prix qui récompense le meilleur livre d'Opéra de l'année. Dans la catégorie Danse, c'est Hugo Marchand qui a été récompensé à la même occasion pour son libre 'Danser'.

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Publié le 20 Juillet 2022

L’article ci-dessous présente le récapitulatif des Grands Prix de la Musique décernés par le Syndicats de la Critique depuis 1964 ainsi que les Prix de la Création musicale française (ou Création musicale par défaut) depuis 1984.

L'Opéra de Paris en récolte 24 (dont 5 au titre de la Création) sur 89 au total.

On remarque cependant que l'Opéra de Paris aura eu 6 prix (parmi ceux du Grand Prix et de La Création musicale) au cours des 9 ans de mandat d'Hugues Gall (1995-2004), 3 prix sous les 5 ans de Gerard Mortier (2004-2009), 1 prix la première saison de Nicolas Joel (2009-2014), et ensuite plus rien pendant 12 ans jusqu'à la première saison d'Alexander Neef (2021-2022) pour Œdipe de George Enescu.

L'histoire du Syndicat Professionnel de la Critique Théâtre, Musique et de la Danse, depuis le Cercle de la Critique musicale (1877) qui devint après la seconde Guerre mondiale le Syndicat professionnel de la critique dramatique et musicale, peut être consultée sous le lien ci-dessous: 

http://associationcritiquetmd.com/historique/

Répétition de Wozzeck au Palais Garnier (1963) - direction musicale Pierre Boulez (C) INA

Répétition de Wozzeck au Palais Garnier (1963) - direction musicale Pierre Boulez (C) INA

Grands Prix Musique du Syndicat de la Critique (depuis 1964)

1963/1964 Wozzeck (Alban Berg), direction musicale Pierre Boulez, mise en scène Jean-Louis Barrault (Opéra de Paris)
1963/1964 Zoroastre (Jean-Philippe Rameau / Claude Arrieu), direction musicale Manuel Rosenthal, mise en scène Henri Doublier et Michel Rayne (Opéra Comique)
1964/1965 Non décerné
1965/1966 Non décerné
1966/1967 La Walkyrie (Richard Wagner), direction musicale George Sébastian, mise en scène Peter Lehmann d'après Wieland Wagner (Opéra de Paris )
1967/1968 Turandot (Giacomo Puccini), direction musicale Georges Prêtre, mise en scène Margherita Wallmann (Opéra de Paris)
1968/1969 Lulu (Alban Berg), direction musicale Manuel Rosenthal, mise en scène Louis Ducreux (Opéra Comique)
1969/1970 La Périchole (Jacques Offenbach), direction musicale Jean-Claude Casadesus, mise en scène Maurice Lehmann (Théâtre de Paris)
1970/1971 Non décerné par manque de votants.
1971/1972 Non décerné par manque de votants.

Reprise des Noces de Figaro mis en scène par Giorgio Strehler au Palais Garnier (1980) (C) INA

Reprise des Noces de Figaro mis en scène par Giorgio Strehler au Palais Garnier (1980) (C) INA

1972/1973 Les Noces de Figaro (Wolfgang Amadé Mozart), direction musicale Georg Solti, mise en scène Giorgio Strehler (Opéra de Paris)
1973/1974 Elektra (Richard Strauss), direction musicale Karl Böhm, mise en scène August Everding (Opéra de Paris)
1974/1975 Le Barbier de Séville (Gioachino Rossini), direction musicale Diego Masson, mise en scène Luca Ronconi (Théâtre Musical d'Angers à l'Odéon)
1975/1976 Idoménée (Wolfgang Amadé Mozart), direction musicale Diego Masson, mise en scène Jorge Lavelli (Théâtre Musical d'Angers au Théâtre des Champs-Élysées)
1976/1977 Einstein on the beach (Robert Wilson et Philip Glass), interprété par le Philip Glass ensemble, mise en scène Bob Wilson (Festival d'Avignon et Festival d'Automne / Salle Favart)
1977/1978 Porgy and Bess (George Gershwin), direction musicale John DeMain, mise en scène Jack O'Brien (Opéra de Houston, au Palais des Congrès)
1978/1979 Lulu (Alban Berg), direction musicale Pierre Boulez, mise en scène Patrice Chéreau ( Opéra de Paris)
1979/1980 Le clou de Monsieur Louis (Françoise Adret et Florence Mothe), mise en scène de Paul-Émile Deiber (Mai de Bordeaux)

Résurrection d'Atys mis en scène par Jean-Marie Villégier à la salle Favart (2011) (C) Pierre Grosbois

Résurrection d'Atys mis en scène par Jean-Marie Villégier à la salle Favart (2011) (C) Pierre Grosbois

1980/1981 Le Grand Macabre (Gyorgy Ligeti), direction musicale Elgar Howarth, mise en scène Daniel Mesguich (Opéra de Paris).
1981/1982 La Tragédie de Carmen (Georges Bizet- adaptation Marius Constant, Jean-Claude Carrière et Peter Brook), mise en scène Peter Brook (Théâtre des Bouffes du Nord).
1982/1983 Les Boréades (Jean-Philippe Rameau), création mondiale, direction musicale John Eliot Gardiner, mise en scène Jean-Louis Martinoty (Festival d'Aix-en-Provence).
1983/1984 Moïse et Pharaon (Gioachino Rossini), direction musicale Georges Prêtre, mise en scène Luca Ronconi (Opéra de Paris).
1984/1985 L'Opéra de Nice (directeur Pierre Médecin) pour l'ouverture de l'Acropolis et l'ensemble de sa programmation.
1985/1986 Non décerné.
1986/1987 Atys (Jean-Baptiste Lully), direction musicale William Christie, mise en scène Jean-Marie Villégier (Arts florissants, Opéra de Paris, Comunale de Florence, Opéra Montpellier)
1987/1988 Katia Kabanova (Leoš Janáček), direction musicale Jiri Kout, mise en scène Götz Friedrich (Opéra de Paris).
1988/1989 Guillaume Tell (Gioachino Rossini), direction musicale Paolo Olmi, mise en scène Pier Luigi Pizzi (coproduction Théâtre des Champs-Élysées et Opéra de Nice)

Saint François d'Assise mise en scène par Peter Sellars (1992)

Saint François d'Assise mise en scène par Peter Sellars (1992)

1989/1990 The Fairy Queen (Henry Purcell), direction musicale William Christie, mise en scène Adrian Noble ( Festival d'Aix-en-Provence.)
1990/1991 Faust (Charles Gounod), direction musicale Michel Plasson, mise en scène Nicolas Joël (Le Capitole de Toulouse, aux Chorégies d'Orange)
1991/1992 Wozzeck (Alban Berg), direction musicale Daniel Barenboïm, mise en scène Patrice Chéreau (Théâtre du Châtelet).
1992/1993 Saint François d'Assise (Olivier Messiaen), direction musicale Sylvain Cambreling, mise en scène Peter Sellars (Opéra de Paris)
1993/1994 La Femme sans ombre (Richard Strauss), direction musicale Christoph von Dohnanyi, mise en scène Andreas Homoki (Grand Théâtre de Genève et Théâtre du Châtelet)
1994/1995 La Petite renarde rusée (Leoš Janáček), direction musicale Charles Mackerras, mise en scène Nicholas Hytner (Théâtre du Châtelet.)

Reprise de Billy Budd mise en scène par Francesca Zambello (2010)

Reprise de Billy Budd mise en scène par Francesca Zambello (2010)

1995/1996 Billy Budd (Benjamin Britten), direction musicale Gary Bertini, mise en scène Francesca Zambello (Opéra de Paris)
1996/1997 Wozzeck (Manfred Gurlitt), direction musicale Bruno Ferrandis, mise en scène Marc Adam (Théâtre des Arts de Rouen et Théâtre de Caen)
1997/1998 Lulu (Alban Berg), direction musicale Dennis Russell Davies, mise en scène Willy Decker (Opéra de Paris)
1998/1999 Orfeo (Claudio Monteverdi), direction musicale René Jacobs, mise en scène et chorégraphie Trisha Brown (Festival d'Aix-en-Provence et à la Monnaie de Bruxelles)
1999/2000 La Guerre et la Paix (Serge Prokofiev), direction musicale Gary Bertini, mise en scène Francesca Zambello (Opéra de Paris)

Anna Caterina Antonacci dans Les Troyens mise en scène par Yannis Kokkos (2003)

Anna Caterina Antonacci dans Les Troyens mise en scène par Yannis Kokkos (2003)

2000/2001 La Belle Hélène (Jacques Offenbach), direction musicale Marc Minkowski, mise en scène Laurent Pelly (Théâtre du Châtelet)
2001/2002 Les Noces de Figaro (Wolfgang Amadé Mozart), direction musicale René Jacobs, mise en scène Jean-Louis Martinoty (Théâtre des Champs-Elysées)
2002/2003 Juliette ou la clé des songes (Bohuslav Martinů), direction musicale Marc Albrecht, mise en scène Richard Jones (Opéra de Paris)
2003/2004 Les Troyens (Hector Berlioz), direction musicale John Eliot Gardiner, mise en scène Yannis Kokkos (Théâtre du Châtelet)

Tristan und Isolde mis en scène par Peter Sellars et Bill Viola (2004)

Tristan und Isolde mis en scène par Peter Sellars et Bill Viola (2004)

2004/2005 Tristan et Isolde (Richard Wagner), direction musicale Esa-Pekka Salonen, mise en scène Peter Sellars et Bill Viola (Opéra de Paris)
2005/2006 Julie (Philippe Boesmans), direction musicale Kazushi Ono, mise en scène Luc Bondy (La Monnaie, Festival d'Aix en Provence)
2006/2007 Candide (Leonard Bernstein), direction musicale John Axelrod, mise en scène Robert Carsen (Théâtre du Châtelet)
2007/2008 De la maison des morts (Leoš Janáček), direction musicale Pierre Boulez, mise en scène Patrice Chéreau ( Festival d'Aix-en-Provence)
2008/2009 Lady Macbeth de Mzensk (Dmitri Chostakovitch), direction musicale Hartmut Haenchen, mise en scène Martin Kusej (Opéra de Paris)
2009/2010 Werther (Jules Massenet), direction musicale Michel Plasson, mise en scène par Benoît Jacquot (Opéra de Paris)
2010/2011 Le Crépuscule des Dieux (Richard Wagner), direction musicale Marko Letonja, mise en scène David McVicar (Opéra National du Rhin)
2011/2012 Katia Kabanova (Leoš Janáček), direction musicale Irène Kudela, mise en scène André Engel (Théâtre des Bouffes du Nord - Fondation Royaumont)
2012/2013 Written on skin (George Benjamin), direction musicale George Benjamin, mise en scène Katie Mitchell (Festival d’Aix-en-Provence, Co-production internationale dont l’Opéra Comique à la rentrée 2013)
2013/2014 Dialogues des carmélites (Francis Poulenc), direction musicale Jérémie Rhorer, mise en scène Olivier Py (Théâtre des Champs-Élysées)
2014/2015 Dardanus (Jean-Philippe Rameau), direction musicale Raphaël Pichon, mise en scène Michel Fau (Opéra de Bordeaux)

Œdipe mis en scène par Wajdi Mouawad (2021)

Œdipe mis en scène par Wajdi Mouawad (2021)

2015/2016 L'Orfeo (Luigi Rossi), direction musicale Raphaël Pichon, mise en scène Jetske Mijnssen (Opéra de Nancy)
2016/2017 Pelléas et Mélisande (Claude Debussy), direction musicale Louis Langrée, mise en scène Eric Ruf (Théâtre des Champs-Élysées)
2017/2018 Le Domino Noir (Daniel-François Esprit Auber), direction musicale Patrick Davin, mise en scène Valérie Lesort et Christian Hecq (Opéra Comique – Paris, Opéra Royal de Wallonie – Liège)
2018/2019 Beatrix Cenci (Alberto Ginastera), création française, direction musicale Marko Letonja, mise en scène Mariano Pensotti (Opéra National du Rhin).
2019/2020 Ercole Amante (Francesco Cavalli), direction musicale Raphaël Pichon, mise en scène Valérie Lesort et Christian Hecq (Opéra Comique – Paris, Château de Versailles Spectacles, Opéra National de Bordeaux )
2020/2021 Non décerné.
2021/2022 Oedipe (George Enescu), direction musicale Ingo Metzmacher, mise en scène Wajdi Mouawad (Opéra de Paris)
2022/2023 Manru (Ignacy Jan Paderewski), direction musicale Marta Gardolińska, mise en scène Katharina Kastening (Opéra national de Lorraine) & L’Annonce faite à Marie (Philippe Leroux), direction musicale Guillaume Bourgogne, mise en scène Célie Pauthe (Angers Nantes Opéra)

Saint François d’Assise mise en scène par Sandro Sequi (1983)

Saint François d’Assise mise en scène par Sandro Sequi (1983)

Prix Musique Création Française du Syndicat de la Critique (depuis 1984)

1983/1984 Saint François d’Assise (Olivier Messiaen), direction musicale Seiji Ozawa, mise en scène Sandro Sequi (Opéra de Paris)
1984/1985 Répons (Pierre Boulez), direction musicale Pierre Boulez, l’Ensemble Intercontemporain (Rencontres de Metz et au Centre Pompidou)
1985/1986 Non décerné
1986/1987 Le Rapt de Perséphone (André Bon), livret de Dominique Fernandez, direction musicale Jérôme Kaltenbach, mise en scène Pier Luigi Pizzi (Opéra de Nancy)
1987/1988 Messe “Cum Jubilo” (Gilbert Amy), direction musicale Peter Eötvös, création par l’Orchestre de Paris et les BBC Singers
1988/1989 Le Maître et Marguerite (York Höller), direction musicale Lothar Zagrosek, mise en scène Hans Neuenfels (Opéra de Paris)

Le Château des Carpathes (Philippe Hersant) - 1989

Le Château des Carpathes (Philippe Hersant) - 1989

1989/1990 La Noche triste (Jean Prodromidès), direction musicale Arturo Tamayo, mise en scène Antoine Bourseiller (Opéra de Nancy)
1990/1991 Le Mystère de l’instant (Henri Dutilleux), direction musicale Paul Sacher, Collegium Musicum de Zürich
1991/1992 Non décerné
1992/1993 Haro pour orchestre (Pascal Dusapin), Festival Présences 93 de Radio-France
1993/1994 Le Château des Carpathes et Concerto pour violoncelle (Philippe Hersant)
1994/1995 Le Quatuor n°5 et la partition de l’opéra Schliemann (Betsy Jolas)
1995/1996 Non décerné

Perelà l’homme de fumée (Pascal Dusapin) mise en scène par Peter Mussbach (2003)

Perelà l’homme de fumée (Pascal Dusapin) mise en scène par Peter Mussbach (2003)

1996/1997 GO-gol (Michaël Levinas), mise en scène Daniel Mesguich, (Festival Musica de Strasbourg, Opéra de Montpellier et l’IRCAM)
1997/1998 The Shadows of Time (Henri Dutilleux), direction musicale Seiji Ozawa, Boston Symphony Orchestra (Théâtre des Champs-Élysées)
1998/1999 Sur incises (Pierre Boulez), direction musicale Pierre Boulez, Solistes de l’Ensemble Intercontemporain
1999/2000 Quatre chants pour franchir le seuil (Gérard Grisey), texte de la poétesse grecque Erinna (Ve siècle av. J.C.), Ensemble Intercontemporain
2000/2001 'K' (Philippe Manoury), direction musicale Dennis Russell Davies, mise en scène André Engel (Opéra de Paris)
2001/2002 Concerto pour trompette et orchestre et Tanzfantaisie pour trompette et orgue (Thierry Escaich)
2002/2003 Perelà l’homme de fumée (Pascal Dusapin), direction musicale James Conlon, mise en scène Peter Mussbach (Opéra de Paris)
2003/2004 Les Nègres (Michaël Levinas), direction musicale Bernard Kontarsky, mise en scène Stanislas Nordey (Opéra de Lyon)

Mireille Delunsch dans Yvonne, Princesse de Bourgogne (Philippe Boesmans) mis en scène par Luc Bondy (2009)

Mireille Delunsch dans Yvonne, Princesse de Bourgogne (Philippe Boesmans) mis en scène par Luc Bondy (2009)

2004/2005 Avis de Tempête (Georges Aperghis), direction musicale Georges Octors, mise en scène Georges Aperghis (Opéras de Lille, Nancy, Festival Agora)
2005/2006 Faust (Pascal Dusapin), direction musicale Jonathan Stockhammer, mise en scène Peter Mussbach (Staatsoper Unter den Linden, Opéra de Lyon)
2006/2007 Concerto pour piano et orchestre (Thierry Pécou), direction musicale John Nelson, pianiste Alexandre Tharaud, Ensemble Orchestral de Paris (Théâtre des Champs-Élysées)
2007/2008* Lady Sarashina (Peter Eötvös), direction musicale Peter Eötvös, mise en scène Ushio Amagatsu (Opéra de Lyon Festival Musiques en scène)
2008/2009* Yvonne, Princesse de Bourgogne (Philippe Boesmans), direction musicale Sylvain Cambreling, mise en scène Luc Bondy (Opéra de Paris)
2009/2010 Non décerné

Polieukt (Zygmunt Krauze) mise en scène par Jorge Lavelli (2011)

Polieukt (Zygmunt Krauze) mise en scène par Jorge Lavelli (2011)

2010/2011 The second women (Frédéric Verrières), direction musicale Jean Deroyer, Ensemble Court Circuit, mise en scène Guillaume Vincent (Théâtre des Bouffes du Nord)
2011/2012* Polieukt (Zygmunt Krauze), direction musicale Ruben Silva, mise en scène Jorge Lavelli (Théâtre du Capitole de Toulouse)
2012/2013 Claude (Thierry Escaich), livret de Robert Badinter, direction musicale Jérémie Rhorer, mise en scène Olivier Py (Opéra national de Lyon)
2013/2014* Cœur de chien (Alexander Raskatov), direction musicale Martin Brabbins, mise en scène Simon McBurney (Opéra national de Lyon)
2014/2015 Penthesilae (Pascal Dusapin), direction musicale Franck Ollu , mise en scène Pierre Audi (Théâtre Royal de La Monnaie, Opéra National du Rhin)

Pinocchio (Philippe Boesmans) mise en scène par Joël Pommerat (2017)

Pinocchio (Philippe Boesmans) mise en scène par Joël Pommerat (2017)

2015/2016 Maria Republica (François Paris), direction musicale Daniel Kawka, mise en scène Gilles Rico (Angers/ Nantes Opéra)
2016/2017* UM (Zad Moultaka), direction musicale Philippe Nahon, Ensemble Ars Nova et Neue Vocalsolisten de Stuttgart (Commande de l’Ircam Georges Pompidou/Festival d’Ile-de-France et Ars Nova Instrumental)
2017/2018* Pinocchio (Philippe Boesmans), direction musicale Emilio Pomarico, mise en scène Joël Pommerat (Festival d’Art Lyrique d’Aix en Provence, Théâtre Royal de La Monnaie de Bruxelles)
2018/2019 Trois Contes (Gérard Pesson), livret et mise en scène David Lescot, direction musicale Georges-Elie Octors, Ensemble Ictus (Création mondiale Opéra de Lille Mars 2019, Coproduction avec les opéras de Rouen, Rennes et Angers/Nantes)
2019/2020* Concerto pour piano n°3 "Fragments de mémoire" (Zygmunt Krauze), direction musicale de Wilson Hermanto, piano Zygmunt Krauze (Festival d’Automne de Varsovie et Orchestre national de Metz)
2020/2021 Non décerné
2021/2022* Words and music (Pedro Garcia Velasquez), musique de scène pour la pièce éponyme de Samuel Beckett (production L’Aurore Boréale et l’Ensemble Le Balcon – Athénée Louis-Jouvet, ENS Paris-Saclay)
2022/2023 Non décerné

* Prix Création musicale

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Publié le 15 Juillet 2022

Mise à jour le 03 septembre 2022

L'article qui suit, initié en juillet 2016 et mis à jour chaque année, au début de l'été, après l'annonce des nouvelles saisons, propose de donner un aperçu du répertoire de quelques grandes maisons d'opéra, en les comparant non sur le nombre absolu de représentations, mais sur l'importance relative des œuvres où des compositeurs dans ces maisons.

Ces 7 maisons sont l'Opéra de Paris, la Monnaie de Bruxelles, le Bayerische Staatsoper de Munich, la Scala de Milan, le Royal Opera House Covent-Garden de Londres, l'Opéra de Vienne et le New-York Metropolitan Opera.

Elles sont choisies pour leur célébrité, mais également parce qu'elles mettent à disposition du grand public leurs archives.

Leur répertoire est donc analysé sur la période 1973 à nos jours, c'est à dire sur la période de renouveau initiée par Rolf Liebermann au début des années 1970.

Répertoire comparé de grandes maisons d'opéra de Paris à New-York

Toutefois, les données disponibles sur l'Opéra de Munich ne couvrent pas le XXième siècle et débutent en 2001; les informations ne sont donc que partielles.

Ces maisons ayant présenté, chacune, entre 160 et 300 œuvres différentes sur cette période de 50 ans, nous nous limitons à afficher, ci-dessous, la liste des œuvres les plus jouées et qui couvrent 50% de la programmation. 

Plus la liste est longue (près de 50 œuvres à Bruxelles, mais seulement 20 à New-York), plus elle traduit une grande variété et une grande équité dans le choix des œuvres.

Par ailleurs, les annulations provoquées par la pandémie de covid-19 en 2020 et 2021 sont prises en compte à partir des informations qui ont pu être relevées.

Pour visualiser ce tableau en grande dimension, cliquez dessus.

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La Monnaie de Bruxelles

Avec seulement 80 représentations par an, le Théâtre Royal de la Monnaie de Bruxelles est une maison où le répertoire y est le plus diversifié, des compositeurs  baroques aux compositeurs contemporains. L'un des signes de cette diversité est que les compositeurs italiens représentent moins d'un tiers de la programmation.

Elle est la seule qui place Wolfgang Amadé Mozart comme compositeur le plus joué devant Giuseppe Verdi, 'La Flûte Enchantée' et 'Cosi fan tutte' en tête. Mais la Monnaie fait honneur à 'Falstaff', l'ultime ouvrage du compositeur italien, situé dans les 15 premiers.

Puccini est 2 fois moins donné qu'ailleurs - 'Tosca' n'est que septième du classement -, et les répertoires véristes et belcantistes sont peu représentés.

Benjamin Britten (7ième compositeur de la maison!) est donc plus joué que Gaetano Donizetti, et, par ailleurs, Leos Janacek, Claudio Monteverdi et Igor Stravinsky le sont plus que n'importe quel compositeur français (même 'Les Contes d'Hoffmann' sont relativement peu montés). La Monnaie de Bruxelles est aussi le seul opéra au monde où les deux chefs-d'œuvre lyriques d'Alban Berg, 'Wozzeck' et 'Lulu', font parmi des 50 ouvrages les plus interprétés.

Le répertoire baroque, avec 'L'Orfeo', 'Le Couronnement de Poppée', 'Didon et Enée' et 'La Calisto' qui font eux aussi partie des 50 premiers titres représentés, trouve  ainsi dans cette salle un écrin idéal.

Et nulle autre maison n'accorde une telle place à 'Pelléas et Mélisande', œuvre dont le livret est de Maurice Maeterlinck, écrivain belge.

Une rareté, 'Cendrillon' de Massenet, est particulièrement bien mise en avant - alors que 'Manon' est étrangement absente - , et les œuvres du musicien belge Philippe Boesmans sont plus représentées que celles de Christoph Willibald Glück.

Il y a une petite surprise pour Rossini, dont le 'Turc en Italie' rivalise avec 'Le Barbier de Séville', car le compositeur italien est relativement moins joué que dans le reste du monde.

Enfin, 'Arabella', 'Les Vêpres siciliennes', 'Ernani', 'Andrea Chénier' et 'La Fille du régiment' restent absents du répertoire.

Plus de 310 œuvres ont été jouées sur cette scène depuis 1973.

 

La Scala de Milan

Même si aucune autre maison ne fait autant la part belle aux compositeurs italiens (soit 60% de la programmation) - Giuseppe Verdi, Giacomo Puccini et Gioacchino Rossini égalent ou dépassent Mozart - , peu savent que la Scala de Milan laisse une place importante aux œuvres rares ('Cherevichki' de Tchaikovski 'La Fiancée du Tsar' de Rimski-Korsakov, 'Donnerstag aus Licht' de Stockhausen …), malgré un rythme de programmation modeste (moins de 100 représentations par an).

La part du répertoire anglo-saxon (3,5%) est, par exemple, deux fois plus élevée qu'à Paris, Vienne ou Munich, et aussi importante qu'à New-York.

Benjamin Britten est donc le 8ième compositeur le plus joué, devant Vincenzo Bellini (I Puritani ne sont plus joués depuis plus de 50 ans), et aucune autre maison n'accorde 1% de ses représentations au 'Wozzeck' d'Alban Berg, néanmoins au détriment de 'Lulu'.

Et si la Scala n'est pas un Opéra qui encense Richard Strauss et Richard Wagner, le 'Fidelio' de Beethoven y jouit cependant d'une excellente popularité.

Enfin , Giuseppe Verdi est le compositeur phare - 24 de ses 28 opéras ont été interprétés au moins une fois depuis 1973 -, et, par conséquent, la Scala est le lieu idéal pour réentendre 'I Lombardi alla Prima Crociata' ou 'I Due Foscari'.

Ne manquent que 'Alzira' et 'Il Corsaro' (jamais joués), 'La Battaglia di Legnano' (joué de décembre 1961 à janvier 1962 uniquement) et 'Aroldo' (jamais joué).

Près de 270 œuvres ont été représentées sur cette scène depuis 1973.

Œuvres représentant 50% de la programmation à Bruxelles, Milan, Paris et Munich de 1973 à 2023

Œuvres représentant 50% de la programmation à Bruxelles, Milan, Paris et Munich de 1973 à 2023

L'Opéra National de Paris

Avec plus de 180 représentations d'opéras par an, la programmation de l'Opéra National de Paris est unique car elle est la seule, et c'est tout à fait naturel, à accorder près d'un quart de ses soirées lyriques au répertoire français.

'Carmen', 'Les Contes d'Hoffmann' et 'Faust' sont donc dans les quinze premiers, et 'Pelléas et Mélisande', 'Manon, 'Werther', 'La Damnation de Faust' et 'Samson et Dalila' sont fréquemment joués.

Ces deux dernières décennies auront également vu le triomphe de 'Platée' de Jean-Philippe Rameau dans la production de Laurent Pelly, le meilleur exemple du passage à la postérité d'une œuvre issue du répertoire de l'Académie Royale de Musique du XVIIIème siècle, ainsi que le retour des ouvrages de Glück ('Iphigénie en Tauride' et 'Orphée et Eurydice').

'Les Noces de Figaro' de Mozart, resté pendant 40 ans l'opéra le plus représenté grâce à Liebermann, est dorénavant rejoint par les scènes parisiennes et interstellaires de 'La Bohème'. Mais depuis la saison 2016/2017, c'est 'La Flûte enchantée' qui est l'opéra le plus interprété avec près de 250 représentations. 'Les Noces de Figaro' n'a cependant pas dit son dernier mot puisque l'œuvre bénéficie d'une nouvelle production par Netia Jones depuis 2021.

Et à l'instar de la Monnaie de Bruxelles,  la popularité de 'La Clémence de Titus'  et d''Idoménée' y est bien meilleure que dans les grandes maisons de répertoire.

Et bien que le baroque soit surtout l'apanage du Théâtre des Champs-Elysées, Georg Friedrich Haendel place 2 de ses ouvrages parmi les 50 premiers titres, 'Giulio Cesare' et 'Alcina' - ce qui est un fait rare pour une grande maison de répertoire -, et 'Ariodante' fait dorénavant partie des 100 premiers titres avec l'arrivée prochaine, en avril 2023, de la production de Robert Carsen.

Côté italiens, Puccini est contenu (moins de 10% du répertoire), sous l'effet du passage de Gerard Mortier à la direction de l'institution, mais, étrangement, 'La Traviata' de Verdi ne fait partie des dix premiers que depuis 2019, juste devant 'Rigoletto' qui est un ouvrage emblématique de l'histoire de l'Opéra de Paris depuis plus d'un siècle.

Par ailleurs, 'Don Carlo(s)' s'installe durablement comme le troisième opéra de Giuseppe Verdi le plus joué dans la maison où il fut créé dans sa version parisienne de 1867.

Leos Janacek est également un compositeur bien représenté, puisqu'il porte 2% du répertoire, ce qu'aucune autre maison, à part La Monnaie, ne lui concède, mais 'Jenufa' n'a jamais été joué en version originale à l'Opéra de Paris.

En revanche, quelques grands piliers des maisons de répertoire, 'Turandot', 'Aïda', 'I Pagliacci/Cavalleria Rusticana'  et 'Fidelio' sont plus modestement représentés, et 'Le Turc en Italie' n'est toujours pas programmé.

Belle reconnaissance pour 'Der Rosenkavalier' de Richard Strauss et 'Boris Godounov' de Modest Moussorgsky qui dure depuis un siècle.

Près de 230 œuvres sont jouées sur cette scène depuis 1973.

Répertoire comparé de grandes maisons d'opéra de Paris à New-York

Le Bayerische Staatsoper de Munich

Avec 190 représentations par an, l'Opéra d'Etat de Munich est l'un des pilier des grandes maisons d'opéras.

Richard Wagner (9% du répertoire) y est autant représenté que Giacomo Puccini, le seul cas parmi les 7 maisons étudiées ici. 'Le Vaisseau Fantôme' est donc 14eme du classement et 'Lohengrin' n° 18.

Et ce sont naturellement les opéras de Mozart en langue allemande 'Die Zauberflöte' et 'Die Entführung aus dem Serail' qui occupent le haut de la programmation, même si l'on observe une baisse récente de ce second ouvrage à l'affiche.

Dans la même logique, 'Hansel und Gretel' d'Humperdinck est placé dans les 5 premiers, et 'Fidelio' , 'Die Fledermaus' et 'Ariane à Naxos' font très bonne figure.

Par ailleurs, l'Opéra de Munich a eu la particularité de jouer régulièrement deux références du bel canto romantique italien, 'Roberto Devereux' et 'Norma', par la seule présence indéfectible d'Edita Gruberova.

Giuseppe Verdi, compositeur italien le plus prolifique, reste encore et toujours le musicien le plus joué, bien que 'Simon Boccanegra' souffre le plus de la concurrence du répertoire allemand et que la 'Traviata' (n°1) et 'Un Ballo in Maschera' soient surreprésentés, mais Gioachino Rossini n'est plus que le 7ème compositeur de la maison.

Et Munich est un lieu qui défend bien le répertoire tchèque à travers 'La Fiancée vendue' (Smetana), 'Rusalka' (Dvorak), 'La petite renarde rusée' et 'Jenufa' (Janacek), bien que 'Katia Kabanova' n'ait pas encore trouvé la place que l'ouvrage mérite.

Quant au répertoire français, il ne trouve grâce qu'en 'Carmen', n°7, les deux opéras suivants, 'Werther' et 'Les Contes d'Hoffmann', se trouvant autour de la 50e position. Seul 'Dialogue des Carmélites', dans la production de Dmitri Tcherniakov, est particulièrement bien défendu en cette maison (plus joué que 'Faust' et 'Roméo et Juliette' de Gounod).

Œuvres représentant 50% de la programmation à Paris, Londres, Vienne et New-York de 1973 à 2023

Œuvres représentant 50% de la programmation à Paris, Londres, Vienne et New-York de 1973 à 2023

Le Royal Opera House Covent-Garden de Londres

Le Covent Garden est l'opéra dont la programmation s'approche le plus de celle du Metropolitan Opera de New-York : 21% pour Verdi, 16% pour Puccini, 11% pour Mozart, 7% pour Wagner.

C'est la seule maison à placer 4 œuvres de Puccini, dont 'Turandot', dans les 10 premiers, et à soutenir 'La Fanciulla del West' (n°34) au même niveau que la Scala de Milan. Par ailleurs, il s'agit probablement de la seule maison au monde capable de placer 'La Rondine' en 60eme position.

Mais Richard Strauss dépasse cependant Gioacchino Rossini car les deux gros tubes du compositeur italien, 'Le Barbier de Séville' et 'La Cenerentola', sont un peu mois joués que dans d'autres maisons, surtout que 'L'Italienne à Alger' est fortement négligé.

Peu d'originalité visible dans le grand répertoire - à l'exception de 'Gotterdammerung' et 'Die Meistersinger von Nuremberg' , opéra de Wagner les plus joués -, le ROH offre cependant près de 8% de ses représentations aux compositeurs britanniques, Benjamin Britten ('Peter Grimes', 'A Midsummer Night's Dream', 'Billy Budd', 'The Rape of Lucretia'), Michael Tippett ('Midsummer Marriage'), Thomas Adès ('The Tempest'), Harrison Birtwistle, George Benjamin, Mark-Anthony Turnage ('Anna Nicole'), et Irlandais, John Browne ('Babette's Feast').

Le Royal Opera House a joué plus d'une soixantaine d’œuvres sur un soir ou deux, mais moins de 200 œuvres ont été jouées sur 3 soirées ou plus ces cinquante dernières années.

 

L'Opéra de Vienne

L'Opéra de Vienne est un théâtre de répertoire qui joue 250 représentations d'opéras par an.
Giuseppe Verdi est à nouveau le compositeur le plus joué (17%), suivi par Wolfgang Amadé Mozart (13%), Giacomo Puccini et Richard Strauss (11% chacun), et Richard Wagner (9%), soit plus de 60% de la programmation centrée sur ces 5 seuls compositeurs.

La grande originalité est de placer 'Der Rosenkavalier' dans les 5 premiers, et de le rendre aussi populaire que 'La Bohème'.

'Salomé' et 'Fidelio' apparaissent également dans les 12 premiers, mais, à présent, moins de 25 ouvrages représentent plus de 50% des soirées.

Et comme il s'agit bien de la maison de Richard Strauss, tous ses opéras y sont plus joués qu'ailleurs, 'Ariane à Naxos' et 'Arabella' profitant le plus de ce privilège.

Assez étrangement, 'Cosi fan tutte' de Mozart n'a pas véritablement la faveur de la maison, et il est ainsi rejoint par 'Andrea Chénier' de Giordano, qui est l'exemple le plus remarquable d'œuvre vériste nettement mise en avant.

En revanche, la quasi absence de Gluck au répertoire, 12 représentations d''Iphigénie en Aulide', 9 d''Alceste', et 5 d''Armide' en 50 ans, est profondément étrange.

Moins de 170 œuvres ont été jouées sur cette scène depuis 1973, et, en moyenne, une seule œuvre rare est nouvellement montée chaque saison. L'arrivée de Bogdan Roščić à la direction de l'institution depuis 2020 devrait cependant fortement contribuer à la modification profonde du visage de l'institution, d'autant plus que son mandat vient d'être reconduit jusqu'en 2030.

Répertoire comparé de grandes maisons d'opéra de Paris à New-York

Le New-York Metropolitan Opera

Disposant d'une salle unique de 3700 places et de 240 représentations par an, le Metropolitan Opera se concentre sur les piliers du répertoire, au point que 20 ouvrages seulement couvrent 50% de la programmation (Verdi et Puccini en tête).

Les compositeurs italiens dominent (53% du répertoire), parmi lesquels le diptyque 'I Pagliacci/Cavalleria Rusticana' est bien représenté, et Mozart tient encore 10% du répertoire.

Quelques grands absents se font remarquer, 'I Capuleti ei Montecchi' de Bellini, 'Saint-François d'Assise' de Messian, 'L'Amour des 3 oranges' de Prokofiev, 'La petite Renarde rusée' de Janacek, 'Alcina' de Haendel, Alceste' de Glück, 'L'Orfeo' et 'Le Couronnement de Poppée' de Monteverdi, 'Le Turc en Italie' de Rossini.

Mais 'Romeo et Juliette' de Charles Gounod est plus joué que 'Faust', et se situe dans les 30 premiers.

Par ailleurs, une part du grand répertoire de l'Opéra de Paris du XIXème siècle ('Samson et Dalida', 'Thais', 'Le Prophète', 'Le Siège de Corinthe', 'Esclarmonde') est mieux représentée qu'à Paris même.

Belle percée également pour 'Porgy & Bess', 'La Gioconda' et 'Ernani'.

Cependant, si près d'une cinquantaine d'ouvrages sont données à New-York mais pas à Paris - tels 'Ernani', 'Rodelinda', 'Rinaldo ou 'Stiffelio' -, à l'inverse, 105 œuvres lyriques sont uniquement jouées dans la capitale française.

Au total, 170 œuvres ont été représentées sur cette scène depuis 1973.

 

Conclusion

La comparaison des répertoires de ces sept maisons permet de dégager 50 ouvrages répartis en trois groupes :

Le premier comprend 11 incontournables qui sont  : Bohème (La), Tosca, Traviata (La), Zauberflöte (Die), Nozze di Figaro (Le), Don Giovanni, Carmen, Madama Butterfly, Barbiere di Siviglia (Il), Rigoletto, Cosi fan tutte.

Le second comprend 16 œuvres à dominante verdienne très fréquemment jouées : Aida, Rosenkavalier (Der), Ballo in maschera (Un), Turandot, Elisir d'amore (L'), Trovatore (Il), Don Carlo(s),Otello, Entführung aus dem Serail (Die), Lucia di Lammermoor, Contes d'Hoffmann (Les), Cenerentola (La), Salomé, Falstaff, Fidelio, Simon Boccanegra.

Le troisième comprend 23 ouvrages à dominante wagnérienne régulièrement programmés dans les maisons de répertoire : Fliegende Holländer (Der), Fledermaus (Die), Elektra, Eugène Onéguine, Macbeth, Lohengrin, Faust, Ariadne auf Naxos, Walküre (Die), Parsifal, Boris Godounov, Manon Lescaut, Tristan et Isolde, Werther, Nabucco, Wozzeck, Forza del destino (La), Manon, Pagliacci (Il)/Cavalleria Rusticana, Pelléas et Mélisande, Meistersinger von Nürnberg (Die), Idomeneo, Don Pasquale.

L'originalité d'une programmation se mesure alors à la capacité que peut avoir une institution à s'écarter de ce répertoire type, sachant que l'Italie, l'Allemagne, l'Autriche et la France, les quatre terres natales des compositeurs les plus joués, privilégient les œuvres de leurs auteurs nationaux.

On remarque également que plus le nombre de représentations d'une maison d'opéra augmente et dépasse les 200 spectacles pas an, moins elle tend à diversifier son répertoire, ce qui est le grand paradoxe de cette étude.

L'Opéra National de Paris apparaît donc, jusqu'à présent, comme l'une des maisons qui recherche le meilleur équilibre entre répertoire solide et élargissement vers de œuvres moins connues, et il faut souhaiter que cela se poursuive.

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Publié le 15 Décembre 2021

Jean-Philippe Thiellay, L’opéra s'il vous plait
Editions Les Belles Lettres - Sortie le 19 novembre 2021
ISBN : 978-2-251-45090-2
Nombre de pages 224

Celles et ceux qui ont vu le film sur l’Opéra de Paris « L’Opéra » réalisé par Jean-Stéphane Bron au cours de la première saison de Stéphane Lissner en 2015 et 2016 se souviennent peut-être d’une séquence où l’on voit Jean-Philippe Thiellay, directeur adjoint à ce moment là, représenter de ses mains un étau qui l’enserre avec d’un côté les contraintes de administration publique et de l’autre celles des syndicats de personnels. On peut y lire à ce moment là une angoisse qui se retrouve dans son nouveau livre « L’Opéra s’il vous plaît » édité chez Les Belles Lettres.

Jean-Philippe Thiellay, L’opéra s'il vous plait - Présentation et impressions

Cet ouvrage est architecturé comme un Grand Opéra en un prologue et cinq actes, comme inspiré des œuvres de deux grands compositeurs, Meyerbeer et Rossini, auxquels l’actuel directeur du Centre National de la Musique a déjà dédié à chacun un ouvrage.

Le prologue permet d’abord de découvrir sa vie de passionné d’art lyrique initiée depuis sa première expérience à l’Opéra de Marseille en février 1978 avec Carmen, alors qu’il n’avait que huit ans, et en décrivant tous ses comportements et rituels d’amateur et en invoquant les artistes qu’il admire, il crée d’emblée une attache avec les lecteurs tout aussi passionnés que lui, d’autant plus qu’il est originaire de la ville rivale de Paris depuis des siècles.

Dix ans plus tard, un lien fort avec le Festival de Pesaro s’affirma. Pour lui, le point d’accroche avec l’opéra est la mélodie, mais l’expérience du collectif dans les théâtres est tout aussi importante.

Le Festival de Pesaro

Le Festival de Pesaro

Il présente ensuite quelques chiffres clés qui mesurent l’attrait du public français pour les représentations d’opéras (au moins 1 200 000 billets vendus chaque année, dont un tiers pour l’Opéra de Paris qui propose aussi la moitié des 600 000 billets de spectacles chorégraphiques dispensés dans plus d’une trentaine d’opéras), chiffres conséquents mais moindres que ceux des matchs de foot ou des concerts pop. Puis, il évoque les différents débats qui jalonnèrent l’évolution de l’art lyrique, ainsi que le mouvement de mondialisation qui s’en suivit – les réminiscences du film de Werner Herzog «Fitzcarraldo »Klaus Kinski hurle la tête au vent en haut d’un clocher « Je veux construire un opéra ! » sont très drôles à ce moment précis -.

Mais lorsqu’il s’agit d’aborder les modèles économiques de ces institutions au XXIe siècle en commençant par l’impact des crises récentes sur les théâtres et les revenus des artistes, il montre à quel point le soutien de la puissance publique – la subvention moyenne des opéras en Europe est de 67% - est fondamental dans un secteur où les gains de productivités sont difficilement possibles, mais où les gains qualitatifs des spectacles sont pourtant bien réels. Une comparaison des coûts des billets d’opéras et des cachets des artistes avec le secteur du football montre aussi qu’ils n’ont rien d’excessifs. Il aborde aussi la question du fonctionnement en mode "répertoire" avec troupe qui nécessite, comme c’est le cas en Allemagne, un niveau de subvention bien plus élevé que celui nécessaire pour les fonctionnements par "stagione".

L'Opéra Bastille

L'Opéra Bastille

Puis, il entraîne le lecteur dans la réalité sociale des théâtres d’opéras, la baisse de fréquentation des concerts classiques par les jeunes (mais la Philharmonie est quand même un bon contre-exemple), les stéréotypes, et la nécessité d’établir un dialogue avec le public pour que le répertoire de l’art lyrique ne soit pas affecté par les mouvements d’opinion, les manipulations extrémistes et le politiquement correct – tout en étant ferme sur les affaires de harcèlement - , mais aussi par les décisions prises par les nouvelles générations d'hommes et femmes politiques en guerre contre une culture jugée élitiste, alors que ces théâtres sont de réels éléments de rayonnement et d’attractivité. 

Il y a les facteurs extérieurs, mais aussi les facteurs intérieurs, comme les difficultés à faire accepter la nécessité d’optimiser les tâches techniques ou administratives alors que le secteur privé concurrentiel est habitué à un mouvement de remise en question permanent sur ces aspects là. Les anecdotes prêtent à sourire, on ne peut s’en empêcher, par de tels anachronismes, mais il y a aussi la crainte qu’un jour des politiques usent de ces exemples comme arguments pour toucher à des aides vitales.

Le chapitre sur le petit monde de l’entre-soi des spécialistes de la spécialité est absolument croustillant quand il pointe leur intolérance à ceux qui ne partagent pas les mêmes valeurs et lorsqu’ils négligent le rôle social de l’opéra et son besoin de subventions publiques qui résultent du fruit du travail de toute la population française.

Dialogues des Carmélites - Bayerische Staatsoper - ms Dmitri Tcherniakov

Dialogues des Carmélites - Bayerische Staatsoper - ms Dmitri Tcherniakov

La totalité du quatrième acte est vouée à l’évolution esthétique de l’art lyrique, à l’accoutumance aux tubes du passé qui pénalise l’intérêt pour la création contemporaine, et au risque de standardisation.

Le rôle paradoxal du disque qui aurait aidé à tuer l’opéra est tout de même surprenant, puisque le disque permet d’attiser une curiosité qui peut se concrétiser plus tard par des sorties en salle. 

Il existe bien sûr un public qui reste rivé aux voix du passé, mais que représente-t-il parmi un public d’opéra?

Reste que la nature de l’opéra, prisé par des élites mondialisées mais dont la variété des œuvres lui permet d’être tout à la fois populaire, bute face à une image qui pourrait faire croire que les maisons  qui le représentent ne sont pas ouvertes à tous. Il n’est effectivement pas normal que le public soit prêt à payer plus pour entendre un opéra au Stade de France qu’à Bastille où les conditions de visibilité et acoustique sont bien meilleures.

Le rôle des metteurs en scène est bien sûr abordé pour proposer des lectures qui parlent au public d’aujourd’hui – Jean-Philippe Thiellay revient sur l’affaire des ayants-droits de Poulenc et Bernanos contre la production des Dialogues des Carmélites par Dmitri Tcherniakov –, et les compositeurs contemporains qui ont su raconter des histoires au public (John Adams, Kaija Saariaho, Thierry Escaich ou Francesco Filidei) sont bien mis en valeur.

La Dame de Pique - Opéra de Nice - ms Olivier Py     © Dominique Jaussein

La Dame de Pique - Opéra de Nice - ms Olivier Py © Dominique Jaussein

Le dernier acte fait à lui seul le quart de cet essai et concentre toutes les lignes de fuites qui sont autant de perspectives pour l’art lyrique, et en premier lieu, le besoin de regagner des marges de manœuvres. Mais les opéras ne sont pas des structures comme les autres, les rythmes sont décalés par rapport à la majorité des gens, les conflits peuvent être très durs, et la tentation d’utiliser les opéras comme caisse de résonance sociale reste forte. 

Le goût du collectif de l’ancien directeur général ressort lorsqu’il parle de ses expériences collaboratives avec les salariés, mais il revient rapidement aux éléments de coûts des productions et de leur rythme de renouvellement.

L’exemple des 4 productions de La Flûte enchantée est pertinent, d’ailleurs c’est Robert Carsen qui aura finalement mis tout le monde d’accord, celui d’Idoménée un peu moins car la production confiée au chef d’orchestre en 2002 fut un tel désastre – le chef ne venait même plus saluer - qu’on ne pouvait que la remplacer.

Ensuite, il met en avant les exemples de coopérations qui marchent au niveau régional, en Loire Atlantique comme dans le Grand-Est ou le Sud-Est (avec la production de la Dame de Pique par Olivier Py), et parle avec beaucoup d’admiration de l’Amato Opera de New-York balayé par la crise de 2008.

Autre piste, il incite à enrichir l’expérience du spectateur – on pourrait revenir sur toutes les conférences qu’organisait Gerard Mortier à l’Opéra de Paris pour présenter les œuvres nouvelles et de la revue papier Ligne 8 qui n’ont pas été reconduites par la suite -, et à le maintenir le plus longtemps possible dans les lieux. Mais il n’oublie pas, avec désabusement, de faire remarquer que France Télévisions aurait un rôle à jouer pour diffuser des spectacles en Prime Time (il aurait été important de rappeler qu’un opéra diffusé sur France 2 peut réunir 1 million de spectateurs, contre 250 000 sur Arte ou France 5). France 2 est encore aujourd’hui la caisse de résonance médiatique la plus puissance pour l’art lyrique en France. 

L’hybridation des arts et des esthétiques est également un moteur très important pour le brassage des identités (est cité Antar et Abla de Maroum Rahi sur un livret Antoine Maalouf), et bien d’autres expériences qui rendent l’opéra accessible sont présentées avec parfois un véritable vécu personnel.
Bien entendu, il n’oublie pas de rappeler le rôle de locomotive des stars lyriques, et voit les jeunes artistes comme des ambassadeurs pour aller chercher de nouveaux publics là où ils sont.

Et il revient en conclusion sur l'essence de l'opéra, la force du couple metteur en scène et directeur musical, la capacité à mettre en espace les relations entre les protagonistes, la beauté et la fragilité d’un moment éphémère, ce qui nécessite une alchimie extrêmement difficile à réaliser.

Caroline Sonrier et Jean-Philippe Thiellay

Caroline Sonrier et Jean-Philippe Thiellay

Mercredi 15 décembre 2021, Caroline Sonrier, directrice de l’opéra de Lille et mandataire du rapport sur la politique de l’art lyrique, était invitée sur France Musique pour débattre avec Jean-Philippe Thiellay (voir lien ci après).

La Matinale avec Caroline Sonrier et Jean-Philippe Thiellay - Crise à l'opéra : les institutions lyriques sont-elles à bout de souffle ?

L’échange de points de vues est passionnant à réécouter, car si l’ancien directeur adjoint de l’Opéra de Paris semble à la fois vouloir conserver le public traditionnel et capter de nouveaux publics, son interlocutrice s’embarrasse moins de perdre un certain public si c’est pour en gagner un autre. Elle voit ainsi plus de curiosité chez les amateurs de baroque que chez les amateurs des romantiques du XIXe siècle. Elle prend en compte la nature polymorphe du public. 

Elle présente la situation actuelle de l’art lyrique comme un commencement, ce qui rejoint les propos de Jean-Philippe Thiellay qui fait remarquer dans son ouvrage que l’État ne se préoccupe finalement de politique nationale de l'art lyrique que depuis les années 1990.

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Publié le 2 Décembre 2021

Serge Dorny, L’opéra à présent
Editions Actes Sud - Sortie le 03 novembre 2021
ISBN : 978-2-330-15434-9
Nombre de pages 144


Écrites à la fin de son mandat de 18 ans à la direction de l’Opéra de Lyon, au moment de sa prise de fonction à la direction de l’Opéra d’Etat de Bavière, les réflexions de Serge Dorny sur l’opéra d’aujourd’hui reviennent sur son parcours, ses rencontres, et sur l’esprit des projets qu’il a réalisé.

Serge Dorny, L’opéra à présent

Serge Dorny, L’opéra à présent

On découvre l’importance qu’ont eu pour lui deux mentors, Gerard Mortier, qui le poussa à prendre la direction du Festival des Flandres en 1987, et Ernest Fleischmann, directeur du Los Angeles Philharmonic, grâce à qui il devint le directeur du London Philharmonic Orchestra (Vladimir Jurowski en sera le premier chef invité). Chez ces deux directeurs se révèle déjà le goût de façonner une programmation et de développer un art de l’alliage entre titres d’époques et de compositeurs différents.

Pour Serge Dorny, la revitalisation de l’opéra passe pour lui par des propositions contemporaines et des mises en scène - et de citer le Parsifal de Krzysztof Warlikowski - qui sont faites pour susciter le débat plutôt que le consensus.

Il présente ainsi l’esprit avec lequel travaillent Peter Sellars, Christophe Honoré, David Marton ou bien Wajdi Mouawad afin de parvenir à la quintessence des œuvres, et insiste également sur l’importance des studios de formation par lesquels, par exemple, Karine Deshayes et Stéphane Degout passèrent. 

La place des femmes n’est pas oubliée, et il se réfère à Susanna Mälkki, Katie Mitchell ou Deborah Warner, mais il rappelle que c’est avant tout leur art qu’il admire.

Parsifal (Richard Wagner) - ms Krzysztof Warlikowski - Opéra Bastille 2008

Parsifal (Richard Wagner) - ms Krzysztof Warlikowski - Opéra Bastille 2008

La question du public a d’abord à voir avec sa diversité.  Il en a pris conscience en Angleterre où la diversité constitue la réalité du territoire, et où les actions mêlent sensibilités artistique et sociale.

Plusieurs de ses initiatives sont ainsi présentées, comme le projet Eolo à destinations des personnes vulnérables, ou bien l’ouverture du péristyle de l’opéra de Lyon à des manifestations altératives.

Forger une identité cohérente et une relation de confiance avec le public est donc primordiale, et c’est parce qu’une même œuvre d’art peut être perçue différemment selon le public et au cours du temps que cette diversité est fondamentale.

Les aspects économiques sont abordés à travers les avantages (financement commun) et inconvénients (normalisation commerciale) des coproductions, tout en soulignant le besoin de privilégier la spécificité de l’établissement qu’il dirige.

Et le modèle de la troupe est vu comment un moyen de favoriser un nouvel enracinement de l’opéra dans la cité.

Brokeback Mountain (Charles Wuorinen) - ms Ang Lee - Teatro Real de Madrid 2014

Brokeback Mountain (Charles Wuorinen) - ms Ang Lee - Teatro Real de Madrid 2014

Serge Dorny réalise à plusieurs reprises une synthèse de l’évolution historique de l’opéra et de ses thèmes (antiques, historiques, bibliques, mythologiques, romanesques et contemporains) et insiste à nouveau sur les créations, notamment sur les créations littéraires (Brokeback Mountain de Charles Wuorinen, Claude de Thierry Escaich) ainsi que les compositeurs du XXe siècle (Benjamin Britten et Leos Janacek en particulier). Il se réjouit que le théâtre ait dorénavant trouvé sa place auprès du chef et de la voix, et que l’opéra soit pensé comme un art total dont toutes les composantes importent à un niveau équivalent. Même le ballet est invité à retrouver le chemin de l’opéra pour opérer une synthèse lyrique et chorégraphique sur une même scène. L'essence du théâtre est d'être un lieu de brassage.

Gerard Mortier

Gerard Mortier

En contrepoint du développement de ces thèmes, Serge Dorny donne la parole à d’autres personnalités, directeurs, metteurs en scène, musicologues, cinéastes, compositeurs ou dramaturges dont les interventions enrichissent cette vision.

Renée Auphan rappelle ainsi que la voie du renouvellement du public ne passe pas que par les jeunes, mais qu’il y a aussi un renouvellement naturel du public autour de la quarantaine et que les femmes jouent un rôle dans ce renouvellement auprès des hommes. Elle s’alarme de l’augmentation des budgets administratifs et regrette que les noms des chanteurs disparaissent des affiches.

Christian Merlin

Christian Merlin

A l’opposé, Christian Merlin se félicite que les noms des metteurs en scène figurent enfin sur les affiches, car ils sont devenus depuis ces 40 dernières années des interprètes qui proposent non des illustrations des livrets, mais leurs propres lectures. Il remet ainsi en cause ceux qui croient à une « fidélité » à l’œuvre et qui sous-entendent qu’il y aurait une « vérité » de l’œuvre. La ré-théâtralisation est en fait un progrès pour éviter la muséification. 

Le musicologue et critique analyse ensuite en détail et de manière différenciée le travail de plusieurs metteurs en scène, tels Olivier Py, Dmitri Tcherniakov, Krzyzstof Warlikowski, Roméo Castellucci ou bien David Marton.

Dans la même logique, le dramaturge Georges Banu analyse le travail d’Andriy Zholdak qui a notamment réalisé les mises en scène de deux œuvres rares, Le Roi Candaule de Zemlinsky à l’Opéra des Flandres, et l’Enchanteresse de Tchaikovski à l’opéra de Lyon.

Présentation de la première saison de Serge Dorny au Bayerische Staatsoper

Présentation de la première saison de Serge Dorny au Bayerische Staatsoper

Guy Cherqui, chroniqueur connu sous le pseudonyme « Le Wanderer »,  récapitule pour sa part le parcours de Krzyzstof Warlikowski, artiste arrivé sur la scène lyrique grâce à Gerard Mortier, et l’interroge sur son rapport à l’opéra et ce qui diffère avec le théâtre. Le metteur en scène s’étonne du rapport tardif au texte original dans le milieu lyrique, de la légèreté qui domine, alors que les œuvres permettent une exploration profonde avec Berg, Strauss, Janacek ou Wagner.

En tant qu’interprète, l’opéra lui permet, mieux que le théâtre, de sortir du réalisme. On découvre aussi sa méfiance vis-à-vis de ce qui est russe et slave, d’où sa volonté d’américaniser Janacek (L’Affaire Makropoulos). Et son discours sur le public d’opéra bien établi est sans concession. Il souhaite que les intellectuels ne laissent pas l’opéra aux seules mains des mélomanes, et certaines réactions bruyantes de ce public, comme lorsque qu’il convoque des textes philosophiques dans ses productions, l’amènent à penser que  « dès qu’il y a quelque chose d’intelligent le public d’opéra s’énerve ..  »

Krzysztof Warlikowski - Iphigénie en Tauride au Palais Garnier (Septembre 2021)

Krzysztof Warlikowski - Iphigénie en Tauride au Palais Garnier (Septembre 2021)

Après 10 ans passés auprès de Gerard Mortier qui lui a appris le fonctionnement général d’un opéra, puis 12 ans à diriger la Canadian Opera Company de Toronto, Alexander Neef, nouveau directeur de l’Opéra de Paris, rêve d’un dialogue profond sur les œuvres entre l’institution et le public. 

Il accorde énormément d’importance à la relation de confiance avec le public, afin de pouvoir proposer des œuvres rares (Maometto II de Rossini). Il est toujours surpris que la direction d’orchestre ne fasse plus débat, mais se montre moins dogmatique que Gerard Mortier dans les choix de mises en scène et de répertoire. Il choisit de conserver les productions qui marchent (Carsen), de laisser le temps à d’autres d’être apprivoisées (Warlikowski), mais surtout, il lui importe de penser plus à l’intérêt de la maison qu’à son propre mandat. Il insiste enfin sur l’importance de la narration (en citant l’exemple des livrets d’Amin Maalouf), et trouve que Verdi et Mozart laissent plus de libertés aux interprétations que Puccini.

Alexander Neef et Sophie Bourdais - Rencontres Télérama septembre 2021

Alexander Neef et Sophie Bourdais - Rencontres Télérama septembre 2021

Pour leur part, Anne-Sophie Mahler et Katinka Deecke poussent la réflexion sans doute au-delà de ce que pourrait accepter un certain public habitué. Elles rêvent en effet de déployer des moyens techniques et numériques pour rendre l’expérience lyrique plus immersive, mais aussi de réserver aux salles de concert l'interprétation d'œuvres dans leur intégrité afin de permettre aux théâtres d'opéras de transformer les anciennes œuvres en œuvres d’art modernes, et envisagent également d'interpénétrer la musique et la nature.

Le processus de création musicale est abordé avec Thierry Escaich et le projet Claude né en 2013 d’après un texte de Victor Hugo. Le compositeur revient sur la distance à la réalité qui est inhérente à l’opéra, et sur sa manière d’élever le récit vers le symbolique pour en faire apparaître le côté atemporel. Son optimisme vis-à-vis de l’avenir de l’opéra repose avant tout sur sa nature protéiforme.

Alexander Kluge

Alexander Kluge

Cette même confiance sous les mots du cinéaste allemand Alexander Kluge prend une tournure plus abstraite avec l’exemple de la création Fremd de Hans Thomalla à partir d’un fragment de Médée de Cherubuni, et seule une écoute de l’œuvre permettrait de ne pas en rester à un discours théorique et intimidant.

Et le propos devient encore plus austère quand Julia Spinola (critique indépendante à Berlin) reconnaît que l’exigence artistique demande un réel effort et ne peut être accessible qu’à celui qui renonce à lui-même, cherche et veut comprendre. L’opposition avec le spectateur qui recherche d’abord son plaisir est frontale, mais on voit bien qu’il y a à nouveau une critique de la légèreté de l’auditeur que soulignait Krzysztof Warlikowski. L’artiste attend que l’autre entre dans son monde.

On est tenté de voir ici une rupture avec la nécessité d’atteindre le public le plus large possible si ce dernier n’est pas prêt à fournir un tel effort. Car l’idée qui est sous-entendue est que l’opéra ne peut être un art total que s’il est livré aux bras de chanteurs qui jettent toute leur vie dans leurs rôles, à des chefs d’orchestre qui osent relire des œuvres très connues, et à des metteurs en scènes visionnaires qui ne se satisfont pas de propositions superficielles.

Atiq Rahimi

Atiq Rahimi

Enfin, le romancier afghan Atiq Rahimi – l’auteur avec Thierry Escaich de la création mondiale de Shirine prévue au mois de mai 2022 à l’Opéra de Lyon – aborde la question de l’«émerveillement » comme sensibilité à quelque chose de mystérieux.

Lire cet ouvrage riche en références qui donnent du sens à l’action de Serge Dorny demande beaucoup de curiosité par ailleurs, et avoir sous la main les extraits des œuvres au format numérique (sur internet par exemple) est vivement recommandé.

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Publié le 21 Novembre 2021

Analyse et réflexions à propos du rapport 2021 sur la politique de l’art lyrique en France

Commandé en octobre 2020 à Caroline Sonrier (directrice de l'Opéra de Lille), le rapport de la mission sur la politique de l’art lyrique en France (125 pages) a été remis au Ministère de la Culture le 05 octobre 2021, et a été rendu public dans la foulée.

Il est consultable dans son intégralité sous le lien suivant : La politique de l'art lyrique en France (culture.gouv.fr) 

Sept groupes de travail ont été montés pour plancher sur les thèmes de la création, de la formation, des publics, du numérique, des structures, des collaborations avec les ensembles indépendants, et de l’emploi.

Le présent article vise en quelques pages à creuser et dégager certains éléments et à les retranscrire de manière graphique afin de concentrer un maximum d’informations visuelles sur deux documents cartographiques qui peuvent être consultés avec une meilleure résolution par un simple clic.

Structures étudiées et complétude

32 établissements sont recensés dans le rapport 2021, mais d’emblée les différentes sources citées, dont l’outil d’enquête Ethnos du ministère de la Culture, l’étude des Forces Musicales 2017 et les données de la Réunion des Opéras de France, s’avèrent incomplètes, et un travail de corrélation est nécessaire pour vérifier si les données communes sont cohérentes.

Parmi ces 32 structures, on trouve le Théâtre du Châtelet, théâtre musical dont l’activité lyrique est aujourd’hui réduite à la portion congrue (un oratorio et aucun opéra cette saison).

En revanche, n’est pas pris en compte le théâtre privé de l’Athénée dont le budget de 3,5 millions d’euros est couvert pourtant par 1,8 millions de subvention du ministère de la Culture. Son activité est par ailleurs à dominante lyrique.

Ne sont également pas inclus dans l’étude le Festival de Beaune, le Festival de Sanxay, le Festival de Saint-Céré et l’Atelier lyrique de Tourcoing, mais ce dernier est cité pour ses partenariats, son directeur étant le rapporteur d’un des groupes.

Étrangement, la base de données Operabase créée en 1996 par Mike Gibb, un informaticien anglais passionné d’opéra, n’est pas citée comme source de recensement de la production lyrique, malgré sa vocation internationale et la comptabilité précise des représentations qui y est effectuée.

La pluralité des niveaux de labellisation, des statuts et de la composition des effectifs permanents

Ensuite, le rapport étudie le paysage lyrique et classifie les établissements en fonction de leur niveau de labellisation et de subvention par le ministère de la Culture.

Il y a les 2 établissement nationaux parisiens (Opéra National de Paris et l’Opéra Comique) subventionnés respectivement à 45 et 55 %, 5 opéras en Région subventionnés de 14 et 24 %, 1 opéra en Région subventionné à 7% (Le Capitole de Toulouse, depuis le 02 décembre 2021), 4 Théâtres Lyriques d’Intérêt National subventionnés de 5 à 12 % et 3 scènes conventionnées d’intérêt national à dominante lyrique couvertes entre 1,5 % et 7 % de subventions.

Il ne s’agit ici que de la part de subvention provenant directement de l’État, les deux établissements nationaux ne recevant aucune subvention régionale ou municipale, alors que les autres opéras reçoivent des subventions régionales et locales leur permettant de couvrir au total plus de 70 % de leur budget.

Rien de nouveau dans ces chiffres, dont on peut retrouver des tableaux de synthèses équivalents sous l’article suivant L’art lyrique en France de l’Opéra de Paris aux opéras en région – financement et dynamisme et emploi.

Mais à ces 15 établissements conventionnés, s’ajoutent 8 autres structures qui reçoivent des aides de l’État sans être conventionnées (jusqu'à 15 % pour le Festival d’Aix-en-Provence).

Enfin, 9 autres structures ne reçoivent aucune aide de l’État, dont l‘Opéra de Toulon et l’Opéra de Nice.

A cela s’ajoutent de grandes disparités en savoir faire artistique permanent au sein de ces structures. L’Opéra national de Paris possède deux orchestres, des chœurs, un corps de ballet, des ateliers de décors et de costumes, et seuls trois opéras en Régions (Bordeaux, Lyon et Toulouse) couvrent la totalité de ce spectre artistique. L'Opéra de Nice couvre de la même manière l’intégralité de ce spectre, mais sans aucune aide étatique.

Les autres structures ont des accords de mise à disposition d’orchestres régionaux et de chœurs locaux, ou bien accueillent des ensembles en résidence ou en tournées.

Le graphique ci-dessous restitue de manière visuelle la situation de 36 établissements (31 structures citées dans le rapport 2021 + les festivals de Beaune, Sanxay et Saint-Céré, l’Atelier lyrique de Tourcoing et le Théâtre de l’Athénée). Le Théâtre du Châtelet n’est pas représenté.

Pluralité des structures lyriques en France

Pluralité des structures lyriques en France

Les budgets des 5 structures ajoutées sont estimées entre 1 et 1,5 millions d’euros et 3,5 millions pour l’Athénée. On arrive ainsi à un budget total estimé d’environ 640 millions d’euros pour ces 36 structures à dominante lyrique, couvert en partie par un montant d’aide de l’État qui représente environ 145 millions d’euros.

Les symboles cerclés du graphique sont proportionnels aux budgets de ces maisons, et leurs couleurs identifient leur niveau de conventionnement et d’aide étatique. Sont rajoutés 5 types de symboles pour indiquer si ces maisons disposent d’un orchestre, d’un chœur, d’un corps de ballet, d’ateliers de décors et de costumes, ce qui donne un indicateur des charges fixes de ces structures.

Sont également rajoutés, à titre de comparaison, les budgets de deux maisons allemandes citées dans le rapport, celle d’Heidelberg (une ville comparable à Limoges), qui dispose d’un budget de 32 millions d’euros tout en étant la 35eme maison d’Allemagne (d'après Operabase), et celle de Mannheim (une ville comparable à Strasbourg ou Montpellier), qui dispose d’un budget de 64 millions d’euros tout en n’étant que le 12e opéra d’Allemagne.

Le rapport sur la politique de l’art lyrique cite également le site de la Deutscher Bühneverein (association des scènes allemandes) https://www.buehnenverein.de qui édite chaque année les chiffres détaillés et les statistiques de chaque maison (il est possible de télécharger sous le lien suivant le résumé de la saison allemande 2018/2019 https://www.buehnenverein.de/de/publikationen-und-statistiken/statistiken/theaterstatistik.html?cmsDL=78f013faa9718ecb8c7d85aafaacc7e4).

Les catégories de spectacles sont très précisément classées sous les intitulés Opéra, Danse, Opérette, Théâtre musical, Théâtre parlé, Théâtre pour les jeunes, Concert, Théâtre de Marionnettes, Autre évènement, Programme de soutien.

Extrait de Theaterstatistik 2018/2019

Extrait de Theaterstatistik 2018/2019

Cette comparaison avec le cas allemand montre que les moyens dispensés par leurs villes aux théâtres lyriques sont sans commune mesure avec les moyens de l’hexagone, ce qui permet Outre-Rhin de généraliser le développement de troupes, modèle difficilement déployable en France.

Pourtant, l’ancrage des maisons en France est souvent aussi ancien. L ’Opéra de Metz – le plus ancien encore en activité – est inauguré en 1752, le Grand Théâtre de Bordeaux en 1780, le Théâtre Graslin de Nantes en 1788, et le Théâtre du Capitole de Toulouse en 1816.

Et malgré des budgets bien plus faibles qu’en Allemagne, le rapport souligne que le secteur lyrique français est pointé du doigt par les autres secteurs culturels pour son haut montant de financement, même si l’étendue de leurs missions n’est pas comparable, et souffre d’une image d’un monde tourné vers le passé et vers un public peu représentatif de la société française.

Des baisses de subventions sont relevées (-1,2 millions d’euros pour Marseille et -0,5 millions d’euros pour Lyon), mais la responsabilité des partis écologiques au pouvoir est plutôt atténuée dans le rapport, surtout que ces maisons prennent aujourd'hui des engagements de développement durable.

Le poids de l’art lyrique sur les municipalités

Le rapport fait ensuite un état des lieux des différentes sources de financement de ces maisons au niveau local (villes, départements, régions), conformément aux études de la Réunion des Opéras de France. Ces financements croisés sont source de stabilité, mais le rapport souligne que si la subvention de l’État à l’Opéra de Paris a baissé de plus de 9 millions d’euros ces dernières années, moins de 2 millions d’euros ont été réinjectés vers les opéras en régions, alors que ces mêmes régions ont aussi baissé leurs aides de près de 4 millions d’euros. Les économies sur la subvention de l’Opéra de Paris n’ont donc pas servi à une fonction de rééquilibrage territorial.

Des rapprochements et collaborations entre maisons sont évoqués, mais les municipalités tiennent à leurs spécificités et préfèrent les coopérations.

Tout concorde dans cette étude à montrer dans quelles conditions financières serrées fonctionnent ces maisons, et pourquoi il est difficile d’obtenir un suivi précis et général de leur activité et de leur gestion.

On peut cependant remarquer que si une maison d’opéra peut représenter 15 à 20 % du budget culture d’une municipalité, l’ensemble des subventions territoriales (hors intervention de l’État) atteignent 236 millions d’euros sur un budget culture territorial de 7 milliards d’euros, soit moins de 3,5 %.  Et sur ces 236 millions d’euros, 190 millions sont largement supportés au niveau communal, et non au niveau de la région, sauf dans le cas de l’Opéra de Rouen.

Le rapport ne met pas le budget des maisons d’opéras en rapport avec la densité de population de chaque région, mais ce qui se voit sur le graphique ci dessus se retrouve dans les chiffres. Pour 6 régions (Lille, Rouen, Rennes, Nantes, Tours, Dijon), 3 euros par habitant sont dédiés au budget de leurs structures lyriques, pour 4 autres régions (Strasbourg, Bordeaux, Toulouse, Lyon), 8 euros par habitant y sont dédiés, et en Provence-Alpes-Côtes d’Azur, 20 euros par habitant y sont dédiés, soit autant qu’en Île de France (23 euros / habitant) où l’État est bien plus présent. Le déséquilibre entre le Nord de la France et la région PACA est flagrant.

Est donc préconisé un rééquilibrage, mais rien n'est dit sur l'origine de ces disparités et si elles reflètent des disparités de demandes sur le territoire ou des disparités de priorités.

Par ailleurs, comment un rééquilibrage de l’intervention de l’État pourrait-il se faire à budget constant sans déstabiliser des structures déjà fragiles. Ne faut-il pas plutôt réaliser ce rééquilibrage en augmentant le soutien national global en visant les régions à forte demande (Sud-Est et Sud-Ouest), afin aussi d’alléger la charge locale, autant que les régions où l’on pense que la demande est à développer ?

L’affluence du public

Concernant l’affluence du public, le rapport montre une évolution du public lyrique en légère baisse en région, mais le fait qu’il cite les informations 2017 de la ROF qui n’incluent pas, notamment, Lyon, Rouen, Angers-Nantes Opéra, le Festival d’Aix-en-Provence, ne permet pas de retrouver tout à fait le volume de 800 000 spectateurs lyriques estimé chaque année hors de la région parisienne. 

Là aussi, un besoin de recensement et de classification par genre, comme cela est pratiqué en Allemagne, serait nécessaire pour disposer de données plus précises.

Afin de permettre un accès plus large des publics aux scènes lyriques, le développement du chant choral est l’une des pistes privilégiées.  Il est ainsi rappelé l’intention de l’État qui est de s’engager à ce que chaque enfant bénéficie d’un parcours artistique et culturel de qualité pendant sa scolarité, avec pour objectif l’implantation d’une chorale dans toutes les écoles élémentaires et collèges. Où en est-on dans la réalisation de cet objectif ?

Les partenariats et coopérations pour favoriser la création

Les partenariats et coopérations avec les compagnies et ensembles indépendants sont très bien mis en valeur par le rapport afin de souligner l’avantage à produire un spectacle qui pourrait être repris avec le même ensemble au sein de différentes maisons, avec toutefois une fragilité au niveau du financement, car un ensemble indépendant ne bénéficie pas de subventions à la hauteur des 80 % qu’obtiennent les orchestres nationaux en région.

Le rapport pose aussi la question du sens à maintenir des compagnies de ballets au sein des structures en région, alors que des coopérations avec les Centres Chorégraphiques Nationaux existent et peuvent être renforcées.

Par rapport aux autres secteurs culturels, les maisons lyriques ont beaucoup moins de marges de manœuvres pour favoriser la création, ce qui contribue à les rattacher au passé dans la mémoire collective. Là aussi, les compagnies, les ensembles indépendants et les Centres nationaux de Création musicale peuvent jouer un rôle pour revitaliser le tissu créatif, à l’instar de compagnies telles T&M, fondée en 1976 par Georges Apergis, ou bien d’ensembles tels Le Balcon, créé par Maxime Pascal

Le graphique ci dessous donne un aperçu des compagnies, ensembles et Centres Nationaux chorégraphiques et musicaux répartis sur le territoire (les localisations ne sont qu’approximatives de par la forte densité en région parisienne et les changements réguliers de résidences).

Compagnies et ensembles indépendants et Centres chorégraphiques et de Création musicale

Compagnies et ensembles indépendants et Centres chorégraphiques et de Création musicale

Les relations entre l’Opéra national de Paris et les Opéras en régions

Les relations entre l’Opéra national de Paris et le réseau national sont fortement étudiées.
Ainsi, Alexander Neef propose d’organiser des auditions décentralisées pour permettre à de jeunes élèves éloignés d’intégrer son Académie, plutôt que de financer les déplacements vers Paris, ce qui constituerait un signe fort d’ouverture au territoire.

Le rapport sur la diversité commandé par l’institution à Pap Ndiaye et Constance Rivière est également cité en exemple afin de renforcer la charte éthique élaborée par la Réunion des Opéra de France qui est jugée insuffisante.
Toutefois, les séances de travail avec la direction de l’Opéra orientent les réflexions non pas vers une décentralisation mais vers des échanges favorables à toutes les parties.

Est ainsi proposé de faire circuler les productions de l’Académie de l’Opéra à travers le réseau national en région pour offrir aux jeunes chanteurs la possibilité de chanter sur de grandes scènes.

Alexander Neef a également défendu, dès son arrivée, le projet de salle modulable de l’Opéra Bastille afin d’offrir une vitrine dans la capitale aux nouveaux formats lyriques, mais l’État a reporté cette proposition à une date ultérieure. Le directeur a alors suggéré de présenter à Garnier ou Bastille, en version de concert, des œuvres jamais ou peu reprises à l’Opéra et représentées en région.

Une autre possibilité suggérée serait de diffuser sur la plateforme « l’Opéra chez soi » des captations proposées par des maisons d’opéra en région.

Le rapport s’achève sur une trentaine de recommandations (dont l’incitation de France Télévisions à participer à l’effort de transmission) et sur une contribution de Bernard Foccroulle qui évoque la nécessité du monde lyrique à renforcer ses liens avec les autres identités culturelles, sans renoncer pour autant à ses propres spécificités. Il s’agit ni plus ni moins d’œuvrer à un opéra du XXIe siècle dans toutes ses dimensions en révisant ses modes de programmation et de communication.

Le rapport complet : La politique de l'art lyrique en France (culture.gouv.fr) 

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