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Publié le 27 Avril 2025

Parsifal (Richard Wagner – Bayreuth, le 26 juillet 1882)
Représentation du 20 avril 2025
Wiener Staatsoper

Kundry Anja Kampe
Parsifal Klaus Florian Vogt
Parsifal jeune (rôle muet) Nikolay Sidorenko
Amfortas Jordan Shanahan
Gurnemanz Günther Groissböck
Klingsor Jochen Schmeckenbecher
Titurel Ivo Stánchev

Direction musicale Axel Kober
Mise en scène Kirill Serebrennikov (2021)
Co-metteur en scène Evgeny Kulagin
Dramaturgie Sergio Morabito
Wiener Philharmoniker

Évènement de la première saison de Bogdan Roščić à la direction de l’Opéra de Vienne, c’est pourtant lors d’une diffusion en streaming le 18 avril 2021 que le public a découvert en direct la nouvelle mise en scène de ‘Parsifal’ par Kirill Serebrennikov, les théâtres étant fermés à ce moment là dans la plupart des pays du monde. Un compte-rendu de cette diffusion en était fait ici même : Parsifal (Garanča-Zeppenfeld-Kaufmann-Tézier-Koch-Jordan-Serebrennikov) Opéra de Vienne.

Jonas Kaufmann, Elina Garanča, Ludovic Tézier, Georg Zeppenfeld, Wolfgang Koch et Philippe Jordan, à la direction musicale, étaient tellement fabuleux, et la proposition scénique était si forte, qu’il devenait important de voir cette production de ses propres yeux.

 Nikolay Sidorenko et Klaus Florian Vogt (Parsifal) - Photo Michael Pöhn

Nikolay Sidorenko et Klaus Florian Vogt (Parsifal) - Photo Michael Pöhn

Et la perception du spectacle réel montre quand même certaines différences en ce week-end de Pâques, la plus flagrante étant la liberté du regard laissée au spectateur vers la scène où vers les vidéos, ce qu’il lui permet de faire subjectivement le choix des séquences qu’il souhaite fixer.

Dans la première partie, la vie dans le milieu carcéral devient plus saisissante, le travail de direction d’acteurs se basant sur des figurants très talentueux notamment dans les scènes de rixes engendrées par la promiscuité.

Cela reste un peu trop propre pour être réaliste, les images vidéographiques donnant une teinte plus caravagesque aux visages des individus, mais la structure d’acier mobile de la prison avec ses nombreuses cellules est assez dure pour montrer comment les hommes sont considérés comme des bêtes humaines.

Au milieu de ce néant, Gurnemanz est celui qui redonne un peu de dignité aux prisonniers en prenant le temps de tatouer avec soin sur leur peau des symboles dont plusieurs sont issus directement de la mythologie de 'Parsifal', la lance en particulier. 

Parsifal (Vogt Kampe Groissböck Shanahan Kober Serebrennikov) Vienne

Kirill Serebrennikov utilise le langage poétique du tatouage pour parler du besoin de préservation de l’identité personnelle et du risque de déshumanisation totale engendré par l’enfermement, et s’appuie également sur sa poétique homoérotique pour aborder la question du rapport entre sexe et violence dans les deux premiers actes.

Pour se faire, il dédouble Parsifal en un jeune acteur au physique attirant, Nikolay Sidorenko, qui représente une force brute ne croyant qu’en elle-même et qui va tuer un prisonnier albinos, au dos tatoué d’ailes de cygne, qui le désirait de trop près.

Tout l’art du metteur en scène, totalement déployé au second acte, est de faire du Parsifal ‘chanteur’ un être devenu mûr qui a compris l’inculture de sa jeunesse mais qui intervient aussi dans l’action du passé pour essayer d’éviter au Parsifal ‘jeune’ de commettre ses propres erreurs. 

Le présent cherchant à agir sur son propre passé, on se croirait dans un film de Christopher Nolan!

 Nikolay Sidorenko (Parsifal) et Anja Kampe (Kundry) - Photo Michael Pöhn

Nikolay Sidorenko (Parsifal) et Anja Kampe (Kundry) - Photo Michael Pöhn

Le second acte au palais de Klingsor, présenté comme le siège d’un magazine de presse féminine où s’exposent sur les murs des photographies des corps de jeunes mannequins masculins, est le piège dangereux vers lequel se précipite le jeune Parsifal, alors que Kundry, amusément grimée en photographe fascinée par l’univers carcéral, est métamorphosée en femme d’affaire forte à la chevelure peroxydée. 

Mais pour cette reprise, Anja Kampe ne peut rivaliser avec le numéro de vamp qu’ Elina Garanča jouait fantastiquement pour les caméras en 2021, une référence tant vocale que scénique inoubliable. Car le jeu extrêmement abouti pour les besoins vidéographiques du streaming – seul un CD a été édité chez Sony Classical alors qu’un DVD s’imposait – n’est dorénavant plus aussi acéré, même si dans l’absolu ce ‘Parsifal’ scénique reste une référence sur ce que devrait toujours être l’opéra.

Présentement, l'acte au château de Klingsor montre une Kundry séductrice prise au piège de son désir ardent pour le corps de Parsifal – le physique fin et musclé de l’acteur Nikolay Sidorenko joue un rôle central dans cette production ainsi que son association au serpent blanc, l'énergie de vie, à travers les vidéos qui sont aussi une métaphore de la prégnance obsessionnelle des motifs wagnériens -, le jeu de séduction virant progressivement au jeu d’autodestruction, jusqu’au coup de génie du retournement de l’arme de Kundry vers Klingsor par la force de l’esprit du Parsifal mature.

Jordan Shanahan (Amfortas) - Photo Michael Pöhn

Jordan Shanahan (Amfortas) - Photo Michael Pöhn

Kirill Serebrennikov a choisi de tourner en ridicule le symbole du Graal au premier acte, une simple coupe envoyée aux prisonniers mais inspectée par les gardiens de la prison. Cela nous vaudra de voir un spectateur du parterre se lever et partir sans trop faire de bruit mais avec détermination, déçu de ne pas avoir vu Dieu sur scène. Mais après le nouveau crime qui clos le second acte, Kundry se retrouve en prison, et les retrouvailles avec Parsifal prennent une tournure très émouvante.

Les vidéos montrant quelque monastère en ruine perdu dans les neiges invitent dorénavant à une approche spirituelle et plus humaine, et alors qu’Amfortas, ce fou suicidaire obsédé par ses voix intérieures, arrive à retrouver une forme d’apaisement, c’est le Parsifal enfin évolué qui montre la voie de la libération intérieure, avec un focus sur les ailes tatouées du cygne assassiné au premier acte, le Graal véritable étant ce sentiment de liberté par rapport à soi mais aussi par rapport à la société qui devrait animer chaque être humain.

Kirill Serebrennikov mêle aussi des messages politiques subliminaux à travers les vidéos, notamment une dénonciation de la volonté de détruire la liberté d’expression – un des prisonniers cherche à retirer les fils dont est cousue sa bouche -, tout en montrant une trajectoire de Parsifal où la violence est constitutive de son évolution, une façon de trouver son chemin face à une société oppressive.

Günther Groissböck (Gurnemanz) - Photo Michael Pöhn

Günther Groissböck (Gurnemanz) - Photo Michael Pöhn

Pour cette reprise, Günther Groissböck assure le rôle du sage Gurnemanz en montrant une grande attention à la douceur de la ligne de chant mais sans imposer une autorité forte, le sentiment compassionnel étant la dimension la plus évidente du caractère qu’il incarne tout au long de la représentation.

Remplaçant Ludovic Tézier ayant du se retirer pour cause de convalescence, Jordan Shanahan fait preuve de qualités dramatiques très affirmées avec un chant incisif sans sacrifier à la musicalité, tout en étant doué d’un jeu très impulsif. Il fait moins monstre torturé que son prédécesseur, mais ses intonations noires font aussi transparaître l’animalité de son caractère sans toutefois le dépouiller de sa naturelle dimension humaine.

Parsifal 3e acte - Photo Michael Pöhn

Parsifal 3e acte - Photo Michael Pöhn

En Klingsor, Jochen Schmeckenbecher est au contraire totalement orienté vers la nature méphistophélique du magicien, une caractérisation monolithique efficace mais qui laisse moins transparaître de nuances dans la relation avec Kundry interprétée par Anja Kampe.

Après quinze ans de fréquentation du rôle, la soprano italo-allemande est encore d’une solide endurance, mais la fibre maternelle, ou peut-être compassionnelle, que l’on ressent chez elle ne lui permet pas de pousser à l’extrême la nature froide et ‘femme fatale’ de Kundry au second acte, même si elle témoigne d’un volontarisme incontestable.

Et si sur le strict plan scénique Klaus Florian Vogt ne paraît pas mettre autant de conviction que Jonas Kaufmann, lors de la création, à nuancer toutes les expressions du héros, il est cependant impossible de résister à son incarnation intemporelle tant son timbre toujours aussi nimbé d’une splendide candeur ambrée est un ensorcellement en soi. Aucune faiblesse, rien ne vient troubler l’éloquence de cette voix qui semble défier les ans avec une impression de résistance inaltérable.

Axel Kober et le Wiener Philharmoniker

Axel Kober et le Wiener Philharmoniker

Aux commandes du Wiener Philharmoniker, Axel Kober garde sous contrôle un orchestre somptueux dont il aime éprouver la puissance tout en obtenant de lui une fluidité toujours consistante, sans baisse de tension, ce qui donne ce très beau sentiment d’unité et homogénéité de la patine orchestrale, tout en faisant avancer le drame. Le récit de Kundry au second acte est par ailleurs une merveille d’envoûtement crépusculaire.

Très bel effet également du chœur féminin disséminé dans les couloirs à l’extérieur de la salle, et du chœur masculin saisissant à chacune de ses interventions.

Bien chanceux sont les Viennois de pouvoir profiter de cette production tous les ans à la période de Pâques, et au moins jusqu’en 2030!

 Nikolay Sidorenko, Anja Kampe, Klaus Florian Vogt, Günther Groissböck et Jordan Shanahan

Nikolay Sidorenko, Anja Kampe, Klaus Florian Vogt, Günther Groissböck et Jordan Shanahan

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Publié le 22 Avril 2025

Saison lyrique 2025/2026 du Teatro Real de Madrid

Teatro Real - Nueva temporada 2025 / 2026

La onzième saison de Joan Matabosch à la direction artistique du Teatro Real de Madrid a été révélée le lundi 07 avril 2025, et le moins que l’on puisse dire est que les saisons lyriques s’y suivent et ne se ressemblent guère.

En effet, l’annonce de la saison 2024/2025 en cours avait donné l’impression d’un abandon des ouvrages du XXe et XXIe siècles pour revenir au pur répertoire traditionnel, si bien qu'elle semblait traduire un renoncement au risque et à la modernité.

La saison 2025/2026 rassure sur ce point, car elle va offrir aux Madrilènes une expérience lyrique plus riche alors que plusieurs ouvrages qui sortent des sentiers battus seront présentés.

Asmik Grigorian (Desdemone) dans 'Otello'

Asmik Grigorian (Desdemone) dans 'Otello'

Ainsi, cette nouvelle saison présentera dans la grande salle 11 spectacles lyriques en version scénique ou semi-scénique, à l'identique de cette saison, et 9 soirées d’opéras en version de concert, pour un total de 101 représentations, soit 5 soirées de plus qu'actuellement, auxquelles s’ajouteront 12 représentations d’une création mondiale au Teatros del Canal.

Et 7 ouvrages seront représentés sur cette scène pour la première fois.

Gustavo Gimeno, directeur musical du Teatro Real de Madrid

Gustavo Gimeno, directeur musical du Teatro Real de Madrid

Les ouvrages du XXe et XXIe siècles

La salle principale du Teatro Real va ainsi accueillir cinq ouvrages du XXe et XXIe siècles sous forme de quatre spectacles dans quatre langues différentes.

Créés la même année, en 1911, l’unique opéra de Belà Bartók, 'Le Château de Barbe-Bleue’, est parfois associé au ballet-pantomime ‘Le Mandarin Merveilleux’, La Monnaie de Bruxelles ayant par exemple monté en 2018 une production de ce diptyque mise en scène par Christophe Coppens.

Ce sera cette fois une production de Christof Loy créée à Bâle en 2022 qui sera reprise au Teatro Real de Madrid en novembre 2025, sous la baguette du tout nouveau directeur musical, Gustavo Gimeno.

Il s’agira d’une double entrée au répertoire pour le compositeur hongrois, avec le plaisir de retrouver Evelyn Herlitzius et Christof Fischesser en Judith et Barbe-Bleue.

Trois mois plus tard, ce sera au tour de ‘Ariane et Barbe-Bleue’ de Paul Dukas (1906), opéra basé sur le même livret de Maurice Maeterlinck que ‘Le Château de Barbe-Bleue’, de refaire son apparition sur la scène du Teatro Real de Madrid depuis 1913!

Il s’agira de la production de l’Opéra de Lyon mise en scène par Àlex Ollé qui n’a été jouée jusqu'à présent qu’à huis-clos en mars 2021. 

Pinchas Steinberg en assurera la direction, et Paula Murrihy interprétera le rôle d’Ariane.

Francisco Coll, compositeur et directeur musical de ‘Enemigo del pueblo’

Francisco Coll, compositeur et directeur musical de ‘Enemigo del pueblo’

En parallèle des représentations d’'Ariane et Barbe-Bleue’, le compositeur espagnol Francisco Coll Garcia, auteur depuis 2005 de plus d’une cinquantaine de pièces pour instruments ou orchestre, et seul élève de Thomas Adès à ce jour, créera en première mondiale son second opéra ‘Enemigo del pueblo’, d’après la célèbre pièce d’Henrik Ibsen (1882), après avoir créé au Linbury Theatre de Londres, en mars 2014, un opéra de chambre en un acte, ‘Café Kafka’ .

Cette coproduction avec le Palau de les Arts de Valencia sera mise en scène par Àlex Rigola qui signera aussi le livret, et sera dirigée par le compositeur lui-même. A découvrir avec beaucoup de curiosité!

Autre ouvrage très attendu, ‘Le Songe d’une nuit d’été’ de Benjamin Britten sera à nouveau mis en scène par Deborah Warner après les succès de ‘Billy Budd’ en 2017 et ‘Peter Grimes’ en 2021, toutes des coproductions avec le Royal Ballet and Opera de Londres.

Ce sera la seconde production de l’ouvrage au Teatro Real depuis celle de Luigi Pizzi présentée en janvier 2006, et, sous la direction musicale d’Ivor Bolton, une excellente distribution sera réunie pour l’occasion avec Iestyn Davies, Liv Redpath, Jacquelyn Wagner, Christine Rice, Simon Keenlyside, Clive Bayley, John Graham-Hall.

Enfin, une seconde création mondiale sera donnée au Teatros del Canal, ‘Los Estunmen’ (‘Les cascadeurs’) de Fernando Velázquez, compositeur espagnol de musiques de films (‘El orfanato’, ‘Lo imposible’ …) depuis 20 ans.

La mise en scène sera confiée aux créateurs et acteurs catalans Nao Albet et Marcel Borràs, ce qui marquera leur première immersion dans le monde de l’opéra où ils aborderont le thème du ‘héros’.

Deborah Warner, metteuse en scène du 'Songe d'une nuit d'été' de Benjamin Britten

Deborah Warner, metteuse en scène du 'Songe d'une nuit d'été' de Benjamin Britten

L’Opéra Italien du XIXe siècle

Les compositeurs italiens du XIXe siècle surreprésentés cette saison ne représenteront plus qu’un grand tiers des soirées, avec principalement deux piliers du répertoire traditionnel italien qui ouvriront et clôtureront la saison 2025/2026 pour un total de 29 soirées, comme le fait chaque année le Teatro Real en ces périodes d’avant et d’après congés estivaux.

En ouverture, ‘Otello’ de Giuseppe Verdi (reprise de la production de David Alden présentée à Madrid en 2016 après sa création à Londres en 2014) permettra de retrouver selon les soirs Brian Jagde, Igor Golovatenko et Asmik Grigorian, ou bien Jorge de León, Artur Rucinski et Maria Agresta, sous la direction de Nicola Luisotti.

Et à l’été 2026, ‘Il Trovatore’ de Giuseppe Verdi (reprise de la production de Francisco Negrín présentée à Madrid en 2019 après sa création au Royal Danish Theatre en 2018), sera également interprété par une quadruple distribution comprenant notamment Artur Rucinski, George Petean, Marina Rebeka, Saioa Hernández, Anna Netrebko, Ksenia Dudnikova, Anita Rachvelishvili, Clémentine Margaine ou bien Piotr Beczała, également sous la direction de Nicola Luisotti.

Un autre ouvrage du jeune Giuseppe Verdi, ‘I Masnadieri’, sera représenté avec Lisette Oropesa, ainsi qu’une entrée au répertoire, ‘Iris’de Pietro Mascagni, avec Ermonela Jaho et Gregory Kunde, tous deux donnés en version de concert pour deux soirs chacun.

Ermonela Jaho et Gregory Kunde, interprètes de 'Iris' de Pietro Mascagni

Ermonela Jaho et Gregory Kunde, interprètes de 'Iris' de Pietro Mascagni

L’Opéra français du XIXe siècle

Absent de la programmation du Teatro Real de Madrid durant trois saisons consécutives, l’opéra français du XIXe siècle sera à l’honneur cette saison à travers deux ouvrages emblématiques pour un total de 29 soirées, à stricte égalité avec Verdi.

‘Carmen’ célébrera les fêtes de Noël dans la production de Damiano Michieletto (Londres, 2024), avec une distribution multiple affichant notamment Aigul Akhmetshina, J’Nai Bridges, Charles Castronovo, Michael Fabiano, Lucas Meachem et Adriana González, sous la direction de Eun Sun Kim.

Puis, à l’approche de l’été, ‘Roméo et Juliette’ de Charles Gounod sera donné dans la production de Thomas Jolly jouée à l’Opéra Bastille au début de l’été 2023, avec à nouveau Carlo Rizzi à la direction musicale.

Deux distributions sont prévues en alternance, Nadine Sierra, Javier Camarena, Roberto Tagliavini, Andrzej Filończyk d’une part, Golda Schultz, Ismaël Jordi, Jean Teitgen et Carles Pachon, avec dans les deux cas Laurent Naouri en Capulet.

Thomas Jolly, metteur en scène de 'Roméo et Juliette' de Charles Gounod

Thomas Jolly, metteur en scène de 'Roméo et Juliette' de Charles Gounod

L’Opéra slave du XIXe siècle

Si l’opéra russe est absent cette saison, ‘La Fiancée vendue’ de Bedřich Smetana fera son entrée au répertoire dans une mise en scène de Laurent Pelly, une coproduction avec l’Opéra de Lyon, l’Opéra de Cologne et la Monnaie de Bruxelles.

Le compositeur thèque sera défendu à la direction musicale par Gustavo Gimeno, avec une distribution qui réunira selon les soirs Svetlana Aksenova, Natalia Tanasii, Mikeldi Atxalandabaso, Moisés Marín, Pavel Černoch, Sean Panikkar, Günther Groissböck ou Martin Winkler.

Vincent Dumestre et Le Poème Harmonique dans 'Armide' de Lully

Vincent Dumestre et Le Poème Harmonique dans 'Armide' de Lully

Les ouvrages baroques en versions de concert ou semi-scénique

Enfin, après les exceptionnels 20% de soirées baroques programmées au cours de la saison 2024/2025, les amateurs du genre auront droit à six ouvrages donnés en version de concert, ‘The Fairy Queen’  d’Henry Purcell, version semi scénique présentée en écho au ‘Songe d’une nuit d’été’ de Benjamin Britten, sous la direction de Lionel Meunier et son ensemble Vox Luminis, ‘Armide’ de Jean-Baptiste Lully, sous la direction de Vincent Dumestre et son ensemble Le Poème Harmonique, deux ouvrages de Vivaldi, ‘Farnace’ en version semi-scénique sous la direction d’Emiliano González Toro et son ensemble Il Gemelli, et ‘Il Giustino’ sous la direction de René Jacobs et son ensemble Freiburger Barockorchester, et deux ouvrages de Georg Friedrich Haendel, ‘Ariodante’, sous la direction d’Andrea Marcon et son ensemble La Cetra Barockorchester Basel, et ‘Giulio Cesare’ sous la direction de Francesco Corti, chef invité principal de l’ensemble Il Pomo d’Oro.

Nao Albet et Marcel Borràs, metteurs en scène de ‘Los Estunmen’ au Teatros del Canal

Nao Albet et Marcel Borràs, metteurs en scène de ‘Los Estunmen’ au Teatros del Canal

Cette saison sans compositeur allemand, sans Giacomo Puccini, ni même Wolfgang Amadé Mozart, est tout aussi atypique que la saison en cours, d’autant plus que les compositeurs italiens et français se répartiront à part égale les trois quart des représentations.

Le modèle économique du Teatro Real basé principalement sur des coproductions rarement reprises lui permet en effet d’envisager des programmations très différentes saison après saison - toutefois, s'il y a beaucoup de coproductions, la direction souligne qu'aucune production n'est une location à un autre théâtre cette année -.

Il est ainsi très rare de voir au Teatro Real de Madrid une œuvre revenir à l’affiche moins de 5 ans après sa dernière reprise, ce qui accroît la diversité d’ouvrages proposés aux spectateurs, avec chaque année une ou plusieurs créations à découvrir. C'est pourquoi ce théâtre est intéressant pour le spectateur étranger en recherche de propositions d'ouvrages moins courants.

Cette saison 2025/2026 laisse ainsi transparaître de très grandes soirées pour les ouvrages du XXe et XXIe siècles (dont deux créations de compositeurs espagnols), mais aussi pour le répertoire traditionnel avec Thomas Jolly à la mise en scène de ‘Roméo et Juliette’ et Laurent Pelly pour ‘La Fiancée vendue’.

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Publié le 31 Mars 2025

Don Carlos (Giuseppe Verdi – Opéra de Paris, Salle Le Peletier, le 11 mars 1867)
Version des répétitions parisiennes de 1866
Répétition générale du 26 mars 2025
Représentations du 29 mars, 17 et 25 avril 2025

Philippe II Christian Van Horn
Don Carlos Charles Castronovo
Rodrigue Andrzej Filończyk
Le Grand Inquisiteur Alexander Tsymbalyuk
Élisabeth de Valois Marina Rebeka
La Princesse Eboli Ekaterina Gubanova
Thibault Marine Chagnon
Une voix d'en haut Teona Todua
Le Comte de Lerme Manase Latu
Le Moine Sava Vemić
L’informatrice Danielle Gabou (rôle muet)

Direction musicale Simone Young
                               Clelia Cafiero le 17 avril
Mise en scène Krzysztof Warlikowski (2017)
Décors Małgorzata Szczęśniak                             
Lumières Felice Ross
Vidéo Denis Guéguin
Chorégraphie Claude Bardouil
Dramaturgie Christian Longchamp

 

Si l’on avait dit à Giuseppe Verdi en 1867 que son grand opéra français, ‘Don Carlos’, ferait encore les belles soirées de l’Opéra de Paris dans 150 ans, de surcroît non pas dans la version tronquée de la création, mais avec l’intégralité de la musique qu’il avait composé de 1865 à 1866 avant les coupures opérées, il n’aurait probablement pas pris cette perspective au sérieux.

Marina Rebeka (Élisabeth de Valois) et Charles Castronovo (Don Carlos)

Marina Rebeka (Élisabeth de Valois) et Charles Castronovo (Don Carlos)

En effet, après 43 représentations données en 1867 à la salle Le Peletier, ‘Don Carlos’ disparut de l’affiche parisienne pour ne revenir au Palais Garnier qu’en 1986, dans la version intégrale des répétitions. Elle ne sera pas reprise, la production de Marco Arturo Marelli ayant fait l’unanimité contre elle.

La version de 1866, la plus complète sur le plan dramaturgique, comprend notamment la rencontre d’Élisabeth et des bûcherons dans la forêt de Fontainebleau, l’air de Rodrigue ‘J’étais en Flandres’, les deux échanges entre Élisabeth et Eboli à propos de la liaison de cette dernière avec le Roi, la déploration de Philippe à la mort de Rodrigue et la scène d’émeute où Eboli avoue son rôle décisif dans la rébellion, tous supprimés en 1867 pour laisser place à l’ajout d’un ballet conventionnel, ‘La Pérégrina’.

Marina Rebeka (Élisabeth de Valois)

Marina Rebeka (Élisabeth de Valois)

Ce n’est que depuis le 10 octobre 2017 que l’opéra Bastille peut à nouveau proposer la version intégrale de ce chef-d’œuvre verdien dans la production de Krzysztof Warlikowski, qui sera immédiatement reprise en 2019 dans la version cinq actes de Modène (1886), en italien cette fois.

La force de cette grande production de répertoire est de présenter la totale déliquescence morale et sentimentale de cette famille royale, marquée par le poids de son passé impérial et de l’inquisition religieuse, dans une atmosphère de désespoir délétère palpable à tout moment.

Marina Rebeka (Élisabeth de Valois) et Charles Castronovo (Don Carlos)

Marina Rebeka (Élisabeth de Valois) et Charles Castronovo (Don Carlos)

Le monumental décor aux façades boisées conçu par Małgorzata Szczęśniak, dressé dès l’acte de Fontainebleau, mélange l’impression d’immensité froide et luxueuse du Palais de San Lorenzo de El Escorial à l’obscurité de l’enfermement mental de Don Carlos traumatisé par son histoire.

L’art vidéographique soigné et esthétisant de Denis Guéguin est utilisé pour évoquer d’emblée la nature suicidaire de l’Infant rendue par les jeux d’ombres filmés sur son visage, avec des effets visuels de tâches noires ou blanches donnant aux premières scènes une allure de mémoire abîmée par le temps passé.

Marina Rebeka (Élisabeth de Valois), la dame de compagnie et Christian Van Horn (Philippe II)

Marina Rebeka (Élisabeth de Valois), la dame de compagnie et Christian Van Horn (Philippe II)

Inoubliable scène d’escrime dans une salle de sport aménagée du palais où s’entraînent Eboli et sa cour féminine – princesse blessée à l’œil depuis son enfance -, c’est là, une fois seuls, que se rencontreront Carlos et Élisabeth. Interviendra un personnage muet chargé de surveiller tous les déplacements de la Reine, une informatrice de l’ombre livrée à la présence charismatique de la chorégraphe Danielle Gabou. C’est en effet sous Philippe II que se développa au XVIe siècle un puissant réseau de renseignements pour contrôler son Empire.

Marina Rebeka (Élisabeth de Valois) et Christian Van Horn (Philippe II)

Marina Rebeka (Élisabeth de Valois) et Christian Van Horn (Philippe II)

Après le grand duo entre Philippe et Rodrique, élégant mais musicalement plus faible que dans la version réécrite pour la version milanaise en italien de 1884, et la scène de méprise entre Don Carlos et Eboli - qui est surtout une scène qui met en avant le jeu d’actrice de l’interprète de la Princesse sous des lumières dentelées comme une soie de mantille (un travail d’une finesse absolue signée Felice Ross) -, la grande scène d’autodafé se déroule sous des cloches retentissantes au moment de l’arrivée d’un immense amphithéâtre du Palais regroupant tout le chœur, mais aussi les députés flamands et l’inquisiteur.

Alexander Tsymbalyuk (Le Grand Inquisiteur) et Christian Van Horn (Philippe II)

Alexander Tsymbalyuk (Le Grand Inquisiteur) et Christian Van Horn (Philippe II)

Pas de procession, ce qui serait un spectacle un peu trop convenu, mais plutôt un focus sur la relation entre le Roi et la Reine dont on assiste à l’amère décomposition du couple en pleine cérémonie, sous le regard de domestiques dont l’une, reprisant régulièrement la robe d’Élisabeth , semble, d’un simple regard baissé, consternée du déchirement humain qui se joue devant elle.

La vidéo vient à nouveau s’incruster à l’ensemble du tableau pour représenter un bûcher en flamme d’où émerge la tête effrayante de Lucifer dévorant un être humain, une métaphore du Roi dévorant son propre peuple empruntée à un film muet italien de 1911, ‘L’Inferno’, inspiré de la 'Divine Comédie' de Dante – par coïncidence, ce thème de ‘La Comédie’ de Dante est aussi le sujet de ‘Il Viaggio, Dante’ de Pascal Dusapin joué au même moment au Palais Garnier, et de ‘Gianni Schicchi’ qui sera représenté à Bastille après les représentations de ‘Don Carlos’ -.

Ekaterina Gubanova (La Princesse Eboli)

Ekaterina Gubanova (La Princesse Eboli)

Autre scène emblématique, la rencontre dans un salon de cinéma privé et intime entre un Inquisiteur mafieux et un Roi alcoolisé, venant de coucher avec Eboli, se déroule sur l’une des musiques les plus sombres qu’ait écrite Verdi, mise en scène avec sensibilité à la justesse des ambiances lumineuses, y compris lorsque Élisabeth congédie durement sa rivale.

Et l’on retrouve à nouveau ces très beaux jeux de lumières en clair-obscur passés au filtre des mailles de la prison, scène sobre où la mort de Rodrigue est minutieusement réglée, avant d’ouvrir sur la splendide scène du cinquième acte où les lumières crépusculaires évoquent l’effet des derniers rayons du Soleil couchant frappant les parois de l’Escorial en mettant en valeur toutes leurs nuances de couleurs.

Marina Rebeka (Élisabeth de Valois)

Marina Rebeka (Élisabeth de Valois)

Tout de noir vêtue, Élisabeth traverse lascivement la scène depuis le fond vers l’orchestre sur la musique d’une puissance dramatique bouleversante, disparaissant même dans une zone d’ombre qui ne semblait pas exister lors de la création, et réapparaissant pour adresser tout son désarroi au buste maudit de Charles Quint. 

Là aussi, une précision de geste et d’attitude qui mènera à une conclusion indécise, Krzysztof Warlikowski optant pour laisser au spectateur le soin d’imaginer si Don Carlos choisira de se donner la mort pour ne plus souffrir de ce cauchemar, juste après qu’Élisabeth ait préféré s’empoisonner.

Charles Castronovo (Don Carlos) et Andrzej Filończyk (Rodrigue)

Charles Castronovo (Don Carlos) et Andrzej Filończyk (Rodrigue)

Après la luxueuse distribution qu’avait réuni Stéphane Lissner en 2017 autour de Philippe Jordan avec Jonas Kaufmann, Sonya Yoncheva, Elīna Garanča, Ludovic Tézier et Ildar Abdrazakov, il y avait bien une petite appréhension à voir comment serait relevé le défi d’une telle reprise, mais celle ci s’est très vite atténuée par la manière dont les solistes se sont engagés dans une interprétation empreinte d’un tragique désillusionné.

Charles Castronovo (Don Carlos)

Charles Castronovo (Don Carlos)

Souffrant depuis quelques jours, Charles Castronovo a pu suffisamment se rétablir pour offrir lors de cette première un portrait très touchant d’un Don Carlos complètement écrasé par le sort. Il joue avec une très grande sincérité d’attitude, comme si il y avait toujours en lui une fierté d’être, mais sans la moindre ostentation.

Son timbre sombre aux couleurs parfois rompues convient parfaitement à la description d’un personnage dépressif, en conduisant une ligne de chant qui épouse avec délicatesse les lignes orchestrales. Ses aigus ne sont jamais dépareillés, la précision du texte soignée, et seule la confrontation avec le Roi, lors de l’autodafé, sera moins incisive, signe que quelques jours de rétablissement sont encore nécessaires. Mais il est impossible de rester insensible à une telle incarnation authentique qui ne faiblira pas de toute la soirée.

Marina Rebeka (Élisabeth de Valois)

Marina Rebeka (Élisabeth de Valois)

Seule parmi les rôles principaux à faire ses débuts sur la grande scène Bastille, Marina Rebeka est une très belle femme qui a de l’allure et qui donne beaucoup de dignité à Élisabeth de Valois.
Sa force est dans le dessin virtuose de son souffle de voix, puissant et cristallin dans la tessiture aiguë, qui sera d’une grande force impressive au cinquième acte. Elle détient en effet une saisissante faculté de rayonnement, avec toutefois des graves peu marqués, ce qui crée aussi une certaine distance en contraste avec la noirceur de Carlos. 

Ekaterina Gubanova

Ekaterina Gubanova

Présente dès la création en alternance avec Elīna Garanča, Ekaterina Gubanova connaît très bien cette mise en scène et se révèle très à l’aise dans tous les tableaux avec une assurance crâneuse. La chanson du voile du second acte est une séduisante démonstration de sensualité vocale dans les résonances graves, bien que sa voix soit moins prédisposée à l’agilité des aigus de ce grand air, mais c’est surtout dans les emportements dramatiques qu’elle est à son meilleur aussi bien dans la scène de reconnaissance avec Don Carlos au troisième acte que dans le ‘Don fatale’ chanté avec un vrai sens incendiaire.

Marina Rebeka (Élisabeth de Valois) et Christian Van Horn (Philippe II)

Marina Rebeka (Élisabeth de Valois) et Christian Van Horn (Philippe II)

En grand habitué de l’Opéra de Paris, Christian Van Horn n’a aucun mal à imposer un Philippe II avec une diction tout à fait correcte et une largeur vocale qui s’appuie sur une assise grave bien développée. La texture de son timbre grisaillant et monochrome contient peu d’inflexions distinctives en soi, mais ce grand baryton-basse américain a comme grand atout de savoir incarner un homme d’aujourd’hui avec ses forces et faiblesses tout en conservant quelque chose de sympathique. C’est d’ailleurs pourquoi ses déraillements comportementaux face à Élisabeth, lors des scènes de l’autodafé et du salon, sont rendus avec beaucoup d’humanité.

Cela laisse le champ à Alexander Tsymbalyuk pour brosser le portrait d’un Grand Inquisiteur bien plus terrible, et qui fait beaucoup d’effet quand il appuie sur un beau galbe grave qui contraste avec la terreur qu’évoque son personnage.

Le moine de Sava Vemić fait, lui aussi, forte impression, malgré quelques tensions dans l'aigu.

Andrzej Filończyk (Rodrigue)

Andrzej Filończyk (Rodrigue)

Et c’est un jeune et beau Rodrigue qu’incarne Andrzej Filończyk, tout juste trentenaire, qui fait montre d’un timbre fumé bien homogène qui s’harmonise le mieux avec celui de Philippe II. Si l’on s’attache à son langage corporel, son positionnement dans le jeu de la cour paraît instable, plutôt séducteur avec Eboli, amical mais sans être fraternel avec Carlos, moins mature que le Roi, il manque encore une profonde droiture, une autorité bien posée qui traduise une grande stabilité intérieure qui puisse se lire dans ses postures. C’est cependant dans la scène de sa mort à la prison de Carlos que s’épanouissent pleinement ses qualités de souffle donnant l’impression que c’est cet instant qui révèle toute la grandeur du patriote flamand

Marina Rebeka (Élisabeth de Valois) et Manase Latu (Le Comte de Lerme)

Marina Rebeka (Élisabeth de Valois) et Manase Latu (Le Comte de Lerme)

Et parmi les seconds rôles se distinguent deux membres de la troupe lyrique de l’Opéra, Marine Chagnon qui donne une fraîcheur très naturelle à Thibault, et Manase Latu dont les qualités belcantistes et la chaleur crème de son doux timbre de voix dépeignent un bien luxueux Comte de Lerme.

Simone Young

Simone Young

C’est enfin avec grand plaisir que l’on retrouve à la direction orchestrale Simone Young qui rend énormément justice à l’âme de l’écriture verdienne et à sa traduction de la prosodie française. Les archets sont entraînés dans des tissures d’une grande souplesse alliés à des bois soyeux et poétiques, émanation d’une douceur qui sied bien au phrasé des chanteurs, tout en insufflant une vigueur de discours qui ait de l’allant. On sent toujours une certaine propension à contrôler les cuivres clairs, mais les cuivres plus sombres et chaleureux sont généreusement fondus aux cordes pour créer un son chargé et plein. La chef australienne n’hésite d’ailleurs pas à libérer beaucoup d’ampleur dans les scènes spectaculaires, et les chœurs lui donnent la réplique avec vigueur et panache tout en sachant aussi se montrer diaphanes dans l’acte de Fontainebleau.

Simone Young, Krzysztof Warlikowski et Marina Rebeka

Simone Young, Krzysztof Warlikowski et Marina Rebeka

La qualité de cette première, l'audience très attentive, et la réserve de potentiel qui se devine chez certains solistes rendent absolument indispensable de profiter en ce mois d’avril de la reprise de ce grand opéra créé pour la scène parisienne, mais qui est rarement donné dans une version aussi monumentale.

Simone Young, Krzysztof Warlikowski et Marina Rebeka

Simone Young, Krzysztof Warlikowski et Marina Rebeka

Représentation du 17 avril 

Retenue au Festtage du Staatsoper Berlin pour rendre un hommage à Pierre Boulez, Simone Young n'a pu assurer la représentation de 'Don Carlos' le 17 avril, laissant ainsi la place à Clelia Cafiero, cheffe principale invitée à l'Opéra de Tours.

D'une gestuelle très souple et aérée, la cheffe italienne a entrainé l'orchestre et les solistes dans un grand élan de respiration en insufflant une rythmique et une explosion des couleurs très italiennes comme si elle dirigeait la version de Milan de 1884. L'effet, d'une grande efficacité, s'éloignait aussi de la conception plus austère et profonde de Simone Young, même si l'absence de répétition n'avait pas départi l'orchestre des choix très contrôlés, notamment pour les cuivres, de la cheffe australienne.

Au final, Clelia Cafiero a rassemblé l'enthousiasme de tout le monde, musiciens, choristes, solistes et spectateurs qui acclamaient à tout rompre, avec embrassades sur scène, fosse d'orchestre debout, Christian Van Horn la poussant même en avant, et Marina Rebeka qui n'en finissait pas de l'embrasser, sous la clameur du public. Une soirée étonnante qui révèle aussi le grand professionnaliste de tous les artistes invités et de la maison.

Andrzej Filończyk s'est ainsi montré puissant, Ekaterina Gubanova dramatique, Christian Van Horn émouvant et impulsif, Marina Rebeka intense, et Charles Castronovo profondément investi.

Clelia Cafiero 

Clelia Cafiero 

Représentation du 25 avril 

Pour la dernière représentation, Simone Young était de retour, et la salle était comble pour 5 heures de spectacle un vendredi soir. Il ne fallait pas manquer cette dernière occasion d'entendre cette version intégrale de l'ouvrage qui n'en était qu'à sa 30e représentation depuis la première du 11 mars 1867 où ce n'était pas cette version là qui était jouée, l'ajout obligatoire à l'époque du ballet ayant entrainé 20 minutes de coupures musicales.

Salle de l'Opéra Bastille lors du 4e acte de 'Don Carlos', le 25 avril 2025

Salle de l'Opéra Bastille lors du 4e acte de 'Don Carlos', le 25 avril 2025

Simone Young a repris en main sa conception très raffinée dans un esprit mélancolique qui n'exclut pas l'impulsivité dramatique. Charles Castronovo est décidément un chanteur qui fait corps avec son personnage en le jouant avec beaucoup de sensibilité, et son timbre sombre et intériorisé laisse aussi ressortir des expressions d'un cœur écorché saisissantes. Probablement est-il un des tous meilleurs interprètes du rôle après Jonas Kaufmann dans cette version parisienne.

Marina Rebeka souligne un peu plus les graves de son médium ce qui, mêlés à son rayonnement royal au dernier acte, la rend encore plus éblouissante. Elle fera un magnifique geste en forme de cœur à destination du public pour une telle ovation au moment des saluts.

Grand succès pour tous les solistes, chœur et orchestre, et pour la direction musicale si magnifiquement coulée dans l'esprit de la mise en scène de Krzysztof Warlikowski.

Marina Rebeka

Marina Rebeka

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Publié le 30 Mars 2025

Présentation de la saison Lyrique 2025 / 2026 du Théâtre des Champs Élysées
Maison de Musique - avenue Montaigne

Depuis vendredi 21 mars 2025, la première saison de Baptiste Charroing à la direction du Théâtre des Champs Élysées est officiellement dévoilée. Il succède à Michel Franck qui aura dirigé 15 saisons et laissé une empreinte personnelle forte.

Cette saison s’inscrit dans la continuité des saisons passées et comprend 5 productions d’opéras en version scénique données sur un total de 25 soirées (dont 3 avant-premières jeunes), 17 représentations d’opéras et oratorio en version concert et 10 soirées d'œuvres religieuses, 20 concerts symphoniques , 13 récitals vocaux, 20 récitals de piano, 7 concerts de l’Orchestre de chambre de Paris, 9 autres concerts de musique de chambre, 14 concerts du dimanche matin, 6 ballets dansés sur 30 soirées.

Par ailleurs, une version de ‘Roméo et Juliette’ de Charles Gounod ramenée à une durée d’une heure et trente minutes, interprétée par l’Orchestre Victor Hugo et l’Orchestre Symphonique de Bourgogne Franche-Comté, sera créée pour le jeune public et donnée en huit représentations sur le temps scolaire, ainsi que sur deux matinées et quatre après-midi tout public.

Ce spectacle sera une coproduction avec l’Opéra de Reims, l’Opéra de Massy et l’Opéra National de Bordeaux.

Un concert de l’Orchestre de chambre de Paris autour de la 'Symphonie n°39' de Mozart sera aussi donné sur le temps scolaire.

Cette ligne programmatique s’inscrit ainsi dans la ligne des saisons précédentes, avec toute fois une baisse d’un tiers des concerts du dimanche matin, ce qui bénéficie au genre vocal avec 7 soirées d’opéras et d’œuvres religieuses et 3 récitals vocaux supplémentaires par rapport à la saison dernière.

La création de 3 avant-premières jeunes lyriques découle aussi du désir de s’attacher tôt un public pour l’avenir.

Au total, ce sont 180 représentations (contre 186 cette saison) qui seront données avenue Montaigne, tous genres et tous publics confondus.

Et comme le Théâtre des Champs-Élysées coproduit ses spectacles, 62 représentations de 8 spectacles vus sur sa scène seront données en France (‘Robinson Crusoé’ à Angers, Nantes et Rennes), et à l’étranger (‘La Sonnambula’ à New-York, ‘Dialogues des Carmélites’ à Dallas, ‘Orphée et Eurydice’ à Toronto).

Théâtre des Champs-Elysées - Saison lyrique 2025 / 2026

Opéras en version scénique

La Damnation de Faust (Hector Berlioz)
31 octobre (AvP jeunes), 3, 6, 12, 15 novembre (5 représentations)

Direction musicale Jakob Lehmann, Mise en scène Silvia Costa 
Benjamin Bernheim, Viktoria Karkacheva, Christian Van Horn, Thomas Dolié
Les Siècles, Chœur de Radio France, Maîtrise de Radio France
En collaboration avec le Palazzo Bru Zane – Centre de musique romantique française

Robinson Crusoé (Jacques Offenbach)
01 décembre (AvP jeunes), 3, 5, 8, 10,12, 14 décembre (7 représentations)

Direction musicale Marc Minkowski , Mise en scène Laurent Pelly 
Lawrence Brownlee, Julie Fuchs, Laurent Naouri, Marc Mauillon, Rodolphe Briand, Matthieu Toulouse, Adèle Charvet, Emma Fekete, Julie Pasturaud
Les Musiciens du Louvre, Accentus 
Coproduction Angers-Nantes Opéra, Opéra de Rennes, en collaboration avec le Palazzo Bru Zane – Centre de musique romantique française

La Voix humaine / Point d’Orgue (Francis Poulenc / Thierry Escaich)
9, 11, 13, 15, 17 mars (5 représentations)

Direction musicale Ariane Matiakh, Mise en scène Olivier Py
Patricia Petibon, Jean-Sébastien Bou, Cyrille Dubois
Orchestre National de France
Coproduction Opéra de Dijon, Opéra national de Bordeaux et Opéra de Saint-Étienne

La Calisto (Francesco Cavalli)
4 et 6 mai (2 représentations)

Direction musicale Sébastien Daucé, Mise en scène Jetske Mijnssen
Lauranne Oliva, Zachary Wilder, Paul-Antoine Bénos-Djian, Milan Siljanov, Dominic Sedgwick, Anna Bonitatibus, Giuseppina Bridelli, Petr Nekoranec, José Coca Loza
Ensemble Correspondances
Coproduction Ensemble Correspondances, Opéra de Rennes, Angers-Nantes Opéra, Théâtre de Caen

L’Enlèvement au Sérail (Wolfgang Amadé Mozart)
01 juin (AvP jeunes), 3, 6, 8, 10, 12 (6 représentations)

Direction musicale Laurence Equilbey, Mise en scène Florent Siaud
Jessica Pratt, Amitai Pati, Ante Jerkunica, Lunga Eric Hallam, Manon Lamaison, Uli Kirsch
Insula Orchestra, Accentus 
Coproduction Insula Orchestra

Lawrence Brownlee, Julie Fuchs - Robinson Crusoé (Jacques Offenbach)

Lawrence Brownlee, Julie Fuchs - Robinson Crusoé (Jacques Offenbach)

Opéras et oratorio en version de concert (Octobre - Novembre)

Pompeo Magno (Francesco Cavalli) le 01 octobre
Max-Emanuel Cenčić, Victor Sicard, Lucía Martín-Cartón, Jorge Navarro Colorado, Pierre-Antoine Chaumien, Marcel Beekman, Mariana Flores, Alois Mülhbacher, Logan Lopez Gonzalez, Valerio Contaldo, Kacper Szelążek, Dominique Visse, Valer Sabadus

Leonardo García-Alarcón, Cappella Mediterranea 

Theodora (Georg Friedrich Haendel) le 07 octobre
Lea Desandre, Hugh Cutting, Véronique Gens, Laurence Kilsby, Alex Rosen

Thomas Dunford direction, Ensemble Jupiter

Farnace (Antonio Vivaldi) le 08 octobre
Emiliano Gonzalez Toro, Key’mon W. Murrah, Deniz Uzun, Adèle Charvet, Juan Sancho, Daria Prosze, Alvaro Zambrano

Emiliano Gonzalez Toro  direction, Ensemble I Gemelli, Mathilde Étienne mise en espace

King Arthur (Henry Purcell) le 13 octobre
Hélène Guilmette, Floriane Hasler, Cyril Auvity, Robin Tritschler, Andreas Wolf

Hervé Niquet  direction, Le Concert Spirituel 

Alcina (Georg Friedrich Haendel) le 05 novembre
Kathryn Lewek, Carlo Vistoli, Lauranne Oliva, Katarina Bradić, Zachary Wilder, Nicolas Brooymans

Philippe Jaroussky direction Ensemble Artaserse

Messe en ut (Wolfgang Amadé Mozart) le 07 novembre
En première partie de programme Mozart Symphonie no 41 K. 551 « Jupiter » 

Mélissa Petit, Eva Zaïcik, Sahy Ratia, Nahuel di Pierro
Julien Chauvin direction Le Concert de la Loge, Ensemble La Sportelle

Max-Emanuel Cenčić - Pompeo Magno (Francesco Cavalli)

Max-Emanuel Cenčić - Pompeo Magno (Francesco Cavalli)

Opéras et oratorio en version de concert (Décembre - Février)

Oratorio de Noël (Camille Saint-Saëns) le 04 décembre
En première partie de programme Gounod Symphonie no 1 
Chanteurs en résidence à l’Académie de l’Opéra national de Paris

Thomas Hengelbrock  direction, Orchestre de chambre de Paris

Le Messie (Georg Friedrich Haendel) le 13 décembre
Grace Davidson, Martha McLorinan, Jeremy Budd, Jimmy Holiday

Nigel Short direction, Kammerorchester Basel, Chœur Tenebrae

Il Tamerlano (Antonio Vivaldi) le 06 janvier
Carlo Vistoli, Eva Zaïcik, Renato Dolcini, Julia Lezhneva, Anthea Pichanick, Suzanne Jerosme

Thibault Noally violon et direction, Les Accents

Norma (Vincenzo Bellini) le 08 janvier
Karine Deshayes, Eve-Maud Hubeaux, Francesco Demuro, Giorgi Manoshvili, Déborah Salazar, Ian Spinetti

Lorenzo Passerini direction, Orchestre de chambre de Paris, Le jeune chœur de Paris

Giulio Cesare (Georg Friedrich Haendel) le 06 février
Sabine Devieilhe, Jakub Józef Orliński, Yuri Minenko, Beth Taylor, Sophie Rennert, Marco Saccardin, Alex Rosen, Rémy Brès-Feuillet

Francesco Corti direction, il Pomo d’Oro

Médée (Luigi Cherubini) le 11 février
Marina Rebeka, Julien Behr, Mélissa Petit, Tassis Christoyannis, Marie-Andrée Bouchard-Lesieur, Hélène Carpentier, Margaux Poguet

Julien Chauvin direction, Le Concert de la Loge, Les Chantres du Centre de musique baroque de Versailles 

Roméo et Juliette (Charles Gounod) le 19 février
Kathryn Lewek, Charles Castronovo, Paul Gay, Philippe-Nicolas Martin, Éléonore Pancrazi, Abel Zamora, Marianna Pizzolato, Léo Vermot-Desroches, Sergio Villegas Galvain, Marc Barrard, Julien Ségol, Mathieu Gourlet, Maurel Endong

Clelia Cafiero direction, Orchestre National de France, Chœur de chambre de Rouen et Chœur Sorbonne-Université 

Marina Rebeka - Médée (Luigi Cherubini)

Marina Rebeka - Médée (Luigi Cherubini)

Opéras et oratorio en version de concert (Mars)

Orlando (Georg Friedrich Haendel) le 19 mars
Aude Extremo, Ana Maria Labin, Yuriy Mynenko, Alina Wunderlin, Edward Jowle

Marc Minkowski direction, Les Musiciens du Louvre 

Ascanio in Alba (Wolfgang Amadé Mozart) le 25 mars
Mélissa Petit, Alisa Kolosova, Anna El-Khashem, Alasdair Kent, Rocío Pérez

Christophe Rousset direction, Les Talens Lyriques, Le Jeune Chœur de Paris

Didon et Enée (Henry Purcell) le 27 mars
En première partie de programme Lully Ballet royal de la naissance de Vénus 
Véronique Gens, Luigi De Donato, Manon Lamaison, Isabelle Druet, Apolline Raï-Westphal, Marion Vergez-Pascal, Attila Varga-Tóth

Stéphane Fuget direction, Les Épopées 

Le Prophète (Giacomo Meyerbeer) le 28 mars
Marina Viotti, John Osborn, Emma Fekete, Edwin Crossley-Mercer, Jean Miannay, Christian Zaremba

Marc Leroy-Calatayud direction, Orchestre de chambre de Genève, Ensemble Vocal de Lausanne, Maîtrise du Conservatoire populaire de Genève

Messe en si (Jean-Sébastien Bach) le 29 mars
Miriam Feuersinger, Magdalene Harer, Marie Henriette Reinhold, Patrick Grahl, Tobias Berndt

Hans-Christoph Rademann  direction, Chœur et orchestre du Gaechinger Cantorey 

Requiem (Wolfgang Amadé Mozart) le 30 mars
En première partie de programme Mozart Concerto pour violon no 5 K. 219
Regula Mühlemann, Marie-Andrée Bouchard-Lesieur, Ian Castro, William Meinert

Alevtina Ioffe direction, Diana Tishchenko violon, Berner Symphonieorchester, Chor der Bühnen Bern

John Osborn - Le Prophète (Giacomo Meyerbeer)

John Osborn - Le Prophète (Giacomo Meyerbeer)

Opéras et oratorio en version de concert (Avril)

Passion selon Saint-Jean (Jean-Sébastien Bach) le 01 avril
Marie Lys, Marie-Nicole Lemieux, Cyrille Dubois, Guilhem Worms, Mathieu Gourlet

Camille Delaforge direction, Ensemble Il Caravaggio, Accentus

Passion selon Saint-Matthieu (Jean-Sébastien Bach) le 03 avril
Emmanuelle de Negri, Apolline Raï-Westphal, William Shelton, Mathilde Ortscheidt, Valerio Contaldo, Antonin Rondepierre, Sebastian Noack, Felix Schwandtke

Thibault Noally direction, Les Ambassadeurs~La Grande Écurie 

La Création (Joseph Haydn) le 08 avril
Regula Mühlemann, Nahuel di Pierro, Stanislas de Barbeyrac

Julien Chauvin direction, Le Concert de la Loge, Chœur de Chambre de Namur

Siegfried (Richard Wagner) le 19 avril
Clay Hilley, Ya-Chung Huang, Brian Mulligan, Samuel Youn, Tamara Wilson, Wiebke Lehmkuhl, Soloman Howard, Julie Roset

Yannick Nézet-Séguin direction, Rotterdams Philharmonisch Orkest 

Yannick Nézet-Séguin et Clay Hilley - Siegfried (Richard Wagner)

Yannick Nézet-Séguin et Clay Hilley - Siegfried (Richard Wagner)

Opéras et oratorio en version de concert (Juin)

Ariodante (Georg Friedrich Haendel) le 07 juin
Magdalena Kožená, Christophe Dumaux, Emiliano Gonzalez Toro, Shira Patchornik, Erika Baikoff, José Antonio López

Andrea Marcon direction, La Cetra Barockorchester Basel

Dixit Dominus, Salve Regina / Stabat Mater (Georg Friedrich Haendel / Antonio Vivaldi) le 11 juin
Distribution communiquée ultérieurement 

Marc Minkowski , Les Musiciens du Louvre 

Stabat Mater (Giovanni Battista Pergolesi) le 16 juin
En première partie de programme Pergolèse Cantates et airs d’opéras 
Fatma Saïd, Sasha Cooke

Francesco Corti direction, Les Ambassadeurs~La Grande Écurie 

Porgy and Bess (George Gershwin) le 30 juin
Pumeza Matshikiza, Bongani Justice Kubheka, Joseph DeCange, Marie-Laure Garnier, Joé Bertili, Axelle Saint-Cirel, Auguste Truel, Livia Louis-Joseph Dogué, Claudia Tagbo, Fabrice di Falco

Quentin Hindley direction, Orchestre Lamoureux, Ensemble vocal Voix d’Outre-mer 

Pumeza Matshikiza - Porgy and Bess (George Gershwin)

Pumeza Matshikiza - Porgy and Bess (George Gershwin)

Les Récitals vocaux (Septembre-Décembre)

Adèle Charvet chante Joséphine Baker, le 30 septembre

Gala Joséphine Baker (Pretty Yende, Luan Pommier, Precious Adams ...), le 30 septembre

Franco Fagioli, Michele d’Elia (Caccini, Lotti, Cesti, Scarlatti, Haendel...), le 11 octobre

Natalie Dessay, Neïma Naouri, Laurent Naouri, Tom Naouri - Broadway Family Show, le 11 décembre

Pretty Yende - Noël en chansons, Puccini, le 16 décembre

Philippe Jaroussky (Scarlatti, Durante, Galuppi, Porpora, Vivaldi), le 17 décembre

Adèle Charvet chante Joséphine Baker

Adèle Charvet chante Joséphine Baker

Les Récitals vocaux (Janvier-Juin)

Sonya Yoncheva (Puccini, Verdi), le 07 janvier

Kristina Mkhitaryan, Aigul Akhmetshina (Bellini, Donizetti, Tchaïkovski,  Rimski-Korsakov), le 09 février

Jonas Kaufmann, Malin Byström (Lehár, Kalman, Goldmark…), le 20 avril2025

Pene Pati (Sérénade Napolitaine), le 11 mai

Lea Desandre, Huw Montague Rendall (Mozart, Rossini), le 12 mai

Emmanuelle de Negri, Bruno de Sá (Il Deliro amoroso / Aminta e Fillide - Haendel) le 05 juin

Marina Viotti and Friends (Vivaldi, Haendel, Mozart, Bizet…), le 14 juin

Anna Netrebko, Pavel Nebolsin (Bellini, Leoncavallo, Tchaïkovski, Rachmaninov…), le 18 juin

Lea Desandre, Huw Montague Rendall (Mozart, Rossini)

Lea Desandre, Huw Montague Rendall (Mozart, Rossini)

Concerts (sélection subjective Septembre - Décembre)

Münchner Philharmoniker, Lahav Shani, Lisa Batiashvili (Beethoven, Schubert, Wagner), le 16 septembre
Orchestre de chambre de Paris - Alexander Melnikov, Jeroen Berwaerts (Mozart, Chostakovitch), le 02 octobre
Orchestre National de France - Cristian Măcelaru, Joyce DiDonato (Strauss, Alma Mahler, Mahler), le 10 octobre
Nikolaï Lugansky, Charles Berling (150e anniversaire de la naissance de Ravel), le 15 octobre
David Kadouch, Raphaëlle Moreau, David Aaron Carpenter, Edgar Moreau, Lorraine Campet (Tchaïkovski, Grieg, Rachmaninov, Schubert), le 02 décembre
Quatuor Diotima (Ravel, Szymanowski, Saariaho), le 07 décembre
Orchestre National de France - Cristian Măcelaru, Marina Rebeka, Pavel Petrov, Alexander Roslavets (Rachmaninov), le 18 décembre

Joyce DiDonato - Alma Mahler & Mahler

Joyce DiDonato - Alma Mahler & Mahler

Concerts (sélection subjective Janvier - Juin)

Les Siècles - Jakob Lehmann, Bertrand Chamayou (Wagner, Liszt), le 09 janvier
Chen Sa (Beethoven, Chopin, Franck, Messiaen), le 17 janvier
The Silence of Sound (Debussy, Bartók, Rimsky-Korsakov, Hamilton…), le 24 janvier
Quatuor Diotima, Victor Julien-Laferrière (Schubert, Beethoven, Aperghis), le 05 février
Anne Queffélec, Quatuor Hanson, Étienne Durantel (Satie, Debussy, Beethoven, Haydn), le 12 février
Orchestre de chambre de Paris - Maxim Emelyanychev, Stéphanie d’Oustrac (Fauré, Berlioz, Rameau, Lully), le 12 mars
Ensemble Matheus - Jean-Christophe Spinosi - De Jérusalem à Cordoue  - (El Din, Darwish, Monteverdi, Vivaldi), le 31 mars
Nikolay Khozyainov (Chopin, Ravel-Khozyainov, Scriabine), le 10 avril
Nelson Goerner (Bach, Schubert, Ravel, Albéniz), le 05 mai
Orchestre National de France - Juraj Valcuha, Marianne Crebassa, Clay Hilley – Le Chants de la Terre, le 04 juin
Bertrand Chamayou (Mendelssohn, Crumb, Schubert), le 17 juin

Quatuor Diotima (Ravel, Szymanowski, Saariaho)

Quatuor Diotima (Ravel, Szymanowski, Saariaho)

Première impression sur la saison 2025 / 2026

L’opéra français est véritablement à l’honneur cette saison avec, pour la première fois sur la scène du Théâtre des Champs-Élysées, un ouvrage de Giacomo Meyerbeer, ‘Le Prophète’, donné en version de concert, auquel se joindront deux autres opéras qui furent créés eux-aussi à Paris, ‘Médée’ de Luigi Cherubini et ‘Roméo et Juliette’ de Charles Gounod.

A ces trois ouvrages s’ajouteront pas moins de quatre opéras français interprétés en version scénique, ‘La Damnation de Faust’ d’Hector Berlioz, ‘Robinson Crusoé’ de Jacques Offenbach, ‘La Voix humaine’ de Francis Poulenc et ‘Point d’orgue’ de Thierry Escaich, si bien qu’il ne manquera finalement qu’un opéra de Lully ou de Charpentier et un opéra de Rameau pour couvrir tout le spectre des 350 ans de création lyrique française.

Avec 9 opéras en version de concert et une version scénique de ‘La Calisto’, l’opéra italien conserve une place importante, d’autant plus que cette saison Francesco Cavalli et Antonio Vivaldi seront présents à plusieurs reprises, mais seul Bellini représentera l’Italie romantique du XIXe siècle avec ‘Norma’.

Avec 10 ouvrages, 6 en italien (ses plus beaux opéras, ‘Giulio Cesare’, ‘Alcina’, ‘Ariodante’, ‘Orlando’ et les cantates ‘Il Delirio amoroso’ et ‘Aminta e Fillide’), 2 en anglais et 2 en latin (les rares Dixit Dominus, Salve Regina), les amoureux des œuvres de Haendel seront comblés comme jamais.

Et si la langue allemande, star de la dernière saison de Michel Franck, est en retrait avec toutefois une nouvelle production de ‘L’Enlèvement au Sérail’, la suite du Ring dirigée par Yannick Nézet-Séguin, ‘Siegfried’ et ‘La Création’ de Haydn, la grande surprise est le doublement de la langue latine par rapport à sa présence habituelle avec pas moins de 9 œuvres spirituelles et religieuses (Bach, Mozart et Pergolese sont indéfectiblement présents chaque saison), dont le très rare ‘Oratorio de Noël’ de Camille Saint-Saëns, ce qui fera de cette première saison de Baptiste Charroing une saison très spirituelle.

Patricia Petibon - La Voix Humaine (Francis Poulenc)

Patricia Petibon - La Voix Humaine (Francis Poulenc)

Réduit en moyenne à un ouvrage par an, le répertoire anglais est lui aussi bien mieux représenté cette saison avec deux ouvrages de Purcell, deux de Haendel et, surtout, par la présence d’une version de concert de ‘Porgy and Bess’ de George Gershwin, opéra jamais représenté sur cette scène qui joue habituellement ‘Un Américain à Paris’.

Quant aux œuvres d’Europe centrale et d’Europe de l’est, elles sont totalement absentes.

Mais globalement, cette saison renforce les fondamentaux du théâtre centrés principalement sur le répertoire du XVIIIe et XIXe siècle (80% de la programmation).

Comme la saison précédente, on retrouve à la mise en scène des valeurs sûres, Laurent Pelly, Olivier Py, mais aussi une jeune génération de metteurs en scène, Silvia Costa (‘La Damnation de Faust’), Jetske Mijnssen (‘La Calisto’) et Florian Siaud (‘L’Enlèvement au Sérail’).

Parmi les soirées très attendues, ‘ La Damnation de Faust’ avec Benjamin Bernheim, Viktoria Karkacheva et Christian Van Horn, ‘Robinson Crusoé’ avec Lawrence Brownlee, Julie Fuchs et Laurent Naouri, ‘Médée’ avec Marina Rebeka, Julien Behr et Marie-Andrée Bouchard-Lesieur, ‘Le Prophète’ avec Marina Viotti et John Osborn, ‘Siegfried’ avec Clay Hilley, Brian Mulligan et Tamara Wilson, ainsi que les soirées dédiées à Joséphine Baker, qui fit ses débuts en France sur cette scène, le récital donné par Lea Desandre et Huw Montague Rendall, l’Orchestre National de France avec Joyce DiDonato, puis avec Juraj Valcuha, Marianne Crebassa et Clay Hilley un autre soir, sont quelques exemples des incontournables.

L'intégralité de la saison c'est ici.

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Publié le 23 Mars 2025

Katia Kabanova (Leoš Janáček – Brno, le 23 novembre 1921)
Représentations du 17 mars et 07 juillet 2025
Bayerische Staatsoper - Munich

Dikoj Milan Siljanov
Boris Pavel Černoch
Kabanicha Violeta Urmana
Tichon John Daszak
Káťa Corinne Winters
Kudrjáš James Ley
Varvara Emily Sierra (17 mars)
             Rachael Wilson (07 juillet)
Kuligin Thomas Mole (17 mars)
             Tim Kuypers (07 juillet)
Glaša    Ekaterine Buachidze
Fekluša Elene Gvritishvili
Ein Mann Samuel Stopford
Eine Frau Natalie Lewis

Direction musicale Marc Albrecht (17 mars)
                                Petr Popelka (07 juillet)
Mise en scène Krzysztof Warlikowski (2025)
Décors et costumes Małgorzata Szczęśniak
Lumières Felice Ross
Vidéo  Kamil Polak
Chorégraphie Claude Bardouil
Dramaturgie Christian Longchamp

                      Lukas Leipfinger
Bayerisches Staatsorchester, Choeur du Bayerische Staatsoper

Située à 380 km de Prague, Munich défend bien le répertoire tchèque. Mais si le public du Bayerische Staatsoper est familier avec ‘Jenůfa’ – la production de Barbara Frey fut jouée de 2009 à 2018 -, ‘Káťa Kabanová' n’avait plus été représenté depuis 25 ans, la dernière production de David Pountney, avec Catherine Malfitano dans le rôle titre et Paul Daniel à la direction musicale, n’ayant connu que 14 représentations de mars 1999 à juillet 2000.

Corinne Winters (Káťa) et Emily Sierra (Varvara)

Corinne Winters (Káťa) et Emily Sierra (Varvara)

Pour redonner vie à cette figure féminine sous pression de son environnement social, Serge Dorny s’est tourné naturellement vers Krzysztof Warlikowski qui connaît bien l’univers de Leoš Janáček pour avoir mis en scène deux de ses ouvrages, ‘Věc Makropulos’ (Opéra de Paris, 2007) et 'Z mrtvého domu' (Royal Opera House Covent Garden, 2018). Il s’agit par la même occasion de sa huitième production présentée en ce même lieu depuis ‘Eugen Onegin’ en 2007.

Káťa Kabanova (Winters Černoch Urmana Warlikowski Albrecht Popelka) Munich

Le décor conçu par Małgorzata Szczęśniak peut s’apprécier avant le début du spectacle, car le rideau est déjà levé pour permettre à plusieurs couples de danseurs d’interpréter un tango au centre d’un grand hall. En apparence, les murs sont recouverts d’un bois laqué clair laissant apparaître des nervures aux drapés ondoyants, et une pièce en forme de parallélépipède est encastrée à l’arrière. Cette pièce pourra s’avancer et s’ouvrir pour recréer des scènes d’intérieur plus intimes.

L’idée du tango qui illustre une fête contemporaine autour de laquelle une vie de quartier s’anime, avec nombre de personnages ayant leur propre ligne de vie autonome très précisément articulée, peut au premier abord intriguer, mais il s’agit d’une image sereine et subtile de l’harmonie du couple très agréable à regarder pour le spectateur, et qui d’emblée ne pose pas un univers misérabiliste.

Ces danseurs réapparaîtront au cours de l’interlude du début du second acte en suivant le mouvement chaloupé et fluide de l’orchestre et des bois.

Pavel Černoch (Boris)

Pavel Černoch (Boris)

A l’écart de ce petit monde, Káťa Kabanova est d’abord présentée à travers sa propre joie intérieure. Une vidéo grand champ montre celle-ci chantant dans sa tête comme une jeune adolescente, une image qui pourrait-être celle de la jeune femme heureuse avant qu'elle ne se marie au médiocre Boris que Krzysztof Warlikowski fait entrer en étant jeté à terre avec brutalité sous les humiliations de son oncle Dikoj. 

Mais un peu plus loin, lorsqu’elle est rejointe par Varvara, sa fille adoptive qui joue le rôle de sœur confidente, un habile jeu où on la voit mimer une scarification avant d’ouvrir les bras en croix révèle les pulsions suicidaires de Káťa nées de son environnement religieux. Cette tendance sera à nouveau suggérée de façon subliminale dans la chambre des Kabakov, à travers une mystérieuse séquence de visionnage d’un film en images de synthèse prémonitoires où une jeune femme provoque un accident de voiture et décède sous les regards des badauds.

Ces regards fixes réapparaîtront sous forme d’ombres à la toute fin, lors de l'inéluctable suicide.

Corinne Winters (Káťa)

Corinne Winters (Káťa)

Car à travers la narration et les interactions vives entre protagonistes, le monde imaginaire et étrange de Káťa est aussi projeté à des moments bien choisis par l’insertion sur le décor de séquences vidéos aux teintes irréelles. L'osmose de la jeune femme avec la nature et les champs de fleurs, si bien racontée lors de sa confidence à Varvara au premier acte, recouvrira toute la scène au moment de sa mort, en contraste fort avec la vitrine d’animaux empaillés dressée côté jardin, qui traduit en revanche un rapport à la nature plus mortifère de la part de la société. 

En exposant ainsi le monde intérieur de Káťa, Krzysztof Warlikowski fait ressentir à quel point son esprit vit dans un monde parallèle, et son rapport aux désirs du corps est également décrit avec beaucoup de sensibilité, par exemple lorsqu’en nuisette elle semble vouloir éveiller Tichon.

Corinne Winters (Káťa) et Emily Sierra (Varvara)

Corinne Winters (Káťa) et Emily Sierra (Varvara)

Mais Boris, le futur amant, est dès son entrée décrédibilisé à travers sa perruque orange et bouclée, le metteur en scène choisissant de ne pas l’épargner au troisième acte en masquant son visage afin de pointer la lâcheté de son humanité, et montrer l’aveuglement de l’héroïne. Leur rencontre chez Varvara est ici transposée dans un bar branché, lui aussi incrusté dans la partie mobile et recadrée du décor. Et les variations de couleurs et de lumières (Felice Ross) sont toujours nuancées avec une extrême justesse dans cette alcôve confidentielle.

Violeta Urmana (Kabanicha)

Violeta Urmana (Kabanicha)

S’admire également l’excellente caractérisation de Tichon et de sa mère Kabanicha par deux grands artistes, John Daszak et Violeta Urmana. Le premier, affublé comme une employé tout à fait dans la norme, use de son grand sens déclamatoire claquant et puissant, alors que la mezzo-soprano lituanienne est fascinante par l’expressivité du regard, l’animalité du chant et sa façon flambante d’imposer son autorité et ses attentes sur son entourage. D’ailleurs, loin d’être uniquement froide et cassante, il ressort aussi beaucoup d’ironie dans son personnage très bien joué.

Quant à la relation entre Kabanicha et Dikoj - Milan Siljanov campe un Dikoj redoutable -, elle virera à un rapport purement physique et pragmatique au corps, la disparition de la sensualité solaire de leur jeunesse étant pathétiquement soulignée en mettant en miroir celle d’un couple d’amoureux extrait d’un film glamour.

John Daszak (Tichon) et Corinne Winters (Káťa)

John Daszak (Tichon) et Corinne Winters (Káťa)

Tout au long du spectacle, l’auditeur s’imprègne ainsi de l’âme de Káťa tout en jaugeant le comportement des autres personnages, jusqu’au troisième acte où une fracture nette se forme : toute la communauté se réunit, même les individus les plus anodins, pour s’installer sur plusieurs rangs latéraux, comme lors d’un jury populaire, afin de pointer leur regard sur Káťa Kabanova laissée seule avec sa culpabilité sur une simple chaise située au centre de la scène. 

Cette question du regard des autres traverse toutes les couches sociales, car le conformisme est généralement perçu comme le meilleur moyen de survie de l’homme, surtout qu’il est très confortable de s’afficher dans le camp du ‘bien’.

Dans sa grande scène finale, à la solitude poignante de Káťa Kabanova s’oppose toute une société semblant unie en apparence contre celle qui a osé ignorer les règles.

Violeta Urmana (Kabanicha)

Violeta Urmana (Kabanicha)

Au fur et à mesure que la jeune femme s’enferre dans l’attente de la mort, son rapport spirituel à la nature est sublimé à travers une très belle projection d’un tapis de fleurs, Krzysztof Warlikowski prenant bien soin d’élaguer le conditionnement religieux qui s’entend aussi dans les paroles.

Et c’est à un Boris au visage masqué qu’elle s’adresse, celui-ci étant dans l’impossibilité d’être lui-même. Pavel Černoch, chanteur tchèque d’une grande sincérité expressive, est ici totalement idiomatique dans son répertoire de prédilection qui lui colle à la peau. Les modulations slaves de son chant permettent facilement de l’identifier au-delà du maquillage qui en recouvre les plus beaux traits.

Corinne Winters (Káťa) - 3e acte (Photo Geoffroy Schied)

Corinne Winters (Káťa) - 3e acte (Photo Geoffroy Schied)

Dans le rôle principal qu’elle défend régulièrement – elle en est à sa septième production de 'Kat'a Kabanova' depuis Seattle en 2017 -, Corinne Winters est absolument irradiante avec son apparence si fragile et son beau timbre aux inflexions subtilement sombres et finement filées. Elle peut délier une ligne vocale d’une souplesse très harmonieuse, même dans les moments les plus intenses, sans pour autant exagérer le sentiment de souffrance. Cette unité vocale imperturbable contribue ainsi à affirmer une constance dans sa personnalité.

En Varvara, Emily Sierra est d’une grande fraîcheur, avec des couleurs aux reflets changeants et une pétillance qui contraste avec la nature plus hors du temps de Káťa, et son duo drôle avec James Ley, un éloquent Kudrjáš, est un grand moment de respiration de la soirée.

Krzysztof Warlikowski, Małgorzata Szczęśniak, Claude Bardouil entourés de Milan Siljanov, John Daszak, Corinne Winters et Marc Albrecht.

Krzysztof Warlikowski, Małgorzata Szczęśniak, Claude Bardouil entourés de Milan Siljanov, John Daszak, Corinne Winters et Marc Albrecht.

Et pour lier cet univers à la fois poétique et chaotique, Marc Albrecht insuffle à l’écriture de Leoš Janáček une lecture très sensuelle, tout en restant très souple dans la charge dramatique, ce qui donne l’impression de vivre en phase avec l’intériorité de Káťa Kabanova. Dans cette production qui voit l’héroïne se fondre dans l’absolu de la nature, le sentiment de communion prédomine.

Il sera alors très intéressant de découvrir la lecture qu’en fera le jeune chef d’orchestre tchèque Petr Popelka qui dirigera cette production pour un seul soir le 07 juillet prochain.

Krzysztof Warlikowski et Corinne Winters

Krzysztof Warlikowski et Corinne Winters

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Publié le 22 Mars 2025

Der Spieler (Sergueï Prokofiev –
La Monnaie de Bruxelles, le 29 avril 1929)
Représentation du 15 mars 2025
Staatstheater Stuttgart

General Goran Jurić
Polina Aušrine Stundyte
Alexej Daniel Brenna
Babulenka Véronique Gens
Marquis Elmar Gilbertsson
Mr. Astley Shigeo Ishino
Mlle. Blanche Stine Marie Fischer
Fürst Nilski Robin Neck
Baron Wurmerhelm Peter Lobert
Potapytsch Jacobo Ochoa

Direction musicale Alexander Vitlin
Mise en scène Axel Ranisch (2025)
Staatsorchester Stuttgart, Staatsopernchor Stuttgart

Lors du festival d’été 2024, le Festival de Salzbourg avait présenté une version du ‘Joueur’ de Prokofiev qui n’avait franchement pas convaincu, le couple mise en scène / interprétation orchestrale manquant considérablement de souffle.

La nouvelle production proposée par l’opéra Stuttgart en ce début d’année 2025 est cette fois bien plus convaincante même si le premier acte reste difficile à rendre captivant.

Aušrine Stundyte (Polina) et Véronique Gens (Babulenka)

Aušrine Stundyte (Polina) et Véronique Gens (Babulenka)

Axel Ranisch déplace en effet le cadre de la petite ville allemande imaginaire de Roulettenbourg dans une zone désertique qui évoque naturellement le site de Las Vegas entouré de massifs montagneux. Les vestiges d’une roulette géante émergent du sol sablonneux et se soulèvent pour faciliter les entrées et sorties des différents caractères.

L’image de ruine est accentuée par la manière dont le Général et le Marquis sont affublés de façon décadente en shorts courts et collants-résilles – chapeau! à la basse Goran Jurić, d'une imperturbable noirceur monocorde, et à Elmar Gilbertsson, ténor tranchant, pour jouer le jeu avec une telle aisance -, mais le personnage de Polina, incarné par une Aušrine Stundyte toujours aussi physiquement magnétique avec sa noirceur de timbre aux accents fêlés, préserve sa fraîcheur et son humanité.

Daniel Brenna (Alexej) et Shigeo Ishino (Mr. Astley)

Daniel Brenna (Alexej) et Shigeo Ishino (Mr. Astley)

Rare intervenant bien mis en valeur par son soyeux costume jaune, le discret Astley est ennobli par la très belle ligne vocale de Shigeo Ishino, baryton japonais qui est l’une des valeurs très sûres de la troupe de l’opéra depuis 18 ans.

Une touche d’absurde est rajoutée par un ensemble de serviteurs à têtes de snack-cocktail qui interagissent avec les protagonistes, et l’on ne sait dire exactement à ce moment là si ce monde en ruine précède, sous forme de flash-back, la grande scène finale flamboyante qui sera la cause de la perte de cet univers décomposé, où bien si elle est le point de départ d’une nouvelle folie du jeu.

Aušrine Stundyte (Polina)

Aušrine Stundyte (Polina)

Quoi qu’il en soit, l’arrivée de Véronique Gens en Babulenka marque un véritable tournant, non seulement à cause du personnage charismatique imaginé par Dostoïeski, mais parce que la soprano française fait forte impression par les fulgurances de son empreinte vocale et par sa manière d’incarner cette femme délurée et fortement sexualisée avec une gestuelle brillamment stylisée.

Quand on ne connaît Véronique Gens qu’à travers des tragédies lyriques, c’est véritablement un choc que de la voir prendre un tel plaisir dans cette production assez radicale. Son arrivée coïncide avec le lever d'un astre planétaire dans le ciel nocturne.

Véronique Gens (Babulenka)

Véronique Gens (Babulenka)

Le personnage d’Alexej, interprété par Daniel Brenna qui le dépeint de toute sa largeur vocale ombrée et animée d’une puissante onde vibrante, n’est, lui, pas ridiculisé, car il porte un amour sincère pour Polina. Mais il restera vêtu de noir tout au long du drame satirique. Le ténor américain donne en effet une présence forte au jeune précepteur, mais c’est surtout dans la seconde partie qu’il va se livrer à la frénésie du jeu dans une débauche d’énergie totalement étourdissante.

Mais avant cela, Axel Ranisch conclura la première partie en sourire par une amusante insertion, en fond de décor, de la fusée d’’Objectif Lune’ du ‘Tintin’ d'Hergé pour montrer la fuite vers un ailleurs sous des au revoir de badauds amusants - une allusion malicieuse à ces milliardaires rêvant de conquérir l'espace, mais que le simple être humain aimerait voir partir pour de bon sur une autre planète -.

Daniel Brenna (Alexej) et Aušrine Stundyte (Polina)

Daniel Brenna (Alexej) et Aušrine Stundyte (Polina)

Une fois quitté cet univers aux lumières martiennes, nous nous retrouvons dans une salle de jeu resplendissante avec un arrière fond sombre bardé d’arcades. Tout le monde est superbement habillé pour faire bonne figure et espérer récupérer beaucoup d’argent. Le monde déchu de la première partie est à nouveau pris dans l’ivresse du jeu pour retourner finalement à sa ruine. L’immense roulette au sol sur laquelle joue et danse Alexej symbolise l’engrenage infernal d’un monde obnubilé par l’argent. A l'instar de la virtuosité du jeu du chœur et des solistes, les jeux de lumières et de couleurs, en dégradés de teintes roses et violettes, sont saisissants et d’une grande complexité afin de restituer un éclat visuel à la hauteur de l’emballement musical si bien imaginé par Prokofiev.

Véronique Gens (Babulenka)

Véronique Gens (Babulenka)

Sur cet inexorable dérèglement des esprits, le metteur en scène illustre sensationnellement la folie qui gagne Alexej en le faisant exposer, au sol et une fois l’argent gagné, une scène sensuelle comme s’il faisait l’amour seul avec la profusion de billets virevoltants dans tous les sens, pensant ainsi s’attacher Polina qui, bien entendu, ne pourra que prendre ses distances avec quelqu'un qui confond le vent de l'argent avec la chaleur du corps humain.

Daniel Brenna (Alexej) et Aušrine Stundyte (Polina)

Daniel Brenna (Alexej) et Aušrine Stundyte (Polina)

Ce spectacle est donc étonnant par l’inversion d’images qu’il engendre en jouant sur le sex-appeal de Daniel Brenna tout en faisant d’Aušrine Stundyte un personnage très sage, et tout en montrant une Véronique Gens au glamour hypnotisant.

Aušrine Stundyte et Daniel Brenna

Aušrine Stundyte et Daniel Brenna

A cela s’ajoute l’interprétation haut en couleur d’Alexander Vitlin qui vitalise l’orchestre de l’opéra de Stuttgart avec une volubilité phénoménale qui dessine des volutes orchestrales rutilantes au rythme acéré, tout en faisant un usage endiablé des percussions sans saturer le son ou écraser sa dynamique.

Il en résulte une version particulièrement incisive qui déclenchera au final l’enthousiasme du public dans une salle comble, prompte à saluer l’ensemble de la distribution pour son énergie et son engagement sans faille.

Stine Marie Fischer, Véronique Gens, Daniel Brenna, Alexander Vitlin et Aušrine Stundyte

Stine Marie Fischer, Véronique Gens, Daniel Brenna, Alexander Vitlin et Aušrine Stundyte

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Publié le 19 Mars 2025

Saison 2025/2026 du Bayerische Staatsoper de Munich (BSO)

Depuis le dimanche 16 mars 2025 10h, la saison 2025/2026 du Bayerische Staatsoper est rendue publique en direct via la chaîne Staatsoper.tv.

Il s'agit de la 5e saison de Serge Dorny à la direction de ce théâtre de référence, saison qui marque une étape intermédiaire puisque le directeur a été prolongé pour 5 saisons de plus jusqu’en 2031.

Cependant, du fait que le Théâtre national sera fermé pour travaux de début août à fin octobre 2025, cette saison lyrique sera un peu plus courte avec seulement 152 représentations pour 36 ouvrages, contre un peu plus de 170 représentations et 40 ouvrages habituellement. Et seules 6 nouvelles productions seront créées dans les grandes salles, et une septième sera donnée par l’Opéra Studio.

Par ailleurs, les opéras des XXe/XXIe siècles (hors Puccini) ne représenteront que 15% des soirées, en net retrait par rapport à l’édition en cours, mais une création mondiale sera à l’affiche, ‘Of one Blood’ de Brett Dean.

Of One Blood - Brett Dean

Of One Blood - Brett Dean

Et comme chaque saison, Serge Dorny propose une nouvelle production d’un grand ouvrage dramatique italien du XIXe siècle, ‘Rigoletto’ de Giuseppe Verdi. 

Mais le fait le plus flagrant est que toutes les reprises concernent des spectacles vus au cours des 3 dernières années (toutes ont été jouées après ‘Der Freischütz’ donné en janvier 2023), et 40% des soirées sont dédiées à des spectacles déjà programmés cette saison.

Toutefois, si seulement 6 ouvrages du XX et XXIe siècles seront présentés sur 23 soirées au total, 2 nouvelles productions leurs seront associées.

'Der Freischütz' - ms Dmitri Tcherniakov

'Der Freischütz' - ms Dmitri Tcherniakov

Après ‘Hamlet’ qui fut créé en 2017 au Festival de Glyndebourne sous la direction de Vladimir Jurowski, ‘Of one Blood’ de Brett Dean est le second opéra du compositeur australien.

A nouveau, le directeur musical du Bayerische Staatsoper dirigera cette nouvelle création mondiale – dont le Garsington Opera et le State Opera South Australia sont également commanditaires -, dans une mise en scène de Claus Guth en coproduction avec le Santa Fe Opera.
Johanni van Oostrum et Vera-Lotte Boecker incarneront respectivement Elizabeth Tudor et Marie Stuart.

Hans Werner Henze - ‘Die englische Katze’

Hans Werner Henze - ‘Die englische Katze’

Par ailleurs, en début de saison, le Théâtre Cuvilliés accueillera une nouvelle production des artistes de l’Opéra Studio, ‘Die englische Katze’ de Hans Werner Henze, ouvrage originellement basé sur un texte en anglais, mais qui fut créé en allemand en juin 1983 au Schwetzingen Festival, puis à l’Opéra de Paris (Salle Favart) en février 1984 dans une traduction française.

Faute de grande salle ouverte avant novembre, ‘Ariane à Naxos’ sera donné en version de concert pour deux soirs en octobre 2025 au Herkulessaal (1270 places assises) au sein du Münchener Residenz, sous la direction de Daniele Rustioni.

'Salome' - ms Krzysztof Warlikowski

'Salome' - ms Krzysztof Warlikowski

Également, deux autres opéras de Richard Strauss seront repris, ‘Salome’ dans la production de Krzysztof Warlikowski, avec Asmik Grigorian sous la direction de Thomas Guggels, et ‘Elektra’ dans la production d’Herbert Wernicke et sous la direction de Vladimir Jurowski.
Enfin, ‘Rusalka’ d’Anton Dvorak sera repris dans la production de Martin Kušej, avec Petr Popelka à la direction et Asmik Grigorian dans le rôle titre.

Barbara Wysocka - 'Rigoletto'

Barbara Wysocka - 'Rigoletto'

Comme chaque saison, le répertoire des compositeurs italiens du XIXe siècle est une composante solide et fondamentale qui va occuper 40% des représentations grâce à 14 ouvrages répartis sur 60 soirées, dont 5 de Giuseppe Verdi (‘La Traviata’, ‘Nabucco’, ‘Macbeth’, ‘Il Trovatore’ et la nouvelle production de ‘Rigoletto’ mise en scène par la réalisatrice polonaise Barbara Wysocka), et 4 de Giacomo Puccini (‘La Bohème’, ‘Tosca’, ‘Madame Butterfly’, ‘Turandot’) déjà repris cette saison

Ces grands classiques italiens seront complétés par la reprise de la ‘La Cenerentola’ de Gioachino Rossini, du diptyque ‘Cavalleria Rusticana / Il Pagliacci’ de Pietro Mascagni et Ruggero Leoncavallo, de ‘Norma’ de Vincenzo Bellini et de ‘L’Elixir d’Amour’ de Gaetano Donizetti.

Clay Hilley - 'Parsifal'

Clay Hilley - 'Parsifal'

Quant à Mozart, toujours bien représenté à Munich, il peut compter sur 4 de ses ouvrages les plus courus, ‘Les Noces de Figaro’, ‘Don Giovanni’, ‘L’enlèvement au Sérail’ et ‘La Flûte enchantée’ pour contribuer à la vitalité du théâtre.

Mais Wagner tombe à un minimum critique avec seulement 8 soirées que devront se partager la reprise de ‘Parsifal’, avec Clay Hilley, Nina Stemme et Sebastian Weigle à la direction, et la nouvelle production de ‘La Walkyrie’ mise en scène par Tobias Kratzer et dirigée par Vladimir Jurowski au cours du festival d’été 2026.

Toutefois, pas moins de 4 compositeurs germanophones du XIXe siècle vont se partager 16 soirées, Johan Strauss avec ‘Die Fledermaus’, Engelbert Humperdinck avec ‘Hänsel und Gretel’, Ludwig von Beethoven avec ‘Fidelio’, et Carl Maria von Weber avec la reprise de ‘Die Freischutz’ mis en scène par Dmitri Tcherniakov.

Nikolaï Andreïevitch Rimski-Korsakov - 'La Nuit de Noël'' ('Notch pered Rojdestvom')

Nikolaï Andreïevitch Rimski-Korsakov - 'La Nuit de Noël'' ('Notch pered Rojdestvom')

Et si le répertoire russe n’est représenté que par un seul ouvrage, ce sera une nouvelle production de ‘La nuit de Noël’ de Nikolaï Rimsky-Korsakov, un opéra rarement monté qui vient de connaître une excellente version à l’opéra de Frankfurt. La mise en scène sera confiée à Barrie Kosky en coproduction avec le Komischen Oper Berlin, et Vladimir Jurowski en assurera la réalisation musicale avec une distribution qui réunira Violeta Urmana, Sergei Leiferkus, Dmitry Ulyanov, Elena Tsallagova et Ekaterina Semenchuk.

Deux opéras tchèques compléteront ce portrait de famille slave, ‘Rusalka’ et ‘La fiancée vendue’ (direction Tomáš Hanus) ce qui fera au total 13 soirées dédiées à l’Europe centrale et orientale.

Nathalie Stutzmann - 'Faust'

Nathalie Stutzmann - 'Faust'

A l’instar de cette saison, la langue française sera également bien défendue avec la nouvelle production de ‘Faust’ confiée à la mise en scène de Lotte de Beer et la direction musicale de Nathalie Stutzman, et par les reprises de ‘La Fille du régiment’ de Donizetti sous la direction d’Antonino Fogliani, et de ‘Carmen’ sous la direction de Karel Mark Chichon.

Enfin, les baroqueux auront le plaisir de découvrir la nouvelle production d’’Alcina’ mise en scène par Johanna Wehner et dirigée par Stefano Montanari, ouvrage de Haendel qui n’avait plus été joué depuis juillet 2007 dans la précédente version de Christof Loy.

Jeanine De Bique - 'Alcina'

Jeanine De Bique - 'Alcina'

Cette programmation fait toutefois se détacher le rôle de Vladimir Jurowski, le directeur musical, qui dirigera 5 ouvrages ( les nouvelles productions de ‘La nuit de Noël’, ‘Of one blood’ et ‘La Walkyrie’, et les reprises de ‘Hansel und Gretel’ et ‘Elektra’), et met à nouveau en évidence la confiance accordée à Antonino Fogliani qui se réservera quatre opéras de compositeurs italiens, ‘Cavalleria Rusticana & Il Pagliacci’, ‘La fille du régiment’ et 'La Cenerentola'.

Par ailleurs, cette saison marquera les débuts de Nathalie Stutzmann au Bayerische Staatsoper afin d’assurer la direction de la nouvelle production de ‘Faust’ - le chef-d'œuvre de Charles Gounod n'avait plus été joué à l'opéra de Munich depuis 2005 - , 20 ans après y avoir incarné en tant que contralto le rôle d’Amastre dans l’opéra de Haendel ‘Xerxes’, ainsi que le retour après 8 ans d’absence d’Eun Sun Kim à la direction de ‘Madame Butterfly’.

Autre chef qui fera ses débuts dès l’été 2025 en dirigeant pour un soir ‘Katia Kabanova’ mis en scène par Krzysztof WarlikowskiPetr Popelka assurera la reprise de ‘Rusalka’ au festival d’été 2026.

Petr Popelka  - 'Rusalka'

Petr Popelka - 'Rusalka'

Et pour ceux qui scrutent les distributions de grands chanteurs, on pourra entendre cette saison Krassima Stoyaniova (Ariane à Naxos), Elina Garanca (Cavalleria Rusticana), Vittorio Grigolo (Cavalleria Rusticana), Wolfgang Koch (Il Pagliacci, Salome), Lisette Oropesa (La Traviata), Pretty Yende (La Fille du régiment), Xabier Anduaga (La Fille du régiment), Sonya Yoncheva (La Bohème, Norma), Benjamin Bernheim (La Bohème), Bogdan Volkov (La Flûte enchantée), Jessica Pratt (La Flûte enchantée), Rolando Villazon (Die Fledermaus), Rachel Willis-Sørensen (Die Fledermaus, Il Trovatore), Diana Damrau (Die Fledermaus, Les Noces de Figaro), Martin Winkler (Die Fledermaus), Pavol Brelisk (Die Fledermaus, La Fiancée vendue), Georg Zeppenfeld (Nabucco), Eleonora Buratto (Madame Butterfly, Carmen), Gerhard Siegel (Salome), Asmik Grigorian (Salome, Macbeth, Rusalka), Milan Siljanov (Fidelio), Ryan Speedo Green (Fidelio, Carmen), Johanni von Oostrum (Fidelio, Of one Blood), Camilla Nylund (Fidelio), René Pape (Fidelio), Nina Stemme (Elektra, Parsifal), Vida Miknevičiūtė (Elektra), Charles Workman (Elektra), Peter Mattei (Parsifal), Christof Fischesser (Parsifal, Rusalka, Don Giovanni, La Flûte enchantée), Clay Hilley (Parsifal), Ailyn Pérez (Faust, Tosca), Ludovic Tézier (Rigoletto, Tosca), Amartuvshin Enkhbat (Macbeth), Gerald Finley (Macbeth, Les Noces de Figaro), Saioa Hernández (Macbeth), Ambrogio Maestri (L’Elixir d’Amour), Arthur Rucinski (Il Trovatore), Judit Kutasi (Il Trovatore), Piot Beczala (Il Trovatore, Faust), Elena Stikhina (Norma), Aigul Akhmetshina (Norma, Carmen), Sondra Radvanovsky (Turandot), Dmitry Ulyanov (Turandot, La Nuit de Noël), Jonas Kaufmann (Turandot), Ermonela Jaho (Turandot), Golda Schultz (Turandot, Der Freischütz), Charles Castronovo (Carmen), René Barbera (La Cenerentola), Pavel Cernoch (Rusalka), Malyn Biström (Rusalka), Kyle Ketelsen (Der Freischütz, Faust), Stanislas de Barbeyrac (Der Freischütz), Violeta Urmana (La Nuit de Noël), Sergei Leiferkus (La Nuit de Noël), Elena Tsallagova (La Nuit de Noël), Ekaterina Semenchuk (La Nuit de Noël), Jonathan Tetelman (Faust), Florian Sempey (Faust), Nadine Sierra (Rigoletto), Ain Anger (La Walkyrie), Nicholas Brownlee (La Walkyrie), Ekaterina Gubanova (La Walkyrie), Jeanine De Bique (Alcina)

Ludovic Tézier - 'Tosca' et 'Rigoletto'

Ludovic Tézier - 'Tosca' et 'Rigoletto'

Un focus sur les grands chanteurs français invités cette saison permet enfin de mettre en valeur Ludovic Tézier (13 ans de maison en continu depuis ‘Don Carlo’ en juillet 2013), Stanislas de Barbeyrac, Florian Sempey et Benjamin Bernheim.

Enfin, seuls trois spectacles, ‘Hänsel et Gretel’, ‘L’Enlèvement au Sérail’ et ‘La Cenerentola’ auront une tarification qui ne dépassera pas 100 euros en première catégorie (il y en avait 6 au cours de la saison 2023/2024), mais la représentation de 'La Walkyrie' du 04 juillet 2026 sera projetée en direct sur la Max-Joseph Platz, avec saluts des artistes sur le parvis de l'opéra à la fin du spectacle.

Le détail de la saison 2025/2026 du Bayerische Staatsoper peut être consulté sous le lien suivant : Season 2025/2026 : Der Mensch ist, wozu er sich macht.

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Publié le 16 Mars 2025

Phèdre (Jean-Baptiste Lemoyne
26 octobre 1786, Fontainebleau et
21 novembre 1786, Opéra de Paris)
Représentation du 14 mars 2025
Badisches Staatstheater Karlsruhe

Phèdre Ann-Beth Solvang
Hippolyte Krzysztof Lachman
Thésée Armin Kolarczyk
Oenone Anastasiya Taratorkina
Un Grand de l’État Oğulcan Yılmaz
Acamas Phillip Hohner

Direction musicale Attilio Cremonesi
Mise en scène Christoph von Bernuth (2025)
Badischer Staatsopernchor & Badische Staatskapelle

Compositeur français qui ambitionnait d’assurer à travers ses premières tragédies l’héritage de Gluck, Sacchini et Piccinni - ce que ne lui reconnut pas Gluck lui-même -, Jean-Baptiste Lemoyne a cependant obtenu son plus grand succès avec une comédie lyrique, ‘Les Prétendus’, qui sera jouée plus de 220 fois entre 1789 et 1827 à l’Opéra de Paris.

Ann-Beth Solvang (Phèdre)

Ann-Beth Solvang (Phèdre)

Sa première tragédie lyrique, ‘Electre’, ne connut qu’une dizaine de représentations en 1782, mais les deux suivantes, ‘Phèdre’ et ‘Nephté’, eurent bien plus de succès et furent reprises.

‘Phèdre’ connut ainsi une soixantaine de représentations de 1786 à 1796, mais ne réapparut que pour deux soirs à la Salle Montansier, rue de Richelieu, en 1813. 

Le librettiste qui s’est inspiré de la célèbre pièce de Racine, François Benoît Hoffmann, sera ultérieurement l’auteur du livret de ‘Médée’ (1797) pour Luigi Cherubini.

Il est ainsi tout à fait étonnant et réjouissant que ce soit la scène de l’opéra de Karlsruhe qui ressuscite scéniquement, en langue originale et avec un plein effectif de 30 musiciens, un ouvrage français oublié depuis plus de 200 ans.

Ann-Beth Solvang (Phèdre)

Ann-Beth Solvang (Phèdre)

Certes, la nouvelle production élaborée par Christoph von Bernuth privilégie la lisibilité et l’économie de moyens. Après une première scène suggérant une forêt par quelques piquets ondulants plantés sur la scène dans une ambiance nocturne, le plateau tournant fait alterner deux décors, l’un représentant le grand escalier austère du palais de Trézène, qui sera aussi celui du temple de Neptune, l’autre l’intérieur mental resserré, obsessionnel et recouvert du nom d’’Hippolyte’ où s’enferme Phèdre.

L’espace transitoire entre ces deux plateaux est aussi utilisé pour des scènes de foules, notamment à l’arrivée de Thésée.

Quant à la direction d’acteurs, elle oscille entre convention pour le mouvement du chœur, bien chantant et bien unifié, ainsi que pour les personnages de la cour, et une théâtralité plus expressive dans les grands moments de coups de sang.

Armin Kolarczyk (Thésée)

Armin Kolarczyk (Thésée)

C’est le cas notamment de l’extraordinaire invocation à Neptune que clame Thésée au troisième acte, dont l’écriture vocale rageuse est déployée de façon impressionnante par le baryton italien Armin Kolarczyk, membre de la troupe du Badisches Staatstheater depuis 2007. Ce fantastique chanteur, doué d’un noble métal vocal d’une puissance pénétrante, est capable de s’approprier la salle entière de son charisme autoritaire au point de démontrer comment la théâtralité d’une scène peut puiser toute sa force uniquement à travers le talent d’un artiste auquel est confiée une prosodie nerveuse.

Mais les trois autres interprètes principaux ont eux aussi de très grandes qualités expressives. 
Ann-Beth Solvang, soprano norvégienne qui avait fait une première apparition parisienne au Théâtre du Châtelet en 2012 dans ‘Le Bal’ d’Oscar Strasnoy, possède une voix noire aux graves amples, un solide médium corsé, et des aigus ardents qui lui permettent de dépeindre Phèdre en un torrent passionnel que seule son éducation royale semble pouvoir contenir pour un temps. 

Ann-Beth Solvang (Phèdre)

Ann-Beth Solvang (Phèdre)

Cette somptuosité sonore avec laquelle elle enrobe un pathétisme éploré lui permet cependant de laisser émerger l’intelligibilité du verbe, et l’actrice se révèle surtout lors de sa confrontation avec Hippolyte. La scène finale, jouée sur un fond marin déchaîné par le seul moment où la vidéo se projette sur le grand escalier, lui permet de donner ce grand effet dramatique attendu en conclusion tragique.

Sa confidente, Œnone, est elle aussi interprétée par une chanteuse éblouissante, la soprano germano-russe Anastasiya Taratorkina. Elle affiche une fraîcheur rayonnante et de jolies nuances de timbre qui personnalisent avec beaucoup de charme ses interventions, et sa diction est si impeccable qu’elle donne vraiment l’impression d’avoir de très fortes connexions avec la langue française. Par ailleurs, tout en elle évoque la candeur, si bien que sa nature manipulatrice au troisième acte face à Thésée en devient inattendue.

Anastasiya Taratorkina (Oenone)

Anastasiya Taratorkina (Oenone)

Il est celui qui ouvre la première scène avec son premier air ‘Ô Diane, chaste déesse’, le jeune ténor polonais Krzysztof Lachman donne de sa voix homogène, à la fois légère et virile, un phrasé soigné qui rend une image très élégante d’Hippolyte. Étrangement, le metteur en scène le confine dans un jeu très retenu et innocent où rarement on sent le sang monter, sauf dans le duo avec Phèdre où sa gestuelle prend un sens théâtral plus fort.

Ces quatre stupéfiants artistes sont bien entourés et peuvent compter sur la verve d’Attilio Cremonesi qui tire de l’orchestre une vivacité qui ne dépareille jamais les couleurs lustrées des instruments, et qui fait corps avec l'éloquence des solistes. En effet, si elle n’ajoute pas de dimension dramaturgique ou d’expression de sentiments prononcées, l’écriture musicale de Jean-Baptiste Lemoyne colle à l'énergie du texte de façon vivifiante, sans pompe ni trivialité, ce qui entraîne les chanteurs et permet d’aboutir à de grands moments de vérité humaine.

Krzysztof Lachman (Hippolyte) et Ann-Beth Solvang (Phèdre)

Krzysztof Lachman (Hippolyte) et Ann-Beth Solvang (Phèdre)

On sort ainsi de ce spectacle autant impressionné par la profondeur d’engagement de l’ensemble de la distribution que par le temps et l’énergie qu’ils ont consacré à la préparation de cette résurrection, tout en sachant que les chanteurs principaux auront probablement peu d’occasions de revenir à cette œuvre oubliée du répertoire français.

Et le fait que le Badisches Staatstheater bénéficie d’une aide de 508 Millions d’euros, dont la moitié financée par l’État, pour engager sur douze ans des travaux de rénovations dédiés à de nouvelles salles de répétitions et plusieurs scènes de 150 à 400 places, offre une image d’espérance en l’avenir qui fait énormément plaisir à voir.

Anastasiya Taratorkina, Ann-Beth Solvang, Attilio Cremonesi, Krzysztof Lachman et Armin Kolarczyk

Anastasiya Taratorkina, Ann-Beth Solvang, Attilio Cremonesi, Krzysztof Lachman et Armin Kolarczyk

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Publié le 2 Mars 2025

Pelléas et Mélisande (Claude Debussy –
Opéra Comique, le 30 avril 1902)
Répétition générale du 22 février et représentation du 28 février 2025
Opéra Bastille

Pelléas Huw Montague Rendall
Mélisande Sabine Devieilhe
Golaud Gordon Bintner
Arkel Jean Teitgen
Geneviève Sophie Koch
Yniold Soliste de la Maîtrise de Radio France
Un médecin Amin Ahangaran
Vidéo : Axel Olliet (Pelléas), Delphine Gilquin (Mélisande), Azilis Arhan (Mélisande), Xavier Lenczewski (Golaud), Geneviève (Daria Pisareva)

Direction musicale Antonello Manacorda
Mise en scène Wajdi Mouawad (2025)
Nouvelle production en coproduction avec l’Abu Dhabi Festival

Retransmission en direct le 20 mars 2025 à 19h30 sur POP – Paris Opera Play, la plateforme de l’Opéra national de Paris, diffusion sur Medici.tv à partir du 20 avril 2025, et diffusion sur France Musique le 26 avril 2025 à 20h dans l’émission de Judith Chaîne ‘Samedi à l’Opéra’.

Après vingt ans de représentations, d’abord sur la scène du Palais Garnier où elle fut créée le 07 février 1997, puis sur la scène Bastille où elle fut reprise à partir de septembre 2004, la production emblématique de ‘Pelléas et Mélisande’ par Robert Wilson se retire du répertoire de l’Opéra national de Paris pour laisser place à une nouvelle vision élaborée par Wajdi Mouawad, homme de théâtre et actuel directeur du Théâtre national de la Colline.

Sabine Devieilhe (Mélisande) et Huw Montague Rendall (Pelléas)

Sabine Devieilhe (Mélisande) et Huw Montague Rendall (Pelléas)

Et ce qu’il propose, lui qui fut l'auteur en septembre 2021 d’une mise en scène d’’Œdipe’ de George Enescu qui remporta le Grand Prix du syndicat de la critique, est une fascinante mise en valeur du texte de Maurice Maeterlinck qui traduit une compréhension extrêmement fine de la symbolique de l’ouvrage au point de réussir à la transmettre au spectateur avec une surprenante sensibilité.

Pour y arriver, Wajdi Mouawad dresse un décor unique représentant en avant-scène un bassin baigné par la brume qui sera autant la fontaine de la forêt au premier acte, que la fontaine des aveugles au second, ou bien le souterrain au troisième, derrière lequel s’élève un talus et un écran sur lequel est projeté en ouverture la forêt d’Allemonde défilant lentement par effet de travelling.

Gordon Bintner (Golaud) et Sabine Devieilhe (Mélisande)

Gordon Bintner (Golaud) et Sabine Devieilhe (Mélisande)

Une étrange créature à tête de sanglier traverse lentement la scène avant que la musique ne débute, la bête traquée par Golaud, représentée comme un mystérieux esprit de la nature.

Mélisande est ce petit être pleurant au sol et perdu dans cette atmosphère nocturne si bien dépeinte par la musique, Golaud est figuré en jeune chasseur sûr de lui et conquérant, tel que décrit dans le texte, alors que Pelléas, son demi-frère, apparaît comme un jeune homme à peine sorti de l’adolescence, un être encore en construction.

Tout au long du spectacle, la vidéo évolue de simples représentations paysagères à des images où l’eau omniprésente devient l’élément de l’abstraction dans lequel les mots du texte de Maurice Maeterlinck sont utilisés par Wajdi Mouawad pour créer des images poétiques.

Huw Montague Rendall (Pelléas)

Huw Montague Rendall (Pelléas)

Ainsi, la couronne d’or est une lumière vaguement troublée par l’eau d’un étang, plus loin les vagues de la mer visibles depuis le palais balayent une plage, la tour du château et les arbres de la forêt sont montrés sous forme de reflets afin d’ajouter à l’irréalité du moment, l’ombre de Mélisande et Pelléas se détache en surimpression au quatrième acte, et l’hiver du dernier acte est évoqué par la nature recouverte de neige.

Et très régulièrement, le texte du livret s’incruste de toute part sur la vidéo pour mieux en imprégner l’auditeur.

Mais le metteur en scène ne se contente pas d’illustrer, il raconte aussi l’enjeu symbolique à travers des séquences surnaturelles qui montrent d’abord la chute de Mélisande, d’un blanc fantomatique, qui est le point de départ de l’œuvre, puis son aspiration à remonter vers le ciel et la lumière – le moment où elle mime le jet de sa bague en hauteur est très joliment décrit par l’orchestre ce qui renforce cet enjeu vertical qui parcoure les cinq actes -.

Sabine Devieilhe (Mélisande)

Sabine Devieilhe (Mélisande)

On retrouve d’ailleurs une similitude avec les vidéos de Bill Viola créées pour ‘Tristan und Isolde’ sur cette scène dès 2005 pour évoquer le rapport du couple amoureux à l‘infini de l’océan, mais ici l’image ne prend pas le dessus sur l’action théâtrale, car le dispositif est fait de façon à permettre aux chanteurs de traverser l’écran fait de multiples lamelles fixées au sol et en hauteur, et de s’évanouir dans l’ombre alors que de petites vignettes pré-filmées prennent la relève sous forme de traces imaginaires. 

Et quelle splendide scène lorsque Pelléas semble nager et se perdre dans la fantastique chevelure irréelle de Mélisande habilement déployée par l’image autour de Sabine Devieilhe!

Cette façon de faire permet ainsi de percevoir beaucoup plus flagramment ce désir de lumière, et cela change la perception de la scène d’observation du couple par Golaud et Yniold, car il ne s’agit plus d’un simple drame bourgeois et de jalousie amoureuse. La lueur de la fenêtre qu’atteint le jeune garçon est subtilement projetée à l’emplacement de l’écran où il se trouve, une lumière fluette qui reflète la quête existentielle de Mélisande et Pelléas, et donc la raison de ce qui les unit mentalement, c’est à dire sortir de leur condition pour retrouver le Soleil.

Gordon Bintner (Golaud) et un Soliste de la Maîtrise de Radio France (Yniold)

Gordon Bintner (Golaud) et un Soliste de la Maîtrise de Radio France (Yniold)

A l’inverse, l’attirance de Golaud pour le sang et la mort le différencie totalement de ces deux êtres destinés à un ailleurs salvateur. Wajdi Mouawad montre le corps du cheval de Golaud, qui avait été mystérieusement effrayé au milieu de la forêt, descendre vers le sol pour y être éviscéré par des paysans.

Des carcasses de moutons les rejoindront plus tard, l’ensemble dressant un tableau de nature morte qui sera utilisé dans la scène du souterrain pour justifier l’odeur mortelle qui y règne et le malaise qui saisit Pelléas. C’est à cet endroit qu’il perdra la vie.

Et au dernier acte, Wajdi Mouawad met en scène la mort de Mélisande avec sobriété en dissociant la réalité que vit Golaud, effondré sur le lit de mort de sa femme, alors qu’en arrière plan, l’ascension de Mélisande, rejointe par l’âme de Pelléas, parachève, sous la lumière, leur union à la nature.

Huw Montague Rendall (Pelléas) et Sabine Devieilhe (Mélisande)

Huw Montague Rendall (Pelléas) et Sabine Devieilhe (Mélisande)

A cette mise en valeur des mouvements verticaux alternant entre ciel et bas-fond tout au long du texte, un jeu sensible anime les principaux chanteurs en respectant le rythme lent de la musique, mais sans atténuer les moments où la violence surgit, les poses des regards de chacun et leur intensité transmettant toujours des sentiments profonds au spectateur.

Pour faire vivre ce poème dramatique, tous les chanteurs réunis sont des artistes qui ont récemment défendu le répertoire français sur la scène de l’Opéra de Paris, ce qui se ressent sur l’intelligibilité du texte, mais un seul d’entre eux fait une prise de rôle majeure à cette occasion, Gordon Bintner.

Le baryton-basse canadien, qui sera la saison prochaine invité à deux reprises à la Canadian Opera Company de Toronto pour défendre le répertoire français dans ‘Werther’ (Albert) et ‘Roméo et Juliette’ (Mercutio), interprète un Golaud jeune et nerveux, l’arc et les flèches dans le regard. Son élocution acérée, plus vigoureuse que dépressive et ténébreuse, lui donne de l’allure, et il trouve le plus de douceur feutrée dans sa tessiture basse.

Sabine Devieilhe (Mélisande), Gordon Bintner (Golaud) et Huw Montague Rendall (Pelléas)

Sabine Devieilhe (Mélisande), Gordon Bintner (Golaud) et Huw Montague Rendall (Pelléas)

En Mélisande, Sabine Devieilhe fait très forte impression, elle qui fréquente ce rôle depuis 10 ans, car tout le charme coloré de son timbre de voix facilement identifiable s’entend parfaitement dans l’immensité de Bastille, et une telle luminosité fait beaucoup penser à l’Ange du ‘Saint-François d’Assise’ d'Olivier Messiaen. Elle incarne un être gracile mais très expressif qui rend palpable son éphémérité.

Elle forme un magnifique couple avec Huw Montague Rendall, fils de deux artistes qui chantaient à l’Opéra de Paris au début des années 1990, Diana Montague à Garnier (‘Les Noces de Figaro’, ‘Benvenuto Cellini’) et David Rendall à Bastille (‘La Flûte enchantée’, ‘Les Contes d’Hoffmann’).

Le baryton britannique est un Pelléas renversant par l’idéalisme qui en émane, la finesse enjôleuse d’un timbre bien affermi, et l’envoûtant relief du visage qui fait vivre un romantisme à fleur de peau. En outre, il se plie à merveille au caractère très poétique, presque Pierrot lunaire, qu’il est amené à faire évoluer.

Sophie Koch (Geneviève) et Jean Teitgen (Arkel)

Sophie Koch (Geneviève) et Jean Teitgen (Arkel)

Toujours aussi doué d’un métal résonnant d’une solennité splendide, Jean Teitgen offre à Arkel une grandeur excellemment bien tenue, alors que Sophie Koch fait ressentir les tressaillements émotionnels de Geneviève avec des respirations très marquées qui ajoutent de la tension à chacune de ses phrases.

Enfin, Amin Ahangaran, membre de la troupe lyrique, est un médecin chantant avec une parfaite noirceur, et le jeune soliste de la Maîtrise de Radio France est lui aussi très juste et sensible dans son incarnation d’Yniold.

Jean Teitgen (Arkel), Sabine Devieilhe (Mélisande), Amin Ahangaran (Un médecin) et Gordon Bintner (Golaud)

Jean Teitgen (Arkel), Sabine Devieilhe (Mélisande), Amin Ahangaran (Un médecin) et Gordon Bintner (Golaud)

A la direction musicale, Antonello Manacorda s’inscrit pleinement dans cette approche singulière de la poésie de Maurice Maeterlinck. On sent de sa part un plaisir jubilatoire à faire discourir les enchevêtrements de dessins orchestraux avec acuité et une finesse de trait qui respecte la souplesse mélodique.

Il sollicite beaucoup la tension des cordes aiguës, réalise un travail véritablement plastique sur la clarté des cuivres et la légèreté de leur galbe, mais n’assombrit pas trop l’atmosphère générale, si bien qu’il arrive à entretenir un rapport très intime à la scène par l’attention de l’oreille qu’il suscite. On pourrait presque ressentir le caractère charnel de chaque instrument.

Soliste de la Maîtrise de Radio France, Jean Teitgen, Antonello Manacorda, Huw Montague Rendall et Sabine Devieilhe - Répétition générale

Soliste de la Maîtrise de Radio France, Jean Teitgen, Antonello Manacorda, Huw Montague Rendall et Sabine Devieilhe - Répétition générale

Sa signature n’est toutefois pas dénuée de sécheresse dans les instants théâtraux soudains qu’il conclut assez froidement, mais l’osmose avec les musiciens de l’Orchestre de l’Opéra national de Paris est prégnante pour arriver à développer une peinture paysagiste aussi précise et détaillée.

Huw Montague Rendall (Pelléas)

Huw Montague Rendall (Pelléas)

C’est donc cet alliage réussi entre poésie, matière musicale, incarnation et onirisme scénique qui fait vraiment la valeur de ce spectacle, une très grande réussite sensible et la confirmation des grandes qualités de Wajdi Mouawad à mettre en scène des œuvres lyriques basées sur des textes littéraires.

Une ample reconnaissance du public pour l'ensemble des artistes s'exprime au rideau final, et cela fait plaisir à vivre!

Huw Montague Rendall, Wajdi Mouawad et trois de ses collaborateurs, Antonello Manacorda, Sabine Devieilhe et Gordon Bintner

Huw Montague Rendall, Wajdi Mouawad et trois de ses collaborateurs, Antonello Manacorda, Sabine Devieilhe et Gordon Bintner

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Publié le 22 Février 2025

Dans le contexte difficile que vivent actuellement la plupart des maisons lyriques sous fortes contraintes financières, l’annonce de la saison 2025/2026 du MET est toujours très attendue car elle reste une référence incontournable.
Certes, l’équilibre économique de l’institution américaine reste fragile, mais la bonne nouvelle est que Peter Gelb n’a pas eu cette fois à puiser dans le fond de réserve du MET pour consolider une programmation structurellement semblable à celle de 2024/2025, alors qu’il avait du retirer 40 M$ de ce fond en 2024.

Saison 2025/2026 du New-York Metropolitan Opera (MET)

Il en résulte une programmation stabilisée à 18 titres et une fréquentation qui devrait atteindre 75% pour la saison 2024/2025, mais tout l’enjeu à venir sera de passer d’un esprit d’optimisation financière à une reprise de l’ouverture du répertoire pour dépasser les 20 titres par an et, peut-être, revenir un jour à 25 titres par an.

Il y eut cette saison quelques déceptions - ‘Grounded’ de Jeanine Tesori, avec Emily d’Angelo, ne s’est vendu qu’à 50% et ‘Ainadamar’ d’Osvaldo Golijov à 62% -, mais la nouvelle production d’'Aida’ a atteint 79 %, et la reprise de la ‘Flûte enchantée’, en version anglaise, a obtenu 82% de fréquentation, dans une salle de 3800 places.

Yannick Nézet-Séguin : ’The Amazing Adventures of Kavalier & Clay’, ‘El Último Sueño de Frida y Diego’, ‘Tristan und Isolde’, ‘Don Giovanni’

Yannick Nézet-Séguin : ’The Amazing Adventures of Kavalier & Clay’, ‘El Último Sueño de Frida y Diego’, ‘Tristan und Isolde’, ‘Don Giovanni’

18 spectacles, 6 nouvelles productions, 14 compositeurs dont 3 contemporains (3 œuvres du XXIe siècle)

Avec 196 représentations lyriques au cours de la saison 2025/2026 et 18 spectacles lyriques (dont 6 nouvelles productions), le MET se situe très légèrement au dessus de la saison 2024/2025 (194 représentations et 18 spectacles), 
Il s’agit clairement d’une programmation d’équilibre qui se resserre sur un socle ferme.

14 compositeurs sont représentés (contre 12 la saison dernière), dont 3 sont contemporains, soit 11 % des soirées dédiées à 3 nouvelles productions d’œuvres du XXIe siècle :’The Amazing Adventures of Kavalier & Clay’ du compositeur américain Mason Bates, dont la première mondiale eut lieu le 15 novembre 2024 à l’ Indiana University Jacobs School of Music Opera and Ballet, ‘Innocence’ (‘Festival d’Aix-en-Provence - 2021) de Kaija Saariaho (compositrice finlandaise disparue le 02 juin 2023 à Paris), et ‘El Último Sueño de Frida y Diego’ de la compositrice américaine Gabriela Lena Frank créée au San Diego Opera le 29 octobre 2022.

Gabriela Lena Frank : ‘El Último Sueño de Frida y Diego’

Gabriela Lena Frank : ‘El Último Sueño de Frida y Diego’

Deux ouvrages composés respectivement par Richard Strauss et George Gershwin représentent le renouvellement musical du XXe siècle.

Présent à deux reprises la saison précédente, Richard Strauss revient avec ‘Arabella’, ouvrage entré au répertoire du MET en 1955 qui n’avait plus été joué depuis avril 2014. Il s’agit d’une reprise de la production d’Otto Schenk (1984) interprétée par Rachel Willis-Sørensen dans le rôle titre et Pavol Breslik en Matteo, sous la direction de Nicholas Carter, le nouveau directeur musical de l’Opéra de Stuttgart à partir de la saison 2026/2027.

La reprise de ‘Porgy and Bess’ de George Gershwin signera la plus remarquable progression d’un titre au répertoire du MET car, après 54 représentations jouées entre 1985 et 1990 dans la production de Nathaniel Merrill, celle de James Robinson totalisera bientôt 43 représentations depuis le 23 septembre 2019.

Kwamé Ryan, chef canadien qui a récemment dirigé ‘The Time of our singing’ de Kris Defoort au Théâtre Royal de la Monnaie de Bruxelles, fera ses débuts au MET à cette occasion.

Kwamé Ryan : 'Porgy and Bess’

Kwamé Ryan : 'Porgy and Bess’

Le répertoire italien du XIXe siècle et début XXe siècle (Puccini, Bellini, Verdi, Giordano) pilier incontournable du MET

Répertoire fondamental, car le plus immédiatement accessible, les œuvres des compositeurs italiens du XIXe siècle règnent sans partage au MET, comme partout ailleurs, et couvriront cette saison 47% des soirées (45% la saison précédente).

Cependant, Puccini prendra le dessus sur Verdi en alignant trois reprises qui occuperont 26% des soirées, et qui font partie des 12 ouvrages les plus joués de la maison : ‘La Bohème’ par Franco Zeffirelli (1981), qui atteindra, début mai 2026, sa 599e représentation dans cette seule production, avec en alternance Keri-Lynn Wilson et Daniele Rustioni à la direction musicale, ‘Madame Butterfly’ dans la production d’Anthony Minghella (2006), sous la direction, selon les soirs, de Marco Armiliato et Carlo Rizzi, et enfin l’inévitable production de ‘Turandot’ mise en scène par Franco Zeffirelli (il ne s’agit que de la troisième production depuis 1926) qui atteindra sa 250e représentation depuis 1987 sous la direction partagée de Carlo Rizzi et Oksana Lyniv et une pléthore de grands chanteurs tels Angela Mead, Anna Pirozzi, Angel Blue, Michael Fabiano ou bien Roberto Alagna.

Roberto Alagna : 'Turandot'

Roberto Alagna : 'Turandot'

Deux nouvelles productions feront honneur à Vincenzo Bellini, celle d’‘I Puritani’ mise en scène par Charles Edwards qui remplacera celle de Sandro Segui (1976), avec Lisette Oropesa et Lawrence Brownlee, et celle, plus rare, de ‘La Sonnambula’ mise en scène par Rolando Villazon (une coproduction avec le Théâtre des Champs-Élysées vue à Paris en 2021) qui remplacera prématurément celle de Mary Zimmerman (2009), sous la direction de Riccardo Frizza avec Nadine Sierra et Xabier Anduaga dans les rôles principaux.

Enfin, Giuseppe Verdi ne sera représenté que par ‘La Traviata’ dans la production de Michael Mayer (2018), avec en alternance Antonello Manacorda, Marco Armiliato et Michele Spotti à la direction musicale, et pas moins de quatre Violetta (Lisette Oropesa, Amanda Woodbury, Rosa Feola et Ermonela Jaho), tandis que le pur vérisme italien sera incarné par Umberto Giordano et la reprise d’’Andrea Chénier’ dans la production de Nicolas Joel (1996) sous la direction de Daniele Rustioni, avec Sonya Yoncheva, Piotr Beczala et Igor Golovatenko.

Charles Edwards : 'I Puritani'

Charles Edwards : 'I Puritani'

Les répertoires français et russe se maintiennent faiblement

La langue française pourra être entendue à deux reprises cette saison avec ‘Carmen’, dans la production de Carrie Cracknell (2023), sous la direction du chef français Fabien Gabel, et ‘La Fille du régiment’ dans la production internationalement connue de Laurent Pelly, avec Erin Morley et Lawrence Brownlee dans les rôles de Marie et Tonio.

Quant au répertoire russe, il s’appuiera uniquement sur la reprise d’’Eugène Onéguine’ de Tchaïkovski, dans la mise en scène de Deborah Warner (2013), avec Asmik Grigorian, Igor Golovatenko et Stanislas de Barbeyrac, sous la direction de Timur Zangiev.

Fabien Gabel : 'Carmen'

Fabien Gabel : 'Carmen'

Mozart seul représentant de la période d’avant la révolution française

Avec seulement deux titres, ‘La Flûte enchantée’ en version abrégée et en anglais, et la reprise de ‘Don Giovanni’ dans la production d’Ivo van Hove ( une coproduction avec l’Opéra national de Paris vue à Garnier et Bastille respectivement en 2019 et 2022), Mozart sera donc le seul compositeur d’avant la Révolution française à être représenté sur la scène du MET, avec toutefois 15% des soirées pour lui seul.

Stanislas de Barbeyrac : 'Eugène Onéguine'

Stanislas de Barbeyrac : 'Eugène Onéguine'

Richard Wagner revient au répertoire

Absent de la saison 2024/2025, une première depuis la période 1918-1919, Richard Wagner reprend sa place au MET avec une nouvelle production de ‘Tristan und Isolde’ confiée à Yuval Sharon ('Lohengrin' - Bayreuth 2018), qui se substituera à celle de Mariusz Trelisnki (2016) qui ne sera donc pas reprise.

Yannick Nézet-Séguin en assurera la direction musicale avec Michael Spyres et Lise Davidsen dans les rôles titres.

Lise Davidsen : 'Tristan und Isolde'

Lise Davidsen : 'Tristan und Isolde'

Les répertoires 1900-1980 tchèque et anglais et le répertoire baroque toujours absents de la programmation

Pour la troisième saison consécutive, aucun ouvrage tchèque ou britannique de la période 1900-1980 ne sera représenté (que ce soit Leoš Janáček ou Benjamin Britten), et les œuvres baroques resteront elles aussi absentes.

Cependant, ‘Alcina’, ‘Ariodante’ et ‘Semele’ de Haendel, mis en scène respectivement par Richard Jones, Robert Carsen et Claus Guth, sont toujours programmées pour les prochaines saisons, ainsi qu’une nouvelle production de ‘Jenufa’ de Janáček.

Mason Bates : ’The Amazing Adventures of Kavalier & Clay’

Mason Bates : ’The Amazing Adventures of Kavalier & Clay’

4 ouvrages en 4 langues différentes dont 3 nouvelles productions dirigées par Yannick Nézet-Seguin

Directeur musical attitré du MET, Yannick Nézet-Séguin conduira quatre spectacles dont trois nouvelles productions, ’The Amazing Adventures of Kavalier & Clay’ du compositeur américain Mason Bates (nouvelle production de Bartlett Sher), avec Lauren Snouffer, Sun-Ly Pierce et Miles Mykkanen, ‘El Último Sueño de Frida y Diego’ de la compositrice américaine Gabriela Lena Frank (nouvelle production de Deborah Colker), avec Gabriella Reyes, Isabel Leonard, Nils Wanderer et Carlos Alvarez, ‘Tristan und Isolde’ (nouvelle production de Yuval Sharon), et la reprise de ‘Don Giovanni’ avec Ryan Speedo Green dans le rôle titre.

A ces trois nouvelles productions s’ajouteront celles d’‘Innocence’ de Kaija Saariaho mise en scène par Simon Stone sous la direction de Susanna Mälkki, et les deux nouvelles productions de ‘I Puritani’ et ‘La Sonnambula’ dédiées à Vincenzo Bellini et respectivement dirigées par Marco Armiliato et Riccardo Frizza.

Kaija Saariaho : ‘Innocence’

Kaija Saariaho : ‘Innocence’

8 productions du MET en direct au cinéma en HD

Samedi        18 octobre 2025 - 13h00 (EST) : La Sonnambula (Nouvelle production)
Samedi        08 novembre 2025 - 13h00 (EST) : La Bohème
Samedi        22 novembre 2025 - 13h00 (EST) : Arabella
Samedi        13 décembre 2025 - 13h00 (EST) : Andrea Chénier
Samedi        10 janvier 2026 - 13h00 (EST) : I Puritani (Nouvelle production)
Samedi        21 mars 2026 - 12h00 (EST) : Tristan und Isolde (Nouvelle production)
Samedi        02 mai 2026 - 13h00 (EST) : Eugène Onéguine
Samedi        30 mai 2026 - 13h00 (EST) : El Último Sueño de Frida y Diego (Nouvelle production)

Le détail de la saison 2025/2026 du MET peut être consulté sous le lien suivant : On Stage 2025–26

La présentation de la saison 2024/2025 peut être consultée sous le lien suivant : Saison 2024/2025 du New-York Metropolitan Opera (MET)

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