Histoire de l'Opéra, vie culturelle parisienne et ailleurs, et évènements astronomiques. Comptes rendus de spectacles de l'Opéra National de Paris, de théâtres parisiens (Châtelet, Champs Élysées, Odéon ...), des opéras en province (Rouen, Strasbourg, Lyon ...) et à l'étranger (Belgique, Hollande, Allemagne, Espagne, Angleterre...).
Elektra (Richard Strauss – Dresde, le 25 janvier 1909)
Représentation du 30 juin 2024 Münchner Opernfestspiele 2024 Bayerische Staatsoper
Klytämnestra Violeta Urmana
Elektra Elena Pankratova
Chrysothemis Vida Miknevičiūtė
Aegisth John Daszak
Orest Károly Szemerédy
Der Pfleger des Orest Bálint Szabó
Die Vertraute Natalie Lewis
Die Schleppträgerin Seonwoo Lee
Ein junger Diener Kevin Conners
Ein alter Diener Martin Snell
Direction musicale Vladimir Jurowski
Mise en scène Herbert Wernicke (1997)
Créée le 27 octobre 1997 au Bayerische Staatsoper, et reprise plusieurs fois au Festival de Baden-Baden où fut enregistré un DVD en 2010, la production d'’Elektra’ dans la mise en scène d’Herbert Wernicke (1946-2002) est un très bel exemple de lecture universelle d’une œuvre qui marque la première collaboration entre Richard Strauss et le dramaturge Hugo von Hofmannsthal.
Violeta Urmana (Klytämnestra)
Le décor sépare en deux l’espace d’avant scène de la scène centrale par un immense panneau rectangulaire frontal et incliné pouvant pivoter sur lui même pour révéler le grand escalier du palais mycénien édifié en arrière plan.
La symbolique des couleurs des costumes est très explicite également, le blanc pour la virginité et l’aspiration au mariage de Chrysothemis, le noir pour la nature dépressive et vindicative d’Elektra, le rouge pour la puissance sexuelle et la nature criminelle de Klytämnestra.
Les lumières qui filtrent le long des arêtes du mur mobile central prennent également des teintes qui s’alignent sur les intentions en jeu, le tout dégageant une épure fort lisible.
Vida Miknevičiūtė (Chrysothemis)
Elektra rumine ses pensées sur une estrade en bois où elle pourra planter sa hache au moment du meurtre du couple royal, et lorsque Orest apparaît depuis la loge située côté jardin pour rejoindre ensuite sa sœur, le temps qu’il prend à ajuster le manteau royal abandonné par sa mère, et que Chrysothemis avait refusé de porter au grand dam d’Elektra, laisse transparaître le conflit intérieur du jeune homme entre lien de parenté, envie de vengeance, conscience du mal et ambition personnelle.
Les meurtres respectifs des amants se dérouleront derrière les murs, et alors que nous assistons à l’avènement d’Orest, Elektra met fin à ses jours. Un nouvel ordre est établi.
Elena Pankratova (Elektra)
Le jeu d’acteur reste très sobre, mais Vida Miknevičiūtė offre une jeunesse irradiante à Chrysothémis qui lui vaudra un immense succès au rideau final. La soprano lituanienne possède en effet une projection perçante mais sans dureté avec une très grande solidité de moyen qui exprime une forme d’idéalisme adolescent qui gagne facilement les cœurs.
Károly Szemerédy (Orest)
Sa compatriote, Violeta Urmana, dresse une stature impériale de Klytämnestra, pouvant compter sur une opulence de timbre fascinante, un galbe des graves d’un luxe d’ébène, et un profil des aigus vrillé et très maîtrisé. Son visage et sa gestuelle très expressifs lui donnent dorénavant une force théâtrale saisissante, et ses inflexions vocales tranchées taillent les moindres reliefs de ce caractère prêt à s’effondrer aux pieds de sa fille sous le poids de la culpabilité, avant que la fausse nouvelle de la mort d’Orest ne lui redonne l’espoir de croire qu’elle ne subira aucun châtiment.
C’est toujours un émerveillement de voir comment le talent de cette grande artiste traverse le temps avec une telle densité.
Violeta Urmana (Klytämnestra)
L’ensemble de la distribution présente ce soir ayant déjà été réunie dans cette même production en novembre 2022, Elena Pankratova reprend donc le rôle d’Elektra, et si la puissance de ses aigus et sa longueur de souffle restent mesurées, son chant offre un lyrisme travaillé de fines nuances assez rare dans ce rôle où nombre d’interprètes chargent habituellement l’héroïne de raucités pour en traduire l’animalité blessée. Rien de tout cela ici, c’est la dignité dans la douleur qui est dépeinte avec une certaine douceur, pourrait on dire.
Impressionnant par sa stature inaltérable, Károly Szemerédy est un formidable Orest, doué d’une ligne vocale bellement homogène et de grande classe, et John Daszak décrit un Aegisth avec de l’éclat mais aussi une certaine mesure attendrissante.
Vida Miknevičiūtė (Chrysothemis), Károly Szemerédy (Orest) et John Daszak (Aegisth)
Mais quel plaisir d'entendre dans cette salle la violence feutrée et la noirceur tristanesque de l’orchestre de l’Opéra de Bavière sous la conduite de Vladimir Jurowski! Ce son fantastiquement noir, d'une noblesse dispendieuse, enveloppe l’auditeur d’une plénitude fabuleuse, et de la fusion des timbres des cordes et des cuivres découle une lave d’une malléabilité fluide et sidérante par la manière dont des traits ardents, des lames rutilantes et clinquantes se cristallisent d’un coup sans altération de leur éclat. L’agilité des musiciens permet de maintenir un excellent rythme théâtralisant avec toutefois un niveau de contrôle qui évite les débordements excessifs, y compris dans les attaques sauvages toujours d’une nette précision.
Vida Miknevičiūtė, Elena Pankratova, Károly Szemerédy, Violeta Urmana, John Daszak et Vladimir Jurowski
Une interprétation magnifique à tous les niveaux, qui laisse de côté une vision par trop horrifique, pour raconter cette histoire de vengeance familiale à travers une intense somptuosité narrative.
Vida Miknevičiūtė, Elena Pankratova et Violeta Urmana
Guerre et Paix (Sergueï Prokofiev – Léningrad, 12 juin 1946)
Représentation du 15 mars 2023
Bayerische Staatsoper
Natascha Rostowa Olga Kulchynska
Sonja Alexandra Yangel
Marja Dmitrijewna Achrossimowa Violeta Urmana
Peronskaja Olga Guryakova
Graf Ilja Andrejewitsch Rostow Mischa Schelomianski
Graf Pierre Besuchow Arsen Soghomonyan
Gräfin Hélène Besuchowa Victoria Karkacheva
Anatol Kuragin Bekhzod Davronov
Leutnant Dolochow Alexei Botnarciuc
Fürstin Marja Bolkonskaja Christina Bock
Fürst Nikolai Andrejewitsch Bolkonski Andrei Zhilikhovsky
Matrjoscha Oksana Volkova
Dunjascha Elmira Karakhanova
Gawrila Roman Chabaranok
Métivier Stanislav Kuflyuk
Französischer Abbé Maxim Paster
Denissow Dmitry Cheblykov
Tichon Schtscherbaty Nikita Volkov
Fjodor Alexander Fedorov
Matwejew Sergei Leiferkus
Wassilissa Xenia Vyaznikova
Trischka Solist(en) des Tölzer Knabenchors
Michail I. Kutusow Dmitry Ulyanov
Kaisarow Alexander Fedin
Napoleon Tómas Tómasson
Adjutant des Generals Compans Alexander Fedorov
Adjutant Murats Alexandra Yangel
Marschall Bertier Stanislav Kuflyuk
General Belliard Bálint Szabó
Adjutant des Fürsten Eugène Granit Musliu
Stimme hinter den Kulissen Aleksey Kursanov
Adjutant aus dem Gefolge Napoleons Thomas Mole
Händlerin Olga Guryakova
Mawra Kusminitschna Xenia Vyaznikova
Iwanow Alexander Fedorov
Direction Musicale Vladimir Jurowski
Mise en scène Dmitri Tcherniakov (2023)
Immense fleuve lyrique, ‘Guerre et Paix’ de Sergueï Prokofiev est rarement monté hors de sa ville de création, Saint-Pétersbourg, et de la capitale russe, Moscou, où il est régulièrement interprété plusieurs fois par décennies. Ailleurs, seuls 9 pays, l’Allemagne, la France, la Hongrie, la Suisse, l’Italie, l’Autriche, le Canada, le Royaume-Uni et les États-Unis l’ont représenté au moins une fois sur scène au cours des 25 dernières années.
Programmer un tel ouvrage est donc une marque de prestige, et, originellement, Dmitri Tcheniakov et Vladimir Jurowski avaient l’intention de le jouer à l’opéra de Munich dans sa version intégrale.
Sa genèse est cependant fort complexe. La première représentation fut interprétée au piano par Sviatoslav Richter et Anatoly Vedernikov en mai 1942 à Moscou, puis, la première version orchestrale (avec 9 des 11 tableaux initiaux) fut donnée le 07 juin 1945 à la Grande Salle du Conservatoire de Moscou, et, finalement, la création scénique de la première partie, augmentée de la scène du bal, fut créée le 12 juin 1946.
Prokofiev n’achèvera la seconde partie, où fut rajoutée la scène du conseil de guerre (tableau n°10), qu’en mai 1947, et il poursuivit coupures, remaniements et ajouts jusqu’à l’édition de la partition définitive en 1958.
Olga Kulchynska (Natascha) et Andrei Zhilikhovsky (Andrejewitsch Bolkonski)
De cette partition, l’Opéra d’État de Bavière reprend complètement les 7 tableaux de la première partie, ‘La Paix’, mais opère plus de 30 minutes de coupures dans la seconde partie, ‘La Guerre’, afin de supprimer tous les passages aux élans trop patriotiques qu’il n’est plus possible d’entendre à l’heure de la guerre menée par la Russie en Ukraine.
Sont ainsi omis dans cette nouvelle production le chœur des volontaires, l’air stalinien de Koutouzov et le chœur des Cosaques du 8e tableau situé avant la bataille de Borodino, le chœur final du 9e tableau à l’approche des Russes du camp de Napoléon, l’intégralité du 10e tableau qui se déroule au conseil de guerre, le chœur des Moscovites du 11e tableau, et les 3/4 du treizième tableau, dont le chœur final.
Violeta Urmana (Marja Dmitrijewna Achrossimowa)
Il n’est pas impossible que, finalement, cette version revienne à la partition qui tenait le plus à cœur au compositeur russe. Et il est évidemment inutile d’attendre une lecture de l’œuvre au premier degré de la part de Dmitri Tcherniakov, qui interroge le texte du livret en profondeur et cherche à montrer sur scène ce qu’il révèle de la mentalité russe.
Il situe ainsi l’action du début à la fin au sein du somptueux décor de la ‘salle des colonnes’ du Palais des syndicats de Moscou, bâtiment destiné à célébrer des évènements importants, à accueillir des concerts symphoniques et, surtout, à honorer les funérailles des chefs d’État. Les corps de Lénine, Staline et Gorbatchev y ont été exposés.
Tous les détails de cette salle sont minutieusement reconstitués, les colonnes corinthiennes, les balcons, le parquet, la coupole ainsi que les multiples lustres en cristal, mais ce cadre magnifique est transformé en un lieu de refuge pour la population moscovite. Sacs de couchage, couvertures, vêtements recouvrent le sol occupé par le chœur et probablement des figurants.
Alexei Botnarciuc (Leutnant Dolochow) et Bekhzod Davronov (Anatol Kuragin)
Dans cette première partie, le metteur en scène dépeint un portrait sensible de Natacha comme il sait si bien le faire depuis l’inoubliable Tatiana d’’Eugène Onéguine’qu’il fit connaître au Palais Garnier en 2008, production désormais reprise à l’Opéra de Vienne.
Au début de l’histoire, le prince André Bolkonskii erre seul au milieu de la salle comme s’il allait nous raconter ce qui a précipité le malheur de son monde.
Les gens qui étaient couchés au sol se relèvent petit à petit, et le passé se réactive à un moment où tous réunis dans l’enceinte semblent à la fois dans l’attente et en recherche de protection.
Arsen Soghomonyan (Pierre Besuchow) et Olga Kulchynska (Natascha)
Ceux-ci revivent un moment festif dans une humeur bon enfant. Les différences sociales sont fortement atténuées, même si Peronskaja, incarnée par Olga Guryakova – une émouvante artiste qui insufflait un subtil glamour à ses interprétations de Natacha et Tatiana à l’Opéra Bastille au début des années 2000 et qui, ce soir, joue à fond, avec un timbre encore bien percutant, la bourgeoise heureuse parfaitement adaptée à l’environnement social -, s’affiche en manteau de fourrure pimpant.
La scène de bal s’insère naturellement dans cet état d’esprit sous la forme d’une mise en scène joyeuse de la présentation des multiples protagonistes.
Epigraphe en introduction du 8e tableau de 'Guerre et Paix'
Pour Olga Kulchynska, artiste lyrique ukrainienne qui s’est faite remarquée en 2018 à l’Opéra Bastille dans le rôle de Rosine du ‘Barbier de Séville’, le défi est grand à faire vivre les élans passionnés et cyclothymiques de Natacha, car il s’agit de faire ressentir son manque affectif désespéré qui s’anime d’abord sous le regard du Prince Bolkonskii, et qui, une fois celui ci écarté par son père, se reporte sur le dangereux et instable Kouraguine.
Le sentiment d’exaltation est très bien rendu, de par sa voix lumineuse et fruitée qui a la légèreté de l’oiseau de ‘Siegfried’ même dans les coups de sang les plus imprévisibles, avec une irrésistible envie de vivre qui contraste avec les angoisses de Sonja pour laquelle Alexandra Yangel offre une figure prévenante teintée de mélancolie sombre d’une très grande justesse.
Il faut dire que Dmitri Tcherniakov s’ingénie à donner vie aux dizaines d’artistes qui suivent de leur regard l’intimité de l’action autour de Natacha, comme s’ils avaient tous à conduire une ligne de vie bien spécifique qui accroît l’impression de réalisme d’ensemble. Leur présence permet également de mettre en exergue le décalage comportemental de la jeune fille avec son milieu social.
Arsen Soghomonyan (Pierre Besuchow) et Andrei Zhilikhovsky (Andrejewitsch Bolkonski)
A cela s’ajoute une intégration de la rythmique musicale dans le jeu d’acteur qui, visuellement, la rend encore plus évidente au spectateur. Et ce travail musical peut aussi bien se traduire par une gestuelle futile et ludique, à l’instar de l’arrivée dansante de Kouraguine et ses amis, qu’engendrer une grande tension d’échange lorsque Achrossimowa se confronte à Natacha pour l’aider à remettre les pieds sur terre.
Avec ses habits de grand-mère qui la rendent adorablement touchante, Violeta Urmana est d’une authenticité magnifique, la figure même du cœur sur la main à la volonté ferme, et tout dans son chant et ses expressions sincères concoure à ennoblir le très beau portrait qu’elle fait vivre.
Dmitry Ulyanov (Michail I. Kutusow)
Naturellement, le mal-être de Natacha allant grandissant, après qu’elle ait appris de Pierre Besuchow que Kouraguine est marié, cette situation blessante conduit à une tentative de suicide jouée avec une sensibilité à fleur de peau fort poignante.
Arsen Soghomonyan manifeste avec un timbre de voix robuste, mature et adouci une grande densité expressive qui donne beaucoup de profondeur à ce comte épris d’une jeune fille qu’il cherche à protéger. L’homme est sérieux, intelligent, et son monologue est mené avec force de conviction, sans que le moindre geste ne soit laissé au hasard, avant qu’une voix en coulisses annonce l’arrivée de Napoléon, et qu’un jeune enfant pointe sur le pauvre homme une arme automatique à jets d’eau dans un esprit de dérision surprenant.
Car si la première partie est une vibrante mise en relief du caractère de Natacha dénuée de tout mélo-dramatisme facile, la seconde partie ne met plus en scène deux armées qui s’affrontent mais le peuple russe lui-même. L’épigraphe est d’ailleurs chanté en avant-scène dans l’ombre et avec une gestuelle fort vindicative qui dynamise l’excellent chœur puissant du Bayerische Staatsoper, qui devient dorénavant le principal sujet de l’action.
Dmitri Tcherniakov imagine que tous ces russes installés au centre de la salle se livrent à un jeu de simulation de guerre où tous les aspects sont abordés : combat, camouflage, évacuation des blessés, soins. Mais l’ennemi n’est jamais visible.
Olga Guryakova (Peronskaja)
Le baryton moldave, Andrei Zhilikhovsky, prête son charme et sa chaleur de voix au rôle d’André Bolkonskii qui, avec le même détachement qu’en première partie, est encore perdu dans ses pensées pour Natacha, sans paraître pour un sou comme un des leaders du champ de bataille.
Kutusow, le général en chef des armées, auquel Dmitry Ulyanov prête une sereine envergure débonnaire, est présenté comme un chef relâché, vulgaire, et sans prestance. Et l’on assiste ainsi à une description dérisoire de tous les symboles religieux ou militaires, les chœurs signant des croix orthodoxes de façon rapide et mécanique, allure saccadée et automatique que l’on retrouve pour décrire le Napoléon loufoque animé par Tómas Tómasson qui prend beaucoup de plaisir à forcer la caricature.
Andrei Zhilikhovsky (Andrejewitsch Bolkonski) et Olga Kulchynska (Natascha)
Au début, cette approche semble bien légère et laisse craindre que Tcherniakov ne se contente de démythifier le volet sur ‘La Guerre’. Mais les lustres sont désormais recouverts d’un voile noir qui ne laisse présager rien de bon.
Et l’on assiste, sans s’en rendre compte au départ, à un début de tension entre les différentes individualités de la foule. Les gestes deviennent de plus en plus violents à partir du 11e tableau, avec exécutions arbitraires, tentatives de viols, et même vols des portraits de grands artistes russes tels Tchaïkovski ou Prokofiev.
En quelques images, le grand gâchis de l’histoire russe est illustré de façon glaçante avec un immense sentiment de dommage irréversible. Et c’est au cours du tableau de l’incendie de Moscou que la nature autodestructrice des Russes est le mieux mise en évidence, toujours dans un assombrissement sans retour, jusqu’au grand hommage rendu à Kutosow au moment où il s’allonge sur un nouveau lit mortuaire qui signe l’enterrement final de l’âme russe.
André Bolkonskii s’est finalement suicidé, Natacha s’est éteinte auprès de lui, et tout s’achève dans une grande impression de néant sous le regard malheureux de Pierre Besuchow.
Andrei Zhilikhovsky, Olga Kulchynska et Vladimir Jurowski
Tout au long de cette représentation, l’unité artistique entre Vladimir Jurowski et les musiciens de l’Opéra de Bavière est évidente. L’évocation de la nature qui ouvre ce grand monument lyrique est un enchantement musical. La vie terrestre, les frémissements de sa verdoyance, et l’espoir d’un bonheur à portée de main sont magnifiquement évoqués, et ce splendide raffinement se double d’un art de la malléabilité qui fait rougeoyer d’une souplesse absolument crépusculaire la luxuriante matière qu’offre l'ensemble orchestral.
Très belle énergie sonore qui relance constamment l’action, les éclats des cuivres sont ciselés avec une formidable précision, mais sans en faire trop dans la grandiloquence épique.
Il y a aussi une recherche d’intimisme, de concentration du drame à sa juste mesure, et pour tout ce savant équilibre, Vladimir Jurowski et Dmitri Tcherniakov apparaissent comme deux des grandes valeurs artistiques russes d’aujourd’hui – ils sont nés tous les deux à Moscou au début des années 70 - dont on imagine bien la peine et la désolation qu’inspire le comportement de leur patrie d’origine, eux qui défendent au plus profond d'eux-mêmes un rapport éclairé et réfléchi à la vie.
Oedipe Rex / Symphonie de Psaumes (Igor Stravinsky)
Représentation du 15 juillet 2016
Grand Théâtre de Provence
Festival d'Aix-en-Provence
Oedipe Rex (1927)
Oedipe Joseph Kaiser
Jocaste Violeta Urmana
Créon / Tirésias / le Messager Sir Willard White
Le Berger Joshua Stewart
Antigone Pauline Chevillier
Ismène Laurel Jenkins
Choeur Orphei Drängar
Symphonie de Psaumes (1930) Oedipe Joseph Kaiser
Choeurs Orphei Drängar, Gustaf Sjökvist Chamber Choir, Sofia Vokalensemble Joseph Kaiser (Oedipe)
Direction Musicale Esa-Pekka Salonen
Mise en scène Peter Sellars (2010)
Philharmonia Orchestra
Composées à Nice quand Igor Stravinsky avait rejoint la Côte d'Azur dont le climat convenait mieux à la santé de sa femme, ces deux oeuvres vocales, un oratorio et une oeuvre religieuse, ont une étrange résonance ce soir après la minute de silence sollicitée par l'orchestre et Bernard Foccroulle, le directeur du festival.
'Oedipe Rex' est une oeuvre puissante, portée par une musique froidement magistrale, faite pour marquer les exprits. Esa-Pekka Salonen et le Philharmonia Orchestra en restituent toute la beauté glacée avec un sens de l'inéluctable sidérant.
Mais certaines sonorités ont aussi un charme plus ancien, telles celles des flûtes qui ramènent la musique à des évocations plus intimistes.
La communion de l'orchestre, car il s'agit bien de cela, avec le choeur d'hommes suédois 'Orphei Drängar' est une des plus belles invocations humaines jamais entendue à ce jour.
Esa-Pekka Salonen et Violeta Urmana
Une quarantaine de ténors, un peu moins de barytons et basses, la clarté - l'espérance - et les murmures plus sombres - les inquiétudes - forment un ensemble tendre et volontaire qui transcende l'idée même d'un peuple uni.
Les chanteurs sont habillés de toutes les nuances de bleu possibles, pieds et, parfois, chevilles nus, et sa gestuelle exprime superbement tous les états d'âmes changeants de ces hommes devant l'inconnu de leur destinée.
Cette beauté si poétique et suppliante est à elle seule le coeur palpitant de l'oeuvre.
Joseph Kaiser, en Oedipe, chante avec une simplicité qui ne met pas aussi bien en valeur le charme des inflexions que l'on aime chez lui dans les rôles de Lenski ('Eugène Onéguine') ou de Flamand ('Capriccio'), et c'est surtout Violeta Urmana qui impose une présence mémorable, bien que courte, en Jocaste.
Son timbre est toujours plus gorgé de noirceur et de gravité, ses aigus ont gagné en souplesse, plus ample en est l'émanation de sa noblesse.
Violeta Urmana (Jocaste) et Sir Willard White (Créon)
Et Willard White, la sagesse blessée inquiétante et humaine, apparaît plus que jamais comme la valeur sûre qui fixe une autorité intemporelle indiscutable.
Enfin, Pauline Chevillier joue un rôle parfait de récitante, naturelle et éloquente, sans solennité trop sérieuse qui pourrait nous tenir à distance.
Dans la seconde partie, 'La symphonie de Psaumes', oeuvre écrite après le ralliement de Stravinsky à l'église orthodoxe russe, deux choeurs féminins, le Gustaf Sjökvist Chamber Choir et le Sofia Vokalensemble, se joignent au choeur d'hommes.
Les voix deviennent alors la métaphore de tout un peuple, la qualité des timbres et l'osmose dans laquelle ils s'épanouissent sont à nouveau sublimes d'unité, et ce voyage profond se déroule sur scène dans une tonalité vert clair apaisante.
Les choeurs Orphei Drängar, Gustaf Sjökvist Chamber Choir et Sofia Vokalensemble
Peter Sellars s'est, en effet, exclusivement concentré sur le travail gestuel des choeurs et le déplacement dans l'espace des chanteurs, ne crée aucun effet scénique autrement significatif que la volonté de construire une continuité entre les deux ouvrages, et ce minimalisme peut être aussi bien critiqué que compris comme la volonté de laisser le champ intégral aux choristes, ce qui bénéficie à l'écoute et l'imprégnation de ces chants si beaux et d'une écriture unique.
Violeta Urmana
Direction musicale Jonathan Nott Bamberger Symphoniker Violeta Urmana
Au début de l’année dernière, à la salle Pleyel, Violeta Urmana fit découvrir au public parisien une Mort d’Isolde si irréelle, qu’elle laissa dans les cœurs une immense attente. Elle interprèterait le rôle intégral à Madrid et à Paris un an plus tard, et cette attente fut comblée particulièrement lors des représentations parisiennes.
La retrouver ainsi, seule, avec le Bamberger Symphoniker, a donc la saveur des regrets d’un intime et ultime ‘au revoir’.
Le Bamberger Symphoniker
Mais avant son éblouissante entrée dans la salle, Jonathan Nott entraîne les musiciens dans un romantisme insouciant où Don Juan semble survoler de grands paysages, poursuivre les illusions d’une romance merveilleuse, pour disparaître d’autant plus tristement que les parfums élancés de cet orchestre raffiné et lumineux nous ont entièrement conquis.
Quelle émotion, ensuite, à l’arrivée de Violeta Urmana, souriante et impressionnante dans sa robe de Princesse d’un autre univers. Sa voix se révèle être dans sa plus belle plénitude, et l’acoustique de la salle la favorise en satinant légèrement ses aigus.
Les sept lieder de Strauss extraits de quatre opus différents sont interprétés avec le même ressenti, une intense détermination sous laquelle couve une souffrance très wagnérienne.
Jonathan Nott et Violeta Urmana
Et l’on retrouve cet immense orgueil qui se libère totalement dans Frühlingsfeier, le lied qui la caractérise le mieux, vraisemblablement. Alors que, dans Ruhe, meine Seele et Morgen, les fléchissements de son timbre dans les profondeurs de sa tessiture sont d’un charme subtil et pathétique.
Il n’y eut qu’un bis, le rayonnant Zueignung, mais la soirée ne lui était que partiellement dédiée.
Tristan et Iseult (Richard Wagner) Répétition générale du 05 avril & Représentations du 08 et 12 avril 2014 Opéra Bastille
Isolde Violeta Urmana Tristan Robert Dean Smith Le roi Marke Franz-Josef Selig Brangäne Janina Baechle Kurwenal Jochen Schmeckenbecker Melot Raimund Nolte Un marin, un berger Pavol Breslik
Mise en scène Peter Sellars (2005) Artiste Vidéo Bill Viola
Direction musicale Philippe Jordan
Violeta Urmana (Isolde)
On le sait en y allant, la série de représentations de Tristan et Isolde interprétée à l’Opéra Bastille est une reprise dédiée à l’homme qui eut l’intuition de faire confiance à ceux qui en sont les artisans scéniques, Bill Viola et Peter Sellars. En apparaissant de façon spectaculaire sur le côté de la scène entouré du personnel qui souhaitait rendre hommage à Gerard Mortier, Nicolas Joel a donc simplement demandé une minute de silence de la part du public en l’honneur du directeur disparu.
Ce silence, dans l’immensité de la salle, fit ressentir toute la froideur du vide après la vie, si bien que ne se perçut plus que le granite gris des murs et l’impression d’être à l’intérieur d’un ensemble tombal.
Robert Dean Smith (Tristan) & Violeta Urmana (Isolde)
Après un tel sentiment d’irréalité, l’ouverture insufflée par Philippe Jordan n’en apparait que plus onirique. L’entière direction s’évertue à tisser d’infinies structures d’une finesse irrésistible et sillonnées d’un dynamisme fuyant. Le rendu des cuivres sert ainsi moins la noirceur violente et la tension de l’oeuvre que l’esthétisme de ces longs et magnifiques élans emplis de couleurs qui dominent totalement l’orchestre en se déployant dans une lenteur majestueuse. Parfois, il arrive que le son des cordes reste sensiblement atténué quand, au début du second acte, Isolde écoute l’onde de la source qui s’écoule, légère et murmure. Là, l’enchantement de ces murmures pourrait être plus prenant.
Video Bill Viola Acte II
Mais Philippe Jordan est un prodigieux enlumineur. Il enrichit d’une profusion de détails aussi bien le tissu musical dans sa discrétion la plus extrême que les grands mouvements lyriques, comme s’il peignait une fresque aux mille reflets. L’alliage à la vidéographie de Bill Viola prend ainsi une tonalité Art-nouveau sans aucune superficialité. En outre, lors de la seconde représentation, il draine un mouvement de fond grandiose d’où, à tout moment, peuvent surgir des éruptions dramatiques, ou de larges entailles sombres à coup de contrebasses. Et personne ne peut oublier le chagrin des inflexions des cordes au cours de l’intervention du Roi Marke. Cette inspiration inouïe rappelle comment ce chef avait trouvé, lors des représentations d’Aïda, et de la même manière, une expression musicale forte par un travail de mise au point qui s’était développé sur trois représentations depuis la dernière répétition.
Violeta Urmana (Isolde) et Janina Baechle (Brangäne)
Et une autre surprise attend le spectateur au cours de cette seconde représentation. Violeta Urmana, grande artiste au tempérament de feu et souvent pourfendue dans le répertoire italien – qu’elle adore pourtant – est dans un état de grâce éblouissant. Son chant déclamé est paré d'une variété de couleurs depuis les graves torturés aux aigus piqués et vaillants, et d’une véhémence extraordinaire lorsqu’elle s’en prend à Tristan, au premier acte. Il y a de l’insolence et du défi, de la compassion également.
Violeta Urmana (Isolde), Raimund Nolte (Melot), Robert Dean Smith (Tristan), Franz-Josef Selig (Marke)
Robert Dean Smith était souffrant lors des représentations de Madrid deux mois plutôt. La différence s’entend maintenant, car sa voix est beaucoup plus sombre et pleine, ce qui lui permet de composer un très beau Tristan pendant les deux premiers actes. Dans le troisième, la concurrence avec le volume sonore de l’orchestre est rude – Jordan est d’une luxuriance telle que les images de l’artiste américain prennent le dessus sur le chanteur – si bien que son jeu scénique inutilement démonstratif nuit plus qu’autre chose à la crédibilité de son incarnation.
Et cela est d'autant plus sensible que nous avions quitté le second acte sur la présence immanente de Franz-Josef Selig. Il est le Roi Marke de la décennie à l’Opéra Bastille, magnifié par la mise en scène de Sellars qui montre un roi dépouillé de tout, affligé par sa propre peine intérieure qui le fait fléchir sans qu’il ne chute pour autant, et ce rapport de force s’exprime par la justesse du geste et par son accord avec l’expression du visage. La voix est immense, saisissante d’humanité.
Violeta Urmana (Isolde)
Janina Baechle, elle, est une Brangäne à cœur perdu. Présente et lucide, elle est celle qui voit tout, celle qui ressent tout. La maturité du timbre n’en fait pas un personnage idéalisé sinon théâtralement aussi fort qu’Isolde, et c’est dans les appels qu’elle trouve une amplitude bienveillante qui se répand, depuis l’une des galeries, dans la grandeur de la salle.
Et Jochen Schmeckenbecker, avec ses inflexions complexes de clarté émergées d’une tessiture sombre, est un fort touchant Kurwenal. Il y a aussi l’allure racée de Raimund Nolte, en Melot, et la voix chaude de Pavol Breslik, le jeune marin.
Violeta Urmana (Isolde) Philippe Jordan et Janina Baechle (Brangäne)
Cette très grande soirée se conclut non seulement sur une impressionnante standing ovation, un hommage tonitruant à Violeta Urmana, tant émue, mais aussi, par une formidable clameur projetée depuis les balcons à l'arrivée de Philippe Jordan qui, à la direction de l’Orchestre de l’Opéra National de Paris, a réalisé une interprétation qui aura atteint les plus ardents wagnériens.
Tristan et Iseult (Richard Wagner) Représentations du 04 et 08 février 2014 Teatro Real de Madrid
Isolde Violeta Urmana Tristan Robert Dean Smith Le roi Marke Franz-Josef Selig Brangäne Ekaterina Gubanova Kurwenal Jukka Rasilainen Melot Nabil Suliman Un marin, un berger Alfredo Nigro Un timonier César San Martin
Mise en scène Peter Sellars Artiste Vidéo Bill Viola
Direction musicale Marc Piollet Production de l’Opéra National de Paris (2005) Violeta Urmana (Isolde)
Il est rare d’entendre l’orchestre du Teatro Real de Madrid interpréter en alternance deux œuvres lyriques pendant tout un mois. En couplant Tristan und Isolde à la création mondiale de Brokeback Mountain, Gerard Mortier a en effet souhaité lier ces deux ouvrages qui parlent d’un amour qui dérange une société construite sur des règles bien définies.
Fin acte I (vidéo Bill Viola)
Et pour la reprise du drame lyrique de Wagner, avec les images vidéo de Bill Viola, il a réussi à afficher les deux rôles titres qui seront sur la scène parisienne deux mois plus tard, en avril et mai de cette année, dans la même production, sous la baguette de Philippe Jordan.
Il était initialement prévu que Teodor Currentzis dirige les représentations madrilènes, mais des raisons de santé l’ont amené à être remplacé par Marc Piollet, un directeur musical que Mortier apprécie pour sa bonne entente avec les metteurs en scène.
Ekaterina Gubanova (Brangäne)
Si l’on n’entend pas l’audace d’un Currentzis, le chef français conduit cependant les musiciens vers une lecture fluide et lumineuse de Tristan und Isolde, et leur communique une énergie juvénile qui s’étend dans tout le théâtre. On entend ainsi d’amples et profonds mouvements fascinants par leur pureté.
Et bien que les imprécisions soient perceptibles lors de la représentation du mardi, elles seront plus rares lors de la dernière du samedi, devant un public séduit. Néanmoins, on sent que la couleur orchestrale de l’ensemble pourrait être plus chatoyante dans les passages frémissants, plus finement majestueuse d’évanescences, et moins brouillée dans la violence fracassante du début du second acte.
Violeta Urmana (Isolde)
Mais un des choix de disposition absolument saisissant se révèle au début du troisième acte lorsque le son du cor anglais accompagnant la plainte de Tristan se libère du haut de l’amphithéâtre, contre la scène, sans être visible. Il faut, à ce moment-là, être situé dans l’un des balcons opposés pour être le plus ému par le mystère de cet appel.
Sur scène, Violeta Urmana et Robert Dean Smith incarnent le couple titre. Ceux qui doutent que la soprano lithuanienne soit une des grandes Isolde d’aujourd’hui ont tout le premier acte pour oublier l’acidité vocale qu’on lui connait dans le répertoire italien.
Robert Dean Smith (Tristan) et Violeta Urmana (Isolde)
Dans cet acte, ses graves rendent magnifiquement expressivela sonorité allemande des mots, et la personnalité véhémente qu’elle caractérise semble si proche de sa nature, que la princesse d’Irlande prend une dimension puissamment déterminée. Ce n’est donc pas par sa tendresse qu’elle peut nous toucher.
Au début de l’année 2013, Violeta Urmana avait cependant chanté à la salle Pleyel une Mort d’Isolde bouleversante d’irréalité. Cet effet ne s’est pas reproduit à Madrid, mais il est possible que l’acoustique et la configuration du théâtre rendent sa voix beaucoup trop présente pour pouvoir recréer cette impression.
Robert Dean Smith (Tristan)
Son partenaire attitré, dans nombre de représentations internationales, a indéniablement un timbre et une technique qui évoquent une douceur mélancolique. Mais Robert Dean Smith a trop tendance à chanter avec les mêmes expressions inutilement affligées, de soudains rayonnements souriants, qui ne sont absolument pas à la hauteur de ce que devrait ressentir Tristan, c'est-à-dire une souffrance dans laquelle s’engouffre tout son être.
Acte II (vidéo Bill Viola)
Nous avons cependant deux grands personnages qui se confrontent à ce duo de légende, deux personnages interprétés par les deux mêmes artistes qui avaient participé à la création parisienne de ce spectacle au printemps 2005 : Ekaterina Gubanova, et Franz-Josef Selig. Ils sont entièrement splendides.
Le timbre homogène et fumé de la mezzo-soprano russe s’est solidifié depuis, et ce sont ses appels lancés du haut de l'amphithéâtre central vers la scène, face à la vision d'une pleine lune éclairant les amants, qui ennoblissent tant sa belle présence.
Franz-Josef Selig (Le Roi Marke)
Et Franz-Josef Selig, en étant simplement là, donne corps à un Roi Marke qui n’en finit pas de pleurer ses déchirures sur ses désillusions envers Tristan, et d’en bouleverser la salle entière.
Dans les rôles plus secondaires, Nabil Suliman joue un Melot froidement expressif, Alfredo Nigro semble beaucoup trop mûr pour incarner la jeunesse du marin et du berger, et Jukka Rasilainen, s’il a l’usure d’un Kurwenal âgé, est un peu trop figé dans son monde, à l’image de Robert Dean Smith.
Violeta Urmana (Isolde) et Robert Dean Smith (Tristan)
S’il y a un intérêt à voir ce spectacle à Madrid, il provient des dimensions plus humaines de la scène par rapport à l’Opéra Bastille. On est ainsi beaucoup plus capté par le jeu scénique précis voulu par Peter Sellars – les connaisseurs relèveront les variations par rapport à la création, comme le double geste d’affection et de protection d’Isolde et de Marke à l'égard de Tristan, avant qu'il ne soit mortellement blessé – et les vidéos de Bill Viola retrouvent un pouvoir hypnotisant plus subtil.
Seul petit reproche musical, l'unité vocale du chœur, souvent réparti de part et d'autre dans les coulisses des loges de balcons, se dissout sans que l'impact théâtral en soit renforcé.
Orchestre Philharmonique de Radio France - Richard Wagner Version de concert du 04 janvier 2013 Salle Pleyel
Le Vaisseau fantôme : Ouverture Lohengrin : Prélude de l'acte I Lohengrin : Prélude de l'acte III Lohengrin : Scènes 1 et 2 de l'acte III Tannhäuser : Ouverture et Venusberg Tristan et Isolde : Prélude et mort d'Isolde
Elsa Annette Dasch Lohengrin Stephen Gould Isolde Violeta Urmana
Direction Marek Janowski Orchestre Philharmonique et Choeurs de Radio France
Annette Dasch (Elsa)
Puisque 2013 est une année exceptionnelle par bien des aspects, et que l’on y commémorera en particulier le bicentenaire de la naissance de Richard Wagner, la Salle Pleyel ouvre naturellement cette année avec deux concerts dédiés au maître de Bayreuth.
Si l’on exclut la toute dernière partie de ce premier concert, le Philharmonique de Radio France, conduit par Marek Janowski, est apparu en manque de souffle et de précision. L’ouverture du Vaisseau Fantôme s’appuie principalement sur la fluidité allante des cordes, mais toute l’évocation fantastique de ce Vaisseau maudit et la violence des éléments qui le bousculent ne sont pas rendues.
Orchestre Philharmonique de Radio France et Marek Janowski
Orchestralement, le prélude de Lohengrin suit le même mouvement sans trop de relief et sans que ne se perçoive nettement la lumière mystique qui émane de la pointe des archers, les chœurs se contentant de chanter dans le second prélude sans la hauteur quasi sidérale que ces voix devraient atteindre.
Les deux scènes qui suivent permettent enfin de découvrir Annette Dasch, elle qui fit dans l’urgence l’ouverture de la Scala de Milan, le mois dernier, pour remplacer Anja Harteros dans le même rôle. L’incarnation est nettement plus contenue, moins éthérée, mais l’on retrouve ces petits gestes de poupée mécanique attachants, et un grand raffinement dans l’expression touchante de la fragilité féminine. Stephen Gould, monumental, en devient un Lohengrin distancié par la largeur monocolore et stable de sa voix, évoquant un Tristan noir et sans illusion.
Annette Dasch (Elsa)
La seconde partie débute par l'ouverture de Tannhäuser et un Venusberg malheureusement totalement plats, sans la moindre tension infernale, le moindre courant entraînant, la vigueur des mouvements de la bacchanale se concluant même sur une défaillance ironique des cuivres.
Rien ne laissait donc présager d'un prélude de Tristan et Isolde d’une ampleur somptueuse, comme un grand voyage au cours duquel l’on tombe dans les accidents de l’âme mahlérienne, et où l’on ne peut que se laisser porter les yeux fermés.
Violeta Urmana (Isolde)
Et soudain, apparue du fond de ce flot surnaturel, la voix de Violeta Urmana vient nous surprendre et nous convier à la suivre dans la plénitude lumineuse et confiante de la mort. Rien n’est dramatique, la voix et les couleurs sont inflexibles, et les subtiles vibrations font de ce grand appel une expression de la douleur humaine purifiée inexplicablement bouleversant.
Nedda Brigitta Kele Canio Vladimir Galouzine Tonio Sergey Murzaev Beppe Florian Laconi Silvio Tassis ChristoyannisVioleta Urmana (Santuzza)
Direction musicale Daniel Oren Mise en scène Giancarlo Del Monaco(Madrid 2007)
Au début des années 1880, la rivalité commerciale entre les deux grands éditeurs de Milan, Ricordi (Verdi, Puccini) et Lucca (Wagner), est perturbée par un nouveau compétiteur : Edoardo Sonzogno. Sous son impulsion, un concours national pour la composition d’un opéra en un acte est lancé à travers l‘Italie, mais il n‘en ressort pas d’oeuvre qui puisse être considérée comme une suite à Verdi .
En 1888, Mascagni remporte cependant le second concours - toujours organisé par Sonzogni - avec Cavalleria Rusticana. L'opéra sera créé à Rome deux ans plus tard. Parmi les concurrents, on remarque Umberto Giordano qui, en 1896, composera Andrea Chénier.
Ce succès est suivi de Pagliacci, composé par Leoncavallo en 1892 pour Milan. L’éditeur réunit alors ces deux opéras « Cav et Pag » dès l’année suivante, et ils seront joués le plus souvent ensemble dans les grands théâtres nationaux et internationaux.
Sergey Murzaev (Tonio)
A Paris, l’Opéra Comique a accueilli ce diptyque vériste régulièrement, mais c’est la première fois que ces deux histoires de crimes passionnels sont représentées à l’Opéra National, seul Pagliacci ayant eu les honneurs de la scène trente ans depuis. La production provient de Madrid, et elle a même fait l’objet d’un enregistrement en DVD avec Violeta Urmana et Vladimir Galouzine.
Idée de mise en scène originale, Giancarlo Del Monaco débute avec l'ouverture de Pagliacci, et fait entrer Tonio par une des portes latérales du parterre en laissant la lumière dans la salle. Sergey Murzaev y est royal, et, comme dans Andrea Chénier, il a la funèbre tâche d'annoncer le drame qui va se dérouler sur scène, accompagné par la résonnance splendide du motif mortuaire joué par le cor en solo. Ce prologue exprime, à travers quelques phrases, l’essence même du vérisme : un « squarcio di vita », une « tranche de vie ».
Violeta Urmana (Santuzza)
On croit alors à une inversion d‘ordre des ouvrages, mais le rideau se lève ensuite sur un immense décor glacial constitué de grands blocs de marbres, et sur les premières mesures de Cavalleria Rusticana.
Toutefois, la fascination pour ce paysage pur et aride s’estompe vite, car mis à part les entrées et sorties des chœurs vêtus de noir et les interventions mal jouées des interprètes, il n’y a rien de bien intéressant à suivre visuellement.
Violeta Urmana a ce caractère mystérieusement sombre pour être une Santuzza idiomatique, mais peut être pourrait-elle moins se complaire en lamentations. Son interprétation est caractérisée par une tessiture aiguë homogène plus percutante que dans La Force du Destin, un sens dramatique certain que l’on aimerait, par moment, plus révolté.
Elle n’est franchement pas aidée par un Marcello Giordani bien pataud, sonore sans nul doute mais aux lignes de chant fluctuantes et plus plaintives qu’autoritaires, et surtout mauvais acteur comme à son habitude.
Franck Ferrari apporte un peu plus de crédibilité, des couleurs graves complexes et des aigus très vite affaiblis, et StefaniaToczyskaet Nicole Piccolomini se présentent comme de dignes interprètes au regard hautain de Lucia et Lola.
Vladimir Galouzine (Canio)
Autant capable des plus grands raffinements que de débauches d’énergie tonitruantes, Daniel Oren ne tempère pas beaucoup les percussions, mais il fait entendre d’impressionnants mouvements ténébreux, les contrebasses et violoncelles étant disposés à gauche de la fosse et le plus loin possible des cuivres, avec un lyrisme généreux dont il reste à peaufiner le brillant subtil.
Le chœur, disposé le plus souvent en avant scène, est bien trop puissant, si bien que la violence l’emporte sur les grands sentiments mystiques.
La seconde partie, Pagliacci, va alors se dérouler avec une toute autre unité, et une toute autre théâtralité.
Brigitta Kele (Nedda)
La scénographie évoque à la fois la mélancolie et les aspirations de Nedda, prisonnière d’une vie de troupe de saltimbanques. Un triste Pierrot peint sur un fond vert morose décore le théâtre ambulant, et, en arrière plan, de grandes toiles projettent une image de l’actrice Anita Ekberg se baignant dans la Fontaine de Trevi, scène mythique de La Dolce Vita de Fellini.
Puis, Brigitta Kele apparaît, et tout son être ruisselle des rêves de désirs lascifs, une fluidité corporelle et sensuelle qu’elle exprime vocalement avec un aplomb et de superbes couleurs franches et sombres. On remarque l'excellente actrice, et, petit à petit, on se rend compte que l'ensemble de la distribution, y compris le chœur, est engagé corps et âme dans ce drame sans aucun temps mort.
Vladimir Galouzine (Canio)
Vladimir Galouzine est ahurissant, autant dans son rôle que dans sa relation avec tous ses partenaires. Il est un chanteur génial, supérieur à bien des ténors surmédiatisés et superficiels dans leur approche scénique, et voué à une incarnation d'un profond réalisme. Son Canio passe de l'euphorie à la violence dépressive, puis foule le sol pour jeter, face au public, son humanité désespérée avec une intensité et une ampleur ravageuse.
Sergey Murzaev et Tassis Christoyannis possèdent le même type d'épaisseur et de couleur vocale, ce qui, quelque part, renforce l'impression brutale de l'entourage masculin de Nedda. Il y a une exception : Beppe. Perché sur son échelle, Florian Laconi incarne un Arlequin magnifiquement rayonnant, une belle clarté qui vient alléger, pour un instant, l'atmosphère sordide de la représentation.
Le chef d'œuvre est total, car Daniel Oren entraîne l'orchestre dans une éclatante action théâtrale, et c'est cette cohésion d'ensemble qui fait de ce second volet un grand moment d'opéra.
Macbeth (Giuseppe Verdi)
Représentations du 04 et 13 avril 2009 à l'Opéra Bastille Direction musicale Teodor Currentzis
Mise en scène Dmitri Tcherniakov
Macbeth Dimitris Tiliakos
Banco Ferruccio Furlanetto
Lady Macbeth Violeta Urmana
Dama di Lady Macbeth Letitia Singleton
Macduff Stefano Secco
Malcolm Alfredo Nigro
Medico Yuri Kissin
Coproduction avec l'Opéra de Novossibirsk
Violeta Urmana (Lady Macbeth) et Dimitris Tiliakos (Macbeth)
Dix ans nous séparent, depuis la création par Phyllida Lloyd à l’Opéra Bastille d’une vision esthétisée de Macbeth. Maria Guleghina y avait fait sensation par une démonstration de puissance, une lady qui « en a » comme on dit.
L’image du couple prisonnier d’une cage tournoyante, en prélude à la scène des apparitions, restituait avec force son enfermement mental.
La nouvelle production réalisée par Dmitri Tcherniakov se projette sur un terrain totalement différent.
Oublions toute la dimension fantastique, ce drame peut être le support d’une autre histoire, plus réelle et crédible, l’histoire d’un jeu qui tourne mal entre une société modeste et un homme qu‘elle porte sans méfiance dans son ascension sociale.
Ce nouveau riche finit par craindre d’être renversé par ceux qui l’ont soutenu. Il les agresse brutalement, ce qui conduit à une révolte générale.
Le décor que choisit le metteur en scène alterne entre la banlieue noyée par la grisaille, où vit dans de petites habitations uniformes une classe sociale pauvre, et la demeure bourgeoise en pierre de taille de la famille de Macbeth.
Les transitions entre ces deux lieux s’opèrent par la projection sur grand écran d’une vision aérienne 3D type « google earth » de la cité.
Les mouvements prennent de la hauteur, parcourent la ville, puis plongent vers le point visé. Tout le suivi est réalisé de manière très fluide en suivant les formes des lignes musicales, mais cette vision des demeures suggère que l’idée de propriété est à la base de la division entre les hommes.
A la fois sorcières, brigands et armée, le peuple accepte cette division. Il porte aux nues Macbeth, et entretient une certaine connivence avec lui et Banquo, alors que ces derniers possèdent tout.
Le passage du meurtre de Banquo est habilement tourné, les mises en garde étant prises pour des plaisanteries par lui, ce qui innocente le peuple et permet à un meurtrier de se glisser parmi lui pour effectuer sa basse besogne.
Lorsque l’on bascule au « Château », le spectateur est transporté dans un appartement bourgeois, espace très resserré sur scène, comme s’il était témoin d’un épisode de « Dynastie » devant son écran.
Le Roi n’est plus qu’un vieux chef de famille assez antipathique par sa désinvolture.
Lady Macbeth, n’est plus la femme dominatrice et même très masculine chez Shakespeare (« Come, you spirits that tend on mortal thoughts, unsex me here, and fill me, from the crown to the toe »), mais celle ci soutient son mari avec une fascinante propension à nier la réalité.
Violeta Urmana (Lady Macbeth), magicienne du banquet
Cela donne une magnifique scène du banquet, quand la Lady se livre à des tours de magie pour amuser l’assistance, scène qui n’est pas sans rappeler le troisième acte de « La Cerisaie » : toute une haute société tente ainsi d’oublier que son déclin se profile.
A ce propos, la dernière pièce d’Anton Tchekhov pourrait, si les conditions financières le permettent, être adaptée à l'automne 2010 au Bolchoï sur une musique de Philippe Fenelon et un livret de Alexeï Parine, dans une mise en scène de Dmitri Tcherniakov, puis serait reprise à l'Opéra de Paris peu après.
D'ailleurs la ressemblance entre Madame Larine (mère de Tatiana) dans Eugène Onéguine à Garnier, Madame Andréevna (La Cerisaie) et le personnage de Lady Macbeth ici, n'est pas fortuite.
Dimitris Tiliakos (Macbeth)
La Lady devient un élément déterminant lorsque habillée en noir pour ne pas être reconnue (c'est aussi la face sombre de son âme qui prend le dessus), elle vient encourager Macbeth à éliminer tous les proches de Macduff, homme accepté par la haute société mais très lié à ses origines.
Macbeth bascule dans une folie criminelle.
Dans la scène de somnambulisme, Lady Macbeth tente à nouveau de se voiler la face en s’imaginant magicienne, remet inlassablement la nappe en place, pensant pouvoir continuer normalement sa vie, mais bute sur la réalité lorsque qu’elle confond sa Dame avec Macbeth.
Ce passage n’a rien de terrifiant, c’est en revanche d’une tristesse émouvante.
Quand à Macbeth, au paroxysme de sa paranoïa, ne lui reste plus qu’à subir le déchaînement de la foule, et la destruction de sa propriété.
Ironie de la situation, le chœur final s’achève fatalement sur la vue aérienne de toutes les maisons de la ville.
On pourrait voir dans la mise en scène de Dmitri Tcherniakov, une illustration de la citation d’Emil Cioran : « Dans un monde de pauvres, les riches sont des criminels et les pauvres des imbéciles. » (La transfiguration de la Roumanie).
La qualité théâtrale de ce Macbeth, se mesure aussi bien par le soin apporté aux petits rôles des figurants muets, qu’à l’imaginaire induit par les scènes de famille et les multiples interactions de classe. Par exemple, la scène des apparitions fait surgir discrètement une bourgeoise de la foule, ce qui panique Macbeth prenant conscience de l'aspiration du peuple.
L’interprétation musicale n’est pas en reste non plus, à commencer par l’orchestre de l’Opéra National de Paris et l'électrisant Teodor Currentzis.
Ce dernier donne un coup de jeune et une modernité surprenants à la partition. Cela se joue dans les formes d’ondes, la manière de graduer leurs amplitudes, ou bien dans les soudaines accélérations.
Comme pour Don Carlo, les cuivres sont mis en valeur dans les passages les plus spectaculaires.
Il y a surtout une cohérence d’ensemble entre la scène et la fosse qui crée un tout prenant.
La version interprétée correspond à la version remaniée de 1865, sans le ballet et le choeurs des Sylphes (c'était déja le cas lors de la reprise du spectacle de Phyllida Lloyd en 2002), mais avec le rétablissement de la mort de Macbeth, air qui conclut la version florentine de 1847, et que Verdi supprima lors de la réécriture.
Stefano Secco (Macduff)
Dans un rôle qui exige d’elle un jeu complexe, Violeta Urmana s’en tire très bien. Seulement si la beauté de son médium est indéniable, la voix globalement très claire et décolorée dans les aigus, nous offre un portrait sans noirceur de la Lady.
Elle ne se risque pas non plus au contre ré de la scène de somnambulisme.
Comme l’analyse psychologique de Dmitri Tcherniakov ne porte pas sur la caricature, ce n’est pas vraiment gênant, surtout qu’un tel travail théâtral force le respect.
Et encore une fois, bravo pour la scène du banquet.
Violeta Urmana : scène de somnanbulisme
Même chose pour Dimitris Tiliakos, qui compose un Macbeth névrotique ahurissant.
Comme Urmana, il a ses moments de faiblesses, ce qui ne l’empêche pas de retrouver de l’autorité. C’est un baryton plutôt clair, doué d’un timbre charnu, qui ne peut toujours éviter d’être couvert par l’orchestre.
Toutefois, ces réserves ne concernent que la première représentation, car lundi 13 avril, les chanteurs ont paru dans une forme éblouissante. Violeta Urmana nuance ce soir là presqu'à outrance, affirme beaucoup plus les aspects sombres du personnage, semble même mieux projeter sa voix hors de la pièce principale, et Dimitris Tiliakos dépeint sans faille tous les états d'âme de Macbeth, en conservant une sorte de candeur inhabituelle.
Ferruccio Furlanetto en fait peu mais bien, et Stefano Secco profite de n’avoir qu’un air à chanter pour irradier la salle. C’est comme si la frustration de ce rôle secondaire se libérait soudainement.
Letitia Singleton, au rôle enrichi, devient une Dame de Lady Macbeth fort touchante.
Le traitement du chœur devient un véritable sujet de polémique. "Patria oppressa", chanté sur scène et enlevé par un orchestrevolcanique, est le grand cri d'humanité attendu.
Mais pour des raisons théâtrales, les chanteurs doivent souvent rester en coulisse.
Ainsi, lorsque Macbeth craque devant les visions de Banquo, il paraît plus logique que les visiteurs excédés préfèrent quitter la réception. Le couple reste seul.
De même, la destruction de la demeure de Macbeth, vécue de l’intérieur sans voir d’où viennent les projectiles, donne plus de force au final.
Alors cela nécessite un difficile réglage de la sonorisation, et le recours à ce procédé peut paraître comme un outrage.
Mais l’expérience vaut vraiment la peine, car ce type de mise en scène développe la sensibilité au langage théâtral, art très régulièrement maintenu dans un périmètre fort conventionnel dans le milieu lyrique.
La reprise de cette production forte est d'ailleurs confirmée pour 2011, en espérant pouvoir retrouver Teodor Currentzis. Sa manière de faire ressortir les motifs de la partition font tellement rapprocher certains passages de Macbeth avec La Traviata ou bien Don Carlo, que cela risque de nous manquer.
Violetta Urmana (Salle Pleyel)
Récital du 20 mai 2008
Richard WagnerWesendonck-Lieder Sergueï RachmaninovKak mne bol’no, Vocalise, Dissonans, Zdes’ khorosho, Vesennije vodv Richard StraussFrühlinsgedränge, Wasserrose, Wir beide wollen springen, Belfreit, Zueignung, Mit deinen blauen Augen, Schlechtes Wetter Giacomo PucciniVissi d’Arte Amilcare PonchielliSuicidio Giuseppe VerdiPace, Pace
En voilà une découverte ! La soprano lituanienne possède des moyens qui lui permettraient de réussir un long vol dans les grands rôles italiens sans trop se poser de questions.
Et bien elle est venue ce soir montrer l’étendue de son répertoire et de ses affinités avant d’incarner Lady Macbeth à Bastille.
Violetta Urmana
Car son timbre un brin acide suggère comme une sorte de lucidité, une émotion maîtrisée adéquate aux mélodies du XXième siècle, les aigus sidérants d’aplomb ne l’entravant même pas lorsqu’il faut aller chercher les graves les plus sombres du « Suicidio ».
Violon de Poulenc, Cäcilie de Strauss, Coplas de Curro Dulce d'Obradors et une chanson folklorique lituanienneen bis généreux, rares aujourd’hui sont les chanteuses capables d’offrir de telles étendues musicales (et l’on repense à Julia Varady).