Publié le 28 Septembre 2013

Après l’émoi suscité par la destitution de Mortier de la direction artistique du Teatro Real, le 11 septembre dernier, deux semaines de négociations s’en sont suivies afin de trouver une issue qui pénalise le moins possible les projets en cours.
Quand le New-York City Opera avait rompu son contrat avec Mortier à cause de la forte réduction du budget artistique induit par la crise financière en 2008, le directeur avait été dédommagé de 400.000$. Le conseil d’administration du Teatro Real avait donc intérêt à ne pas toucher aux projets de Mortier et, jeudi dernier, une conférence de presse a confirmé que Mortier devenait le Conseiller Artistique du Real, sans remettre en question ses projets pendant deux ans.

Le journal El Pais relate précisément les idées et projets qui ont été abordés lors de cette conférence. Cette conférence révèle à quel point Mortier a été affecté par la destruction de son projet par Nicolas Joel, après son départ de l'Opéra de Paris, et il a obtenu des engagements pour que cela ne se reproduise pas .
L’article est traduit en français ci-dessous.

https://cultura.elpais.com/cultura/2013/09/26/actualidad/1380196918_505429.html

Jeudi 25 septembre matin, Joan Matabosch a été officiellement présenté comme le nouveau Directeur artistique du Teatro Real pour succéder à Gerard Mortier qui devient, lui, le Conseiller artistique du Théâtre.
Ce nouveau poste a été créé afin de permettre à Mortier de prendre le temps de soigner son cancer en Allemagne et de réduire autant que possible la tension avivée par l’annonce de sa destitution.

Matabosch prendra officiellement ses nouvelles fonctions le 1er Janvier 2014. En attendant, il restera le directeur artistique du Liceu à Barcelone et profitera de ce temps pour s’adapter à ses nouvelles fonctions au Teatro Real. "Cela démontre la bonne relation entre le Liceu de Barcelone et nous, et la capacité de travail de Joan Matabosch", a déclaré le président du conseil d'administration du Théâtre Royal, Gregorio Marañón , au cours de la conférence de presse .

A propos de Mortier, Marañon revient sur la bonne entente entre le directeur flamand et son successeur ce qui « lui permettra de poursuivre son travail dans la continuité tout en apportant son extraordinaire connaissance de l'opéra et de la culture musicale ». Le président n‘a cependant donné aucune information sur les conditions financières de la négociation, mais il a affirmé que le Teatro Real est convaincu "du bien fondé de cette nomination" et souligné le sentiment positif qu’a généré l’annonce de son arrivée.
 

Pour sa part, Matabosch a exposé les grandes lignes de son projet au cours d’un important discours riche en références culturelles. Au début, il s’est étendu longuement sur le travail de son prédécesseur en assurant qu’il ne rompra pas la ligne suivie jusqu’à présent. « Ce théâtre bénéficie de l’extraordinaire héritage artistique de Gerard Mortier. Nous devons trouver les moyens de le préserver, conserver tout ce que ce théâtre a amélioré depuis ces dernières années comme la qualité des spectacles, y compris les plus controversés, le socle artistique commun, la projection internationale du théâtre, et d’autres aspects importants de sa gestion. C’est pourquoi je préfère parler de continuité, au moins jusqu’à un certain point. Ainsi, je voudrais dédié à Gerard Mortier ces paroles et, en même temps, lui souhaiter tout le bien possible dans sa lutte contre sa maladie ».

 

 Matabosch a alors illustré par un exemple cette «continuité» . «Nous n’allons pas faire au Teatro Real ce que l’Opéra de Paris a fait après le départ de Gerard Mortier, c’est-à-dire imposer une programmation la plus opposée possible à son travail, donnant l’impression d’une tentative pour éliminer toute trace de son passage à la direction de cette institution. Nous ne voulons rien de tout cela à Madrid » a-t-il dit en référence à Nicolas Joel, le remplaçant de Mortier à l’Opéra de Paris.

 

Matabosch ne touchera pas à la saison en cours. Il se contentera, a-t-il expliqué, de gérer et aider Mortier à développer sa programmation normalement. A partir de la saison suivante, il y aura quelques changements qui, selon lui, ont été prévus par Mortier pour des raisons qui ne tiennent pas à la ligne artistique, sinon aux disponibilités ou aux contretemps administratifs, ou bien à la situation sur le marché lui-même.

D’importantes modifications arriveront alors dès la saison 2015-2016. Matabosch pourra commencer à traduire sa vision qui se divisera en trois volets.
Le répertoire sera étendu. « Il sera plus contrasté et des opéras belcantistes que l’on n’a pas encore entendu seront pour la première fois montés. Historiquement, il y a toujours eu une grande méfiance des rénovateurs de l’art lyrique, comme Mortier, vis-à-vis d’un certain répertoire du XIXème siècle et il y a une bonne raison à cela : dans le passé, ce répertoire était lié à un style de représentation décadent et au culte des « étoiles » incapables de s’intégrer à un groupe, à la routine, et aux répétitions qu’elles expédiaient et parfois évitaient entièrement. C’était ainsi avant mais, maintenant, les choses ont complètement changé.

Matabosch veut également élargir le spectre des directeurs scéniques afin d’obtenir une «esthétique plus contrastée». « Mais la dramaturgie restera un objectif final sans concession : car elle exprime le sens de l’œuvre. Tout ce qui mettra en valeur et rendra accessible ce sens sera bien accueilli. Et le sens d’une œuvre n’est pas l’application littérale des annotations d’une partition, sinon ce qu’une lecture en exprime. C’est pourquoi nous avons besoin qu’un artiste interprète l’œuvre» en laissant entendre qu’il ne monte pas des œuvres dans l’intention d’éviter la polémique à tout prix.

Le troisième volet du projet de Matabosch consiste à renforcer le potentiel vocal et musical. Autrement dit, il y aura de bons chanteurs et un directeur musical titulaire. Mais ce dernier ne sera nommé qu’une fois les œuvres programmées par Mortier pour les deux prochaines saisons achevées, car leur concept repose sur un système de directeurs musicaux invités qui atterrissent à Madrid pour chaque production. Le débat sur le choix du nouveau directeur musical titulaire ouvrira, vraisemblablement, au milieu de la saison en cours.

Quant à l'avenir du Liceu de Barcelone, Matabosch assure qu’il ne participera pas à la nomination de son remplaçant, bien que l’on puisse lui demander son avis. La recherche de ce candidat aura lieu au cours des prochains mois et, en principe, il rentrera en fonction dès septembre 2014.

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Publié le 27 Septembre 2013

Alceste (Christoph Willibald Gluck)
Répétition générale du 09 septembre &
Représentations du 22 et 28 septembre 2013

Admète Yann Beuron
Alceste Sophie Koch
Le Grand Prêtre Jean François Lapointe
Hercule Franck Ferrari
Coryphées Stanilas de Barbeyrac
                 Marie-Adeline Henry
                 Florian Sempey
                 Bertrand Dazin
L’Oracle François Lis

Mise en scène Olivier Py
Direction musicale Marc Minkowski
Chœur et Orchestre des Musiciens du Louvre

                                                                                                        Dionysos

La détermination d’Alceste à rejoindre les enfers pour éviter de vivre avec l’absence de son homme aimé est une force romantique que l’on retrouve dans le personnage de Juliette, l’héroïne de Shakespeare.
Alors, en faisant tant ressembler la femme d’Admète à sa Juliette telle qu’il l’avait représentée à l’Odéon, avec son long manteau noir et sa chevelure si féminine, Olivier Py ne fait que révéler cette similitude entre le compositeur allemand et le dramaturge anglais.

Sophie Koch (Alceste)

Sophie Koch (Alceste)

Pour le spectateur d’opéra curieux de bon théâtre, c’est-à-dire de cet art qui s’intéresse à la vie de l’esprit avec tous ses méandres sombres et inextricables, et accoutumé à l’univers du metteur en scène, la poésie visuelle qui émane de ces décors éphémères dessinés si finement à la craie sur de larges pans noirs devant lesquels les personnages vivent la joie et la douleur du drame dans leur vérité simple et touchante, est une très belle manière de rendre le classicisme de l’œuvre plus proche de lui.

Sophie Koch (Alceste)

Sophie Koch (Alceste)

On se laisse aller à admirer les détails de la façade de l’Opéra Garnier, le temple d‘Apollon, maître de la Poésie et de la Musique, la reconstitution des rues de ce qui semble être Venise, les forêts torturées, la nuit étoilée derrière laquelle le chœur murmure un magnifique chant élégiaque, les symboles évidents du Cœur et de la Mort, et Olivier Py réussit naturellement à saisir l’essence du texte et la transcrire dans une vision qui lui ressemble, jusqu’aux garçons toujours physiquement parfaits, qu’il s’agisse des enfants d’Alceste, ou bien de cet Apollon dansant et solaire que l’on retrouvait dans sa pièce Die Sonne.
Ainsi, s’opposent à travers la sensualité de ce même danseur, les forces tentatrices dionysiaques, lors du banquet que célèbre le peuple à la joie de savoir Admète sauvé, et les forces inspiratrices du lyrisme, Apollon, qui l‘emportent à la fin.

Yann Beuron (Admète)

Yann Beuron (Admète)

Dans le troisième acte, il fait également un très bel usage de l’éclairage néon pour induire une atmosphère crépusculaire dans la salle même, alors qu’Alceste se présente aux portes des enfers, devant l’orchestre, situé sur la scène, laissant ainsi la fosse se transformer en Styx symbolique, embrumé tout en chantant, par l’intermédiaire du chœur, la voix lugubre des morts.

Il saisit ainsi la beauté essentielle de la musique, la délicatesse des sentiments humains, tout en laissant, de ci de là, surgir les thèmes qui lui tiennent à cœur, le désespoir politique que suscite le sort funeste d’Admète, la noirceur romantique d’Alceste, la vitalité insolente d’un éphèbe couvert des lauriers de la poésie et du chant, et, enfin, les symboles chrétiens qui sauvent de tout.

Le Banquet (deuxième acte)

Le Banquet (deuxième acte)

Tout en osmose avec son orchestre, Les Musiciens du Louvre, Marc Minkowski insuffle à la musique de Gluck une tension vivifiante dont il exalte la modernité des couleurs, une grâce éthérée que l’on ne lui connaissait pas, sans accentuer pour autant le pathétisme de la partition.
Et il est au cœur du drame, de la vie intérieure de chaque chanteur, ce qui l’oblige à une attention de toute part, jusqu’aux chœurs, importants acteurs de la pièce, superbes de nuances, de tonalité profonde si changeante, qui peuvent autant exprimer la force de l’espoir que les tristes murmures des adieux.
Tout cela est véritablement très beau à voir et à entendre, austère diront certains, ou terriblement vrai comme le ressentiront bien d'autres.

Sophie Koch (Alceste)

Sophie Koch (Alceste)

Tragédienne classique, Sophie Koch est donc une Alceste faite pour se fondre dans ce théâtre moderne. Elle ne domine pas Yann Beuron, mais se situe dans un échange à part égale, sa voix plutôt claire, révélant des graves magnifiquement dramatiques dans « Divinités du Styx »,  tout en lui permettant de conserver une netteté de diction qu’elle gomme parfois quand les noirceurs lyriques l’emportent.

C’est cependant dans toute la détermination du premier acte qu’elle est la plus impressionnante.

Florian Sempey, Stanilas de Barbeyrac, Bertrand Dazin, Marie-Adeline Henry (les Coryphées)

Florian Sempey, Stanilas de Barbeyrac, Bertrand Dazin, Marie-Adeline Henry (les Coryphées)

Yann Beuron, ténor poétique tel qu’on aurait si bien envie de le décrire, est d’une humaine évidence, un charme vocal sombre qui, lui, reflète le fatalisme de la musique avec un sens de l’intériorité pathétique que peu de chanteurs français peuvent atteindre.

Et de cette distribution entièrement francophone qui intègre les jeunes fleurons de l’Atelier Lyrique, Stanilas de Barbeyrac, Marie-Adeline Henry, Florian Sempey, tous excellents, Jean François Lapointe y trouve, en Grand Prêtre, un rôle dont il soigne la prestance et le langage.

Apollon

Apollon

 Franck Ferrari, lui, se démarque toujours aussi bien dans les opéras de Gluck, doué d’une vérité expressive naturelle à la fois forte et inquiétante qui, même dans des rôles courts, lui donne une présence qui marque bien au-delà de la représentation.

Et se conjuguent ainsi à cet ensemble si homogène, les éclats de voix baroques du contre ténor Bertrand Dazin, et les noirceurs détachées de François Lis.

Alceste (Koch-Beuron-Lapointe-Minkowski-Py) Palais Garnier

A l'entracte, le rideau se baisse sur une reproduction inspirée de La montée des âmes vers l'Empyrée de Jérôme Bosch, chef d'oeuvre de l'Art flamand conservé au Palais des Doges, dont la lumière fait écho aux derniers mots gravés sur le décor : La Mort n'existe pas

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Publié le 15 Septembre 2013

L'Affaire Makropoulos (Leos Janacek)
Répétition générale du 14 septembre 2013 et représentation du 16 septembre 2013
Opéra Bastille

Direction musicale Susanna Mälkki
Mise en scène Krzysztof Warlikowski

Emilia Marty Ricarda Merbeth
Albert Gregor Attila Kiss-B
Jaroslav Prus Vincent Le Texier
Vítek Andreas Conrad
Krista Andrea Hill
Janek Ladislav Elgr
Maître Kolenaty Jochen Schmeckenbecher
Hauk-Sendorf Ryland Davies

Production créée en avril/mai 2007 à l’Opéra Bastille
Coproduction avec le Teatro Real de Madrid           Marilyn Monroe (ouverture de Věc Makropulos)


Des quatre productions réalisées par Krzysztof Warlikowski sous la direction de Gerard Mortier, l’Affaire Makropoulos est celle qui a obtenu l’unanime reconnaissance de la part du public et de la critique.
Toute sa mise en scène joue sur l’ambivalence des désirs humains et de leurs rapports à l’instinct animal, lorsqu’ils prennent pour objet une artiste mythique. Et l’on retrouve dans tout le livret de cet opéra des allusions à ces émotions fondamentales.

Ricarda Merbeth (Emilia Marty) et Attila Kiss-B (Albert Gregor)

Ricarda Merbeth (Emilia Marty) et Attila Kiss-B (Albert Gregor)

On reconnait ainsi dans le travail de Warlikowski cette formidable capacité à construire un spectacle à partir d’une lecture extrêmement détaillée du texte, et d’une analyse profondément humaine de la nature des personnages.

Ainsi, dès l’ouverture de l’Affaire Makropoulos, la musique de Janacek s’empare d’un univers cinématographique où se mêlent des extraits de films du divorce de Marilyn Monroe avec Joe DiMaggio, de sa rencontre avec ses fans, et de King Kong, symbole animal du désir du mystère

féminin.

Par la suite, les trois actes nous font passer de la Marilyn de « The seven Year Itch » (Billy Wilder 1955) à  Rita Hayworth, quand elle jouait  dans « Gilda » (Charles Vidor 1946), pour conclure sur le dernier film inachevé de Marilyn, « Something’s got to give » (George Cukor 1962), et la scène de la piscine.

Les transitions sont assurées par des extraits de « Sunset Boulevard » (Billy Wilder 1950) qui projettent les fascinantes expressions de Gloria Swanson, dans le rôle d’une actrice résolument attachée à vivre éternellement ses heures de gloire.


                                                                                      Andrea Hill (Krista)

 

Ce contexte psychologique, fortement sensuel, est ainsi magnifiquement projeté vers le spectateur, ce qui le rend en prise avec l’oeuvre même s’il ne comprend pas tout de cette intrigue complexe.
Pour la résumer, nous sommes au XXième siècle alors qu’un procès oppose Ferdinand Mc Gregor et Jaroslav Prus, descendants de deux familles qui se disputent l’héritage du Baron Prus, homme qui vécut au début du XIXème siècle.

Vincent Le Texier (Jaroslav Prus)

Vincent Le Texier (Jaroslav Prus)

La célèbre et mystérieuse chanteuse Emilia Marty semble s’intéresser de près à cette affaire, et tout le monde, hommes et femmes, est attiré par elle, même Ferdinand et Krista.

L’histoire va révéler que si cette femme est aussi froide, et pourtant attirante, c’est parce qu’elle a bu un élixir de vie qui l’a rendu immortelle. Elle en a perdu aussi son goût de la vie.

Son intérêt pour ce procès, lui, vient de la liaison qu’elle eut dans le passé avec le baron Prus, quand elle se nommait Elina Makropoulos. Elle recherche les preuves écrites de cette relation pour réparer l‘injustice envers Mc Gregor, mais également pour retrouver le remède qui pourrait la rendre à nouveau mortelle.

Ricarda Merbeth (Emilia Marty)

Ricarda Merbeth (Emilia Marty)

Depuis la dernière reprise, en 2009, la distribution est presque intégralement renouvelée.
Il n’est évidemment pas facile pour Ricarda Merbeth de succéder à Angela Denoke. Elle n’en a pas le glamour, et elle n’a jamais été une grande actrice.

Mais une fois passées les limites de l’incarnation de Marilyn Monroe, la soprano allemande trouve un moyen d’expression qui dessine d’une voix belle et troublante aux accents acides un portrait d’Emilia Marty hautain et un peu déjanté, ce qui souligne encore plus, par l’attraction que lui vouent les protagonistes, cette faculté que peut avoir l’être humain à s’éprendre d’un personnage qui méprise pourtant cet élan instinctif.

Ricarda Merbeth (Emilia Marty)

Ricarda Merbeth (Emilia Marty)

Surprenante, elle l'est aussi par la formidable adaptation au rôle qu'elle a acquise depuis la dernière répétition, lapidaire dans le geste et clairement plus spontanée.

Toute la scène finale est un immense chant à la vie, et elle l'offre sans la moindre retenue. Sa voix, resplendissante, résonne toujours dans la tête plusieurs heures après la fin de la représentation.

Scène, orchestre et "Boulevard du Crépuscule" (ouverture du IIIeme acte de l'Affaire Makropoulos)

Scène, orchestre et "Boulevard du Crépuscule" (ouverture du IIIeme acte de l'Affaire Makropoulos)

Attila Kiss-B, en Ferdinand McGregor, paraît dans un premier temps assez banal. Mais, à partir du duo intime avec Emilia, le moment clé où le drame s’humanise, il gagne en force et en intensité pour devenir un personnage dont la présence puisse s’opposer à celle de Vincent Le Texier.
Car ce dernier a l’habitude de travailler avec Krzysztof Warlikowski, et cela se voit. Il joue un extraordinaire Jaroslav Prus, implacable avec ses partenaires, c’est véritablement une très grande incarnation théâtrale. Sa voix est en plus génialement expressive.

Vincent Le Texier (Jaroslav Prus) et Ricarda Merbeth (Emilia Marty)

Vincent Le Texier (Jaroslav Prus) et Ricarda Merbeth (Emilia Marty)

Tous les seconds rôles, sans exception, sont très bien tenus et, comme toujours avec Warlikowski, totalement crédibles scéniquement. Ils sont liés par la force du théâtre.

Ainsi, Andrea Hill est merveilleuse de pétillance, et d'une douceur tout charmante, en Krista. Elle est accompagnée dans son grand air d'entrée par un magnifique ensemble d'entrelacements de cordes qui vise les sentiments les plus nostalgiques du coeur.

Ricarda Merbeth (Emilia Marty)

Ricarda Merbeth (Emilia Marty)

Car la direction musicale est une très grande interprétation de ce chef-d'oeuvre. Susanna Mälkki travaille les couleurs et l’homogénéité d’ensemble en laissant de l’épaisseur et de l’âpreté aux cordes sans négliger pour autant le lyrisme de la musique. Les flûtes jaillissent et surprennent à la manière des jets d’eau des geysers, les cuivres, d’une rondeur chaude, sont fondus dans la masse avec éclat, et, malgré la complexité orchestrale, il règne une harmonie vivante très surprenante à écouter. On dirait que l'énergie de la moindre phrase se communique aux motifs qui lui succèdent comme dans une sorte d'allant sans cesse renouvelé. Il y a de la tension, même dans les moments les plus intimes.

Vincent Le Texier, Susanna Mälkki et Ricarda Merbeth

Vincent Le Texier, Susanna Mälkki et Ricarda Merbeth

Alors, au delà du plaisir que l'on éprouve à retrouver Krzysztof Warlikowski à l'Opéra National de Paris, de nombreux signes laissent penser que cette saison débute sur une voie immuablement mêlée d'excellence, d'intelligence et de profondeur. Et il faut espérer que ce spectacle trouve un public curieux, désireux de sortir du conformisme toujours plus puissant, pour découvrir une oeuvre et une musique qui ne le laisse pas indifférent.

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Publié le 14 Septembre 2013

Depuis l'annonce de la destitution de Gerard Mortier de la direction artistique du Teatro Real de Madrid et de son remplacement immédiat par Joan Matabosch, le directeur du Liceu de Barcelone, un froid est tombé sur le théâtre. En attendant de connaître comment la situation juridique va être résolue, le directeur flamand a en effet fait savoir qu'il compte mener entièrement cette saison si importante pour lui, Ana Arambarri, membre des "Amis du Teatro Real", s'est exprimée dans le journal El Pais. Ce qu'elle décrit du comportement des membres du conseil d'administration n'est cependant pas spécifique à la capitale espagnole.

Sa lettre est traduite ci dessous en français.

https://elpais.com/elpais/2013/09/13/opinion/1379091800_792080.html

 

Mais ici, qui démissionne?

La disparition de Gerard Mortier du Teatro Real pénalise un projet ambitieux, intelligent et novateur pour l’Opéra sur la scène Madrilène. Il a été un directeur artistique innovateur, polémique, autant apprécié que décrié, et qui n’a laissé personne indifférent.

Mortier, durant les années où il a eu la charge de directeur artistique du Teatro Real, a été associé avec grande habileté aux personnes de pouvoir qui lui ont permis de réaliser ses objectifs. Ce sont ces mêmes personnes qui, pourtant, l’ont trahi.
 

Mortier, qui a appris par la presse qu’il a été destitué, croit que certains membres du conseil d’administration devraient démissionner. Mais qui, ici, démissionne ? Actuellement, personne ne se sent concerné par le projet de Mortier. Et nous n’entendons même pas la voix de ceux qui se disent fervents partisans de la culture par le simple fait qu'ils sont membres du conseil d'administration du Théâtre Royal. Leur attitude démontre ce que tout le monde savait : à quelques exceptions près, ces personnes ne sont là que pour des raisons sociales qui dépassent la simple défense de la cause culturelle.

Je ne crois pas dans le slogan triomphaliste répété ces dernières années : "Nous avons placé le Teatro Real sur la scène mondiale." Sûrement pas. En revanche, Mortier a rendu possible une nouvelle proposition, un répertoire peu connu, des productions théâtrales innovantes et, surtout, il a réalisé un travail exceptionnel pour améliorer l'orchestre et le chœur.

 

                              Terrasse du Teatro Real lors du concert de Rufus Wainwright (22 juillet 2013)

Alors, cette mise à l’écart est bien triste. Dans une société ouverte et démocratique, les solutions passent par la confrontation des projets et la négociation des résultats. Malheureusement, il n’en a pas été ainsi. Ni les arguments intelligents, ni les propositions de Mortier pour élire un nouveau directeur artistique n’ont été pris en compte. Le mauvais coup fait à Mortier est le symbole du triomphe de la médiocrité qui gangrène notre pays.

Interview de Gerard Mortier à l'ENO au moment de sa prise de fonction au Teatro Real (2009)

Mais ... que peut-on attendre de ces protecteurs, amis et mécènes du théâtre, qui se réfugient dans le silence au lieu de montrer leur engagement envers le projet pour lequel ils ont été nommés.

Que pouvons-nous attendre de ces personnes, si certaines d'entre elles sont capables de rédiger des notes de travail ou d'envoyer des messages sur leur mobile au cours de l' Agnus Dei du Requiem de Verdi ?

Ana Arambarri.

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Publié le 8 Septembre 2013

Lucia di Lammermoor (Gaetano Donizetti)
Répétition générale du 05 septembre &
Représentation du 07 septembre 2013

Opéra Bastille

 
Lucia Sonya Yoncheva / Patrizia Ciofi
Edgardo Michael Fabiano / Vittorio Grigolo
Enrico George Petean / Ludovic Tézier
Arturo Alfredo Nigro
Raimondo Orlin Anastassov
Alise Cornelia Oncioiu
Normanno Eric Huchet

Direction musicale Maurizio Benini
Mise en scène Andrei Serban (1995)

                                                                                                        Michael Fabiano (Edgardo)

 

Depuis sa création en janvier 1995, alors que Roberto Alagna faisait sa première apparition à l’Opéra National de Paris, la mise en scène de Lucia di Lammermoor dirigée par Andreï Serban se redécouvre à chaque reprise, comme si l’expérience de vie orientait, avec le temps, les points de vue que l’on a sur les choses.

Sonya Yoncheva (Lucia di Lammermoor)

Sonya Yoncheva (Lucia di Lammermoor)

En apparence, l’esthétique de cette salle d’armes brutale, dominée par les militaires et les notables, ne peut que dérouter le spectateur, car il s’attend généralement à voir un univers raffiné et romantique comme celui du château Culzean, une ancienne propriété construite face aux vents des côtes de l'Ecosse,   qui avait inspiré Mary Zimmermann pour sa mise en scène au New-York Metropolitan Opera.

Mais, au milieu de ce fatras vulgaire, on peut y voir une Lucia perdue en recherche de tout ce qui lui remémore son univers d’enfance, les ballons qu‘elle adorait pousser vers le ciel, le lit superposé en haut duquel elle pouvait trouver refuge, la paille dans laquelle elle se cachait, et cette balançoire qu’elle est la seule à avoir vu parmi les cordes pour y chanter la cabalette rêveuse « Egli è luce a’ giorni miei ».
 

Elle est un être en réaction face à un monde qui ne lui convient pas, d’autant plus qu’il est violent.

Dans cette vision, Patrizia Ciofi est une tragédienne qui s‘y accorde à merveille, et son chant surnaturel se diffuse uniformément dans toute l’ampleur de la salle avec une finesse qui compense la blancheur du timbre. Son personnage est une petite fille toute fragile et vivante qui accentue le décalage avec son entourage viril et oppressant, et elle joue cela avec un sens de la vitalité adolescente très sensible qui ne vire jamais à la démonstration purement technique. L’interprétation est donc entière.

Les coloratures se délient avec une légèreté charmeuse, quelques piqués se font plus confidentiels et, surtout, elle use de son art de la modulation saisissant quand elle amplifie progressivement le volume de son chant pour envahir les sens de l’auditeur. 

                                                                                             Patrizia Ciofi (Lucia di Lammermoor)

 

Ainsi, au cours de cette première représentation, Patrizia Ciofi a non seulement reçu une très longue ovation, mais celle-ci s’est ensuite poursuivie devant le rideau noir, juste avant la dernière scène, pour reprendre de plus belle au salut final. Elle était dans une joie folle.

Son partenaire, Vittorio Grigolo, campe un Edgar sonore et éclatant, mais à la manière d’un bel Hidalgo qui joue beaucoup trop son personnage. Il n’est alors plus possible d’être touché par ses effets trop affectés. 

Sonya Yoncheva (Lucia di Lammermoor)

Sonya Yoncheva (Lucia di Lammermoor)

Ce n’est pas la seule raison à ce manque d’empathie personnelle. Deux jours avant, lors de la répétition, le public a découvert le ténor américain Michael Fabiano. Ce fut la stupéfaction aussi bien pour l’ensemble de la salle qui a pu apprécier un chanteur impulsif, superbement engagé dans un rôle puissant et sous lequel on ressent la noirceur des blessures qui libèrent l’animalité du chant, que pour le chanteur lui-même qui ne s’attendait peut-être pas à une telle énergie chaleureuse de la part de ce public qui en a été unanimement ébloui.

Ludovic Tézier (Enrico)

Ludovic Tézier (Enrico)

Dans cette deuxième distribution, Sonya Yoncheva est une Lucia rayonnante de couleurs vocales, très en chair, jouant de son corps pour souligner sa tendresse féminine et, quelque part, elle forme avec Michael Fabiano un duo qui approche de beaucoup le couple que forment Carmen et Don José dans l’opéra de Bizet. Ils sont tous les deux pris dans une relation très sensuelle sur un même pied d‘égalité, alors que Grigolo s’impose plus comme une sorte de grand frère de cœur qui domine sa petite sœur fragile et nerveuse.

Sonya Yoncheva est fascinante de vérité, son personnage n’est plus lunaire comme celui de Patrizia Ciofi, et elle se joue avec une facilité incroyable de toutes les difficultés en timbrant magnifiquement les notes aigues au point de faire vibrer très sensiblement les tympans.

Patrizia Ciofi (Lucia di Lammermoor) et Vittorio Grigolo (Edgardo)

Patrizia Ciofi (Lucia di Lammermoor) et Vittorio Grigolo (Edgardo)

Et les deux Enrico sont également très différents. George Petean ne joue pas très bien sur scène, mais il a une présence et un côté méchant assumé qui passe bien.  Ludovic Tézier, lui, est beaucoup plus ambigu. Sa froideur de jeu laisse très souvent transparaître une bonté naturelle que la démarche trahit, ce qui le rend, malgré lui, trop sympathique.
Le chant est cependant stylé, et les duo avec Lucia et Edgar sont très bien réussis.

Parmi les rôles secondaires, Orlin Anastassov interprète un Raimondi aux accents slaves qui font intervenir étrangement les réminiscences de rôles écrits par Tchaïkovski, et Cornelia Oncioiu soutient avec sagesse la jeune Lucia.

Sonya Yoncheva (Lucia di Lammermoor) et Michael Fabiano (Edgardo)

Sonya Yoncheva (Lucia di Lammermoor) et Michael Fabiano (Edgardo)

Pleine de fougue verdienne et excessive lors de la répétition générale, la direction musicale de Maurizio Benini est beaucoup plus contenue lors de la première représentation.

 L’ouverture, tremblante et dramatique, est à l’image d’une vision théâtrale un peu instable qui libère pourtant des lignes sentimentales fortes et laisse la place à la beauté des instruments solo de l’orchestre. C’est un bien luxueux plaisir que de réentendre l’orchestre dans cette salle.

Malheureusement, le Glass Harmonica n’est pas repris dans la scène de folie, et c’est donc la flûte qui répond poétiquement à Lucia. En revanche, la scène et le duo du troisième acte, coupés lors des reprises précédentes, est rétabli avec un ajout de mise en scène, autour de la grande cage centrale, et un travail sur les éclairages qui semble avoir été repris dans les autres scènes également.

Patrizia Ciofi (Lucia di Lammermoor)

Patrizia Ciofi (Lucia di Lammermoor)

Avec un tel début spectaculaire, l’Opéra de Paris redonne un peu de fraîcheur et l’espoir que cette nouvelle saison fasse oublier les nombreux vides de la saison précédente, à peine comblés par le déploiement merveilleux de Philippe Jordan dans la reprise du Ring.  Et pour celles et ceux qui resteront fascinés par Sonya Yoncheva et Michael Fabiano, il sera possible de les retrouver tous les deux à l'Opéra d'Amsterdam en mai 2014 pour une nouvelle production de Faust mise en scène par la Fura Dels Baus.

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Publié le 4 Septembre 2013

Dimanche 01 septembre 2013 sur Arte à 18h20
Symphonie n°3 de Beethoven
Festival de Lucerne, dir Abbado

Mardi 03 septembre 2013 sur France 2 à 00h30
Siddharta (Mantovani)
Ballet de l'Opéra National de Paris, dir Mälkki, chr Preljocaj

Samedi 07 septembre 2013 sur France 3 à 00h15
La Source (Delibes)
Ballet de l'Opéra National de Paris, dir Kessels, chr Bart

Dimanche 08 septembre 2013 sur Arte à 12h30
Wagner versus Verdi (6/6)

Dimanche 08 septembre 2013 sur Arte à 18h20
Concerto n°1 de Tchaïkovski
Berezovsky (piano)
Philharmonique de l'Oural, dir Liss

Lundi 09 septembre 2013 sur Arte à 00h25
La Finta Giardiniera (Mozart)
Festival d'Aix en Provence 2012
ms Boussard, dir Spering

Mardi 10 septembre 2013 sur France 2 à 00h30
Rêve d'hiver (Documentaire de Normand)
Symphonies n°1 et 2 de Tchaïkovski
Théâtre Mariinsky, dir Gergiev

Samedi 14 septembre 2013 sur France 3 à 00h15
Romeo et Juliette (Gounod)
Machaïdze, Secco, Kemoklidze, Mellis, Borras
Arènes de Vérone, dir Mastrangelo, ms Micheli

Dimanche 15 septembre 2013 sur Arte à 19h00
Concerto n°4 de Beethoven
Zacharias (piano et direction)

Lundi 16 septembre 2013 sur Arte à 00h35
Concerto n°1 de Beethoven
Zacharias (piano et direction)

Mardi 17 septembre 2013 sur France 2 à 00h30
Symphonies n°5 et 6 de Tchaïkovski
Théâtre Mariinsky, dir Gergiev

Dimanche 22 septembre 2013 sur Arte à 00h05
Concerto n°2 et 3 de Beethoven
Zacharias (piano et direction)

Lundi 23 septembre 2013 sur Arte à 19h00
Concerto n°5 de Beethoven
Zacharias (piano et direction)

Samedi 28 septembre 2013 sur France 3 à 00h15
Soirée Wagner. Un Génie en exil (Sommer)
Le Crépuscule des Dieux (Wagner)
Heppner, Grochowski, Petrenko, Duesing, Dalayman, Vetter, Von Otter, Radner, Paasikivi
Philharmonique de Berlin, dir Rattle, ms Braunschweig

Dimanche 29 septembre 2013 sur Arte à 19h00
Sibelius, Bach
Kavakos (piano), Orchestre de Paris, dir Järvi


Lundi 30 septembre 2013 sur Arte à 22h30
The Perfect American (Glass)
ms McDermott, dir Russell Davis

Teatro Real de Madrid


Web : Opéras en accès libre

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La Fanciulla del West (Opéra Royal de Wallonie) jusqu'au 12 septembre 2013

Venezia (Max Emmanuel Cencic) jusqu'au 12 septembre 2013

Roméo et Juliette(Prokofiev) au Théâtre Mariinski jusqu'au 14 septembre 2013
Elektra (Festival d'Aix en Provence) jusqu'au 17 septembre 2013

Stradella (Cesar Franck) à l'Amel Opera Festival jusqu'au 19 septembre 2013

Capriccio (Opéra de Vienne) jusqu'au 29 septembre 2013

Giorno di Regno (Verdi) au Teatro Regio de Parma jusqu'au 01 octobre 2013

La Traviata (Verdi) au Teatro Regio di Parma jusqu'au 01 octobre 2013

Macbeth (Verdi)  au Teatro Regio di Parma jusqu'au 01 octobre 2013

La Force du Destin (Verdi) au Teatro Regio di Parma jusqu'au 01 octobre 2013

Il Trovatore (Verdi) au Teatro Regio di Parma jusqu'au 01 octobre 2013

Il Lombardi (Verdi) au Teatro Regio di Parma jusqu'au 01 octobre 2013

I Due Foscari (Verdi) au Teatro Regio di Parma jusqu'au 01 octobre 2013

Giovanna d'Arco (Verdi) au Teatro Regio di Parma jusqu'au 01 octobre 2013

Ernani (Verdi) au Teatro Regio di Parma jusqu'au 01 octobre 2013

Gala d'ouverture du Théâtre Mariinski II jusqu'au 01 novembre 2013

La Force du Destin (Opéra Royal de Wallonie) jusqu'au 05 novembre 2013

Le Barbier de Séville (Opéra de Lille) jusqu'au 18 novembre 2013

Pelléas et Mélisande au Théâtre Royal de la Monnaie  jusqu'au 22 novembre 2013    

Le Centenaire du Sacre du Pintemps au TCE jusqu'au 28 novembre 2013

La dispute (Théâtre Royal de La Monnaie) jusqu'au 30 novembre 2013

Lucrèce Borgia (Théâtre Royal de La Monnaie) jusqu'au 06 décembre 2013

Cosi fan Tutte (Mozart) Teatro Real de Madrid jusqu'au 21 décembre 2013

Rigoletto (Festival d'Aix en Provence) jusqu'au 11 janvier 2014

Guillaume Tell (Getry) à l'Opéra de Wallonie jusqu'au 08 février 2014

Le Couronnement de Poppée (Opéra de Lille) jusqu'au 12 avril 2014

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Rédigé par David

Publié dans #TV Lyrique