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Publié le 15 Janvier 2025

Salomé (Richard Strauss – Dresde, le 09 décembre 1905)
Représentation du 12 janvier 2025
Opera Ballet Vlaanderen - Gand

Salomé Allison Cook
Herodes Florian Stern
Herodias Angela Denoke
Jochanaan Kostas Smoriginas
Narraboth Denzil Delaere
Page der Herodias Linsey Coppens
Erster Jude Daniel Arnaldos
Zweiter Jude Hugo Kampschreur
Dritter Jude Timothy Veryser
Vierter Jude Hyunduk Kim
Fünfter Jude Marcel Brunner
Erster Nazarener Reuben Mbonambi
Zweiter Nazarener Leander Carlier
Erster Soldat Igor Bakan
Zweiter Soldat Marcel Brunner
Ein Kappadozier Reuben Mbonambi
Ein Sklave Linsey Coppens

Direction musicale Alejo Pérez
Mise en scène Ersan Mondtag (2024)

Né à Berlin en 1987 d’une famille d’immigrés turcs, Ersan Mondtag est un metteur en scène formé à l’histoire de l’art, le cinéma et la musique qui réalisa sa première pièce officielle au Staatstheater Kassel en 2015, ‘TYRANNIS’. D’autres spectacles suivirent dont ‘Das Internat’ créé en 2016 au Schauspiel Dortmund dans un décor gothique tournant, hanté par le mal.

Puis, en février 2018, il mit en scène au Théâtre Maxim Gorki de Berlin ‘Salome’, d’après Oscar Wilde, sur des textes arrangés par Orit Nahmias, et ce n’est que par la suite qu’il appréhenda la mise en scène d’opéra avec ‘Der Schmied von Gent’ de Franz Schreker donné en 2020 à l’Opéra des Flandres, suivi en ce même théâtre par ‘Le Lac d’argent’ de Kurt Weill.

Allison Cook (Salomé) et Linsey Coppens (Le Page)

Allison Cook (Salomé) et Linsey Coppens (Le Page)

Il est donc de retour en ce lieu empreint, dès la fin des années 60, de l’influence de Gerard Mortier, pour mettre en scène ‘Salome’ de Richard Strauss.

Son interprétation s’appuie de façon saisissante sur un décor d’une grande force évocatrice comprenant deux faces, l’une représentant l’extérieur des façades du Palais d’Hérode à travers des jeux d’ombres qui se dessinent sur des escaliers, alcôves, créneaux et remparts qui donnent une allure fantastique et expressionniste à ce château, dont les tours représentent les bustes immenses des maîtres du palais.

C’est ici que se jouera la relation entre Salomé et Jochanaan.

Salome (Cook Denoke Stern Smoriginas Pérez Mondtag Vlaanderen) Gand

Puis, par effet pivotant, notre regard découvre l’intérieur du Palais, centre de pouvoir à nouveau sculpté avec une finesse de détails impressionnante représentant deux escaliers en courbes élégantes flanqués de luxueuses loges latérales cérémonielles et cosy, qui encadrent en plein centre les symboles du pouvoir, une queue de paon surmontée d’une pyramide protégée par cinq statues - les gardiens du temple - qui remémorent les temps soviétiques. Mais les teintes rouges et les éléments de confort évoquent surtout un monde de luxure.

Et lors du passage d’un lieu à l’autre, deux immenses graphismes représentent la nature monstrueuse d’Hérode et Hérodias, le premier dévoreur de chair fraîche, la seconde animée par un sadisme diabolique.

Les corps de tous les figurants sont en revanche enlaidis par des effets qui donnent une couleur terne et flétrie à leur chair.

Tout figure le centralisme fasciste et monumental.

Salome (Cook Denoke Stern Smoriginas Pérez Mondtag Vlaanderen) Gand

Mais ce que raconte Ersan Mondtag est comment une jeune princesse née dans ce milieu là va, en premier lieu, en reproduire les codes, d’abord dans sa relation avec Jochanaan qui est lui-même fortement sexualisé avec son allure de jeune homme affublé d’un peignoir bleu, puis, par la manière dont elle va sembler jouer la connivence, notamment avec sa mère, lors des scènes festives, pour ensuite se retourner contre tout ce monde qui a abusé d’elle.

En effet, l’on assiste à la disparition un par un de tous les hommes présents sur scène, de Narraboth assassiné depuis un sombre interstice, car complice de l’oppression, jusqu'aux juifs et Hérode lui-même, éliminés par un groupe de femmes vivant à la cour. Et Salomé brandira fièrement la tête de Jochanaan comme pour parachever une victoire féministe sur un univers brutaliste dominé par le pouvoir masculin, Hérodias finissant dans le cachot du prophète.

Cette lecture qui invoque un renversement du monde est sans doute moins forte que la vision qu’a porté à la scène Lydia Steier à l’Opéra Bastille qui dissociait, au tableau final, l’acte monstrueux de Salomé de sa perception amoureuse envers Jochanaan. Mais on retrouve à nouveau une utilisation très politique de l’œuvre qui tente de sauver les femmes.

Et le jeu d’acteur est aussi très bien exploité de la part de tous les artistes, avec un recours au grotesque qui vise à contrebalancer la violence en jeu.

Kostas Smoriginas (Jochanaan)

Kostas Smoriginas (Jochanaan)

A l’opéra des Flandres, la cohésion entre l’expression scénique et l’interprétation orchestrale est souvent profondément travaillée, et l’on retrouve dans la direction d’Alejo Pérez une théâtralité sombre et un peu brute mais qui fait entendre le foisonnement de l’orchestration straussienne dans toute sa complexité, en dégageant avec soin les contrastes et les lignes étincelantes que les musiciens du Symfonisch Orkest Opera Ballet Vlaanderen décrivent avec un vrai sens de l’intime.

Les cuivres semblent un peu étouffés, mais le travail des cordes est de toute beauté, et le discours dramaturgique est fermement appuyé. Manque sans doute une forme d’évanescence lyrique qui amplifierait le mystère et l’atmosphère surnaturelle qui se rattachent fortement à cet univers.

Angela Denoke (Herodias), Florian Stern (Herodes), Allison Cook (Salomé) et Linsey Coppens (Le Page)

Angela Denoke (Herodias), Florian Stern (Herodes), Allison Cook (Salomé) et Linsey Coppens (Le Page)

Sur scène, Allison Cook fait sienne une personnalité qu’elle entend bien défendre avec un art du phrasé méticuleusement sculpté, et d’une grande clarté discursive inhérente à la signature straussienne.

Fine d’apparence, elle joue d’une animalité subtile, féminine et lucide, chante avec un souffle percutant, pas forcement très puissant, mais qui est toujours bien profilé. Elle mélange ainsi une maturité d’être à un comportement ludique ce qui la situe quelque part entre la jeune fille inconsciente et le monstre prêt à passer à l’acte.

Kostas Smoriginas possède de belles expressions autoritaires qui dépeignent un portrait rajeuni du Prophète, si bien qu’il est bien moins le représentant d’une force divine implacable que celui d’un homme ayant une sensualité vocale et physique qui trouble l’image archaïque que l’on pourrait avoir de Jochanaan, même si les effets théâtraux de l'orchestre prennent parfois le dessus.

Angela Denoke (Herodias)

Angela Denoke (Herodias)

Si Florian Stern dépeint une figure d’Hérode plus faible que sarcastique, ce qui va aussi dans l’esprit de la mise en scène qui fait la part belle aux femmes, Angela Denoke rend au contraire à Hérodias une présence physique et un aplomb vocal qui dominent les scènes du palais. Elle est la seule à donner franchement l’impression que la salle est trop petite pour elle.

Son timbre sibyllin est coloré d’inflexions qui la rendent unique mais qui sont moins prononcées dans ce rôle, car l’une des caractéristiques d’Angela Denoke est de savoir profondément incarner la souffrance humaine. C’est donc un immense plaisir de la voir autant au premier plan dans cette production, tout en repensant aux rôles sensibles qu’elle sait aussi représenter.

Kostas Smoriginas et Angela Denoke

Kostas Smoriginas et Angela Denoke

Parmi les rôles secondaires, Denzil Delaere donne une impression de solidité et de sensibilité qui défendent très bien Narraboth, et même si le page incarné par Linsey Coppens est un peu en retrait en terme de noirceur, tout son chant est dessiné avec précision.

Et en juif et cappadocien, Reuben Mbonambi impose un timbre de basse rocailleux qui annonce une obscurité prémonitoire.

Florian Stern, Allison Cook, Alejo Pérez, Kostas Smoriginas, Angela Denoke et Linsey Coppens

Florian Stern, Allison Cook, Alejo Pérez, Kostas Smoriginas, Angela Denoke et Linsey Coppens

Tous les éléments de cette production artistique réussissent ainsi à former un tout vivant et autonome dont le sens de l’action peut paraître au départ plutôt traditionnel, mais dont les écarts se révèlent petit à petit. L’interprétation féministe est certes réductrice, mais il y a ici un travail de mise en scène et de qualité dans le mixage des éclairages à la complexité du relief des décors qui séduit, et la radicalité qui se précipite dans la dernière partie participe aussi à la pureté sauvage que draine l’ouvrage.

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Publié le 8 Janvier 2025

Article de juillet 2016 mis à jour le 08 janvier 2025

L'article qui suit est une mise à jour intégrale de son contenu rédigé la première fois en juillet 2016.
Il fait un état des lieux de l’audience des sites internet de théâtres lyriques, de salles de concert classique, d’orchestres philharmoniques, de revues musicales, de radios musicales, de chaînes culturelles, de bases de données classiques et de sites de vidéos en streaming et cherche à en tirer quelques enseignements.

Le point de départ est le site de mesure d'audience Similarweb.com (une jeune compagnie britannique de technologie de l'information) qui donne, gratuitement, quelques indicateurs, à ne considérer que pour leurs ordres de grandeur, et un classement mondial des sites sélectionnés (classement basé sur le nombre de consultations mais aussi le temps passé et le nombre de pages consultées par les lecteurs).

Il fournit, notamment, le nombre de consultations par mois, la part du trafic lié à un accès direct au site (plus la part des accès directs est importante, plus la part des lecteurs fidèles est élevée), et la nationalité des visiteurs. Contrairement aux idées reçues, la part de lecteurs amenée par les réseaux sociaux (Facebook, twitter, Instagram ..) est très faible et représente dans la plupart des cas moins de 5% du trafic. Ces sites sont avant tout consultés par accès direct (pour les fidèles) ou par recherche google pour lequel leur bon référencement est indispensable à leur visibilité.

Un même visiteur pouvant consulter un même site plusieurs fois par mois, voir par jour, et depuis différents moyens électroniques, le nombre de consultations est donc très supérieur au nombre de personnes physiques distinctes ayant accédé à un site internet.  Ainsi, ‘Google’, le site n°1, reçoit 90 milliards de consultations par mois, alors que seuls 4 milliards d’habitants ont accès à internet dans le monde. Le nombre de visiteurs réels d’un site web est donc probablement 20 à 100 fois inférieur au nombre de consultations.

Klaus Mäkelä et l'Orchestre de Paris à la Philharmonie de Paris en septembre 2021

Klaus Mäkelä et l'Orchestre de Paris à la Philharmonie de Paris en septembre 2021

 Le tableau qui suit présente le classement de 200 sites lyriques et musicaux pour les 11 catégories suivantes auxquelles un code couleur différent est associé (bleu foncé pour les maisons d'opéras, bleu clair pour les centres de musiques et les orchestres, rose pour les webzine et blog, etc.), à savoir :

  • 2 chaînes culturelles à titre de référence : Arte et 3Sat
  • 6 radios musicales (Classik FM, France Musique, Radio Classique, WQXR, BR Klassik ...)
  • 100 maisons d’opéras internationales (Opéra national de Paris, MET, Covent Garden, Mariinski etc.)
  • 37 salles de concerts et orchestres philharmoniques ou symphoniques et centres musicaux
  • 4 sites qui agrègent plusieurs salles (Kennedy Center, Aalto Theater Essen, Château de Versailles Spectacles et Opera Australia)
  • 23 webzines (Slipped Disc, Forum Opera, Bachtrack, etc.)
  • 4 sites dédiés aux violonistes (Violinist, The Strad, Strings Magazine, The Violin Channel)
  • 4 sites de streaming (Operavision, Medici TV, Digital Concert Hall, Opera on video)
  • 9 bases de données de partitions et d'archives (IMSLP, Opera Arias, La Flûte de Pan, Bärenreiter etc.)
  • 10 sites de ventes en ligne d’enregistrements musicaux (JPC, Qobuz, Presto Music, Naxos etc.)
  • 1 site de billetterie (Music Opéra)

 

Le choix du seuil de 200 sites permet d'inclure quasiment tous les sites recevant au minimum 50 000 consultations par mois (soit de quelques milliers de lecteurs individuels pour les plus modestes à plusieurs centaines de milliers pour Arte). Ce nombre de consultations mensuelles est une moyenne calculée sur le second semestre 2024 (Similar Web affiche les résultats des 3 derniers mois ce qui oblige à faire plusieurs sondages au cours de l'année).

Pour chaque site est affiché :

  • son classement mondial (moyenne des 6 derniers mois)
  • l'évolution de son classement par rapport au premier semestre 2024
  • le nombre de consultation par mois (moyenne des 6 derniers mois)
  • la part de visiteurs qui accèdent directement au site (sans recherche google ou réseaux sociaux)
  • la part de visiteurs français

 

Une mise à jour d'ensemble de ce classement aura lieu tous les 6 mois, chaque mois de janvier et juillet, afin de suivre l'évolution annuelle du succès de ces sites. 

Audience comparée de sites dédiés à la Musique classique et à l'Art lyrique (juillet à décembre 2024)

Audience comparée de sites dédiés à la Musique classique et à l'Art lyrique (juillet à décembre 2024)

Audience comparée de sites dédiés à la Musique classique et à l'Art lyrique (juillet à décembre 2024)

Audience comparée de sites dédiés à la Musique classique et à l'Art lyrique (juillet à décembre 2024)

Audience comparée de sites dédiés à la Musique classique et à l'Art lyrique (juillet à décembre 2024)

Audience comparée de sites dédiés à la Musique classique et à l'Art lyrique (juillet à décembre 2024)

Audience comparée de sites dédiés à la Musique classique et à l'Art lyrique (juillet à décembre 2024)

Audience comparée de sites dédiés à la Musique classique et à l'Art lyrique (juillet à décembre 2024)

Audience comparée de sites dédiés à la Musique classique et à l'Art lyrique (juillet à décembre 2024)

Audience comparée de sites dédiés à la Musique classique et à l'Art lyrique (juillet à décembre 2024)

Audience comparée de sites dédiés à la Musique classique et à l'Art lyrique (juillet à décembre 2024)

Audience comparée de sites dédiés à la Musique classique et à l'Art lyrique (juillet à décembre 2024)

Audience comparée de sites dédiés à la Musique classique et à l'Art lyrique (juillet à décembre 2024)

Audience comparée de sites dédiés à la Musique classique et à l'Art lyrique (juillet à décembre 2024)

Audience comparée de sites dédiés à la Musique classique et à l'Art lyrique (juillet à décembre 2024)

Audience comparée de sites dédiés à la Musique classique et à l'Art lyrique (juillet à décembre 2024)

Classic FM, première chaîne de musique classique
Avec plus de 3 millions d’accès par mois sur internet, et 5 millions d’auditeurs chaque week-end sur les ondes hertziennes, la chaîne de musique classique britannique Classic FM a fêté ses 30 ans le 7 septembre 2022 et est devenue la première chaîne de musique classique au monde. 

 

En France, France Musique et Radio classique sont au coude à coude avec environ 1 million d’auditeurs par jour en hertzien. Mais sur internet, France Musique prend le dessus sur sa concurrente avec 1,4 millions de consultations du site par mois (1,2 millions en 2016), ce qui peut être du à la richesse de son contenu numérique. Plus de 80 % des auditeurs numériques des deux radios sont français, mais 10 % du trafic de Radio Classique provient d’auditeurs belges, alors que 10 % du trafic web de France Musique provient d’auditeurs canadiens, suisses, espagnols et grecs.

Toutefois, depuis février 2022, Radio France agrège sur un même site ses différentes chaînes radios (France Culture, France Inter etc..) si bien qu'il n'est plus possible de suivre l'évolution de France Musique. Le nombre de consultations affiché ici est donc une estimation à partir de l'évolution de la fréquentation de Radio France.

Le ROH, l’ONP, le MET, le Mariinsky et le Bolshoi en tête des sites web de maisons lyriques les plus consultés au monde.
Le Royal Opera House Covent Garden, l’Opéra national de Paris, le MET Opera de New-York, le Théâtre du Mariinsky et le Bolshoi sont les cinq maisons d’opéra qui disposent de sites internet classés parmi les 100 000 plus consultés au monde avec plus de 500 000 connexions par mois (et même 1 million pour le ROH). On observe cependant une nuance entre les maisons occidentales et les maisons russes.

70 % des visiteurs numériques des maisons occidentales sont nationaux, et 8 % proviennent aussi des USA pour le Covent Garden et l’Opéra de Paris, tandis que 8 % des visiteurs numériques du MET sont britanniques ou canadiens.

 

Avec plus de 500 000 consultations par mois, les maisons russes de Saint-Pétersbourg (Le Mariinski) et Moscou (Le Bolshoi) talonnent ces trois maisons phares, mais  90 % de leurs visiteurs sont cette fois nationaux et 2 % sont américains. Et depuis fin 2023, et la nomination de Valery Gergiev, le site du Théâtre du Bolshoi est même le plus consulté des sites d'institutions lyriques.

Avec 400 000 visiteurs par mois, le site de l’Opéra de Vienne a une structuration de sa fréquentation un peu différente. Seuls 30 % des visiteurs sont nationaux, 15 % sont allemands, 10 % sont américains, 6% sont britanniques et 5% sont français, ce qui reflète une image de maison de répertoire ouverte au monde entier. Les Russes, qui représentaient 10% du public avant la guerre en Ukraine, en sont dorénavant absents.

Et hors Opéra de Paris, le Théâtre des Champs-Élysées, le Théâtre du Châtelet, l'Opéra de Lyon et l'Opéra de Bordeaux sont les seuls sites de théâtre lyrique et classique français à dépasser largement les 50 000 consultations par mois.

Les opéras allemands sont bien représentés en seconde partie de ce classement, le Bayerische Staatsoper de Munich (300 000 consultations) en tête, mais également les maisons européennes telles le Norwegian Opera, le Royal Danish Opera, le Teatro Real de Madrid, l'Opéra d'Amsterdam, l’Opéra d’État de Prague et le Théâtre national de Brno.

Hors Europe, le Teatro Colon de Buenos Aires se détache nettement avec 400 000 visiteurs par mois.

Les succès de la Philharmonie de Paris et de l’ElbPhilharmonie et la reconnaissance internationale du Philharmonique de Vienne
Ouvertes respectivement en 2015 et 2017, la Philharmonie de Paris et l’ElbPhilharmonie de Hambourg sont devenues en quelques années les salles de concerts philharmoniques disposant des sites les plus consultés au monde.

Quant au site du Philharmonique de Vienne (plus de 250 000 consultations par mois) – l’orchestre a célébré ses 180 ans en 2022 -, il dispose d’une structuration de ses visiteurs totalement internationale dont seuls 15 % sont autrichiens, 15 % allemands, 10 % américains, 5% polonais, 5% italiens et 5% japonais..

Il est de plus fréquenté à 50 % par une multitude d’autres nationalités. Vienne est véritablement associée à une image de culture musicale mondiale - mais le concert du nouvel an qui augmente l'afflux de visiteurs sur le site du Wiener Philharmoniker en janvier joue beaucoup sur cette mise en avant -.

Enfin, pas moins de 13 sites d'orchestres américains apparaissent dans ce classement, dont le New York Philharmonic qui est en tête (300 000 visites par mois) suivi par le Boston Symphony Orchestra et le Los Angeles Philharmonic, et le site de l'emblème musicale des Pays-Bas, le Concertgebow d'Amsterdam, atteint désormais les 250 000 consultations par mois.


 

Slipped Disc et Classical Music en tête des Webzines internationaux, Forum Opera n°1 français pour l'Opéra.
Les magazines en ligne de musique classique se sont développés au même rythme que les sites lyriques. On y trouve des interviews d’artistes, des chroniques de spectacles ou d’enregistrements, l’actualité musicale, et parfois des lieux de discussions. Les groupes anglo-saxons dominent sans partage ce genre de média et sont les véritables promoteurs de cet art dans le monde.

Fondé en 2007 par l’écrivain et critique Norman Lebrecht, Slipped Disc est devenu le n°1 mondial des webzines avec plus de 1 million de consultations par mois. Son lectorat est à 40 % américain, à 25 % britannique, 8 % allemand et 7 % canadien.

Classical Music, le site de la revue BBC Music Magazine (1992), obtient un nombre de consultations qui atteint 700 000 par mois, et d’autres webzines tels Gramophone Uk (la revue fut créée en 1923 par Compton MacKenzie) ou Classics Today (au contenu mis à jour de façon journalière) obtiennent respectivement 350 000 et 200 000 consultations par mois.

Et depuis 2016, un site américain, Operawire (déjà 300 000 visites par mois), monte pour mettre en valeur les artistes de l’art lyrique.

Fondé en 2008 par David et Alison Karlin, le site Bachtrack regroupe des interviews et des comptes-rendus internationaux de concerts, opéras et spectacles chorégraphiques, et peut être consulté en français depuis 2013 (même si seules 10 % de ses 300 000 consultations mensuelles proviennent de l’hexagone).

Tel un gigantesque hub, cet outil propose de nombreux liens vers les évènements et les captations vidéos accessibles en ligne. Il regroupe 150 chroniqueurs dans le monde qui publient 250 articles par mois.

D'autres webzines internationaux ont acquis une importance significative tels Connesi all Opera (Italie), Concerti (Allemagne), Schweizer Musikzeitung (Suisse) ou Opera Plus (Tchéquie).

BelCanto (depuis 2002) et Classical Music News (depuis 2006 - Rédacteur en Chef : Boris Lifanovsky) sont les deux sites russes phares qui dépassent les 300 000 visiteurs par mois.

 

Créé en 2001 par Camille de Rijck, et numéro 1 en France avec plus de 120 000 consultations par mois, Forum Opera est spécifiquement orienté Opéra et Art lyrique. 85 % de son lectorat est français, 4% belge, 2 % américain et 2 % tchèque.

Quatre autres webzines français le rejoignent, Resmusica (qui a quasiment doublé son niveau de fréquentation ces 5 dernières années pour devenir le site généraliste n°1 en France - puisqu'il couvre la danse, les concerts et les représentations lyriques), Opera Online (45% de lecteurs français, 10% allemands, 20% anglo-saxons) avec 110 000 visites par mois et des critiques aussi reconnus qu'Alain Duault ou Dominique Adrian (également présent sur Resmusica), Diapason Magazine, la vitrine du magazine papier du même nom, et Olyrix, exclusivement centré sur l’Opéra et qui s’est bien implanté ces 5 dernières années également (environ 90 000 consultations par mois).

D’autres sites français permettent d’avoir accès à des comptes-rendus de concerts et d’opéras (Concertonet, Altamusica, Anaclase, Classykeo, Carnets sur Sol, Concert Classic, Wanderer ...) avec toutefois une audience plus confidentielle (de quelques centaines de lecteurs à 1000 lecteurs pour 10 000 à 35 000 lectures mensuelles).

Quant aux forums de discussions, mal référencés car pénalisés par Google, ils ne réunissent que quelques centaines de lecteurs habituels.

Il est toutefois assez étrange de constater que l'Union européenne ne dispose pas de grand site de musique classique et lyrique au niveau de ceux des britanniques. Serait-ce parce que ces derniers sont plus commerçants dans l'âme?

 

Les réussites des sites de commerce et de streaming Qobuz, JPC, Presto Music, Arte concert, Medici TV 
Fondé par Alexandre Leforestier et Yves Riesel, dirigeants d'Abeille Musique, et avec près de 3 000 000 de consultations par mois, Qobuz s’est imposé comme la référence des sites de commerce en ligne et de streaming musicaux, suivi par Presto Music (spécialisé en musique classique). 

Au même niveau de fréquentation que Qobuz, la compagnie JPC fondée en 1973 par Gerhard Georg Ortmann dispose du premier site de commerce en ligne européen pour la musique classique (bien qu'elle ne se limite pas à cette catégorie de musique). Elle propose des enregistrements à prix très attractifs, des DVD, des livres et des partitions.

 

Arte concert (gratuit) et Medici TV (payant) se partagent le créneau de la diffusion d’opéras et de concerts en vidéo, et Opera Vision (exclusivement européen), avec seulement 80 000 consultations par mois, semble en perte de vitesse et surtout consulté par des russes. Il est en fait probable que ses accords de diffusion sur Youtube diluent les informations de consultations dans ceux de la chaîne américaine et qu’il ne devienne plus possible de mesurer son audience réelle de manière immédiate.

Enfin, impossible de ne pas citer le Digital Concert Hall du Philharmonique de Berlin qui permet d'avoir accès pour 150 euros par an à plus de 650 concerts enregistrés au cours des 60 dernières années. Ce site remarquable reçoit près de 300 000 visites par mois, et 25% des visiteurs sont anglo-saxons.

 

Naxos, leader mondial des labels d'enregistrements de musique classique
Né en 1987 à l'initiative de Klaus Heymann, un entrepreneur allemand, Naxos est devenu le premier éditeur label mondial de nouveaux enregistrements classiques, avec un catalogue réunissant plus de 15 000 disques à prix économiques.

 

Egalement, signalons les sites de bases de données de partitions, IMSLP (International Music Score Library Project ), Free score et Opera Arias, un site de calendriers de spectacles d’opéras (Operabase) qui couvre les salles du monde entier, ainsi que le très original Bach Cantatas, projet collectif débuté en 1999 sur les 209 Cantates de Bach.

 

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Publié le 2 Décembre 2024

Rigoletto (Giuseppe Verdi – 11 mars 1851, Venise)
Répétition générale du 28 novembre et représentations du 01 et 24 décembre 2024
Opéra Bastille

Rigoletto Roman Burdenko
Gilda Rosa Feola
Il Duca di Mantova Liparit Avetisyan
Sparafucile Goderdzi Janelidze
Maddalena Aude Extrémo
Giovanna Marine Chagnon
Il Conte di Monterone Blake Denson
Marullo Florent Mbia
Matteo Borsa Manase Latu 
La Contessa di Ceprano Teona Todua
Il Conte di Ceprano Amin Ahangaran
Usciere di corte Julien Joguet
Paggio della Duchessa Seray Pinar
Double de Rigoletto Henri Bernard Guizirian

Direction musicale Domingo Hindoyan
Mise en scène Claus Guth (2016)

10e opéra le plus joué à l’Opéra national de Paris depuis le début de la période Rolf Liebermann (1973) avec 143 représentations au 01 décembre 2024 – mais plus de 1230 soirées depuis son entrée au répertoire le 27 février 1885 -, ‘Rigoletto’ représentait initialement, en tant qu’adaptation du ‘Roi s’amuse’ de Victor Hugo, une ouverture à la modernité alliée à la tradition littéraire française, et servait de vecteur de résistance aux œuvres de Richard Wagner qui bénéficiaient du soutien de très influents mécènes au tournant du XXe siècle.

Roman Burdenko (Rigoletto) et Rosa Feola (Gilda)

Roman Burdenko (Rigoletto) et Rosa Feola (Gilda)

Aujourd’hui, il est devenu un drame riche en grands airs et ensembles populaires qui peuvent être très entraînants malgré la façon dont les femmes y sont considérées, drame qui montre comment un homme, Rigoletto, amené à jouer de façon complice avec une société immorale, va voir cette société se retourner contre lui et sa fille, Gilda, totalement inconsciente de la manipulation qu’elle subit du fait du Duc de Mantoue, et pour lequel elle va pourtant sacrifier sa vie de manière insensée.

Rigoletto (Burdenko Feola Avetisyan Hindoyan Guth) Opéra de Paris

Depuis le 11 avril 2016, une nouvelle mise en scène de Claus Guth est régulièrement reprise sur la scène Bastille (voir les comptes-rendus de 2016, ‘Rigoletto (Kelsey-Fabiano-Peretyatko-Luisotti-Guth)’, et 2021, Rigoletto (Calleja - Lučić - Lungu - Sagripanti - Guth)’ qui décrivent en détail son esprit théâtral), production qui accentue le ressenti pathétique du spectateur en représentant en avant scène une immense boite en carton, déployée vers la salle, où toute l’action se déroule. 

Ce dispositif représente ainsi la petite boite qu’a conservé un Rigoletto âgé, incarné par un acteur - il s’agit d’Henri Bernard Guizirian ce soir -, qui se remémore sa vie passée détruite par le jeu sordide auquel il s’est lui même livré. Ne lui reste pour pleurer que la robe souillée de sa fille qu’il conserve maladivement.

Naturellement, tout décor somptueux est évacué pour éviter une séduction facile, et le metteur en scène cherche avant tout à resserrer l’action au plus près du public en compensant ce visuel, abîmé et déchiré, par des jeux d’ombres et de lumières qui mettent en relief la monstruosité des personnages tout autant que l’artifice de la cour de Mantoue.

La chute soudaine du rideau de spectacle bleu final au moment du meurtre de Gilda est particulièrement glaçante.

Henri Bernard Guizirian (Rigoletto - rôle muet)

Henri Bernard Guizirian (Rigoletto - rôle muet)

Pourtant Claus Guth réserve les plus belles images, un peu naïves, pour Gilda, à travers une imagerie vidéographique bucolique et une évocation toute inventée de l’aspiration de la jeune fille au monde de la danse.

Et pour cette nouvelle série, la distribution réunie est particulièrement liée par une implication totalement généreuse, à la mesure de la salle.

Tous ont en effet des voix très sonores et des statures qui leur donnent une présence forte.

Aude Extrémo (Maddalena)

Aude Extrémo (Maddalena)

C’est ainsi le cas du couple formé par Maddalena et Sparafucile dont Aude Extrémo, au galbe noir d’une résonance saisissante, et Goderdzi Janelidze, grande basse au mordant vif et expressif, mettent en relief la dureté de sa mentalité criminelle, mais aussi du Conte di Monterone de Blake Denson qui jette des vibrations violemment fusées au front de Rigoletto avec un aplomb fascinant.

Blake Denson (Il Conte di Monterone)

Blake Denson (Il Conte di Monterone)

Le baryton russe, Roman Burdenko, pourrait d’ailleurs paraître dans la première scène assez réservé, mais il va faire ressortir peu après les blessures de l’âme mélancolique du bouffon en gardant une excellente tenue de voix qui va s'imposer progressivement avec une assise solide et une tessiture assez souple et peu heurtée.

Le chanteur, 40 ans, est encore jeune et peut paraître plus frêle que son collègue acteur, Henri Bernard Guizirian, et pourtant son sens du tragique s’impose à la hauteur d’autres grands caractères verdiens, comme Macbeth qu’il évoque très souvent ce soir. C'est cette nature tragique qui passe d'ailleurs au premier plan, devant la relation paternelle à Gilda.

Liparit Avetisyan (Il Duca di Mantova)

Liparit Avetisyan (Il Duca di Mantova)

Et quel formidable Duc de Mantoue que fait vivre le ténor arménien Liparit Avetisyan, absolument sensationnel par sa manière de préserver l’unité de son timbre tout en tenant des aigus avec un souffle splendide, mêlant des accents graves à sa tessiture mature et très agréable à l’écoute!

Il y a surtout chez lui une impulsivité qui répond au rythme imprimé par le chef d’orchestre, et il se livre à des gamineries et un jeu de jeune homme immature qui rendent crédible son potentiel séducteur. Et la confiance qu'il affiche tout au long de la soirée donne du baume au cœur car elle inspire l'optimisme, surtout qu'elle émane d'un artiste qui vient d'une région du monde qui n'est pas aussi privilégiée que la France, et c'est tout à son honneur.

Véritablement, c’est un personnage entier et passionnant à suivre qu’il décrit avec toute sa joie de vivre et son esprit de liberté, au point de faire parfois oublier l'univers dépravé auquel il participe.

Rosa Feola (Gilda)

Rosa Feola (Gilda)

Entourée par tous ces caractères marquants, Rosa Feola s’en détache par la sensibilité qu’elle est sensée dégager. Son timbre a de la personnalité dans le médium, ce qui lui permet de donner beaucoup d’authenticité et de féminité à Gilda.

Elle est capable d’afficher un rayonnement puissant avec finesse, et de rendre la poésie rêveuse de la jeune fille sans pour autant la confiner dans un rôle transparent. Cette fraîcheur mêlée à une technique expérimentée donne ainsi une entièreté à son personnage que l’on ne ressent pas toujours avec autant de naturel.

Rosa Feola (Gilda) et Marine Chagnon (Giovanna)

Rosa Feola (Gilda) et Marine Chagnon (Giovanna)

Et parmi les seconds rôles, on découvre un jeune ténor néo-zélandais, Manase Latu, en Matteo Borsa, qui tient fièrement les échanges avec le Duc de Mantoue, et plusieurs interprètes de l’Académie et de la troupe de l’Opéra de Paris, Teona Todua, Amin Ahangaran, Seray Pinar, le très sympathique Florent Mbia, en Marullo, et la Giovanna précieuse de Marine Chagnon, qui tous contribuent à la coloration vocale et vivante des différents tableaux.

Domingo Hindoyan

Domingo Hindoyan

Les chœurs sont eux aussi à leur affaire dans ce répertoire qu’ils connaissant si bien, mais dans la fosse d’orchestre, Domingo Hindoyan entretient une fougue et un dramatisme flamboyants d’une grande tension, forçant les attaques pour ne par lâcher l’action, se montrant très souple et plus léché dans les moments détendus où la beauté de l’atmosphère prime, réussissant à ce que la violence de l’action n’induise pas un écrasement des couleurs. 

Rosa Feola et Roman Burdenko

Rosa Feola et Roman Burdenko

La rougeur des cuivres s’amalgame ainsi au flux des cordes et clarté des vents dans un même courant ambré, les contrebasses noircissent l'austérité ambiante, et avec son allure de jeune Verdi ambitieux, le chef d’orchestre vénézuélien nous emporte lui aussi un peu plus vers les régions d’Émilie-Romagne et de Lombardie.

Rosa Feola et Roman Burdenko, le 24 décembre 2024 soir

Rosa Feola et Roman Burdenko, le 24 décembre 2024 soir

Salle comble dès la première représentation de cette reprise, et c’est bien mérité quand un tel éclat et un tel allant emportent les cœurs des auditeurs.

Domingo Hindoyan, Rosa Feola, Henri Bernard Guizirian, Roman Burdenko, Liparit Avetisyan, Goderdzi Janelidze et Blake Denson

Domingo Hindoyan, Rosa Feola, Henri Bernard Guizirian, Roman Burdenko, Liparit Avetisyan, Goderdzi Janelidze et Blake Denson

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Publié le 11 Novembre 2024

Passion selon Saint-Jean (Jean-Sébastien Bach – 7 avril 1724, Leipzig)
Représentation du 04 novembre 2024
Théâtre des Champs-Élysées

Trame : L'arrestation, l’interrogatoire chez Anne et Caïphe et le reniement de Pierre, l’interrogatoire chez Pilate, la flagellation et le couronnement d'épines, la crucifixion et la mort de Jésus, l'ensevelissement

Soprano Sophie Junker                            Pilate Georg Nigl
Jésus Christian Immler                            Contre-ténor Benno Schachtner
L’Evangéliste Valerio Contaldo              Ténor Mark Milhofer
Ancilla Estelle Lefort*                           Soprano Camille Hubert*
Contre-ténor Logan Lopez Gonzalez*    Servus Augustin Laudet*
Pierre Rafael Galaz Ramirez

* artiste lyrique du Chœur de chambre de Namur

Danseurs Rosa Dicuonzo, Yuya Fujinami, Tian Gao, Eva Georgitsopoulou, Hwanhee Hwang, Annapaola Leso, Jaan Männima, Margaux Marielle-Tréhoüart, Virgis Puodziunas, Orlando Rodriguez, Joel Suárez Gómez

Direction musicale Leonardo García-Alarcón
Chorégraphie, mise en scène Sasha Waltz (2024)
Compagnie Sasha Waltz & Guests
Ensemble Cappella Mediterranea
Chœur de chambre de Namur, Chœur de l’Opéra de Dijon

Production créée le 22 mars 2024 dans le cadre du Festival de Pâques de Salzbourg et reprise à l’Opéra de Dijon les 30 et 31 mars 2024

Animé du désir de consacrer son art au service de l’Église, Jean-Sébastien Bach fit ses débuts comme cantor à Saint-Thomas de Leipzig le 30 mai 1723. Il ne devait pas seulement composer et jouer de la musique sacrée, mais aussi enseigner le chant aux élèves, superviser l’Institution et encadrer les prières du matin et du soir.

Le jour de Noël de la même année, il présenta une première version de son ‘Magnificat’ et, quelques mois plus tard, le 07 avril 1724, il fit entendre la ‘Passion selon Saint-Jean’ pour célébrer Pâques.

Au cours des années qui suivirent, il continua à l’améliorer en ajoutant des airs où en réarrangeant la partition jusqu’en 1749. Mais seules les versions de 1725 et 1749 sont éditées aujourd’hui.

Passion selon Saint-Jean - Photo Sasha Waltz & Guests

Passion selon Saint-Jean - Photo Sasha Waltz & Guests

Le Théâtre des Champs-Élysées est une salle où il est régulièrement possible d’entendre ‘La Passion selon Saint-Jean’, et au cours des 15 ans du mandat de Michel Franck, de 2010 à 2025, l’ouvrage a été représenté en version de concert en moyenne tous les deux ans, depuis l’interprétation donnée par Ton Koopman et l’Amsterdam Baroque Orchestra and Choir en 2011, à celle dirigée par Mark Padmore avec l’Orchestra of the Age of Enlightenment en 2021.

En revanche, il faut remonter au 21 octobre 1985 pour retrouver une version scénique de ‘La Passion selon Saint-Jean’ jouée en ce lieu qui accueillit la production de La Fenice mise en scène par Luigi Pizzi et dirigée par William Christie.

Mais loin de reproduire une imagerie iconographique catholique surchargée, le spectacle de Sasha Waltz est d’une totale intériorité que onze danseuses et danseurs font vivre à partir d’un art du mouvement circulaire et de torsions des corps qui traduisent de façon esthétique et poignante la souffrance mais aussi la grâce de la résistance à cette souffrance.

Les hauts de la salle du Théâtre des Champs-Elysées

Les hauts de la salle du Théâtre des Champs-Elysées

La nudité est d’emblée exposée pour exprimer le dépouillement et la fragilité de l’être humain, et elle s’insère tout au long de l’œuvre sous une lumière pénombrale caravagesque dont le sensualisme se fond au sentiment d’affliction engendré par le chant et la musique de Bach.

Par moments, la chorégraphe berlinoise a également recours à des à-coups théâtraux et des bruitages électroacoustiques pour marquer la violence que subit le Christ, mais les planches qui claquent en tombant au sol altèrent aussi la perception musicale ce qui fera réagir une partie du public. Plus loin, le percement du corps du Christ est suggérer par un ensemble de lances toutes pointées vers lui.

Le symbole du sang n’est néanmoins jamais évoqué.

Une très belle évocation d’un retable vivant est esquissée à partir d’un simple cadre dépliant où danseurs et musiciens prennent pose, toujours dans cet esprit de distanciation vis-à-vis de l’iconographie qui place la chair et le vivant au cœur du drame, et il y a aussi cette impressionnante plongée dans le noir, de toute la salle, au moment où le Christ se libère de la mort, ce qui rappelle le procédé qu’avait employé Dmitri Tcherniakov au Palais Garnier dans ‘Casse-Noisette’ pour signifier un changement de monde. Sauf que ce soir, l’orchestre continue de jouer dans le noir total.

Passion selon Saint-Jean

Passion selon Saint-Jean

L’Ensemble Cappella Mediterranea voit d’ailleurs son unité rompue puisqu’il est divisé en deux sections chacune disposée au pied du cadre de scène côté cour, pour la première, où dirige Leonardo García-Alarcón, et côté jardin pour la seconde. Un fort intimisme se dégage de l’interprétation aux couleurs franches sans effet d’éthérisation prononcé, et la musicalité curviligne s’harmonise naturellement avec la fluidité du mouvement chorégraphique.

Quelques choristes complètent chacun des deux ensembles, mais la surprise provient de cet inhabituel écho des voix qui semble se réfléchir sur les parois circulaires donnant l’impression que le chant vient de toute part. Et ce, jusqu’à qu’une vingtaine de choristes assis parmi les spectateurs au parterre se lèvent, révélant ainsi leur présence et la raison de cet effet de spatialisation saisissant.

L’Ensemble Cappella Mediterranea

L’Ensemble Cappella Mediterranea

Les solistes du drame ont par ailleurs une expressivité qui permet d’apprécier les différences de caractérisation de chaque artiste de façon très nette. Christian Immler traduit la sagesse et l’humanité du Christ avec justesse et une douce humilité, Georg Nigl, en Pilate, a le mordant d’un prédateur et une posture d’une solidité inflexible, l’évangéliste de Valerio Contaldo s’emplit au fil de la soirée d’un dramatisme tragique de plus en plus ancré, Mark Milhofer se montre d’une inépuisable profondeur de souffle, ainsi que d’une tenue de ligne impeccable avec un timbre bien incarné, et Benno Schachtner distille une légèreté rêveuse et mélancolique bien plus diaphane.

Quant à Sophie Junker, elle met à genoux les cœurs dans la déploration finale où les danseurs autour d’elle expriment sentiments de consolation et d’apaisement par des mouvements et étreintes d’une poésie naturelle fort chaleureuse.

Valerio Contaldo, Georg Nigl, Christian Immler et Benno Schachtner

Valerio Contaldo, Georg Nigl, Christian Immler et Benno Schachtner

Salle pleine pour deux soirs seulement, le directeur, Michel Franck, ayant même cédé sa place à la jeunesse, on ressort de ce spectacle fortement imprégné de son atmosphère ambiguë et de ses très beaux jeux de lumières d’apparence simple dans leur mise en place, mais également très impressionné par la manière dont l’interprétation musicale renouvelle notre perception de la spiritualité des corps.

Leonardo Garcia Alarcon, Sasha Waltz et les danseurs

Leonardo Garcia Alarcon, Sasha Waltz et les danseurs

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Publié le 31 Octobre 2024

The Time of our singing (Kris Defoort –
14 septembre 2021, La Monnaie)
Représentation du 27 octobre 2024
La Monnaie de Bruxelles

Delia Daley Claron McFadden
William Daley Mark S. Doss
David Strom Simon Bailey
Jonah Levy Sekgapane
Joey Peter Brathwaite
Ruth Abigail Abraham
Lisette Soer Lilly Jørstad
Robert Rider Hervé Loka Sombo (rôle muet)

Direction musicale Kwamé Ryan
Mise en scène Ted Huffman (2021)

Orchestre de chambre de la Monnaie
Ensemble de jazz (Robin Verheyen, Lander Gyselinck, Nicolas Thys, Hendrik Lasure)
Chœur d’enfants Equinox

Coproduction LOD Muziektheater (Gand), Theater St Gallen

Ouvrage récompensé par l’International Opera Awards comme la ‘Meilleure Création Mondiale’ de la saison 2021 / 2022', ‘The Time of our singing’ est repris trois ans plus tard à la Monnaie de Bruxelles, et c’est à une œuvre très touchante et chaleureuse qu’il est possible d’assister en ce début d’automne, de par la manière dont l’histoire d’amour entre une jeune musicienne noire originaire de Philadelphie et un physicien juif allemand est racontée en nous faisant traverser l’Histoire américaine et ses injustices vis à vis de la communauté noire au XXe siècle.

Simon Bailey (David Strom) et Levy Sekgapane (Jonah)

Simon Bailey (David Strom) et Levy Sekgapane (Jonah)

Décor dépouillé, la scène est simplement entourée de tables de classe sur tout son pourtour, et un tableau étendu en arrière plan remémore les noms de civils noirs ayant été victimes de meurtres depuis la guerre civile à aujourd’hui. Parmi ces noms se discerne celui de Delia Daley qui disparaîtra dans un incendie que sa fille, Ruth, estimera être intentionnel.

Et au dessus de ce tableau mémoriel, des vidéos noir et blanc évoquent le contexte historique en commençant par le récital de Marian Anderson interprété au Lincoln Memorial de Washington le 09 avril 1939 devant plus de 75 000 spectateurs, la contralto afro-américaine s’étant vu refuser l’accès au Constitution Hall par les ‘Filles de la Révolution américaine’.

Elle sera plus tard la première cantatrice noire à apparaitre sur la scène du MET, le 07 janvier 1955, pour chanter le rôle d'Ulrica dans 'Un Ballo in maschera' de Giuseppe Verdi.

Au cours de cette histoire basée sur le roman éponyme de Richard Powers, la question raciale est abordée par le biais de la famille Daley. 

Claron McFadden, soprano New-yorkaise installée dorénavant aux Pays-Bas qui célébrera ses 40 ans de carrière l’année prochaine, joue avec beaucoup de finesse et de profondeur le personnage de Delia Daley en montrant par ses sourires naturels comment elle entend dépasser les préjugés raciaux qui existent même au sein de sa propre famille. 

Car son père, William (incarné par la présence autoritaire de Mark S. Doss), considère que les noirs ne peuvent se défaire de leur groupe d’origine. Il y a donc ici un conflit d’appartenance entre un communautarisme qui souhaite s’imposer à l’individu, d'une part, et l'envie de faire partie d'une société unifiée, d'autre part.

Levy Sekgapane (Jonah) et Claron McFadden (Delia)

Levy Sekgapane (Jonah) et Claron McFadden (Delia)

L’idéal de Delia et de son fils, Jonah, chanté avec un timbre tendre et poétique par Levy Sekgapane, ténor sud-africain qui mûrit actuellement un parcours très assuré dans les interprétations belcantistes, se sublime par la manière dont tous deux voient dans leur parcours lyrique l’aboutissement d’un universalisme humaniste, alors que Ruth, la sœur de Jonah, mue par une volonté revendicative qui se traduit dans la gestuelle scénique vive d' Abigail Abraham, préférera développer un art du chant plus proche de ses racines à travers une école qu’elle va dédier aux jeunes avec l’aide de son autre frère, Joey (Peter Brathwaite).

Cela permettra en dernière partie d’entendre le chœur d’enfants Equinox entraîner le public sur un air entêtant qui sera repris en bis au rideau final face à une salle acquise et debout.

Abigail Abraham (Ruth), Levy Sekgapane (Jonah) et Peter Brathwaite (Joey)

Abigail Abraham (Ruth), Levy Sekgapane (Jonah) et Peter Brathwaite (Joey)

Quand Jonah les rejoint, il comprend tout l’intérêt de la démarche qui devient un moyen de concilier le besoin d’émancipation par l’art tout en restant connecté à la vie d’aujourd’hui et de ses difficultés. Et ce d’autant plus que les violences policières vis-à-vis des populations noires se poursuivent.

Et brutalement, le chœur d’enfants met sans dessus-dessous la scène au moment des émeutes survenues à Los Angeles en 1992 lors de l’acquittement des agresseurs de l’activiste Rodney King.

Chœur d’enfants Equinox

Chœur d’enfants Equinox

La musique qu’a composé Kris Defoort, qui en est à son quatrième ouvrage à la Monnaie après ‘The Woman who walked into doors’ (2001), ‘House of the sleeping beauties’ (2009) et ‘Daral Shaga’ (2014), inclut des parties jazzy et feutrées jouées à la batterie, un accompagnement délicat au piano qui accroît le sentiment d’intimité des relations humaines, un saxophone qui induit une narration sentimentale et rêveuse, alors que l’écriture des cordes tend à diffracter leurs sonorités en mille discrets chatoiements, ce qui crée du relief et des aspérités qui évitent d’entendre un flot trop coulant et uniforme. 

 Lilly Jørstad (Lisette Soer) et Levy Sekgapane (Jonah)

Lilly Jørstad (Lisette Soer) et Levy Sekgapane (Jonah)

Kwamé Ryan - les parisiens se souviennent peut-être qu'il interprétait en 2004 'L'Espace dernier' de Matthias Pintscher à l'Opéra Bastille - dirige l’Orchestre de chambre de la Monnaie dans un esprit d’osmose avec les musiciens et la scène qui se retrouve dans sa souplesse de lecture et sa maîtrise sonore qui invitent à un climat convivial et généreux.

Et c'est autant plus sensible que la direction d’acteurs de Ted Huffman s’inscrit continuellement dans la sobriété et la justesse.

Claron McFadden, Kwamé Ryan, Levy Sekgapane, Peter Brathwaite et Abigail Abraham

Claron McFadden, Kwamé Ryan, Levy Sekgapane, Peter Brathwaite et Abigail Abraham

Et voir à quel point cet ouvrage contemporain peut réunir des publics très différents laisse penser que Peter Gelb pourrait-être intéresser pour le porter sur la scène du New-York Metropolitan Opera afin de lui donner un impact encore plus grand.

The Time of our singing (McFadden Sekgapane Ryan Huffman) La Monnaie

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Publié le 28 Octobre 2024

Donnerstag aus Licht - Acte III (Karlheinz Stockhausen - 03 avril 1981, La Scala de Milan)
Concert du 26 octobre 2024
Philharmonie de Paris
Grande salle Pierre Boulez

Michaël Safir Behloul (ténor), Henri Deléger (trompette), Emmanuelle Grach (danse)
Eve Elise Chauvin (soprano), Iris Zerdoud (cor de basset), Suzanne Meyer (danse)
Lucifer Damien Pass (basse), Mathieu Adam (trombone), Frank Gizycki (danse)
Une vieille dame Bernadette Le Saché
Michael adolescent Ilion Thierrée

Direction musicale Maxime Pascal
Mise en scène Benjamin Lazar

Ensemble Le Balcon
Étudiants du Conservatoire de Paris
Étudiants du Pôle Sup'93
Le Jeune Chœur de Paris - Département supérieur pour jeunes chanteurs, CRR de Paris
Orchestre Impromptu

Quatre ans, jour pour jour, après avoir dirigé 'Dienstag aus Licht' dans la grande salle de la Philharmonie, probablement le plus spectaculaire des sept volets du cycle 'Licht', Maxime Pascal revient avec son ensemble Le Balcon, renforcé par les cordes de l'Orchestre Impromptu, pour interpréter le 3e acte de 'Donnerstag aus Licht' dans une scénographie spatio-temporelle qui inspire pleinement à un mysticisme subtil en s'appuyant sur la puissance et les possibilités qu'offre la grande salle de la Philharmonie. 

Ce spectacle avait été donné à l’Opéra Comique en novembre 2018, puis repris à la Philharmonie en novembre 2021 mais sans le 3e acte, les contraintes de la pandémie ne le permettant pas.

Donnerstag aus Licht - Acte III

Donnerstag aus Licht - Acte III

Ce dernier acte repris ce soir se décompose en deux parties, la première, 'Festival', dont le climax est le combat entre Michaël et Lucifer, et la seconde, 'Vision', qui est une réflexion sur ce qu'est l'être humain et comment Lucifer cherche à l'empêcher dans sa quête d'absolu.

Les musiciens sont disposés en arrière scène sur une large estrade sur laquelle repose un grand gong.

Des faisceaux lumineux pointent au dessus de lui pour y projeter quelques mots, et cet ensemble va de plus en plus évoquer la vision du centre d'un système solaire où l'humanité se retrouverait pour y régler ses comptes. Cette impression s’accroît avec la distance à la scène que permet la salle.

Damien Pass (Lucifer)

Damien Pass (Lucifer)

Au début, des chœurs descendent des escaliers vers la scène en frontal, avant de se disperser, et l'on entendra pas la suite ces voix invisibles venir de toutes parts y compris des moindres interstices du fond de parterre. Les cordes instillent une atmosphère évanescente, un fond omniprésent, et les cuivres agissent comme des stimuli qui commentent l’action de façon vive et haut-en-couleur avec un sens du burlesque qui se manifeste lors du combat entre Michaël et Lucifer, rendu ici de façon assez ludique.

Lucifer perd et s'en va à travers les hauteurs de la Philharmonie en scandant de façon répétitive à Michaël ‘Du bist ein Narr!' (‘Tu es un imbécile!’). A priori, on peut y voir une simple réaction à une déception humaine, mais ceci se déroule à travers un espace si vaste que l’on ne peut s’empêcher de voir, mais de manière très personnelle, comme une métaphore de la manifestation du chaos dans la formation de la vie de notre système solaire. 

En effet, on a au centre de la scène un couple qui s’aime et qui se retrouve devant un gong en forme de Soleil, des musiciens qui pourraient symboliser une force environnante hors du temps et impalpable, et un Lucifer venu de l’extérieur de ce système et qui perturbe la vie qu'il abrite mais sans réussir à la détruire, et qui finalement repart dans le cosmos - en y associant la texture étrange de la musique, un rapprochement naturel s'opère entre le personnage de Lucifer, incapable de participer à la société, et le 'Wozzeck' d'Alban Berg -.

En seconde partie, Michaël le présentera comme un ange noble qui s’est révolté à la création de l’homme, une force qui vise à empêcher chaque individu d'avancer dans sa propre construction humaine.

Ilion Thierrée (Michael adolescent) et Bernadette Le Saché (Une vieille dame)

Ilion Thierrée (Michael adolescent) et Bernadette Le Saché (Une vieille dame)

L’ésotérisme de la musique et les symboles qui apparaissent dans ce spectacle augmentent ainsi l’espace de jeu, tel ce chiffre ‘9’ qui surgit indirectement à travers 3 groupes de 3 faisceaux lumineux verticaux qui résonnent avec les trois formes que chacun des trois êtres, Michaël, Eve et Lucifer, prend sous les traits d’un chanteur, d’un danseur et un d’instrumentiste, comme en écho aux ‘9’ planètes qui gravitent autour de notre étoile (dans les année 80, Pluton était encore considérée comme une planète).

Cette évocation montre ainsi comment cette mise en scène, magnifiquement insérée dans la salle Boulez, et les éléments hypnotiques contenus dans la musique de Stockhausen ont la capacité à ouvrir les limites du temps tout en nous maintenant connectés à l’essence de la vie qui s'anime devant nos yeux.

L’utilisation des lumières, notamment sur le plafond de la Philharmonie qui se pare de mille reflets orangés, renforce le sentiment d’unité individuelle et collective de ce spectacle grandiose qui, quelque part, peut aussi donner l'impression de vivre une grande cérémonie panthéiste.

Maxime Pascal, Benjamin Lazar, Damien Pass et Richard Wilberforce (Chef de chœur)

Maxime Pascal, Benjamin Lazar, Damien Pass et Richard Wilberforce (Chef de chœur)

Tous ces artistes sont évidemment épatants, que ce soit Elise Gauvin qui surpasse en puissance l’orchestre et les chœurs, Damien Pass, ancien élève de l’Atelier Lyrique de l’Opéra de Paris, en Lucifer, excellent comédien d’une très grande présence, y compris dans l’utilisation inventive de ses inflexions de voix, Safir Behloul, qui rend une pureté humaniste à Michaël, ou bien Maxime Pascal qui porte à bout de bras vifs et majestueux les grands mouvements orchestraux pour galvaniser tous les musiciens.

Par ailleurs, les instrumentistes solistes Henri Deléger (trompette), Iris Zerdoud (cor de basset) et Mathieu Adam (trombone) soignent couleurs et précision sonore qui se magnifient naturellement dans l'acoustique immersive de la grande salle.

Enfin, les fascinants effets polyphoniques des chœurs participent de façon déterminante à la formidable sensation d'irréalité qui innerve cette œuvre atypique.

 Donnerstag aus Licht Acte 3 (Maxime Pascal Le Balcon Lazar) Philharmonie

Ensemble, ils réussissent ainsi à dépasser la complexité d’agencement de cette production pour induire chez le spectateur non seulement le merveilleux sentiment de mystère qu'il vient éprouver, mais aussi un grand sentiment d'admiration pour avoir su rendre l'intemporalité de cet acte foisonnant.

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Publié le 20 Octobre 2024

La Fille du Régiment (Gaetano Donizetti -
11 février 1840, Opéra-Comique de Paris)
Représentation du 17 octobre 2024
Opéra Bastille

Marie Julie Fuchs
Marquise de Berkenfield  Susan Graham
Tonio  Lawrence Brownlee
Sulpice  Lionel Lhote
Hortensius  Florent Mbia
Duchesse de Crakentorp Dame Felicity Lott

Direction Musicale Evelino Pidò
Mise en scène Laurent Pelly (2007)

Production Metropolitan Opera de New York, Royal Opera House Covent Garden de Londres, Staatsoper de Vienne
 

Retransmission en direct le 06 novembre 2024 sur POP-Paris Opera Play, la plateforme de l'Opéra national de Paris

Créé le 11 février 1840, ‘La Fille du Régiment’ est le dernier grand succès du Théâtre des Nouveautés donné par la troupe de l’Opéra-Comique qui s’y était installée depuis 1832, avant qu’elle ne rejoigne sa seconde salle Favart trois mois plus tard.

Dans cette salle confiée à la direction de François-Louis Crosnier, ancien chef de bataillon, 'Le pré aux Clercs' d'Herold, ‘Le Chalet’ et ‘Le Postillon de Lonjumeau’ d’Adolphe Adam, ‘Le Cheval de bronze’ et ‘Le Domino noir’ d’Auber connaîtront également leurs premières représentations et seront tous de grandes réussites du genre tout au long du XIXe siècle.

Le premier opéra en français écrit pour Paris par Donizetti atteindra ainsi sa millième représentation à l’Opéra-Comique le 02 janvier 1908 avant de connaître un déclin à l’issue de la Première Guerre mondiale.

Julie Fuchs (Marie)

Julie Fuchs (Marie)

Par la suite, l’œuvre retrouvera sa popularité grâce à l’interprétation de Luciano Pavarotti et Joan Sutherland donnée au Royal Opera House de Londres en 1966 et 1967, maison lyrique qui présentera 40 ans plus tard une nouvelle coproduction de ‘La Fille du Régiment’ mise en scène par Laurent Pelly

Cette production sera jouée sur la scène de Covent Garden pendant 12 ans (36 représentations), mais aussi à Vienne (35 représentations), New-York (28 représentations), Paris (en 2012 et 2024 pour un total de 22 représentations), Barcelone (17 représentations), Madrid (14 représentations), Chicago (7 représentations), ainsi qu’à la Scala de Milan en 2025 (6 représentations), soit 165 représentations.

Il est ainsi très rare qu’une production lyrique soit présentée sur autant de scènes différentes à travers le monde, et rien ne laisse penser que son parcours ne soit achevé.

Susan Graham (La Marquise de Berkenfield) et Florent Mbia (Hortensius)

Susan Graham (La Marquise de Berkenfield) et Florent Mbia (Hortensius)

La Scénographie conçue par Laurent Pelly s’appuie sur un concept assez simple avec, en première partie, un relief composé de cartes militaires gigantesques représentant le terrain des régions autour du Tyrol où Napoléon avançait en 1815, ce qui donne une petite allure de bande dessinée à la mise en scène, puis, en seconde partie, un décor boisé d’appartement bourgeois transversal sur fond de pyramides et Sphinx égyptiens qui renvoient à une image d’Épinal fantasmée des campagnes napoléoniennes.

Le choix des costumes donne de la jeune vivandière Marie une image de garçon manqué qui veut aller en découdre au combat en première ligne de son régiment, et lorsque sa tante, en fait sa mère, la Marquise de Berkenfield, cherche à l’embourgeoiser, le comportement de Marie en robe de mariée montre le décalage entre sa personnalité et ce symbole social dépassé qui altère sa nature humaine.

Susan Graham (La Marquise de Berkenfield)

Susan Graham (La Marquise de Berkenfield)

Pour cette reprise, Julie Fuchs reprend la rôle qu’elle n’avait abordé jusqu’à présent qu’en 2016, à Lausanne d’abord, dans une mise en scène de Vincent Vittoz, puis à Vienne dans la production de Laurent Pelly.

Rodée à la comédie, elle impose avec évidence une présence drolatique en s’appuyant dans les parties chantées sur son sens du rythme et une vocalité enjouée dans une teinte constamment claire, et c’est à partir de la romance ‘Il faut partir !’ que son délié s’épanouit avec une souplesse pleinement grisante et lumineuse.

Elle approfondit ainsi l’âme de Marie en faisant ressortir une douceur très mozartienne.

Julie Fuchs (Marie) et les soldats

Julie Fuchs (Marie) et les soldats

Son amoureux, Tonio, incarné par Lawrence Brownlee s’inscrit totalement dans la joie de vivre mais aussi la vaillance pleinement virile, son timbre consistant aux colorations à la fois ombreuses et scintillantes se modulant de manière très fluide à la forte dynamique de tessiture imposée par l’écriture de Donizetti.

Ce qui est remarquable dans cet opéra de fond plutôt léger, mais qui réserve des passages mélancoliques, est que les deux chanteurs principaux sont constamment sollicités dans un registre de notes très élevées pour, finalement, jouer la comédie. Et de se prendre au jeu de cette comédie en ferait presque oublier la difficulté technique.

Lawrence Brownlee (Tonio) et Julie Fuchs (Marie)

Lawrence Brownlee (Tonio) et Julie Fuchs (Marie)

D’ailleurs, lors de la première de ce soir, l’engouement et la chaleur du public sont fortement sensibles, et cet enthousiasme communicatif contribue aussi à l’appréciation du spectacle car l’énergie circule dans toute la salle. Et depuis le début du mandat d’Alexander Neef, on remarque à plusieurs reprises une qualité du public dans sa réaction aux artistes et productions que l’on n’a pas toujours connu par le passé.

Il faut dire aussi que ‘La Fille du régiment’ exalte un chauvinisme bon enfant qui se retrouve dans les chœurs des soldats, excellemment percutants, ‘Rantanplan !’ et, bien sûr, ‘Salut à la France !’.

Lionel Lhote (Sulpice)

Lionel Lhote (Sulpice)

Les partenaires de Julie Fuchs et Lawrence Brownlee sont parfaitement à l’aise et, surtout, tout aussi intelligibles, car les passages parlés, légèrement sonorisés, sont nombreux. Pour Lionel Lhote, la diction est facile et le chant rayonnant, mais les qualités de comédienne de Susan Graham sont plus inattendues et fort appréciables. Elle accompagnera d’ailleurs elle-même Julie Fuchs au piano.

Dame Felicity Lott (Duchesse de Crakentorp)

Dame Felicity Lott (Duchesse de Crakentorp)

En Duchesse de Crakentorp issue d’un monde passé, Felicity Lott fait une apparition dans un rôle purement parlé mais effronté, et Florent Mbia décrit un Hortensius sympathique et jovial. Le paysan joué par Cyrille Lovighi est par ailleurs excellent et très percutant.

Ching-Lien Wu et le chœur de l'Opéra national de Paris

Ching-Lien Wu et le chœur de l'Opéra national de Paris

Et c’est avec grand plaisir que l’on retrouve Evelino Pidò à la direction de l’orchestre de l’Opéra national de Paris, très exigeant rythmiquement, sans le moindre relâchement, tout en faisant bien sonner les timbres des instrumentistes, entretenant une ligne mélodieuse qui a du corps, et nuançant de manière à faire apprécier la finesse musicale de la partition qui risquerait sinon de passer au second plan de la comédie. Il est pour beaucoup dans le relief rendu à cette soirée très réussie.

Dame Felicity Lott, Lionel Lhote, Laurent Pelly, Julie Fuchs, Ching-Lien Wu, Evelino Pidò, Lawrence Brownlee et Susan Graham

Dame Felicity Lott, Lionel Lhote, Laurent Pelly, Julie Fuchs, Ching-Lien Wu, Evelino Pidò, Lawrence Brownlee et Susan Graham

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Publié le 15 Octobre 2024

Die Tote Stadt (Erich Wolfgang Korngold –
4 décembre 1920, Hambourg et Cologne)
Représentation du 07 octobre 2024
Bayerische Staatsoper München

Paul Klaus Florian Vogt
Marietta/Die Erscheinung Mariens Vida Miknevičiūtė
Frank/Fritz Sean Michael Plumb
Brigitta Jennifer Johnston
Juliette Mirjam Mesak
Lucienne Xenia Puskarz Thomas
Gaston/Victorin Liam Bonthrone
Graf Albert Miles Mykkanen

Direction musicale Lothar Koenigs
Mise en scène Simon Stone (2016, Bâle / 2019, Munich)

En septembre 2016, Simon Stone, metteur en scène de théâtre originaire de Bâle, dirigea son premier opéra, ‘Die Tote Stadt’, sur les planches du Theater Basel, ce qui sera le point de départ d’un parcours original dans l’univers lyrique qui le mènera à Salzbourg, Vienne, Munich, Paris, Aix-en-Provence et New-York.

Puis, en 2019, le Bayerische Staatsoper reprit sa production bâloise de l’opéra le plus connu d’Erich Wolfgang Korngold avec Jonas Kaufmann et Marlis Petersen dans les rôles principaux, et c’est cette production qui est à nouveau à l’affiche avec un couple d’artistes qui se connaissent bien, Vida Miknevičiūtė et Klaus Florian Vogt, puisqu’ils ont déjà chanté ensemble cet ouvrage à Vienne en février 2022 (production Willy Decker) et à Hambourg en juin 2024 (production Karoline Gruber).

Klaus Florian Vogt (Paul) et Vida Miknevičiūtė (Marietta)

Klaus Florian Vogt (Paul) et Vida Miknevičiūtė (Marietta)

Le ténor allemand, figure majeure du Festival de Bayreuth, connaît parfaitement le personnage de Paul puisqu’il l’a interprété pour la première fois en 2002 à l’Opéra de Brême, un an avant son premier Lohengrin dans ce même théâtre, et qu’il le chante régulièrement jusqu’à nos jours.

Klaus Florian Vogt (Paul) et Vida Miknevičiūtė (Marietta)

Klaus Florian Vogt (Paul) et Vida Miknevičiūtė (Marietta)

Dans ce décor de maison tournante révélant au fur et à mesure les différentes pièces intérieures ainsi que la façade extérieure purement anonyme, Simon Stone présente Paul comme un homme d’apparence moderne, bien habillé en costume-cravate, mais qui vit hors de la réalité dans un univers clos dédié à la mémoire de sa femme défunte, Marie.

Et pour mieux montrer le pathétique de ce décalage, il occulte la dimension fantastique du second acte en transformant la troupe de Marietta, celle qui rappelle tant à Paul son amour disparu, en un groupe de jeunes d’aujourd’hui faisant la fête sans se soucier du monde qui les entoure, en se livrant à des beuveries et coucheries sans fin. C’est ce choc entre éducation bourgeoise et comportements libres et désaxés, et la très grande ambiguïté entretenue entre rêve et réalité, qui va sortir Paul de sa nostalgie mortifère.

Sean Michael Plumb (Fritz) et Vida Miknevičiūtė (Marietta)

Sean Michael Plumb (Fritz) et Vida Miknevičiūtė (Marietta)

Klaus Florian Vogt incarne totalement cette personnalité égarée en en faisant ressortir le caractère très émouvant au premier acte, la pureté de ses inflexions de voix évoquant une innocence retrouvée absolument bouleversante. Mais rien de la complexité de Paul ne lui échappe, y compris la virulence de son attachement à sa femme qui se transfère violemment dans sa relation à Marietta.

Dans ces moments, il exprime de l’agressivité en canalisant très fortement son chant mais toujours avec des inflexions claires qui rajeunissent son tempérament.

Il fait preuve d’une inaltérable résistance vocale ce qui est aussi l’apanage de Vida Miknevičiūtė dont les vibrations dynamiques du timbre ont la souplesse qui lui permette d’exprimer l’impertinence et la joie de vivre avec un rayonnement d’une très grande intensité.

Vida Miknevičiūtė (Marietta)

Vida Miknevičiūtė (Marietta)

Elle décrit ainsi avec aisance et fluidité une femme percutante et très vivante, tout en arborant un ensemble de nuances tendres, taquines, provocatrices mais aussi rassurantes qui créent un personnage qui échappe toujours à Paul.

Et de voir Klaus Florian Vogt, lui qui si souvent interprète des héros forts d’une grande force de conviction, s’approprier les états d’âmes de ce véritable anti-héros est quelque chose de très poignant à vivre car, surtout dans cette production, il figure un homme dans lequel nombre de spectateurs peuvent se reconnaître de façon très intime.

Vida Miknevičiūtė (Marietta) et Klaus Florian Vogt (Paul)

Vida Miknevičiūtė (Marietta) et Klaus Florian Vogt (Paul)

La conclusion, fort lisible, revient à une attitude d’une grande sagesse lorsque l’on voit l’homme esseulé se défaire une à une des photographies nostalgiques témoins de son bonheur passé mais qui ne lui permettaient plus de se tourner vers l’avenir.

La procession des enfants se ressemblant tous comprend également une réflexion de la part de Simon Stone sur le conformisme social qui participe aussi à un piège dont il faut pouvoir se défaire, la société entretenant insidieusement l'idée qu'il faut être comme tout le monde.

Klaus Florian Vogt et Vida Miknevičiūtė

Klaus Florian Vogt et Vida Miknevičiūtė

Scéniquement, les deux chanteurs principaux sont par ailleurs entourés de solistes très engagés parmi lesquels Sean Michael Plumb offre, en Franz et Fritz, une présence généreuse et ombrée qui manifeste une sensibilité palpable.

Quant à Jennifer Johnston, elle met beaucoup de cœur dans le personnage de Brigitta en s’extériorisant, certes, un peu trop, mais en faisant aussi entendre un timbre grave riche et résonnant.

Klaus Florian Vogt

Klaus Florian Vogt

A la direction de l’Orchestre d’État de Bavière, Lothar Koenigs se délecte à faire ressortir l’écriture luxuriante straussienne si présente dans la musique de Korngold, tout en tenant d’une poigne inflexible un geste théâtral fort mais un peu trop cadré. Il contribue également à créer un climat très présent qui pousse l’auditeur à garder un regard et une écoute acérés vis à vis de l’action dramatique, faisant ainsi en sorte qu’il vive quelque chose qui le remue sérieusement de l’intérieur et le marque sur la durée.

Lothar Koenigs, Klaus Florian Vogt et Sean Michael Plumb

Lothar Koenigs, Klaus Florian Vogt et Sean Michael Plumb

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Publié le 8 Octobre 2024

Turandot (Giacomo Puccini – 25 avril 1926, Scala de Milan)
Représentation du 06 octobre 2024
Bayerische Staatsoper München

La principessa Turandot Saioa Hernández
L'imperatore Altoum Kevin Conners
Timur, Re tartaro spodestato Vitalij Kowaljow
Il principe ignoto (Calaf) Yonghoon Lee
Liù Selene Zanetti
Ping Thomas Mole
Pang Tansel Akzeybek
Pong Andrés Agudelo
Un mandarino Bálint Szabó
Il principe di Persia Andrés Agudelo

Direction musicale Antonino Fogliani
Mise en scène Carlus Padrissa - La Fura dels Baus (2011)

En pleine ascension tardive au répertoire du Bayerische Staatsoper où l’ultime opéra de Giacomo Puccini a dorénavant rejoint les 30 premiers titres les plus joués des 25 dernières années grâce à la production de Carlus Padrissa - l’un des six directeurs artistiques de ‘La Fura dels Baus’ – créée sur les planches munichoises le 03 décembre 2011, ‘Turandot’ trouve dans cette réalisation une lecture d’une grande force expressive qui axe toutefois son propos sur la nature tortionnaire du régime chinois.

Saioa Hernández (La principessa Turandot)

Saioa Hernández (La principessa Turandot)

Ainsi, rarement Ping, Pang et Pong n’apparaîtront de façon aussi sordide comme les rouages majeurs de la machine répressive de Turandot, entreprenant au second acte une danse macabre devant un immense amas de crânes auxquels des vidéographies numériques stylisées ajouteront un vrai sentiment de malaise.

Cette machine répressive se manifeste sur scène à travers un discret service d’ordre se mélangeant à des mouvements de foules parfois exotiques, que ce soit par la présence de danseurs de hip-hop ou de patineuses qui se révèlent, elles, naturellement plus évocatrices de la nature ondoyante de la musique.

La plus troublante image du chœur proviendra pourtant d’un groupe d’enfants habillés en tenues blanches illuminées, trainant le char du Prince de Perse sacrifié comme si l’inconscience de l’enfance se laissait d’emblée pervertir pour devenir complice du système.

Turandot (Hernández Lee Zanetti Fogliani Padrissa) Munich

 

Des vidéographies se superposent à la scénographie pour renvoyer des images en lien avec les ressorts dramatiques et violents en jeu, ou bien pour représenter la glace intérieure de Turandot qui s’effondre sous forme d’immenses icebergs se dégradant au fur et à mesure que Calaf résout les énigmes.

A cela s'ajoutent des lunettes 3D prêtées au public qui permettent de visualiser les effets psychédéliques qui s’animent autour d’un large anneau descendant des cintres pour envelopper Turandot, sans que celles-ci soient pour autant l’attraction majeure de cette lecture flamboyante.

Selene Zanetti (Liù)

Selene Zanetti (Liù)

La version choisie étant celle inachevée par Puccini, l’opéra se termine sur la mort de Liù qui est mise en scène de façon très cruelle, car la jeune femme subit l’horrible supplice du bambou, pousse dure à croissance rapide pouvant transpercer la chair en quelques jours.

Si cette vision de la Chine est effrayante mais aussi haut-en-couleur au moment de l’entrée de celle-ci dans la société de consommation et de la drogue, le spectacle regorge de références symboliques et calligraphiques, mais a pour paradoxe de peu mettre en valeur les liens sentimentaux entre les personnages simples, Calaf, Liù et Timur, pour, au contraire, humaniser Turandot en la faisant descendre de son piédestal et la montrer en relation directe avec les personnages principaux.

Il est même rendu compte de son drame intérieur à travers une vidéo sombre montrant une jeune femme fuyant à travers la forêt mais ne pouvant échapper à un viol.

Saioa Hernández (La principessa Turandot)

Saioa Hernández (La principessa Turandot)

Pour cette reprise qui en est à sa 42e représentation en 13 ans, la soprano espagnole Saioa Hernández investit à nouveau le personnage de Turandot, un an après sa prise de rôle au Teatro Real de Madrid en juillet 2023, et son superbe aplomb s’impose sans faille d’autant plus qu’elle maîtrise une tessiture absolument inaltérable même dans les aigus les plus hauts et puissants.

Elle domine ainsi constamment l’orchestre, y compris dans les passages les plus éruptifs, en nourrissant et enrichissant le son d’une manière dynamique qui préserve l’unité de la texture vocale.

Il y a donc beaucoup d’assurance dans cette Turandot inflexible mais moins distante que d’autres interprétations, douée d’une humanité austère et sophistiquée à la fois.

Yonghoon Lee (Calaf)

Yonghoon Lee (Calaf)

Son partenaire, Yonghoon Lee, qui a abordé le rôle de Calaf pour la première fois il y a 12 ans au Teatro Comunale de Bologne, affiche une solide endurance avec une détermination et une expressivité de geste et de visage d’une sincérité très directe, sans jamais détimbrer.

Toutefois, s’il s’impose facilement quand l’orchestre est en retrait, sa puissance ne domine pas autant celle de Saioa Hernández, sa tessiture manquant un peu de corps. Par ailleurs, l’élocution est également moins bien définie, le métal de sa voix restant de toute façon très homogène avec une coloration uniformément mate.

Reste que son incarnation doloriste est pleinement convaincante, et qu’il fait preuve d’allègement et de nuance dans le célébrissime ‘Nessun dorma’.

Selene Zanetti (Liù) et Saioa Hernández (La principessa Turandot)

Selene Zanetti (Liù) et Saioa Hernández (La principessa Turandot)

Elle était déjà Liù auprès de Saioa Hernández à la Fenice de Venise début septembre, Selene Zanetti ne joue clairement pas le mélodrame en privilégiant une grande intériorité.

Elle peut compter sur un timbre somptueux gorgé de couleurs profondes, ce qui lui permet d’imposer une pure présence vocale à chacune de ses interventions, et ce d’autant plus qu’accompagnée du chœur murmurant c’est elle qui achève l’opéra dans une posture sacrificielle d’une grande dureté.

Turandot (Hernández Lee Zanetti Fogliani Padrissa) Munich

Sans la moindre drôlerie, bien au contraire, les trois ministres Ping, Pang et Pong trouvent en Thomas Mole, Tansel Akzeybek et Andrés Agudelo trois chanteurs consistants et homogènes.

Quant à Vitalij Kowaljow, il impose facilement ses résonances graves en Timur, mais sans affect sensible avec Liù, alors que l’Empereur Altoum de Kevin Conners s’inscrit dans la même tonalité sévère d’ensemble.

Selene Zanetti

Selene Zanetti

Aux commandes d’un Orchestre d’État de Bavière ronflant et chaleureux, Antonino Fogliani joue le grand spectacle à fond, n’hésitant pas à faire trembler les piliers du théâtre avec un vrai sens de l’influx dramatique. Il s’appuie sur des tempi modérés, découvre un ensemble de colorations foisonnantes, et fait même entendre des textures spatio-temporelles surnaturelles – air de Liù au premier acte - qui s’accordent fort bien avec la scénographie imaginative et visuelle de la production.

Selene Zanetti, Antonino Fogliani, Saioa Hernández et Yonghoon Lee

Selene Zanetti, Antonino Fogliani, Saioa Hernández et Yonghoon Lee

Les chœurs ont l’unité et le pouvoir inspirant que nous leur connaissons bien, et quand vous y ajoutez les effets acoustiques particuliers de ce théâtre, selon votre emplacement, ce spectacle offre dans toutes ses dimensions une énergie stimulante et une saturation de codes et de symboles d’une pénétrance fort connectée à l’univers impérial et sanguinaire de cette Chine fantasmée et inquiétante.

Turandot (Hernández Lee Zanetti Fogliani Padrissa) Munich

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Publié le 22 Septembre 2024

Les Brigands (Jacques Offenbach – 10 décembre 1869, Théâtre des Variétés de Paris)
Répétition du 17 septembre 2024, et représentations du 21 septembre et du 03 octobre 2024
Palais Garnier

Falsacappa Marcel Beekman
Fiorella Marie Perbost
Fragoletto Antoinette Dennefeld
Le Baron de Campo-Tasso Yann Beuron
Le Chef des carabiniers Laurent Naouri
Le Prince de Mantoue Mathias Vidal
Antonio Sandrine Sarroche
Le Comte de Gloria-Cassis Philippe Talbot
La Princesse de Grenade Adriana Bignagni-Lesca
Adolphe de Valladolid Flore Royer
Le Précepteur Luis-Felipe Sousa
Carmagnola Leonardo Cortellazzi
Domino Éric Huchet
Barbavano Franck Leguérinel
Pietro Rodolphe Briand
Zerlina Ilanah Lobel-Torres
Fiammetta Clara Guillon
Bianca Maria Warenberg
Cicinella Marine Chagnon
La Marquise Doris Lamprecht
La Duchesse Hélène Schneiderman
8 Comédiennes et comédiens et 12 danseuses et danseurs          
Stefano Montanari

Direction musicale Stefano Montanari
Mise en scène Barrie Kosky (2024)
Nouvelle Production

Diffusion le 19 octobre 2024 à 20h sur France Musique dans l’émission ‘Samedi à l’opéra’ présentée par Judith Chaine.

Lors d’une interview accordée à Jérémie Rousseau le 16 novembre 2020 en pleine pandémie, Alexander Neef avait laissé transparaître son intention de programmer une opérette à l’Opéra de Paris, et lors de la présentation des ‘Brigands’ qu’il a assuré il y a deux semaines à l’amphithéâtre Bastille auprès de Barrie Kosky, il revint sur cette période au cours de laquelle des artistes de l’Académie avaient chanté un duo de la ‘Belle Hélène’ sur la scène Garnier.

Cela le convainquit qu’il fallait inscrire une œuvre de Jacques Offenbach dans ce splendide écrin Second Empire qu’est le Palais Garnier, car, d’après lui, cet artiste a réussi à réagir à son époque tout en restant éternel.

Marcel Beekman (Falsacappa)

Marcel Beekman (Falsacappa)

Il se tourna naturellement vers Barrie Kosky, metteur en scène et ancien directeur du Komische Oper de Berlin dont Offenbach est le compositeur favori depuis son enfance, et dont il a déjà produit ‘La Belle Hélène’ (octobre 2014, Komische Oper), ‘Les Contes d’Hoffmann’ (octobre 2015, Komische Oper), ‘Orphée aux Enfers’ (août 2019,  Festival de Salzburg) et ‘La Grande Duchesse de Gérolstein’ (octobre 2020, Komische Oper).

Mais le directeur australien ne souhaitait plus revenir à la veine comique – fin 2019, il mis en scène à Bastille un chef-d’œuvre du romantisme russe, Le Prince Igor’, dont on espère une prochaine reprise -.

Pourtant, trouvant que ‘La vie parisienne’, l’opérette la plus évidente pour le lieu, risquait de trop centrer l’évènement sur Paris, il proposa à Alexander Neef ‘Les Brigands’ qu’il n’avait jamais monté, faisant remarquer que le thème des bandits importé par Meilhac et Halévy des opéras-comiques d’Auber et Scribe tels ‘Fra Diavolo’ (1830), ‘Les Diamants de la couronne’ (1841) ou ‘Marco Spada’ (1852) se retrouvera plus tard dans le livret de ‘Carmen’ (1875) dont il sont également les auteurs.

Les Brigands (Beekman Perbost Dennefeld Montanari Kosky) Paris Opera

L’ouvrage a déjà été joué à Bastille en 1993 dans une mise en scène de Jérôme Deschamps et Macha Makeieff sous la direction de Louis Langrée, ce qui démontra le peu de pertinence à le présenter dans une salle aussi spacieuse – le Théâtre des Variétés n’accueillait à l’origine que 800 places -.

Mais en ce soir de première à Garnier, la démonstration est tout autre grâce au sens du mouvement électrisant de Barrie Kosky, et par la présence hors-norme de Marcel Beekman qui incarne Falsacappa sous un travestissement hommage à la Draq Queen ‘Divine’, l’héroïne trash et violente du film de John Waters ‘Pink Flamingos’ (1972), affublé d’une large robe rouge écarlate ampoulée, d’un maquillage bleu ciel et de boucles d’oreilles en diamants.

Marcel Beekman (Falsacappa)

Marcel Beekman (Falsacappa)

Ce personnage de chef des brigands prend une dimension extraordinairement charismatique non seulement à cause du volume de son costume, mais surtout parce Marcel Beekman a une fascinante technique lyrique et déclamatoire d’une grande plasticité vocale pouvant donner l’impression d’un personnage baroque évoluant dans une tessiture de contre-ténor, et qui joue habilement avec toutes les modulations possibles pour en rendre le caractère aussi bien comique que pincé et sarcastique avec une excellente diction et projection.

Le spectacle est intégralement joué dans un décor orné de pilastres corinthiens que l’on retrouve partout sur les façades haussmanniennes entourant la place de l’Opéra, décor usé et doré à l’avant pour induire une continuité avec les dorures de la salle, et grisé en arrière plan pour accentuer l’effet du temps passé.

Sandrine Sarroche (Le Caissier - Ministre du Budget)

Sandrine Sarroche (Le Caissier - Ministre du Budget)

Les rebondissements de l’action du livret des ‘Brigands’ sont complexes à suivre dans leurs moindres détails, mais ses grandes lignes se suivent sans problème : le chef de bande Falsacappa a promis sur la tête de sa fille d'enrichir son équipe grâce à un énorme coup qui va effectivement se présenter lorsqu’il découvre que 3 millions seront échangés lors de la rencontre entre l’ambassade italienne de Mantoue et l’ambassade espagnole de Grenade à l’occasion d’un mariage.

Les bandits vont donc se travestir, d’abord en marmitons pour accueillir les Italiens dans un hôtel haussmannien, puis en carabiniers à l’arrivée des Espagnols, afin de neutraliser respectivement les deux délégations et permettre à la fille de Falsacappa, Fiorella, de paraître comme la fiancée promise du Prince de Mantoue en espérant récupérer ainsi l’argent.

Mais l’on va s’apercevoir que la Ministre du budget a dilapidé la somme tant convoitée.

Marcel Beekman (Falsacappa), Marie Perbost (Fiorella) et Antoinette Dennefeld (Fragoletto)

Marcel Beekman (Falsacappa), Marie Perbost (Fiorella) et Antoinette Dennefeld (Fragoletto)

Loin de mettre en scène une société actuelle banale, Barrie Kosky mêle aux chanteurs une troupe de huit comédiennes et comédiens et douze danseuses et danseurs qui vont transformer cette intrigue en sensationnelle exaltation du rythme, des couleurs et de l’impertinence de la musique, mais aussi de la sensualité délurée de leurs corps.

Mathias Vidal (Le Prince de Mantoue)

Mathias Vidal (Le Prince de Mantoue)

D’emblée, le bariolage des costumes, chapeaux et perruques qui envahit la scène est éblouissant avec beaucoup de touches de bleu, vert, orange et mauve, les mouvements des chevelures donnant une fluide dynamique à l’ensemble, et du début à la fin il n’y a pas une seconde où l’enjouement de la musique d’Offenbach ne soit surligné par la chorégraphie de ces artistes qui renvoient vers la salle une énergie érotisée et décomplexée dont chacun puisse se nourrir avec plaisir.

Par ailleurs, l’effervescence scénique est augmentée autant par les cris de joie de la troupe que les déambulations en tous sens, dans des postures très drôles, mais sans paraître hystérisées, ce qui permet aux spectateurs de rester contemplatifs du mouvement en lui-même.

Victorien Bonnet (Pizzaiolo), Jules Robin (Zucchini), Rachella Kingswijk (Tortilla), Rodolphe Briand (Pietro), Marcel Beekman (Falsacappa), Nicolas Jean-Brianchon (Flamenco), Corinne Martin (Castagnetta), Manon Barthelémy (Sangrietta), Cécile L'Heureux (Burratina) et Hédi Tarkani (Siestasubito)

Victorien Bonnet (Pizzaiolo), Jules Robin (Zucchini), Rachella Kingswijk (Tortilla), Rodolphe Briand (Pietro), Marcel Beekman (Falsacappa), Nicolas Jean-Brianchon (Flamenco), Corinne Martin (Castagnetta), Manon Barthelémy (Sangrietta), Cécile L'Heureux (Burratina) et Hédi Tarkani (Siestasubito)

Si le premier acte permet à chacun de se familiariser avec cet univers déjanté, d’apprécier le style parlé exagéré et très direct des figurants et interprètes, d’assister à une réunion ‘syndicale’ des brigands qui pourrait faire croire à un bureau politique de la ‘France Insoumise’, d’entendre de premières allusions politiques à propos d’un ‘certain banquier devenu Président’ et de découvrir les grandes qualités de comédien de Mathias Vidal chantant son mélancolique air ‘Une furtiva lagrima’ avec légèreté et facilité, ce sont surtout les deux actes suivants qui enchevêtrent les situations étourdissantes avec une débauche de luxueux costumes dorés et accessoires de défilés chrétiens, et avec Christ aux abdominaux bien travaillés et têtes de chevaux érotisées, qui vaudra à l’arrivée de la délégation espagnole des applaudissements d’une partie du public émerveillé.

Adriana Bignagni-Lesca (La Princesse de Grenade) et Philippe Talbot (Le Comte de Gloria-Cassis)

Adriana Bignagni-Lesca (La Princesse de Grenade) et Philippe Talbot (Le Comte de Gloria-Cassis)

Adriana Bignagni-Lesca déguisée en Infante est impressionnante par sa manière d’accentuer ses noirceurs d’élocution quasi ‘viriles’ avec beaucoup de drôlerie, et Philippe Talbot en Comte de Gloria-Cassis affiche une éloquence piquée et très fine dans les aigus.

Marie Perbost, en Fiorella qui va se substituer à la Princesse de Grenade, débute au premier acte avec une projection un peu réservée, mais gagne tout au long de la soirée en amplitude avec l’impact vocal qu’on lui connaît car elle est une grande artiste de scène également.

Adriana Bignagni-Lesca (La Princesse de Grenade)

Adriana Bignagni-Lesca (La Princesse de Grenade)

Et après avoir entendu Antoinette Dennefeld à Strasbourg la saison dernière dans une interprétation de 'Guercoeur' qui mettait en valeur son lyrisme intense, c’est une toute autre personnalité qu’elle dévoile en Fragoletto travesti dans un registre de pure comédie. Il y a son duo d’amour avec Marie Perbost, en roulades enjôleuses, mais aussi nombre d’interventions provocantes auxquelles elle se livre avec beaucoup d’aisance.

Marie Perbost (Fiorella), Rodolphe Briand (Pietro) et Antoinette Dennefeld (Fragoletto)

Marie Perbost (Fiorella), Rodolphe Briand (Pietro) et Antoinette Dennefeld (Fragoletto)

On retrouve avec plaisir Yann Beuron (Le Baron de Campo-Tasso) – qui a gardé de la maturité dans son timbre de voix - et Laurent Naouri (Le Chef des carabiniers) tous deux sollicités dans leur registre de comédiens, et c’est avec beaucoup d’émotions qu’un autre duo fait son apparition en personnes de Doris Lamprecht et Hélène Schneiderman, la Marquise et la Duchesse, car la première incarnait Fragoletto en 1993 sur la scène Bastille, et la seconde Marcellina dans ‘Les Noces de Figaro’ mis en scène par Christoph Marthaler sur la scène Garnier en 2006 à l’époque de Gerard Mortier.

Yann Beuron (Le Baron de Campo-Tasso) et Laurent Naouri (Le Chef des carabiniers)

Yann Beuron (Le Baron de Campo-Tasso) et Laurent Naouri (Le Chef des carabiniers)

Leur duo rendu nostalgique par leur simple présence se déroule à la cour du Prince de Mantoue qui permet d'apprécier un Mathias Vidal dansant à la ‘Fred Astaire’, entouré de religieuses aux jupes fendues qui leur donnent un style élancé de grande classe.

Mathias Vidal (Le Prince de Mantoue)

Mathias Vidal (Le Prince de Mantoue)

Mais cette seconde partie est aussi le moment où la résonance avec l’actualité politique s’exprime à travers les dialogues réécrits, et il faut saluer la performance de l’humoriste Sandrine Sarroche qui prend le rôle du Caissier, et donc de la Ministre du budget, pour déclamer un texte en vers qui évoque les préoccupations budgétaires du moment sans éviter de nommer clairement Michel Barnier ou Bruno Le Maire

Une spectatrice s’impatientera, ce qui lui vaudra en retour ‘Mais c’est pour déstresser l’audience!’, audience qui d’ailleurs aura un regard bienveillant et très amusé sur ce comédien qui fera un aller-retour en avant-scène équipé d’un aspirateur, et qui se prendra au jeu du ‘One man show’ en clin d’œil au Frantz des ‘Contes d’Hoffmann’.

Doris Lamprecht (La Duchesse) et Hélène Schneiderman (La Marquise)

Doris Lamprecht (La Duchesse) et Hélène Schneiderman (La Marquise)

Final désinvolte sur rythme de French-cancan qui verra le sacre de Falsacappa en ‘Premier Ministre’, l’ensemble est cependant très bien organisé sur scène avec un groupe à droite en avant scène, une ligne diagonale en arrière avec différents plans chorégraphiques, puis un regroupement au centre qui s’achève sur la pose victorieuse du chef des brigands.

Marcel Beekman (Falsacappa)

Marcel Beekman (Falsacappa)

A la direction musicale, Stefano Montanari est très attentif à la dynamique scénique et conduit l’orchestre en faisant entendre une sonorité authentique pas trop léchée, la profondeur de la fosse semblant réglée afin que la vocalité de tous les chanteurs ne soit pas couverte par l’ensemble. 

Ce spectacle est absolument un régal pour les yeux, pour son sens du mouvement inaltérable et son énergie explosive, hallucinant par tant de travail aussi bien de la part des ateliers de décors et costumes de l’Opéra de Paris, que de la part de tous les artistes pour réussir un tel enchaînement scénique jamais ennuyeux. 

Marcel Beekman (Falsacappa)

Marcel Beekman (Falsacappa)

Public très enthousiaste au final, les éclats de rires auront ponctué le spectacle tout le long de la soirée, y compris pour l’équipe de production malgré une minorité plus mitigée, c’est à en rester véritablement admiratif et sonné par une telle verve!

Antoinette Dennefeld, Ching-Lien Wu, Barrie Kosky, Marcel Beekman, Marie Perbost et Mathias Vidal

Antoinette Dennefeld, Ching-Lien Wu, Barrie Kosky, Marcel Beekman, Marie Perbost et Mathias Vidal

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