Histoire de l'Opéra, vie culturelle parisienne et ailleurs, et évènements astronomiques. Comptes rendus de spectacles de l'Opéra National de Paris, de théâtres parisiens (Châtelet, Champs Élysées, Odéon ...), des opéras en province (Rouen, Strasbourg, Lyon ...) et à l'étranger (Belgique, Hollande, Allemagne, Espagne, Angleterre...).
Cardillac (Paul Hindemith) Répétition générale du 26 janvier 2008 à l’Opéra Bastille
Cardillac Franz Grundeber
Die Tochter Angela Denoke
Der Officier Christopher Ventris
Die Dame Hannah Esther Minutillo
Der Kavalier Charles Workman
Der Goldhändler Roland Bracht
Der Anführer der Prévoté David Bizic
Direction musicale Kazushi Ono
Mise en scène André Engel Chef des chœurs Winfried Maczewski
Angela Denoke (La fille)
Repris pour cinq représentations seulement, du 29 janvier au 16 février, Cardillac n’est évidemment pas une œuvre facile musicalement. Elle possède néanmoins des points d’accroches, le charme nocturne de la chambre de la dame, le touchant échange de Cardillac et de sa fille, empreint de reproches, ou bien le quatuor du IIIème acte.
Vient s’y ajouter un chœur superbement dirigé par Winfried Maczewski,où la difficulté consiste à faire suivre par les voix les mouvements de la foule sans repère mélodique particulier. L’effet est très impressionnant.
Nous retrouvons donc Charles Workmanavec un superbe timbre de rêveur passionné, H.E Minutilloen Dame totalementaccomplie, Christopher Ventris qui laisse présager un Parsifal fascinant de vaillance juvénile, et Angela Denokesurprenante dans un rôle de jeune femme qui cherche à se libérer d’elle-même.
Franz Grundeberfait de Cardillac un homme moins inquiétant qu’il ne pourrait l’être, accentuant ainsi l’étrange fascination de l’Officier pour l’artiste, que la fille de l’orfèvre a bien du mal à contrer.
La Dame (Hannah Esther Minutillo) dans sa chambre
La mise en scène d’André Engel, par son souci du détail et son esthétique cinématographique, est un élément de séduction qui compte. Kazushi Onopropose une lecture plus poétique qu’agressive.
Die Frau ohne Schatten (Richard Strauss)
Représentation du 24 janvier 2008 à l’Opéra Bastille
Der Kaiser Jon Villars
Die Kaiserin Eva-Maria Westbroek
Die Amme Jane Henschel
Barak Franz Hawlata
Sein Weib Christine Brauer
Direction musicale Gustav Kuhn
Mise en scène Robert Wilson
Jane Henschel (la Nourrice)
Avec « La Femme sans Ombre », Richard Strausset Hugo von Hofmannsthalamènent l’homme à se confronter à sa propre humanité.
Autant dire qu’avec Bob Wilson à la mise en scène, l’intrigue prend une dimension interrogative supplémentaire.
La symbolique se manifeste parfois de manière évidente comme la magnifique chevelure soigneusement peignée de l’impératrice impressionnante de féminité.
Mais que dire de l’omniprésence de la sphère ? Elle apparaît la première fois lorsque la Nourrice s’en empare avant de quitter Le Messager pour répandre ainsi le « Désir de vie ».
Ce désir est donc éternel, d’origine divine mais contient aussi une part maudite.
Et chacun se retrouve ainsi esclave d’aspirations différentes, l’Impératrice pour l’Ombre (c'est-à-dire la Maternité), l’Empereur pour le faucon rouge (la Puissance passée ?), Barak pour sa femme et la nourriture, et enfin la Teinturière pour cet homme qu’elle a en tête.
A ce propos, comment considérer le souvenir d’un être aimé réveillé par la Nourrice dans la tête de la Teinturière ? Serait-ce un obstacle que la vie lève face à chacun, l'empêchant ainsi d'aimer l'autre ?
Avec beaucoup de force, les trois veilleurs exhortent les hommes à s’aimer les uns les autres plus que leur propre vie.
Le chemin pour y arriver est clair : l’escalier de la connaissance relie le Ciel à la Terre.
Il peut être blanc ou noir, selon que l’issue sera le bonheur ou la chute vers les ténèbres.
Un des plus beaux moments que nous réserve Wilson est la prise de conscience par l’Impératrice de l’inhumanité de son attente vis-à-vis de La Femme.
Les lumières de sa conscience surgissent de sa chambre noire devenue tombe. Elle refuse finalement de prendre l’Ombre.
L'Impératrice
Elle accepte alors de traverser la Porte – deux barres verticales – passage qui l’invite à faire face à son choix avec toute l’angoisse que cela induit.
Si les quatre personnages gagnent au tableau final leur humanité, Bob Wilsonfait aussi revenir la Nourrice au milieu des enfants. Comme si la Tentation manipulatrice restait présente.
Après ces quelques éléments de décryptage allégorique qui méritent d’être bien plus enrichis, pas question de passer sous silence l’interprétation musicale.
Tout le monde s’accorde sur l’Impératrice d’Eva-Maria Westbroek, émouvante, puissante et donc à la fois humaine et surnaturelle.
Un peu trop timide, Christine Brauer est cependant une Teinturière très digne et domine un Barak auquel Franz Hawlatacolore le timbre d’un grain séduisant et très identifiable. Le chanteur paraît cependant manquer de punch, le souffle s’écourte un peu trop souvent bien que la bonté du Teinturier n’en souffre nullement.
Jane Henschel, irréprochable de présence et de force est possédée par un rôle qu’elle maîtrise admirablement même dans la vision de Wilson dont la gestuelle fixe est si difficile à acquérir.
Il est vrai que l’Empereur est pathétique, alors à ce titre nous pouvons dire que Jon Villarsserait vocalement d’une vérité dramatique indéniable s’il ne donnait l’impression d’une certaine extériorité au rôle (ou à la mise en scène).
Jon Villars (L'Empereur)
De plus, le grand air du second acte ne mérite pas un chant aussi murmuré, ni un si faible relief musical, car la violence du discours aurait du inciter Gustav Kuhnà sortir de son interprétation plutôt intimiste, et déchaîner des sentiments trop faiblement perçus.
C’est un peu dommage, car sinon la direction du chef est défendable en ce sens qu’elle participe à l’atmosphère méditative et mystérieuse du spectacle.
Il privilégie la fluidité et la lenteur, en accord avec les très belles impressions lumineuses, plutôt que le relief et le détail. Et c’est sans doute ce que certains lui reprocheront.
Hélène de Solanges (Véronique) Amel Brahim-Djelloul
Florestan de Valaincourt Dietrich Henschel
Agathe Coquenard Ingrid Perruche
Gaston Coquenard Laurent Alvaro
Ermerance de Champ d'Azur Doris Lamprecht
Séraphin Sébastien Guèze
Loustot Gilles Ragon
Tante Benoît Catherine Hosmalin
Direction musicale Jean-Christophe Spinosi
Mise en scène Fanny ArdantIngrid Perruche (Agathe)
A première vue, l’histoire de Véronique n’est que banale. Une jeune fille découvre que son futur époux aime la femme d’un fleuriste. Seulement, endetté jusqu’au cou, Florestan se résigne au mariage de raison.
Tout le premier acte chez le fleuriste Coquenard met en place l’intrigue, sorte de défilé de personnages surexcités, comédiens dans la comédie, finalement à l’image d’un milieu mondain léger et en perpétuelle représentation.
D’emblée, Fanny Ardant ne se pose aucune limite, les personnages les plus excentriques se pavanent avec une débauche de costumes et de couleurs, le spectateur en a plein la vue et se demande tout de même combien de temps cela va durer !
Heureusement, les deux parties suivantes réservent de très beaux moments de vérité que ce soit le duo entre Florestan et Véronique ou bien la complainte d’Ermerance considérant sa réelle solitude. Et tout cela sans que le sérieux ne prenne le dessus.
Visuellement, le deuxième acte à Romainville est le plus réussi si l’on considère la fusion impeccable entre la vidéo illustrant les paysages de campagne, et les décors et lumières de la scène.
La mise en valeur de la vie dans tous les tableaux de cette œuvre ( plein de choses se passent dans les vidéos) est également une constante qui ne surprend guère chez une femme aussi passionnée que Fanny Ardant.
Amel Brahim-Djelloul (Véronique) et Dietrich Henschel (Florestan)
Bien que la dynamique musicale ne soit particulièrement pas accentuée au premier acte, la direction de Jean-Christophe Spinosi se fond très bien dans l’ensemble.
Tous les artistes sont excellents acteurs. Laurent Alvaro est nettement le plus sonore, Dietrich Henschel exprime les plus beaux sentiments, DorisLamprecht nous réjouit de sa drôlerie, Ingrid Perruche s’amuse sans complexes, et Amel Brahim-Djelloulévoque tant l’espièglerie d’Audrey Hepburn qu’elle achève de faire de cet Opéra Comique une transposition vivante et très élégante des comédies américaines des années 50-60.
Sans doute n'est-ce qu'un hasard si Fanny Ardant resitue l'histoire en 1953, qui est aussi l'année où l'actrice d'Hollywood reçut son premier Oscar.
La distribution superlative ayant été commentée lors d’unereprésentation en concert, cet article sera l’occasion de dire quelques mots de la mise en scène deRobert Carsen pour la première fois présentée au public.
A nouveau, le réalisateur canadien s’intéresse à la condition de l’artiste en nous propulsant dans le monde des peintres de la fin du XIXème siècle.
Tannhäuser et Wolfram ne sont plus chanteurs mais peintres, les chevaliers de Rome s’identifient à une certaine bourgeoisie de grandes villes avide d’expositions artistiques, et Elisabeth devient le sujet d'inspiration de Wolfram.
Il faut reconnaître ce sens de la continuité qui s’exprime avec beaucoup d’intelligence, comme de faire des pèlerins allant vers Rome les Ménades de la Bacchanale. Ou bien d‘effacer les limites entre la scène et la salle en faisant entrer les chevaliers à partir du parterre. Elisabeth et Tannhäuser interviendront eux-mêmes parmi les spectateurs.
Cette bourgeoisie prend quelques petits coups de griffes. Il faut voir ces rapaces se jeter sur les consommations présentées lors de la scène du vernissage (Acte II). Cela ne vous évoque rien ? Même pas certains cocktails de l’AROP ?
C’est aussi cette attitude d’esprit très bourgeoise qui consiste à s’ériger en juge de tout, et donc de l’artiste, alors que l’artiste a surtout besoin d’être compris. Mais la compréhension demande une certaine finesse bien entendu.
Lorsque Tannhäuser présente sa propre représentation de l’Amour (le tableau est habilement montré dos au public), ce public est tellement choqué qu’il lui dénie son statut. Le peintre n’a plus qu’à quitter la scène et retrouver la salle.
Elisabeth (symbolique de l'Amour)
Comment Robert Carsen résout-il alors la rédemption du troisième acte ? Alors que Tannhäuser s’apprête à rejoindre Vénus, Elisabeth (allégorie de l'Amour Christique) survient pour se fondre avec Vénus au point de devenir toutes deux indissociables. Cette scène ne nous laisse cependant pas très longtemps dans l’interrogation lorsque le mur d’exposition découvre un ensemble de nus féminins de maîtres comme Courbet, Rousseau, Manet …. que rejoint l'oeuvre de Tannhäuser.
La force de cette représentation repose sur la cohérence du travail et la mise en rapport de l’œuvre de Wagner avec un monde artistique qu’affectionne Carsen. Les tableaux offrent, il est vrai, relativement peu d’images percutantes. La scène d’Orgie n’est pas totalement débarrassée d’une gestuelle saugrenue.
Elle vaut cependant quelques images fortes comme le mouvement gracieux de Vénus rejoignant son lit de modèle.
Plus loin, au moment où la musique s’engouffre dans les mouvements les plus noirs et dramatiques, Vénus s’éloigne lentement, suivie par des hommes rampants dans une lueur de feu saisissante.
« Ce soir la mise en scène s’inspire de l’Espace Vide en référence à Peter Brooks », en ces termes tout autant humoristiques qu’élégiaques Gerard Mortier annonce à la salle qu’aucun élément de la mise en scène de Robert Carsen ne sera utilisé. Seule trouvaille, la harpe de Tannhäuser plantée au centre du plateau indique une soirée de pure musique.
Mais ce dont personne ne se doute à cet instant là, c’est que la gêne posée par le mouvement de grève (qui atteint un point critique) va être soufflée par l’élan d’une soirée exceptionnelle !
Debout, l’orchestre accueille Seiji Osawa avec un enthousiasme que se réapproprie le public, puis se lance dans une ouverture illuminée.
Le point culminant de la bacchanale reflète parfaitement l’art du chef à théâtraliser sans marques exagérées. Le courant garde ainsi sa fluidité.
Dans la scène qui suit, Béatrice Uria Monzon est une Vénus d’une véhémence franchement impressionnante. Ce n’est pas forcément très nuancé, mais une belle femme avec un tel tempérament s’apprécie sans modération.
Mais ce que le public découvre relève de l’exception. Stephen Gould vient tout simplement exposer ce qu’est un ténor wagnérien : une puissance contrôlée, un chant lié et plein de clarté aux accents mélancoliques. Pourtant, c’est l’impression d’avoir compris un personnage bien mieux que n’importe quel spectateur averti qui prédomine.
Béatrice Uria-Monzon (Vénus)
Une telle caractérisation pousse au questionnement et à l’envie d’être revue.
La puissance est aussi une des grandes qualités vocales d’Eva-Maria Westbroek. Seulement, moi-même sans doute victime d’une image trop idéalisée d’Elisabeth, cette force seule fait barrage à l’émotion que devrait soulever cette femme hautement morale et aimante.
Beaucoup plus dans son élément que dans Verdi, Franz Joseph Selig économise ses gestes, et se suffit de son autorité naturelle pour incarner les valeurs traditionnelles.
Matthias Goerne devient donc l’autre protagoniste le plus émouvant. Timbre chaud et lignes magnifiquement enveloppées, j’ajouterais qu’il est le véritable cœur palpitant du drame.
L’utilisation de l’espace sonore par les chœurs est aussi une des grandes réussites de la soirée, surtout lorsqu’ils chantent hors de scène.
Au final c’est plutôt fortissimi à volonté !
Eva-Maria Westbroek (Elisabeth)
Evidemment, cette dernière répétition s’achève dans un délire qui fait écho à l’arrivée d’Osawa, avec des musiciens et musiciennes sautillants dans la fosse et des spectateurs survoltés comme pour aider encore plus les artistes, et surtout le chef, à conjurer le sort de fort belle manière.
Représentation du 01 décembre 2007 (Palais Garnier)
Alcina Emma Bell Oronte Xavier Mas
Ruggiero Vesselina Kasarova Melisso François Lis
Morgana Olga Pasichnyk Oberto Judith Gauthier
Bradamante Sonia Prina
Direction musicale Jean-Christophe Spinosi
Mise en scène Robert Carsen
Il est rare de voir une œuvre à l’affiche, pour sa troisième saison en huit ans, assurer toujours une si belle interprétation musicale.
Majestueuse, mais sans pompe, sa forme harmonieuse prend une tonalité sensuelle et vive finalement pas si étonnante lorsque la direction de Spinosi l’anime avec joie.
Dans ce climat, l’apparition d’Alcina n’est pas sans surprise. Emma Bell porte quelque chose de tragique et très charnel dans la voix. Cette puissance pourrait paraître le principal ressort dramatique de la magicienne si « Ah ! mio cor » ne réservait pas des nuances bouleversantes magnifiquement traduites. Un désespoir mêlé de rage qui ne la quitte plus, et vaut à la chanteuse une forte ovation finale.
Psychologiquement, Ruggiero n’a rien a voir avec l’enchanteresse. Solide et sûr de lui, Vesselina Kasarova accentue cette dimension.
Noble dans son attitude, la chanteuse développe de plus en plus généreusement un timbre tantôt évoquant une contralto, tantôt un contre ténor , subtil « Moi bel tesoro » mais « Sta nell’Ircana » avec une retenue quelque fois excessive.
De même, avec beaucoup de finesse, Olga Pasichnyk nous rend Morgana très attachante sans exagérer ses aspects survoltés. La sensualité de « Credete al moi dolore », à tourner la tête, ne trouve pas encore tout à fait le répondant de Xavier Mas au IIIième acte, un peu trop confidentiel sans doute. Cependant cet ancien élève de l’atelier lyrique possède une suavité dans la voix qui continue à s’enrichir.
Vesselina Kasarova (Ruggiero)
Ce jeune chanteur très élégant, et remarqué lors des masterclasses avec Teresa Berganza en novembre 2003, se voit confier chaque année des rôles de plus en plus complexes. Une valeur montante de l’Opéra de Paris.
Emma Bell (Alcina)
J’avoue, ce fût une petite déception avec Sonia Prina. Bradamante n’est pas le rôle qui la met le plus en valeur. Il comprend trop peu de passages largo si propices à laisser les nuances noires de son timbre s’exprimer.
Répétition Générale du 22 octobre 2007 (Opéra Bastille)
Tosca Catherine Naglestad
Mario Marcus Haddock
Scarpia Franck Ferrari
Direction musicale Nicola Luisotti
Mise en scène Werner Schroeter
Après la direction finement ciselée du regretté Marcello Viotti et les piani langoureux de Marcello Giordani en 2003, la version 2007 s'annonce beaucoup plus fiévreuse.
En effet, Marcus Haddock est de la même trempe que Vladimir Galouzine, avec une puissance et des couleurs obscures qui l'imposent surtout dans les épreuves les plus lyriques.
Je n'aurai pas la possibilité d'entendre Sylvie Valayre, ceci étant, si d'aucun apprécie la sensualité de Catherine Naglestad, j'ai surtout vu une panthère farouche et un soupçon perverse, entendu des invocations très sauvages, et eu l'impression à plusieurs reprises d'être transpercé par la fulgurance de ses aigus. Elle ne lâche même pas prise sur un "Vissi d'Arte, vissi d'Amore " voluptueux. Il y a quand même trop d'outrance pour ne pas s'en amuser un peu.
Catherine Naglestad (Floria Tosca)
Avec de tels formats vocaux dignes d'un Siegmund et d'une Sieglinde, Nicola Luisotti peut donc engager l'orchestre dans des flôts de passion spectaculaires, où, finalement, Franck Ferrari s'évertue à humaniser Scarpia. Il paraît presque amoureux de Floria Tosca dans sa déclaration, et trouble le caractère à la base sadique du chef de la police. Il lui reste à rendre pleinement convaincante son envergure, car, sur ce point, l'alternative de Samuel Ramey bénéficie d'un meilleur crédit.
Sur le plan visuel, il n'est pas impossible que les éclairages aient été retouchés pour rendre l'atmosphère encore plus étouffante.
Représentation du 14 octobre 2007 (Capitole de Toulouse)
Le Roi d’Ys Paul Gay
Margared Sophie Koch
Rozenn Inva Mula
Mylio Charles Castronovo
Karnac Franck Ferrari
St Corentin Eric Martin-Bonnet
Jahel André Heyboer
Direction musicale Yves Abel
Mise en scène Nicolas Joel
Sophie Koch (Margared)
Une ouverture de saison à l’Opéra de Toulouse est quelque chose qui ne se rate pas. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’en octobre la chaleur des lumières de l’après-midi sur la place du Capitole distribue une ambiance empreinte de sérénité qui vous place dans une prédisposition optimale surtout quand le sujet de l’œuvre relève du fantastique et de la légende.
Allons donc découvrir cette ville d’Ys sujet d’un conte celte que j’ai pris soin de lire bien avant.
Passée l’ouverture épique, Yves Abel nous plonge dans les reflets d’une musique dont l’étendue vaporeuse efface les dimensions modestes du théâtre.
La dynamique est d’ailleurs tout aussi parfaite quand le drame frise l’hystérie, et je pense ici à l’affrontement entre Margared et Rozenn. C’est d’un théâtral étrangement similaire à la rencontre entre Adrienne et la Princesse que Francesco Cilea créa 14 ans plus tard avec Adrienne Lecouvreur.
Inva Mula et Charles Castronovo
Inva Mula est épatante, puissance vocale dont nous n’avions pas l’habitude, couleurs dorées, diction fluide, elle s’oppose à une Sophie Koch inattendue dans un emploi aussi lourd. La caractérisation reste un peu sommaire dans le fameux air « De tout côté j’aperçois dans la plaine » où aucune inflexion ne vient briser un tempérament dur et déterminé. Mais l’impact de ce timbre d’un bronze souple est indiscutable. Oublié le petit compositeur torturé d’Ariane à Naxos, voici donc une nouvelle diabolique.
C’est exactement l’évolution inverse que suit Franck Ferrari. Admirable dans les rôles de salauds à Paris (Paolo, Thoas, Lindorf), il se veut un peu moins brutal et soigne plus les lignes de chants et les changements de tonalités. La stature de Karnac en souffre un peu je trouve.
Après le succès de l’Élixir d’Amour à Paris, Charles Castronovo confirme qu’il est un ténor que l’on va de plus en plus réclamer dans les rôles d’amoureux pour lesquels la musicalité et les obscurités vocales le prédestinent.
Paul Gay assume à la fois l’autorité et les sentiments profonds pour sa fille avec beaucoup de dignité.
Dernière scène (C.Castronovo, I.Mula, S.Kock, P.Gay)
Le très bel escalier en marbre bleu qui se sépare des deux côtés de l’espace scénique fixe une force architecturale marquante et magnifique sous les cascades d’eau finales.
Le livret s'attarde sur les accusations de wagnérisme portées à l'époque contre l'oeuvre. Il faut replacer ce jugement dans le contexte politique d'une époque dominée par un fort sentiment anti-allemand et ne pas lui donner de valeur artistique. Je n'ai par ailleurs aucunement pensé à Wagner de tout l'après-midi.
Les scènes s'enchaînent sans trêve (hors entracte) durant deux petites heures si bien qu'avec une distribution aussi homogène et impliquée il y a surtout de quoi laisser l’imagination s'épanouir.
Répétition Générale du 12 octobre 2007
Opéra Garnier
Violetta Christine Schäfer
Alfredo Stefano Secco
Germont José Van Dam
Annina Michèle Lagrange
Flora Helene Schneiderman
Direction musicale Daniel Oren
Mise en scène Christophe Marthaler
José Van Dam (Germont) et Christine Schäfer (Violetta)
Voilà une reprise qui comprend un changement majeur : le chef.
En juin-juillet, la nouvelle production de la Traviata (commentée dans l’article La Traviata) frappait par son parti pris total de la mise en scène à la représentation musicale.
Christine Schäfer (Violetta)
Comment Daniel Oren va-t-il s’approprier le concept ? Certainement pas en changeant les tempi parfois plus lents que ceux de Sylvain Cambreling. Plus sûrement en développant les ressorts les plus intimes de la musique de Verdi et en laissant se détacher les motifs des instruments. L’oreille est si souvent piquée que la fosse devient un objet d’intérêt au risque de distraire de l’enjeu scénique.
L’effet est très réussi dans la rêverie de Violetta au premier acte, la folie de la réception chez Flora Bervoix (retravaillée et encore plus marquante) , et la tristesse de cette femme délaissée sur son lit de mort.
Il n’est donc plus question ici de décrire une atmosphère sinistre qui faisait la force de la rencontre opposant Germont à Traviata ce qui me laisse préférer la première version plus radicale et plus apte à bousculer le spectateur dans son confort.
Stefano Secco (Alfredo) et Christine Schäfer (Violetta)
Indubitablement la lecture de Daniel Oren est surtout une friandise qui peut se déguster indépendamment de tout contexte théâtral.
Sur scène l’autre nouveauté est l’Alfredo de Stefano Secco. Clarté du timbre, articulation mordante, projection parfois éclatante, le chanteur fait ce qu’il peut pour adhérer au rôle mais avec moins de conviction que Jonas Kaufmann. Il n’en n’a pas le charme ni l’insouciance.
En fait je le préfère bien plus dans les rôles d’hommes au grand cœur tel Adorno et sans nul doute dans le futur Macduff.
Christine Schäfer (Violetta) : acte III
Christine Schäfer reste l'interprète fragile idéale dans la vision de Marthaler, José Van Dam est avant tout une stature inévitable et j'ai cru remarquer le domestique Slawomir Szychowiak qui ne dit que trois mots mais forts impressionnants.
Version de concert du 30 septembre 2007 (Théâtre des Champs Elysées)
Marie Stuart Ruth Ann Swenson
Elisabeth Iano Tamar
Leicester Dario Schumk
Talbot Giovanni Furlanetto
Cecil Lionel Loth
Paula Gardino Anna Kennedy
Orchestre et choeurs de l'Opéra National de Lyon
Direction Evelino Pidò
Dès l'ouverture la cavalcade est lancée entraînant les trémoussements que l'enthousiasme de quelques uns ne peut retenir.
Puis l'attente du duel entre les dames s'établit car seule Elisabeth se découvre au premier acte.
Iano Tamar n'a peut être pas l'ampleur vocale que l'on pourrait attendre d'une reine et se laisse parfois submerger par l'orchestre. En revanche, la séduction de ce timbre pas assez sombre pour franchement l'identifier comme mezzo, mais aux aigus implacables, est un atout dont l'évolution vers les emplois plus dramatiques est digne d'intérêt .
Vous connaissiez Dario Schumk ? Moi pas. Car nous avons découvert un ténor franc, viril, jamais en peine et se posant hardiment face à la salle. Si le timbre est relativement commun, le chanteur a donné l'impression d'un tel sens de l'anticipation musicale que rarement j'ai ressenti autant d'harmonie entre chant et discours orchestral.
Avec beaucoup de noblesse Giovanni Furlanetto oppose également un Talbot ferme et convaincant.
Et enfin, le suspens se lève sur le château de Fotheringhay. Ruth Ann Swenson illumine avec beaucoup de chaleur et de poésie la scène, mais quelques difficultés avec la partition sont visibles. L'auditoire paraît d'ailleurs plus exigeant avec elle qu'avec ses partenaires.
Les vocalises vertigineuses ne sont certes pas au rendez vous, cependant elle dégage une candeur qui n'en rabaisse que d'avantage l'esprit de son adversaire.
Bien entendu Evelino Pidó en fait un peu trop, danse même avec ses chanteurs au risque d'en fatiguer certains avec ses débordements d'énergie.
Alors s'il est vrai que la vérité tragique de l'oeuvre ne s'est pas invitée à cette soirée, la générosité de ces chanteurs tous excellents musiciens et leur plaisir d'être présent là face au public ont constitués un petit détournement de l'œuvre de Donizetti pour créer un vrai moment d'évasion.