Articles avec #onp tag

Publié le 6 Mai 2023

La Bohème (Giacomo Puccini - 1896)
Représentation du 02 mai 2023
Opéra Bastille

Mimì Ailyn Pérez
Musetta Slávka Zámečníková
Rodolfo Joshua Guerrero
Marcello Andrzej Filończyk
Schaunard Simone Del Savio
Colline / Benoît Gianluca Buratto
Alcindoro Franck Leguérinel
Parpignol Luca Sannai*
Sergente dei doganari Bernard Arrieta*
Un doganiere Pierpaolo Palloni*
Un venditore ambulante Paolo Bondi*
Le maître de cérémonie Virgile Chorlet (mime)
* Artistes des Chœurs de l’Opéra de Paris

Direction musicale Michele Mariotti    
Mise en scène Claus Guth (2017)

Il est courant à l’opéra qu’une mise en scène qui propose une lecture contemporaine d’une œuvre lyrique composée des décennies, voir des siècles, auparavant rencontre une forte résistance à sa création, puis trouve son chemin et devienne un classique. Ce fut le cas pour le ‘Ring’ dirigé par Patrice Chéreau à Bayreuth en 1976, ou bien, plus récemment, pour ‘Don Giovanni’ et ‘Iphigénie en Tauride’ respectivement mis en scène par Michael Haneke et Krzysztof Warlikowski au Palais Garnier en 2006.

Joshua Guerrero (Rodolfo) et Ailyn Pérez (Mimì)

Joshua Guerrero (Rodolfo) et Ailyn Pérez (Mimì)

C’est donc avec grand intérêt que la première soirée de reprise de ‘La Bohème’ imaginée par Claus Guth en décembre 2017, à l’occasion de laquelle l’orchestre de l’Opéra de Paris et Gustavo Dudamel collaboraient pour la première fois, était attendue afin de voir comment le public allait réagir.

La grande force de cette production est de déplacer le centre émotionnel sur la condition de Rodolfo et ses amis qui vivent leurs dernières heures à bord d’un vaisseau spatial qui dérive dans le vide sidéral, alors que l’oxygène vient à manquer, ce qui est une autre façon de représenter le sort de ces quatre artistes qui n’ont plus de quoi se nourrir.

Mimi devient ainsi une figure du souvenir nostalgique du bonheur terrestre qui survient quand le cerveau se met à fabriquer des images mentales colorées à l’approche du moment où la vie s'en va.

Joshua Guerrero (Rodolfo)

Joshua Guerrero (Rodolfo)

Comparé aux versions traditionnelles qui inlassablement reproduisent une vision cliché du Paris bohème fin XIXe siècle et de l’animation de ses bars qui convoque des dizaines de figurants sur scène, ce puissant spectacle gagne en épure poétique et ne fait intervenir qu’un nombre très limité de participants avec des coloris signifiants : le blanc pour les tenues des astronautes sur le point de perdre la vie, le rouge pour la robe de Mimi et l’élan vital qu’elle représente, le noir pour tous les personnages parisiens issus de l’imagination de Rodolfo.

Joshua Guerrero (Rodolfo) et Ailyn Pérez (Mimì)

Joshua Guerrero (Rodolfo) et Ailyn Pérez (Mimì)

Le troisième acte réussit une parfaite synthèse entre le concept spatial de Claus Guth et la désolation de la barrière d’Enfer sur cette surface lunaire balayée par les chutes de neige, et le quatrième acte brille par l’humour de la scène étincelante de cabaret qui constitue le dernier baroud de folie pour fuir la réalité avant que la mort n’achève d’entraîner Rodolfo après ses amis.

Mimi, cette lueur de vie qui était apparue afin de surmonter pour un temps le désespoir de la situation, et qui dorénavant s’éteint au dernier souffle du poète, disparaît dans le paysage lunaire.

Slávka Zámečníková (Musetta)

Slávka Zámečníková (Musetta)

Ailyn Pérez, jeune interprète américaine du répertoire français et italien fin XIXe siècle régulièrement invitée au New-York Metropolitan Opera depuis 8 ans, inspire dans les deux premiers actes une félicité épanouie dénuée de toute mélancolie. Ce rayonnement s’accompagne d’une clarté et d’un moelleux de timbre d’une très agréable suavité, ce qui donnerait envie de l’entendre prolonger plus longuement ce souffle passionné qu’elle écourte parfois un peu tôt promptement. 

Andrzej Filończyk (Marcello) et Ailyn Pérez (Mimì)

Andrzej Filończyk (Marcello) et Ailyn Pérez (Mimì)

Son compatriote, Joshua Guerrero, qui devait être son partenaire dans la reprise de ‘Manon’ la saison dernière à l’opéra Bastille, avant qu'il ne se retire pour raison de santé, fait des débuts très appréciés sur la scène parisienne grâce à un charme vocal vaillant d’une très belle unité, même dans la tessiture aiguë, et une impulsivité théâtrale ombreuse qui laisse émaner beaucoup de profondeur de la part de Rodolfo. 

Il donne d’ailleurs l’impression de porter en lui une fougue rebelle qui donne un véritable sens au sentiment de rébellion de son personnage.

La Bohème (Pérez Guerrero Zámečníková Mariotti Guth) Opéra de Paris

Les trois autres artistes/astronautes sont vocalement très bien caractérisés et de façons très distinctes, que ce soit Gianluca Buratto, en Colline, qui dispose d’une forte résonance grave bien timbrée, ou bien Simone Del Savio qui insuffle une douce débonnaireté à Schaunard, ainsi que Andrzej Filończyk qui offre à Marcello jeunesse et modernité, mais peu de noirceur. On pourrait presque le sentir en concurrence avec Rodolfo.

Mais quel envoûtement à entendre la Musetta de Slávka Zámečníková! Glamour et plénitude du timbre, pureté du galbe vocal, sensualité et sophistication de la gestuelle corporelle, elle réussit à devenir un point focal d’une très grande intensité lorsqu’elle interprète ‘Quando me’n vo’ au cœur de l’alcôve dorée qu’a conçue Claus Guth, si bien qu’elle donne immédiatement envie de la découvrir dans des rôles de tout premier plan. 

Ailyn Pérez (Mimì)

Ailyn Pérez (Mimì)

Tous les autres rôles associés, dont quatre sont confiés à des artistes du chœur de l’Opéra de Paris, s’insèrent naturellement à la vitalité scénique, et Michele Mariotti, fervent défenseur d’une lecture à la théâtralité bien marquée, infuse l’amplitude orchestrale à l’action scénique de manière très harmonieuse avec des timbres orchestraux efficacement déployés.

Claus Guth, Michele Mariotti et Ailyn Pérez

Claus Guth, Michele Mariotti et Ailyn Pérez

Et l’un des grands plaisirs est d’avoir redécouvert comment cette version, qui dépouille le drame de toute agitation excessive, recrée un lien très intime entre l’auditeur et la musique de Puccini, d'autant plus que ce retour à la sincérité et à la simplicité se double d’une énergie extrêmement positive renvoyée toute la soirée par les spectateurs présents dans la salle, du moins dans l’entourage proche.

Car dorénavant délivré du public trop traditionnel, bruyant lors des premières et souvent ennuyeux par ses commentaires prévisibles, l’opéra Bastille semble accueillir des personnes plus jeunes et moins formatées qui manifestent beaucoup de joie à cette lecture qui les surprend souvent, ce qui permet de profiter de la soirée avec une fraîcheur tout à fait inattendue.

Et la plus belle surprise est de constater que Claus Guth, revenu pour cette reprise, reçoit au rideau final de chaleureux applaudissements, que les pourvoyeurs de huées se sont évanouis, que les mécontents se retirent en silence, ce qui confirme que ce type de proposition est clairement justifié et conforté.

 

Pour aller plus loin : Présentation de la nouvelle production de La Bohème par Claus Guth pour l'Opéra Bastille

Voir les commentaires

Publié le 2 Mai 2023

Ariodante (Georg Friedrich Haendel – 1735)
Répétition générale du 14 avril et représentations du 30 avril et 16 mai 2023
Palais Garnier

Ariodante Emily D'Angelo
Ginevra Olga Kulchynska
Polinesso, Duc d’Albany Christophe Dumaux
Le Roi d’Ecosse Matthew Brook
Lurcanio Eric Ferring
Dalinda Tamara Banješević
Odoardo Enrico Casari

Direction musicale Harry Bicket
Mise en scène Robert Carsen (2023)
The English Concert & Chœurs de l’Opéra national de Paris

                                                            Harry Bicket

Coproduction Metropolitan Opera, New-York
Retransmission en direct le jeudi 11 mai 2023 sur la plateforme de l’Opéra national de Paris : Paris Opera Play, et diffusion le samedi 27 mai 2023 sur France Musique à 20 h.

Créé au Covent Garden Theatre de Londres 3 mois avant ‘Alcina’,  le 8 janvier 1735, ‘Ariodante’ fait partie des plus beaux chefs-d’œuvre de Georg Friedrich Haendel composés dans les années 1730, à un moment où les conventions de l’opera seria commençaient à passer de mode et à moins intéresser le public londonien. 

Emily D'Angelo (Ariodante)

Emily D'Angelo (Ariodante)

Son succès modeste ne durera qu’un an, et il faudra attendre près de 250 ans pour qu’il retrouve les scènes du monde entier et soit apprécié à sa juste valeur.

La première implication de l’Opéra de Paris avec cette œuvre inspirée de l’’Orlando Furioso’ de l’Arioste date de 1985, lorsque la production de Pier Luigi Pizzi créée à la Scala de Milan fut présentée au Théâtre des Champs-Élysées pour 5 représentations du 25 mars au 09 avril de cette année là. 

Olga Kulchynska (Ginevra)

Olga Kulchynska (Ginevra)

A cette occasion, les chœurs titulaires du Théâtre national de l’Opéra de Paris s’étaient alliés à La Grande Écurie et la Chambre du Roy sous la direction de Jean-Claude Malgoire, et ce n’est que 16 ans plus tard, le 17 avril 2001, que l’ouvrage fit son entrée au répertoire de l’institution parisienne dans une mise en scène de Jorge Lavelli jamais reprise depuis. 

Le souvenir d’Anne Sofie von Otter chantant le si beau lamento ‘Scherza, infida’ est l’un des moments les plus bouleversants de l’histoire contemporaine du Palais Garnier, immortalisé au disque 4 ans plus tôt lors d’une version de concert donnée au Théâtre de Poissy le 11 janvier 1997.

Emily D'Angelo (Ariodante)

Emily D'Angelo (Ariodante)

Pour le retour d’’Ariodante’ sur les planches de la place de l’Opéra, Alexander Neef a confié cette nouvelle production à une équipe artistique qui se connaît bien, Robert Carsen – il s’agit de sa 13e mise en scène pour l’Opéra de Paris depuis 1991 – et le chef d’orchestre Harry Bicket, qui ont tous deux enregistrés en 2005 la reprise du spectacle mythique du régisseur canadien, ‘A Midsummer’s night dream’ de Benjamin Britten.

Coréalisateur des décors et des éclairages, Robert Carsen imagine des changements de lieux fréquents ayant tous en commun d’être recouverts d’une peinture verte au sol, au plafond et sur les parois décorées de lignes et de motifs carrés, qui évoque le rapport de l’Écosse à la nature.

Ariodante (D'Angelo Kulchynska Dumaux Bicket Carsen) Opéra de Paris

Du cabinet intime de Ginevra - dont la symétrie de la configuration du lit à baldaquin flanqué de lampes de chevet chaleureuses rappelle celle du lit de ‘Rusalka’, une autre production emblématique du metteur en scène - à la grande salle des fêtes du Palais conçue selon un procédé architectural qui a aussi des résonances avec celle des sanctuaires égyptiens, en passant par le bureau du Roi où trônent les portraits de famille, et même cette clairière spacieuse et symbolique où Ariodante cherche l’inspiration pour peindre le portrait de sa bien aimée, se lit le désir de raconter l’histoire de manière sensible, et de rendre la justesse de chaque geste, qu’il soit d’honneur, affectueux ou destructeur. 

Eric Ferring (Lurcanio)

Eric Ferring (Lurcanio)

Également, s’imprime en filigrane la volonté d’opposer la nature violente et mortifère du pouvoir (trophées de têtes de cerfs et armures omniprésents servent de décorum aristocratique fixe et sans vie) à la nature authentique et romantique du prince.

Les jeux d’ombres et de lumières à travers les moindres interstices des portes sont véritablement très beaux, esthétisant un décor assez simple d’apparence, alors que l’utilisation récurrente d’une paroi descendante en avant scène sert aussi bien à isoler les solistes qu’à couvrir les changements de tableaux.

Christophe Dumaux (Polinesso)

Christophe Dumaux (Polinesso)

Une des particularités d’’Ariodante’ est de comprendre des musiques de ballet à la fin de chaque acte. Danse de cour joyeuse et énergique lors de la cérémonie de fiançailles, ou bien chorégraphie cauchemardesque de Ginevra qui voit s’affronter des doubles de Polinesso et d’Ariodante, l’immersion dans la psyché humaine donne de la profondeur à l’intrigue en accentuant les tourments que vivent les protagonistes victimes de la machination du Duc d’Albany.

Mais de petites touches d’humour, souvent destinées à s’amuser des relations entre la cour et le milieu médiatique, émaillent le jeu d’acteur, jusqu’à la scène finale qui invite à tirer un trait sur une société dépassée en faisant apparaître le chœur sous forme d’une foule de touristes plus ou moins bien éduquée déambulant dans une salle de musée où s’érigent les statues de cires de personnalités royales britanniques. Ariodante, Ginevra, Dalinda et Lurcanio auront d'ailleurs enfilés des tenues contemporaines avant de filer à l'anglaise.

Olga Kulchynska (Ginevra) et Emily D'Angelo (Ariodante)

Olga Kulchynska (Ginevra) et Emily D'Angelo (Ariodante)

Pour donner vie à cet univers formel et feutré où couve une violence autoritaire, Harry Bicket est entouré des musiciens de l’ensemble baroque ‘The English Concert’ qu’il dirige depuis 2007.

Rigueur rythmique infailliblement contrôlée, enrichissement subtil du son et étirement des lignes avec lustre et netteté qui ne couvre pas l’expression lyrique des solistes, il règne une clarté musicale qui s’accorde à la sincérité des sentiments dépeints.

Ariodante (D'Angelo Kulchynska Dumaux Bicket Carsen) Opéra de Paris

Issue de l’Ensemble Studio de la Canadian Opera Company après avoir remporté plusieurs premiers prix, Emily D'Angelo investit un nouveau grand rôle haendélien dans la prolongation de ses interprétations de Ruggiero (‘Alcina’) et Serse (‘Xerxès), l’année dernière à Londres.

Absolument subjuguante de par cette manière si naturelle de faire vivre l’allure androgyne d’Ariodante magnifiquement mise en valeur par le metteur en scène, elle inspire un caractère éveillé et romanesque que son timbre de voix homogène aux teintes bronze-argent enrichit d’une ferveur grave qui contribue aussi à une impression d’indétermination adolescente.

Emily D'Angelo (Ariodante)

Emily D'Angelo (Ariodante)

Et Robert Carsen lui offre de plus une très belle scène tout en contrastes d’ombres et de lumières au moment où elle chante ‘Scherza, infida’  comme si elle recherchait la confidence de l’orchestre pour calmer sa peine.

Autre image évocatrice qui marquera fortement, le retour d’Ariodante au troisième acte, avec en arrière plan un simple disque lumineux en guise de pleine lune, où, à nouveau, la voix d’Emily D'Angelo inspire toute l’âme dépressive du prince qui a survécu à son propre suicide.

Olga Kulchynska (Ginevra)

Olga Kulchynska (Ginevra)

Très touchante et acclamée à l’Opéra de Munich le mois précédent dans le rôle de Natacha du Guerre et Paix’ de Sergueï Prokofiev, l’artiste ukrainienne Olga Kulchynska est de retour à l’Opéra de Paris pour rendre au personnage de Ginevra une candeur féminine idéalisée, mais aussi pour faire ressortir les réactions angoissées que le retournement de son père contre elle induit.

Son chant très lumineux aux éclats juvéniles accentue le sentiment de fraîcheur d’âme, alors que les noirceurs du timbre plus estompées sont filées avec une extrême finesse. Pour elle aussi, le metteur en scène détaille une très belle incarnation gestuelle qui permet au charme de cette artiste de s’épanouir harmonieusement.

Tamara Banješević (Dalinda) et Eric Ferring (Lurcanio)

Tamara Banješević (Dalinda) et Eric Ferring (Lurcanio)

Autre personnage d’une très grande force impressive, le Duc d’Albany, qui fait croire au Roi que sa fille est infidèle, est incarné avec une vitalité acérée par Christophe Dumaux qui se délecte à rendre Polinesso le plus infâme possible. Le kilt lui va très bien, et sa voix de contre ténor, agile, bien focalisée, et d’une très grande force radiale, a la minéralité de l’ivoire qui lui permet de camper un être à l’esprit aiguisé. Il est par ailleurs dirigé afin de faire ressortir une véritable confiance calculatrice, mais aussi afin de faire ressentir la puissance sexuelle comme véritable moteur de l’action. L’impulsivité qui le caractérise se double ainsi d’une grande maturité dans l’affirmation de son pouvoir émotionnel.

Enrico Casari (Odoardo) et Matthew Brook (Le Roi d’Écosse)

Enrico Casari (Odoardo) et Matthew Brook (Le Roi d’Écosse)

Tamara Banješević, qui joue Dalinda, insuffle une très grande modernité à la servante de Ginevra par des attitudes très libres, un chant souple, joliment délié, dans une coloration brune qui définit bien le tempérament trouble de la jeune femme qui apprécie de séduire.

Dans le rôle du fiancé, Lucarno, Eric Ferring expose une personnalité tendre et fière à la fois, doué d’un timbre de voix clair et aéré et une attitude bien ancrée qui inspire solidité et humanité.

Olga Kulchynska

Olga Kulchynska

Enfin, c’est un vieux Roi d’Écosse austère que fait vivre Matthew Brook, avec des variations de facettes vocales qui laissent poindre peu de sentiments et d’affectations, et qui s’inscrit plus dans le réalisme expressif, alors qu’ Enrico Casari pare la voix Odoardo de nuances mates et d’un souffle bien stable.

Emily D'Angelo

Emily D'Angelo

Ce spectacle où les chœurs colorés de l’Opéra de Paris sont joyeusement sollicités se joue ainsi des symboles naturels et culturels de l’Écosse, engage les émotions de l’auditeur, et initie aussi une réflexion sur le rapport de l’homme à la nature.

Olga Kulchynska et Christophe Dumaux

Olga Kulchynska et Christophe Dumaux

Voir les commentaires

Publié le 12 Avril 2023

Nixon in China (John Adams – 22 octobre 1987, Houston)
Répétition générale du 20 mars, et représentations du 25 mars, 10 et 12 avril 2023
Opéra Bastille

Richard Nixon Thomas Hampson
Pat Nixon Renée Fleming
Zhou Enlai Xiaomeng Zhang
Mao-Zedong John Matthew Myers
Henry Kissinger Joshua Bloom
Chiang Ch'ing Kathleen Kim
Nancy Tang Yajie Zhang
Deuxième secrétaire de Mao Ning Liang
Troisième secrétaire de Mao Emmanuela Pascu

Direction musicale Gustavo Dudamel
Mise en scène Valentina Carrasco (2023)

Nouvelle production
Retransmission en direct le 07 avril sur la plateforme de l'Opéra de Paris, puis en différé sur Mezzo à partir du 14 avril, et sur France Musique le 29 avril à 20h.

L’entrée de ‘Nixon in China’ au répertoire de l’Opéra national de Paris, 11 ans après la production de Chen Shi-Zheng montée au Théâtre du Châtelet, et 31 ans après sa première française accueillie le 14 décembre 1991 par la MC93 de Bobigny, dans la production de Peter Sellars – qui est partie prenante dans la naissance de ce projet -, permet à la musique de John Adams d’enfin connaître les honneurs de la première scène lyrique française, en présence même du compositeur invité à cette occasion.

Renée Fleming (Pat Nixon)

Renée Fleming (Pat Nixon)

L’œuvre fut écrite 10 ans après la rencontre historique entre Richard Nixon et Mao Zedong à Pékin en 1972, et fut créée le 22 octobre 1987 au Houston Grand Opera.

Dans le contexte actuel de rivalité entre la Chine et l’Occident, elle aborde la question du rapprochement de cultures antagonistes, ce qui engendre une résonance bien particulière.

Xiaomeng Zhang (Zhou Enlai), Thomas Hampson (Richard Nixon) et Renée Fleming (Pat Nixon)

Xiaomeng Zhang (Zhou Enlai), Thomas Hampson (Richard Nixon) et Renée Fleming (Pat Nixon)

Cette nouvelle production permet également à Valentina Carrasco de faire ses débuts sur une scène où elle a précédemment collaboré avec La Fura dels Baus à l’occasion de ‘Il Trovatore’.

Avec un grand sens de l’humour ludique, la metteuse en scène argentine introduit nombre de références à des symboles aussi bien diplomatiques, patriotiques et culturels, mais elle se montre également critique en alimentant le déroulé de la rencontre de nombreuses références vidéographiques aux conflits politiques qui se sont soldés par des millions de morts.

Joshua Bloom (Henry Kissinger), Thomas Hampson (Richard Nixon), John Matthew Myers (Mao-Zedong), Xiaomeng Zhang (Zhou Enlai) et les trois secrétaires

Joshua Bloom (Henry Kissinger), Thomas Hampson (Richard Nixon), John Matthew Myers (Mao-Zedong), Xiaomeng Zhang (Zhou Enlai) et les trois secrétaires

L’ouverture débute sur une rencontre de ping-pong, menée au ralenti, entre deux sportifs, l’un en bleu, l’autre en rouge, en clin d’œil au voyage de jeunes pongistes américains qui arrivèrent le 10 avril 1971 en Chine pour une rencontre amicale, un an avant le voyage de Nixon.

C’est ensuite l’ensemble du chœur qui est transformé en équipe sportive, entouré de tables de ping-pong bleues, qui entonne le chant enflammé initial avant que n’atterrisse sous forme d’impressionnant aigle de métal aux yeux rougeoyants – un Pygargue, le symbole des États-Unis – l’avion du président américain.

Nixon in China (Hampson Fleming Dudamel Carrasco) Opéra de Paris

La première rencontre avec le premier ministre chinois est sobre et protocolaire, étayée par les clichés des photographes, et les discussions avec Mao-Zedong se poursuivent dans ses appartements remplis de bibliothèques, alors qu’en sous-sol des gardes brûlent des centaines de livres et torturent les dissidents. 

Nous somme en pleine révolution culturelle prolétarienne initiée en 1966, à un moment où Mao-Zedong est en train reprendre la main de façon sanglante et s’apprête à lancer une campagne critique contre la pensée humaniste de Confucius.

Kathleen Kim (Chiang Ch'ing) et Renée Fleming (Pat Nixon)

Kathleen Kim (Chiang Ch'ing) et Renée Fleming (Pat Nixon)

C’est donc la cécité du couple présidentiel invité qui est mise en exergue au cours de ce tableau dominé par la nature feutrée des échanges.

Puis, la scène du banquet est transformée en une compétition amicale de ping-pong que le camp chinois gagne haut la main, dans une effervescence joyeuse qui marque, en apparence, la fin des vaines hostilités entre la Chine et les États-Unis. 

Renée Fleming (Pat Nixon)

Renée Fleming (Pat Nixon)

Le deuxième acte est le plus dense car l’innovation et la richesse des références musicales s’épanouissent sans temps mort, mais aussi parce que Valentina Carrasco utilise une variété de langages poétiques, d’imageries de propagande et de visions documentaires qui se mélangent en soulignant avec une grande force toute l’ambivalence de la situation.

Après un amusant match de double au ping-pong rythmé par les oscillations musicales, la visite de Pat Nixon se déroule devant un défilé d’images cartonnées mettant en valeur le soin accordé au peuple, à son éducation et à sa prospérité grâce à l’élevage du cochon. Puis, les quelques éléments de décors déplaçables à la main sont recouverts de tentures verdoyantes, et, devant un magnifique rideau en balles de ping-pong évoquant une tempête de neige en suspens, la femme du président se livre à une rêverie hypnotique ‘This is prophetic!’ accompagnée par un immense dragon chinois rouge, symbole de la noblesse d'âme et du succès, avec lequel la relation devient même affective.

Renée Fleming (Pat Nixon)

Renée Fleming (Pat Nixon)

Ce grand moment de respiration inoubliable est cependant suivi par la représentation du ‘Détachement féminin rouge’, ballet révolutionnaire créé le 26 septembre 1964 au Ballet national de Chine  – le Palais Garnier accueillit une production de ce ballet en janvier 2009 -, où la violence de la scène de lynchage de la jeune chinoise va révéler la grande sensibilité de Pat Nixon

Nixon in China (Hampson Fleming Dudamel Carrasco) Opéra de Paris

A partir de cet instant, le langage de Valentina Carrasco s’appuie beaucoup plus fortement sur des images d’archives superposées à la rythmique dramatique de la musique qui dénoncent autant les exécutions chinoises que les bombardements militaires américains menés en Asie au tournant des années 1970.  Le fait que, dans l’opéra, Kissinger joue dans le ballet des rôles détestables, devient le véritable déclencheur de ce moment de confrontation à la réalité.

La caractérisation de Chiang Ch'ing maniant aussi bien le revolver que le ‘Petit livre rouge’ de Mao-Zedong est, elle aussi, sans aucun égard pour la femme du dirigeant chinois. La scène finale où elle apparaît posant telle une Vestale, livre, drapeau et châle rouges bien en main, mais dans une marée de sang, résume assez bien sa personnalité sanguinaire pervertie par une fascination mythologique détournée.

Kathleen Kim (Chiang Ch'ing)

Kathleen Kim (Chiang Ch'ing)

Le dernier acte s’ouvre soudainement sur la projection d’extraits du film ‘From Mao to Mozart’ réalisé en 1979 à l’occasion du voyage en Chine du violoniste américain Isaac Stern – qui est né à Kremenets, ville ukrainienne de nos jours – et qui présente, à travers le portrait d’un professeur de musique, ce qu’endurèrent ceux qui étaient soupçonnés de défendre l’art occidental.

La démarche fait beaucoup penser à celle adoptée par Krzysztof Warlikowski en mars 2008 au début du 3e acte de ‘Parsifal’ lorsqu’il utilisa un extrait du film de Roberto Rossellini ‘Allemagne année zéro’ pour critiquer les idéologies criminelles. Le public avait alors très mal réagi du fait que ni musique, ni bande son, ne soutenaient l’image.

Mais ce soir, malgré la longueur des extraits vidéo, les commentaires du film apportent une force à l’image que d’aucun n’osera reprocher.

Kathleen Kim (Chiang Ch'ing)

Kathleen Kim (Chiang Ch'ing)

Valentina Carrasco en reste cependant là pour l’analyse critique, et le dernier acte, très réflexif, se déroule dans un bleu nuit autour de tables de ping-pong disséminées dans tous les sens, et elle laisse le texte présenter les songes et les doutes de chaque protagoniste dans un atmosphère totalement surréaliste.

Il est rare de voir le travail d’un metteur en scène qui ne se limite pas au premier degré interprétatif de l’œuvre ne susciter aucune réaction négative lors d’une première représentation à l’Opéra de Paris, et pourtant, Valentina Carrasco réussit avec beaucoup d’intelligence à créer un consensus engagé autour de cette production qui est un véritable succès populaire comme chacun peut le constater en salle chaque soir.

Nixon in China (Hampson Fleming Dudamel Carrasco) Opéra de Paris

Bien entendu, la réalisation musicale est le pilier le plus important de cette entrée au répertoire, et la direction de Gustavo Dudamel fait honneur à la partition de John Adams, présent à l’opéra Bastille lors de la première représentation, en sachant créer des moments d’une très grande intimité tout en développant une complexité texturale qui fait beaucoup penser aux plus grandes orchestrations de Richard Strauss. Les cuivres sont utilisés avec des effets incisifs bien saillants, et les couleurs d’ensemble donnent beaucoup de lustre aux passages les plus spectaculaires.

Il est également fascinant de voir comment les deux pianos s’harmonisent avec les nappes orchestrales, de prendre la mesure des difficultés rythmiques à surmonter, et de sentir cette grande pureté qui se dégage dans la scène extatique de Pat Nixon, un moment de magie unique à vivre dans l’immensité de la scène Bastille.

Thomas Hampson (Richard Nixon) et Renée Fleming (Pat Nixon)

Thomas Hampson (Richard Nixon) et Renée Fleming (Pat Nixon)

Il y eut certes quelques effets de la sonorisation des chanteurs – une nécessité voulue par le compositeur - qui se sont fait entendre lors de la première, mais ils ont été mieux réglés par la suite. 

Thomas Hampson a conservé une présence vocale très appréciable qui se distingue par les couleurs très claires dans la tessiture aigüe ce qui contribue à donner une sensibilité rajeunie à son personnage qui est présenté ici de manière très sympathique. 

Ching-Lien Wu et le chœur de l'Opéra de Paris

Ching-Lien Wu et le chœur de l'Opéra de Paris

Il forme avec Renée Fleming un couple présidentiel très bien assorti, l’artiste américaine étant assez inhabituellement distribuée dans un rôle fort modeste qu’elle incarne avec une profondeur sans le moindre surjeu. Elle aime visiblement le côté rêveur de Pat Nixon, et l’on se surprend à retrouver les couleurs 'crème' qui ont fait sa renommée. La scène de jeu avec le Dragon rouge au second acte est un magnifique moment de laisser-aller à la poésie de l’enfance à laquelle elle s’adonne avec un très touchant sens de l’innocence retrouvée.

Gustavo Dudamel

Gustavo Dudamel

Le baryton chinois Xiaomeng Zhang offre au sombre ministre Zhou Enlai une très belle unité de timbre, mais aussi une tenue et une homogénéité austères qui donnent presque une image dépressive de cet homme complexe, mais qui résonnent aussi très bien avec ses dernières paroles, à la scène finale, où il s’interroge sur le bien fondé de toutes ses actions.

John Matthew Myers fait lui aussi ses débuts à l’Opéra de Paris, et Mao-Zedong prend sous ses traits une détermination assez vaillante soutenue par des qualités d’endurance très sollicitées, les aigus étant fermement soutenus sans que l’autoritarisme ne s’impose pour autant. Là aussi, un certain sentiment de jeunesse se dégage, en phase avec l’esprit surréaliste de l’ouvrage.

Renée Fleming, Gustavo Dudamel, Ching-Lien Wu, Valentina Carrasco et John Adams

Renée Fleming, Gustavo Dudamel, Ching-Lien Wu, Valentina Carrasco et John Adams

Kathleen Kim, que le public parisien a découvert en 2022 dans Cendrillon’ de Jules Massenet, réussit une réelle performance à incarner une femme, Chiang Ch'ing, qui est aux antipodes de ce qu’elle dégage habituellement. Ses couleurs vocales sont intégralement claires, mais elle vocalise avec une très grande précision, sait s’imposer dans une salle dont les dimensions ne lui sont pas forcément favorables, et elle s’imprègne d’une forme de mécanique militaire qui correspond bien à ce qu’incarne la femme de Mao.

Renée Fleming, Gustavo Dudamel, Ching-Lien Wu, Valentina Carrasco, John Adams et Thomas Hampson

Renée Fleming, Gustavo Dudamel, Ching-Lien Wu, Valentina Carrasco, John Adams et Thomas Hampson

Quant à Joshua Bloom, il se distingue principalement dans la scène du ballet où Henry Kissinger incarne plusieurs personnages du spectacles joués devant les Nixon, avec une vulgarité qui peut laisser penser qu’il y a peut-être une insinuation de la part de la metteuse en scène qui va au-delà de la simple représentation dans le spectacle.

Dans les rôles respectifs des trois secrétaires de Mao, Tang Yajie Zhang, Ning Liang, et Emmanuela Pascu forment un trio très bien phase et aux couleurs complémentaires, et le chœur, dirigé par Ching-Lien Wu, dont on reconnaît le visage parmi les personnages chinois représentés sur les estrades, fait montre d’une saisissante incisivité galvanique, mais aussi d’un style très épuré dans les moments contemplatifs.

Kathleen Kim, John Matthew Myers et Renée Fleming

Kathleen Kim, John Matthew Myers et Renée Fleming

Le magnétisme de ce spectacle est un jalon très important pour l’Opéra de Paris car il ouvre la porte à d’autres œuvres contemporaines écrites dans une veine lyrique séduisante tout en abordant des sujets de société actuels. Quand on sait que cet ouvrage a été programmé il y a plus de deux ans et qu’il se déroule au moment où le président français s’est rendu en Chine, impossible de ne pas être saisi par cette concordance des temps.

From Mao To Mozart: Isaac Stern In China (1979) - Documentaire intégral

Voir les commentaires

Publié le 3 Avril 2023

Présentation de la saison Lyrique 2023 / 2024 de l’Opéra national de Paris
Le vendredi 31 mars 2023 à l’Hotel Intercontinental Paris Le Grand, et le samedi 01 avril 2023 à l’opéra Bastille

Présentation de la saison 2023/2024 de l'Opéra national de Paris aux couleurs de l'Ukraine

Présentation de la saison 2023/2024 de l'Opéra national de Paris aux couleurs de l'Ukraine

Le mercredi 29 mars 2023 à 12h00, la troisième saison d’Alexander Neef à la direction de l’Opéra national de Paris a été officiellement dévoilée au grand public sur le site internet de l’institution.

Elle comprend 4 nouvelles productions maison et 3 coproductions, dont 2 nouveautés pour le répertoire, et 12 reprises.

Aux 19 œuvres scéniques jouées dans les grandes salles, s’ajoute également une production de l’Académie de l’Opéra de Paris qui sera donnée à la MC93, Maison de la Culture de Seine Saint-Denis à Bobigny.
Au total, 186 représentations lyriques seront ainsi données.

La présentation de cette saison à l’Association pour le Rayonnement de L’Opéra de Paris a eu lieu le vendredi 31 mars à l’Hôtel Intercontinental Paris Le Grand, et Alexander Neef et José Martinez, le nouveau directeur de la danse depuis décembre 2022, ont réitéré cette présentation des œuvres lyriques et chorégraphiques aux abonnés, le lendemain matin à l’opéra Bastille.

De nombreuses interviews de metteurs en scène tels Kirill Serebrennikov, Lydia Steier, Peter Sellars, ou bien Damiano Michieletto, ont permis aux spectateurs d’avoir une première approche des questions que posent ces œuvres.

Jean-Yves Kaced (Directeur de l'AROP) et Alexander Neef (Directeur général de l'Opéra de Paris)

Jean-Yves Kaced (Directeur de l'AROP) et Alexander Neef (Directeur général de l'Opéra de Paris)

Après ‘The Dante project’, ballet de Wayne McGregor créé à Londres en octobre 2021 sur la musique de Thomas Adès, qui a fait son entrée au répertoire de l’Opéra de Paris le 03 mai 2023, une autre pièce du compositeur britannique va faire son entrée au répertoire lyrique, ‘The Exterminating Angel’, dans la continuité bien affirmée d’une ligne attachée à la représentation du répertoire anglo-saxon des XXe et XXIe siècles.

Dans le contexte actuel très difficile, la programmation est ambitieuse mais présentée avec beaucoup d’humilité et de bienveillance.

José Martinez, Andréa Sarri, Hohyun Kang, Marine Chagnon, Alejandro Baliñas Vieites, Myriam Mazouzi et Alexander Neef

José Martinez, Andréa Sarri, Hohyun Kang, Marine Chagnon, Alejandro Baliñas Vieites, Myriam Mazouzi et Alexander Neef

Cette saison montre aussi, et nous le verrons plus loin, à quel point la nouvelle direction de l'Opéra de Paris s'attache à mettre en valeur le potentiel humain qui fait vivre l'institution, et met aussi beaucoup de cœur à assurer une forte cohésion humaine avec toutes les différences et particularités qui composent cette ensemble d'une richesse artistique unique.

Et à l'occasion de la présentation au Grand Hôtel, les lauréats des prix de l'AROP 2021/2022 ont été récompensés en personnes, Hohyun Kang et Andréa Sarri pour les Prix de la Danse, Marine Chagnon et Alejandro Baliñas Vieites pour les Prix Lyriques, en présence de Myriam Mazouzi, directrice de l'Académie de l'Opéra de Paris.

Kirill Serebrennikov (ms Lohengrin)

Kirill Serebrennikov (ms Lohengrin)

Les nouvelles productions

Don Giovanni (Wolfgang Amadé Mozart – 1787) – Production du Staatsoper Unter den Linden, Berlin, en collaboration avec les Salzburger Festpiele
Du 13 septembre au 12 octobre 2023 (13 représentations à l’opéra Bastille)
Direction musicale Alexander Soddy, mise en scène Claus Guth
Peter Mattei, Kyle Ketelsen, Adela Zaharia, Julia Kleiter, Ben Bliss, Cyrille Dubois, John Relyea, Gaëlle Arquez, Tara Erraught, Alex Esposito, Bogdan Talos, Guilhem Worms, Ying Fang, Marine Chagnon
Œuvre jouée pour la dernière fois à l’opéra Bastille le 11 mars 2022

La dernière production d’Ivo van Hove (2019) étant coproduite avec le Metropolitan Opera de New-York où elle sera montée en mai 2023, c’est la production de Claus Guth mise en scène au Festival de Salzbourg en 2008 qui est invitée sur la scène Bastille. Dans son article commentant la création cette année là, le critique Renaud Machard parlait de la vision magnifique du metteur en scène allemand, et le public parisien va donc pouvoir découvrir comment deux ‘Robin des bois délinquants et héroïnomanes’ vont se sortir de la malédiction du Commandeur.
Peter Mattei, Don Giovanni de référence depuis plus de 15 ans, partagera le rôle avec Kyle Ketelsen.

Lohengrin (Richard Wagner – 1850) – Nouvelle production
Du 23 septembre au 27 octobre 2023 (9 représentations à l’opéra Bastille)

Direction musicale Gustavo Dudamel, mise en scène Kirill Serebrennikov
Kwangchul Youn, Piotr Beczala, Johanni van Oostrum, Sinead Campbell Wallace, Wolfgang Koch, Nina Stemme, Ekaterina Gubanova, Shenyang, Bernard Arrieta, Chae Hoon Baek, Julien Joguet, John Bernard, Isabelle Escalier, Joumana El-Amiouni, Caroline Bibas, Yasuko Arita
Œuvre jouée pour la dernière fois à l’opéra Bastille le 18 février 2017

Auteur d’un fantastique ‘Parsifal’ pour l’opéra de Vienne en 2021, avec Jonas Kaufmann, Elīna Garanča et Ludovic Tézier, Kirill Serebrennikov fait ses débuts à l’Opéra national de Paris.
Le metteur en scène russe a dorénavant quitté sa résidence surveillée à Moscou et réside en Allemagne. 
Les cinéphiles qui ont pu apprécier son dernier film ‘La femme de Tchaïkovski’ (2022), peuvent s’attendre à une vision sombre de ce Lohengrin d’une très grande complexité scénique.
A cette occasion, Nina Stemme fera son retour sur la scène parisienne, et beaucoup découvriront les débuts dans la capitale de Johanni van Oostrum qui enchante l’opéra de Munich dans le rôle d’Elsa depuis plusieurs années.

Peter Sellars (ms Beatrice di Tenda)

Peter Sellars (ms Beatrice di Tenda)

Beatrice di Tenda (Vincenzo Bellini – 1833) - Coproduction avec le Gran Teatre del Liceu, Barcelone
Du 09 février au 07 mars 2024 (8 représentations à l’opéra Bastille)

Direction musicale Mark Wigglesworth, mise en scène Peter Sellars
Quinn Kelsey, Tamara Wilson, J’Nai Bridges, Pene Pati, Amita Pati
Entrée au répertoire

Obsédé depuis 25 ans par ‘Beatrice di Tenda’, Peter Sellars a enfin l’occasion de monter l’avant-dernier opéra de Vincenzo Bellini composé deux ans avant ‘I Puritani’. Le compositeur cherchait à ouvrir le langage musical à travers cette œuvre qui parle de la brutalité des dictatures, un sujet ô combien d’actualité.

Le livret relate fidèlement les évènements tragiques qui amenèrent Béatrice Lascaris de Tende, épouse du duc de Milan, Filippo Maria Visconti, à être accusée d’adultère par ce dernier qui était en fait épris d’une autre femme. La jeune aristocrate sera alors emprisonnée, torturée et décapitée le 13 septembre 1418.

The Exterminating Angel (Thomas Adès – 2016) – Nouvelle production
Du 29 février au 23 mars 2024 (7 représentations à l’opéra Bastille)

Direction musicale Gustavo Dudamel, mise en scène Calixto Bieito
Jacquelyn Stucker, Caroline Wettergreenn, Hilary Summers, Claudia Boyle, Christine Rice, Amina Edris, Nicky Spence, Frédéric Antoun, Jarrett Ott, Anthony Roth Costanzo, Filipe Manu, Philippe Sly, Paul Gay, Rod Gilfry
Entrée au répertoire

Créé au Festival de Salzbourg en 2016 dans une coproduction qui l’a amené à Toronto, New-York et Copenhague, ‘The Exterminating Angel’ est le troisième opéra de Thomas Adès
L’œuvre est basée sur le film de Luis Buñuel, ‘L’Ange exterminateur’ (1962), qui se déroule après une représentation d’opéra qui tourne mal lorsque plusieurs couples de riches bourgeois, réunis dans une villa pour finir la soirée, se trouvent dans l’incapacité de sortir de la demeure.

Avec Calixto Bieito à la mise en scène, les profils psychologiques des invités seront probablement décortiqués avec une dureté implacable.

Lea Desandre (Médée)

Lea Desandre (Médée)

Médée (Marc-Antoine Charpentier – 1693) – Production Grand Théâtre de Genève
Du 10 avril au 11 mai 2024 (12 représentations au Palais Garnier)

Direction musicale William Christie, mise en scène David McVicar
Lea Desandre, Reinoud Van Mechelen, Laurent Naouri, Ana Vieira Leite, Gordon Bintner, Emmanuelle de Negri, Elodie Fonnard, Lisandro Abadie, Julie Rost, Mariasole Mainini
Œuvre jouée pour la dernière fois à la première salle du Palais-Royal le 15 mars 1694

Inspiré de la mythologie grecque, ‘Médée’ de Marc-Antoine Charpentier fait partie de ces créations qui, après la mort de Lully en 1687, ne trouveront pas leur public à l’Académie Royale de Musique, car il était difficile à l’époque de faire accepter un ouvrage qui n’était pas assez fidèle à l’esprit de celui qui avait régné sans partage sur le genre de l’opéra courtisan.

Créé le 04 décembre 1693, ‘Médée’ sera pourtant bien accueilli, mais ne sera joué que pour 10 représentations jusqu’au 15 mars 1694, avant de disparaître du répertoire de l’Académie.

Cette tragédie a depuis retrouvé les planches des théâtres lyriques – il y eut une production mise en scène par Pierre Audi au Théâtre des Champs-Élysées en octobre 2012 avec Laurent Naouri en Créon -, mais est restée jusqu’à présent absente de son institution d’origine.

C’est donc William Christie, à la tête de son ensemble Les Arts Florissants, qui sera chargé de faire revivre ce chef-d’œuvre dont il a enregistré une version de référence chez Harmonia Mundi en 1984.


Don Quichotte (Jules Massenet – 1910) Nouvelle production
Du 10 mai au 11 juin 2024 (11 représentations à l’opéra Bastille)

Direction musicale Mikhail Tatarnikov, mise en scène Damiano Michieletto
Marianne Crebassa, Ildar Abdrazakov, Ildebrando D’arcangelo, Étienne Dupuis, Emy Gazeilles, Marine Chagnon, Maciej Kwaśnikowski, Nicholas Jones, Youngwoo Kim, Hyun Sik Zee
Œuvre jouée pour la dernière fois à l’opéra Bastille le 11 février 2002

‘Don Quichotte’  n’est pas le plus connu des opéras de Jules Massenet, mais il mène une jolie carrière à l’Opéra national de Paris depuis son entrée au répertoire le 01 avril 1972 – il y eut également une production à l’Opéra Comique en 1945 sous l’égide de la R.T.L.N –, où il a connu plusieurs mises en scène de la part de Peter Ustinov, Piero Faggioni et Gilbert Deflo.

Le livret n’est pas une adaptation du roman de Cervantès, mais celle du drame héroïque de Jacques Le Lorrain ‘Le Chevalier de la longue figure’, qui fut créé au Théâtre Victor Hugo (l’actuel Trianon situé sur le boulevard Marguerite-de-Rochechouart à Paris) le 30 avril 1904.

Lydia Steier (ms La Vestale)

Lydia Steier (ms La Vestale)

La Vestale (Gaspare Spontini – 1807) Nouvelle production
Du 15 juin au 11 juillet 2024 (9 représentations à l’opéra Bastille)

Direction musicale Bertrand de Billy, mise en scène Lydia Steier
Michael Spyres, Julien Behr, Jean Teitgen, Florent Mbia, Elza van den Heever, Eve-Maud Hubeaux
Œuvre jouée pour la dernière fois en français à la salle Le Peletier le 12 juin 1854
Œuvre chantée en italien par les artistes de la Scala de Milan au Palais Garnier le 24 janvier 1909

Alors que la période révolutionnaire avait fait subitement apparaître nombre d’hymnes incitant à l’agitation politique, c’est à Napoléon que l’on doit la reprise en main de l’Académie de Musique.

Sous son règne, l’institution fut prolifique, mais aucune œuvre lyrique de compositeurs français ne resta plus de 20 ans au répertoire.

La véritable renaissance artistique de l’Opéra de Paris aura finalement lieu à la salle Montansier, rue de Richelieu, le 15 décembre 1807.

Le compositeur italien Gaspare Spontini en est l’artisan, auteur de 29 opéras, mais dont la réputation tient à La Vestale (1807), Fernand Cortez (1809) et Olympie (1819).

Ce fils de cordonnier fou de musique et créateur d’une douzaine d'ouvrages lyriques en Italie, arriva en 1803 à Paris et fut nommé compositeur de la chambre de l’impératrice dès 1805.

Avec La Vestale qui, malgré le cadre antique, porte la grâce mélancolique du bel Canto romantique, et dont Maria Callas sera une inoubliable interprète de Julia à La Scala en 1954, Spontini renouvela l’esthétique du spectacle lyrique. Orchestration somptueuse, décors monumentaux et soin du détail, caractérisent désormais le grand opéra français. Il fut l’un des premiers chefs avec Spohr et Weber à se mêler de mise en scène dans un souci de cohérence.

L’ouvrage restera au répertoire près d’un demi siècle, jusqu’au 12 juin 1854, et il ne réapparaîtra qu’une seule fois au Palais Garnier le 24 janvier 1909, dans une version italienne, lors d’une tournée de la Scala de Milan.

Angela Denoke dans 'L'Affaire Makropoulos' mis en scène par Krzysztof Warlikowski en 2009

Angela Denoke dans 'L'Affaire Makropoulos' mis en scène par Krzysztof Warlikowski en 2009

Les reprises

Don Pasquale (Gaetano Donizetti – 1843)
Du 14 septembre au 13 octobre 2023 (9 représentations au Palais Garnier)

Direction musicale Speranza Scappucci, mise en scène Damiano Michieletto (2018)
Laurent Naouri, Florian Sempey, René Barbera, Julie Fuchs, Slawomir Szychowiak

Œuvre jouée pour la dernière fois au Palais Garnier le 16 avril 2019

L’Affaire Makropoulos (Leoš Janáček – 1926)
Du 05 au 17 octobre 2023 (5 représentations à l’opéra Bastille)

Direction musicale Susanna Mälkki, mise en scène Krzysztof Warlikowski (2007)
Karita Mattila, Pavel Černoch, Nicholas Jones, Ilanah Lobel-Torres, Johan Reuter, Cyrille Dubois, Károly Szemerédy, Peter Bronder

Œuvre jouée pour la dernière fois à l’opéra Bastille le 02 octobre 2013

Cendrillon (Jules Massenet – 1899)
Du 25 octobre au 16 novembre 2023 (8 représentations à l’opéra Bastille)

Direction musicale Keri-Lynn Wilson, mise en scène Mariame Clément (2022)
Jeanine De Bique, Daniela Barcellona, Paula Murrihy, Caroline Wettergreen, Emy Gazeilles, Marine Chagnon, Laurent Naouri, Philippe Rouillon, Luca Sannai, Laurent Laberdesque, Fabio Bellenghi, Corinne Talibart, So-Hee Lee, Stéphanie Loris, Anne-Sophie Ducret, Sophie Van Den Woestyne, Blandine Folio-Peres

Œuvre jouée pour la dernière fois à l’opéra Bastille le 28 avril 2022

Turandot (Giacomo Puccini – 1926)
Du 06 au 29 novembre 2023 (13 représentations à l’opéra Bastille)

Direction musicale Marco Armiliato / Michele Spotti, mise en scène Robert Wilson (2021)
Sondra Radvanovsky, Tamara Wilson, Carlo Bossi, Mika Kares, Brian Jagde, Gregory Kunde, Ermonela Jaho, Adriana Gonzalez, Florent Mbia, Maciej Kwaśnikowski, Nicholas Jones, Guilhem Worms, Fernando Velasquez, Pranvera Lehnert, Izabela Wnorowska-Pluchrat

Œuvre jouée pour la dernière fois à l’opéra Bastille le 30 décembre 2021

L'Opéra Bastille, le samedi 01 avril 2023 matin, lors de la présentation de la saison 2023/2024

L'Opéra Bastille, le samedi 01 avril 2023 matin, lors de la présentation de la saison 2023/2024

Ma Mère l’Oye / L’Enfant et les Sortilèges (Maurice Ravel – 1912 / 1925)
Du 21 novembre au 14 décembre 2023 (8 représentations au Palais Garnier)

Direction musicale Patrick Lange, Chorégraphie Martin Chaix (2023), mise en scène Richard Jones (1998)
Avec la participation des élèves de l’École de Danse, des artistes en résidence à l'Académie
Orchestre et Chœurs de l’Opéra national de Paris, avec la Maîtrise Notre-Dame de Paris, la Maîtrise des Hauts-de-Seine / Chœur d’enfants de l’Opéra national de Paris

A l’occasion de cette reprise, ‘Ma Mère l’Oye’, œuvre inédite à l’Opéra national de Paris, est ajouté en première partie, dans une nouvelle chorégraphie de Martin Chaix afin de proposer une soirée entière réunissant l’ École de Danse et les artistes de l'Académie.

L’Enfant et les Sortilèges fut joué pour la dernière fois au Palais Garnier le 26 janvier 2020.

Les Contes d’Hoffmann (Jacques Offenbach – 1881)
Du 30 novembre au 27 décembre 2023 (10 représentations à l’opéra Bastille)

Direction musicale Eun Sun Kim, mise en scène Robert Carsen (2000)
Benjamin Bernheim, Dmitry Korchak, Pretty Yende, Antoinette Dennefeld, Rachel Willis-Sørensen, Christian Van Horn, Leonardo Cortellazzi, Christophe Mortagne, Cyrille Lovighi, Christian Rodrigue Moungoungou, Vincent Le Texier, Angela Brower, Sylvie Brunet-Grupposo, Alejandro Baliñas Vieites

Œuvre jouée pour la dernière fois à l’opéra Bastille le 14 février 2020

Adriana Lecouvreur (Francesco Cilea – 1902)
Du 16 janvier au 07 février 2024 (8 représentations à l’opéra Bastille)

Direction musicale Jader Bignamini, mise en scène David Mc Vicar (2015)
Anna Netrebko, Anna Pirozzi, Yusif Eyvazov, Giorgio Berrugi, Ekaterina Semenchuk, Clémentine Margaine, Ambrogio Maestri, Sava Vemić, Leonardo Cortellazzi, Alejandro Baliñas Vieites, Nicholas Jones, Ilanah Lobel-Torres, Marine Chagnon, Se-Jin Hwang

Œuvre jouée pour la dernière fois à l’opéra Bastille le 15 juillet 2015

Giulio Cesare (Georg Friedrich Haendel – 1724)
Du 20 janvier au 16 février 2024 (12 représentations au Palais Garnier)

Direction musicale Harry Bicket, mise en scène Laurent Pelly (2011)
Emily D’Angelo, Adrien Mathonat, Wiebke Lehmkuhl, Marianne Crebassa, Lisette Oropesa, Iestyn Davies, Luca Pisaroni, Rémy Brès

Œuvre jouée pour la dernière fois au Palais Garnier le 18 juin 2013

Saskia de Ville (musicologue et journaliste), Alexander Neef, José Martinez et Sophie Gavriloff (Expérience spectateur) lors de la présentation à l'Opéra Bastille

Saskia de Ville (musicologue et journaliste), Alexander Neef, José Martinez et Sophie Gavriloff (Expérience spectateur) lors de la présentation à l'Opéra Bastille

La Traviata (Giuseppe Verdi – 1853)
Du 16 janvier au 07 février 2024 (12 représentations à l’opéra Bastille)

Direction musicale Giacomo Sagripanti, mise en scène Simon Stone (2019)
Nadine Sierra, Pretty Yende, Marine Chagnon, Cassandre Berthon, René Barbera, Ludovic Tézier,  Maciej Kwaśnikowski, Alejandro Baliñas Vieites, Florent Mbia, Hyun-Jong Roh, Olivier Ayault, Pierpaolo Palloni

Œuvre jouée pour la dernière fois au Palais Garnier le 16 octobre 2019

Simon Boccanegra (Giuseppe Verdi – 1881)
Du 12 mars au 03 avril 2024 (8 représentations à l’opéra Bastille)

Direction musicale Thomas Hengelbrock, mise en scène Calixto Bieito (2018)
Ludovic Tézier, Nicole Car, Mika Kares, Charles Castronovo, Étienne Dupuis,  Alejandro Baliñas Vieites, Paolo Bondi, Marianne Chandelier

Œuvre jouée pour la dernière fois à l’opéra Bastille le 13 décembre 2018

Salomé (Richard Strauss  – 1905)
Du 09 au 28 mai 2024 (7 représentations à l’opéra Bastille)

Direction musicale Mark Wigglesworth, mise en scène Lydia Steier (2022)
Gerhard Siegel, Ekaterina Gubanova, Lise Davidsen, Johan reuter, Pavol Brelik, Katharina Magiera, Matthäus Schmidlechner, Eric Huchet, Maciej Kwaśnikowski, Nicholas Jones, Florent Mbia, Luke Stoker, Yiorgo Ioannou, Dominic Barbieri, Bastian Thomas Kohl,  Alejandro Baliñas Vieites,  Ilanah Lobel-Torres

Œuvre jouée pour la dernière fois à l’opéra Bastille le 05 novembre 2022

Cosi fan tutte (Wolfgang Amadé Mozart – 1787)
Du 10 juin au 09 juillet 2024 (12 représentations au Palais Garnier)

Direction musicale Pablo Heras-Casado, mise en scène Anne Teresa De Keersmaeker (2017)
Vannina Santoni, Angela Brower, Hera Hyesang Park, Josh Lovell, Gordon Bintner, Paulo Szot

Œuvre jouée pour la dernière fois au Palais Garnier le 21 octobre 2017

 Eve-Maud Hubeaux (air d'Eboli de 'Don Carlos')

Eve-Maud Hubeaux (air d'Eboli de 'Don Carlos')

L’Académie de l’Opéra national de Paris 

Street Scene (Kurt Weill - 1947) 
Du 19 au 27 avril 2024 (5 représentations à la MC93 de Bobigny)

Direction musicale Yshani Perinpanayagam, mise en scène Ted Huffman
Artistes en résidence à l’Académie

Œuvre inédite à l’Opéra national de Paris

Affiche du Gala anniversaire des 100 ans de la naissance de Maria Callas, le 02 décembre 2023

Affiche du Gala anniversaire des 100 ans de la naissance de Maria Callas, le 02 décembre 2023

Premières impressions sur la saison 2023/2024

Avec 7 nouvelles production dans les grandes salles, l’Opéra de Paris maintient un rythme de renouvellement conséquent dans un contexte économique fort difficile (et avec un niveau de subventions inférieur à 45% de son budget). 

Et aux deux entrées au répertoire de ‘Beatrice di Tenda’ et ‘The Exterminating Angel’, s’ajoute le retour de deux œuvres françaises créées au sein de l’institution qui n’y étaient plus apparues depuis au moins la fin du Second Empire, ‘Médée’ et ‘La Vestale’.

A cette ligne très claire que dessine Alexander Neef depuis le début de son mandat en faisant revivre la richesse du patrimoine créatif de l’Opéra de Paris, se déploie une autre ligne destinée à mieux faire connaître l’opéra anglo-saxon et les thèmes qu'il aborde. En seulement trois saisons, il aura progressé sur ces deux axes forts plus que n’importe quel autre directeur.

Ainsi, la langue française va occuper un tiers des soirées lyriques avec 6 ouvrages, depuis ‘Médée’ à ‘L’enfant et les sortilèges’ de Maurice Ravel, œuvre qui n’avait été donnée que pour un seul soir en janvier 2020. Les productions de ‘L’enfant et les sortilèges’ et des 'Contes d'Hoffmann' seront d'ailleurs les plus anciennes de la saison, puisqu'elles furent créées respectivement le 05 novembre 1998 et le 20 mars 2000. Le chef d'œuvre d'Offenbach en sera à sa neuvième série dans la production de Robert Carsen.

En revanche, le répertoire slave reste pour l’instant peu représenté, puisque seul ‘L’Affaire Makroupoulos’ sera repris, mais avec un couple Karita Mattila / Krzysztof Warlikowski qui devrait se révéler explosif.

Toutefois, un seul metteur en scène, Kirill Serebrennikov, fait ses débuts sur les planches de l’institution, et Lydia Steier, auteure d’une ‘Salomé’ clivante, est confirmée pour ‘La Vestale’  dont on attend une vision tout aussi forte. Le fait que Calixto Bieito soit également choisi pour mettre en scène ‘The Exterminating Angel’ démontre aussi le positionnement très clair d’Alexander Neef sur des metteurs en scène ayant des univers très personnels.

Et si certains déplorent que Gustavo Dudamel ne dirige que deux productions, cette saison amènera de nouveaux chefs d’orchestre tels Keri-Lynn Wilson, Eun Sun Kim, Jader Bignamini, Pablo Heras-Casado (le directeur musical du Teatro Real de Madrid) et Yshani Perinpanayagam dans ‘Street Scenes’.

Et parmi les grands artistes invités, Lise Davidsen, l’une des voix actuelles les plus puissantes, et Tamara Wilson, distribuée dans le rôle meurtrier de ‘Turandot’ et dans celui, bel cantiste, de 'Beatrice di Tenda’, seront très attendues.

Présentation de la saison Lyrique 2023 / 2024 de l’Opéra de Paris

Nombre d’artistes francophones sont invités, Gaëlle Arquez, Cyrille Dubois, Frédéric Antoun, Laurent Naouri, Elodie Fonnard, Emmanuelle de Negri, Lea Desandre, Etienne Dupuis, Philippe Sly, Marianne Crebassa, Julien Behr, Jean Teitgen, Eve-Maud Hubeaux, Florian Sempey, Julie Fuchs, Benjamin Bernheim, Sylvie Brunet-Grupposo, Vincent Le Texier, Clémentine Margaine, Rémy Brès, Ludovic Tézier, Eric Huchet, et plusieurs artistes du chœur apparaissent dans les distributions : Bernard ArrietaJulien Joquet, Isabelle Escalier, Caroline Bibas, Laurent Laberdesque, Anne-Sophie Ducret, Rodrigue Moungoungou, Corinne Talibart, Olivier Ayault, Marianne Chandelier ...

Mais la grande nouveauté de cette saison est le début de la création de la troupe lyrique de l’Opéra de Paris. On pourra ainsi régulièrement retrouver Alejandro Baliñas Vieites, Maciej Kwaśnikowski, Ilanah Lobel-Torres, Marine Chagnon, Nicholas Jones, Florent Mbia (issu du chœur) et Emy Gazeilles dans nombre de rôles et à travers des ouvrages très divers.

Présentation de la saison Lyrique 2023 / 2024 de l’Opéra de Paris

Les tarifs 2023/2024

Les tarifs de cette saison sont en légère augmentation mais évoluent en dessous du niveau d’inflation national actuel.

Les prix sont inchangés pour les places inférieures à 90 euros afin de préserver l’accessibilité à tous, et une augmentation de 5 à 10 euros maximum est appliquée pour les catégories supérieures. 

Par ailleurs, ‘Don Giovanni’, ‘Lohengrin’ et ‘Turandot’ sont classés dans une tarification supérieure pour un total de 35 représentations, ce qui est le double de soirées par rapport à la saison en cours, mais reste en dessous de ce qui était pratiqué au cours du mandat de Stéphane Lissner.

Et il faut noter également que le plan de salle des prix à Bastille, présenté dans le programme, n’est valable que pour 'Don Giovanni’, ‘Lohengrin’, ‘Turandot’ et ‘La Traviata’.

Pour toutes les autres productions, des places sont déclassées au parterre et au second balcon (une centaine de places de catégorie 5 à 7 apparaissent sur les flancs latéraux de l’orchestre, par exemple), ce qui n’est pas mis en évidence dans la brochure de saison.

Evolution du prix des places pour le lyrique à Bastille de 1998/1999 à 2023/2024

Evolution du prix des places pour le lyrique à Bastille de 1998/1999 à 2023/2024

Et l’on retrouve à nouveau, comme chaque saison, deux spectacles à petits prix à Bastille, ‘L’Affaire Makropoulos’ et ‘Cendrillon’, mais dans ce second cas, le prix moyen des places passe à 57 euros, et les places optima coûtent moins de 100 euros. C’est la première fois que l’on voit des prix cassés à ce niveau là.

Résultat : il n'y a jamais eu autant de places à moins de 60 euros pour le lyrique à Bastille depuis la saison 2011/2012.

En revanche, l’augmentation semble plus marquée pour le ballet classique, ce qui se comprend très bien puisque la crise du covid a révélé que la demande pour ce genre artistique avait été moins affectée.

Globalement, l’enveloppe des prix progresse donc de 4,5 % à Bastille pour le lyrique, soit à peine de quoi compenser l’inflation, et correspond tout juste à ce qui est nécessaire pour couvrir l’augmentation des coûts en énergie de l’institution (l’augmentation était de 2,5 millions d’euros rien qu’entre 2019 et 2022, selon Martin Ajdari, le directeur général adjoint).

Le prix moyen des places est donc aujourd’hui le même que sous le mandat de Stéphane Lissner en 2018, alors que l’inflation en France a cru de 15 % depuis cette année là.

Cette politique tarifaire réaliste et très raisonnable va probablement obliger encore plus l’institution à se financer autrement, mais l’exercice semble déjà atteindre ses limites alors que le budget de l’Opéra de Paris frôle les 240 millions d’euros.

Présentation de la saison Lyrique 2023 / 2024 de l’Opéra de Paris

Le détail de la saison lyrique et chorégraphique 2023 / 2024 de l'Opéra national de Paris est accessible sous le lien suivant : Programmation & Billets - Opéra national de Paris (operadeparis.fr)

Voir les commentaires

Publié le 12 Mars 2023

Hamlet (Ambroise Thomas – 09 mars 1868, Salle Le Peletier)
Répétition générale du 06 mars et représentations du 11, 30 mars et 02, 09 avril 2023
Opéra Bastille

Hamlet Ludovic Tézier
Claudius Jean Teitgen
Laërte Julien Behr
Le Spectre Clive Bayley
Horatio Frédéric Caton
Marcellus Julien Henric
Gertrude Eve-Maud Hubeaux
Ophélie Lisette Oropesa (Mars) / Brenda Rae (Avril)
Polonius Philippe Rouillon
Premier Fossoyeur Alejandro Baliñas Vieites
Second Fossoyeur Maciej Kwaśnikowski

Direction musicale Pierre Dumoussaud
Mise en scène Krzysztof Warlikowski (2023)
Décors et costumes Małgorzata Szczęśniak
Lumières Felice Ross
Vidéo Denis Guéguin
Chorégraphe Claude Bardouil
Nouvelle production

Diffusion en direct le 30 mars 2023 à 19h30 sur Arte Concert, et ultérieurement sur Arte
Diffusion sur France Musique le 22 avril 2023 à 20h

Après ‘Oedipe’ de George Enescu présenté en ouverture de la saison 2021/2022, Alexander Neef poursuit son exploration du patrimoine de l’Opéra de Paris en faisant revivre un grand opéra créé spécifiquement pour l’institution et qui connaîtra un grand succès (20ème opéra le plus joué à la salle Le Peletier avec 100 représentations, et 12ème opéra le plus joué au Palais Garnier jusqu’à la Seconde Guerre mondiale avec 267 représentations – il y aura aussi 10 représentations données à la salle Ventadour en 1874), avant de disparaître des planches du Palais Garnier au soir du 28 septembre 1938.

Ludovic Tézier (Hamlet) et Lisette Oropesa (Ophélie)

Ludovic Tézier (Hamlet) et Lisette Oropesa (Ophélie)

Cette renaissance à Bastille était d’autant plus nécessaire qu’’Hamlet’ est apparu un an après la création de ‘Don Carlos’ de Giuseppe Verdi (11 mars 1867) et un an avant l’entrée de ‘Faust’ de Charles Gounod (3 mars 1869) au répertoire, alors que ces deux derniers ouvrages ont été récemment joués à l’Opéra de Paris dans les productions respectives de Krzysztof Warlikowski (2017) et Tobias Kratzer (2022).

Hamlet - Acte 1, premier tableau

Hamlet - Acte 1, premier tableau

Et au-delà de la découverte que cette œuvre représente pour une large partie du public, l’intérêt est de voir comment ce grand opéra basé sur un livret de Jules Barbier et Michel Carré, lui même dérivé de l’’Hamlet, prince de Danemark’ d’Alexandre Dumas (1847), inspiré de Shakespeare mais adapté au goût de la bourgeoisie parisienne du XIX siècle, va trouver une nouvelle forme artistique qui touche et ne lâche pas le spectateur d’aujourd’hui.

Ludovic Tézier (Hamlet)

Ludovic Tézier (Hamlet)

Et à l’instar de Jean-Baptiste Faure, grand baryton français de la seconde partie du XIXe siècle qui créa le rôle de Rodrigue à Paris dans ‘Don Carlos’, et pour le lequel Ambroise Thomas transposa sa première version pour ténor d’’Hamlet’ (1863) afin de lui permettre d’assurer la création de ce nouveau rôle, Ludovic Tézier est à l’honneur de l’Opéra Bastille afin d’incarner ce grand personnage littéraire.

Revenir à ce rôle qu’il aborda au Capitole de Toulouse en avril 2000, en alternance avec Thomas Hampson qui y vit son meilleur successeur, et qu’il reprit en janvier 2001 à Turin dans la même production, c’est revenir aux origines de son parcours au moment où il atteint l’un de ses points culminants.

Ludovic Tézier (Hamlet) et Krzysztof Warlikowski - Séance de travail d'Hamlet

Ludovic Tézier (Hamlet) et Krzysztof Warlikowski - Séance de travail d'Hamlet

Mais, alors que très souvent les directeurs d’opéras choisissent eux-mêmes, où en concertation avec leur directeur musical, les metteurs en scène qui devront apporter une lecture des œuvres qui soit signifiante, dans ce cas précis, c’est Alexander Neef qui a demandé au grand chanteur de choisir le directeur scénique avec lequel il souhaiterait travailler.

Il a alors proposé Krzysztof Warlikowski avec lequel il s’était très bien entendu dans la nouvelle production de ‘Don Carlos’ jouée à Bastille en 2017, car, comme le rappelle Ludovic Tézier lors de sa récente interview donnée le 27 février 2023 sur France Musique, il faut d’abord défendre l’intelligence du propos. 

Et ce terme d’’intelligence’, qu’il appuie avec force, montre bien que la pertinence de l’opéra aujourd’hui se mesure à des questions qui dépassent très largement celle de l’esthétique.

Les ombres de la Lune - Vidéo Denis Guéguin

Les ombres de la Lune - Vidéo Denis Guéguin

Krzysztof Warlikowski signe donc sa neuvième mise en scène à l’Opéra de Paris depuis ‘Iphigénie en Tauride’ (2006), et se retrouve face à un personnage d’inspiration shakespearienne, auteur dont il a abordé au théâtre une dizaine de mises en scène avec notamment ‘Le Marchand de Venise’ en 1994, ‘Hamlet’ en 1997 et 1999, ou bien ‘La Tempête’ en 2003 et ‘Macbeth’ en 2004.

C’est d’ailleurs avec ‘Hamlet’ qu’il se fit connaître en France au Festival d’Avignon de 2001 (avec Jacek Poniedzialek - présent ce soir - et Magdalena Cielecka dans les rôles d' Hamlet et Ophélie), au même moment où Ludovic Tézier triomphait à l’opéra dans le même rôle titre.
Hasard annonciateur?

Frédéric Caton (Horatio) et Julien Henric (Marcellus)

Frédéric Caton (Horatio) et Julien Henric (Marcellus)

Le cadre de cette nouvelle production se situe dans un immense décor enserré de grilles imposantes d’une froideur d’acier, conçu par Małgorzata Szczęśniak, qui accroît la sensation d’emprisonnement d’une âme livrée à un asile psychiatrique où la fonction de contrôle prédomine sur celle du soin.
Le long du sas, sur la droite, fous, gardes, et personnages y apparaissent, et ce long couloir crée une impression de tunnel sans espoir.

Clive Bayley (Le Spectre)

Clive Bayley (Le Spectre)

Cependant, la dramaturgie de la mise en scène ne suit pas tout à fait le déroulé temporel du livret, puisque le premier et le dernier acte sont situés 20 ans après la révolte d’Hamlet contre sa mère et son beau père, et l’histoire est donc racontée sous forme de souvenir comme dans ‘Les Contes d’Hoffmann’ de Jacques Offenbach.

Hamlet est ainsi un être vieillissant vivant auprès de sa mère dans un asile d’aliénés, hanté par la mémoire du couronnement de Claudius, souffrant des visions du spectre de son père dépeint sous une forme extrêmement poétique d’un Pierrot tout blanc au visage peint de traits noirs. La symbolique du Pierrot romantique renvoie à l’enfance du héros et à son mal être intérieur, et tend aussi à dissoudre le côté trop solennel du fantôme pour lui donner une valeur plus fantastique et même ironique. 

Ludovic Tézier (Hamlet) et Lisette Oropesa (Ophélie)

Ludovic Tézier (Hamlet) et Lisette Oropesa (Ophélie)

Dans ce premier acte, Ophélie et son frère Laërte jouent aux cartes avec Claudius, comme une remembrance d’une vie banale passée, alors que Gertrude, au seuil de sa vie, fixe obsessionnellement et mystérieusement un téléviseur où est diffusé ‘Les Dames du Bois de Boulogne’ de Robert Bresson, une histoire de vengeance.
Horatio et Marcellus, eux, sont moins des amis d’Hamlet que des surveillants douteux. 

Eve-Maud Hubeaux (Gertrude)

Eve-Maud Hubeaux (Gertrude)

Une immense vidéo des phases de la Lune, un astre éteint, sur fond de ciel constellé d’étoiles, accentue l’impression de surnaturel et d’évocation de la mort, et, aux actes suivants, les rapprochements entre ces images de Lune et les splendides séquences de Denis Guéguin, le vidéaste, sur le visage du spectre modelé par les mêmes jeux d’ombre, créent des associations d’idées autour du 'Pierrot lunaire' d’Arnold Schönberg et l’âme mélancolique d’Hamlet.

Jean Teitgen (Claudius) et Eve-Maud Hubeaux (Gertrude)

Jean Teitgen (Claudius) et Eve-Maud Hubeaux (Gertrude)

A partir du second acte, débute l’histoire passée d’Hamlet, interné une fois Gertrude et Claudius mariés suite au meurtre de son père, et Ophélie est présentée comme une femme littéraire qui cherche à intéresser le Prince avec son art du conte.

Mais lui, en apparence détaché et aidé par les autres malades, les courtisans, avec lesquels il vit, est occupé à préparer son grand spectacle destiné à démasquer le couple royal. Cette scène de vie dans l’hôpital rappelle celle que Krzysztof Warlikowski avait imaginé dans la maison de retraite de son ‘Iphigénie en Tauride’.

Ludovic Tézier (Hamlet)

Ludovic Tézier (Hamlet)

L’immaturité du Prince, feinte ou réelle, est assez drôlement mise en scène lorsqu’il apparaît au commande d’une voiture de course téléguidée, dérisoire attribut de virilité inaboutie. Après la séquence d’effroi entre le Roi et la Reine, survient le grand moment de la pantomime qui va être jouée spectaculairement avec une joie irradiante.

Krzysztof Warlikowski s’appuie sur une troupe de figurants qui font partie de son univers artistique, et la danseuse Danielle Gabou, qui participe à toutes les mises en scène parisiennes du directeur polonais depuis ‘Don Carlos’ en 2017, mais que l’on a vu aussi dans la dernière production de ‘Manon’, incarne une impressionnante Reine Genièvre, au glamour expressif avec beaucoup d’emprise.

La beauté des lignes ornementales de son visage, surlignées par le maquillage, révèle aussi une concordance avec les traits du visage du spectre. 

Danielle Gabou et Ludovic Tézier (Hamlet)

Danielle Gabou et Ludovic Tézier (Hamlet)

Le meurtre du Roi Gonzague est joué avec deux autres acteurs noirs, scène fascinante par son mélange d’envoûtement et de folie macabre, et Daniel Gremelle, le joueur de saxophone – nouvel instrument introduit à l’Opéra de Paris par Ambroise Thomas en 1868 au moment où Adolphe Sax enseignait l’art de son invention au conservatoire de Paris –, achève son air solo sur une variation jazzy pleinement fantaisiste.

Danielle Gabou et Daniel Gremelle (saxophone)

Danielle Gabou et Daniel Gremelle (saxophone)

Puis, le troisième acte, qui débute sur le fameux ‘Etre ou ne pas être’, avec en arrière fond les motifs des phases de la Lune qui évoquent les mouvements de l’âme, les successions de nuits et de jours, et les cycles de la vie et de la mort, est celui qui révèle les grands talents vocaux mais aussi d’actrice d’Eve-Maud Hubeaux. Une séparation recouverte de velours fuchsia, couleurs royales que l’on retrouvait pareillement dans la production salzbourgeoise d’’Elektra’, rend l’espace plus intime.

Ludovic Tézier (Hamlet)

Ludovic Tézier (Hamlet)

Entrée théâtrale de la Reine dans un grand cri déchirant, magnifique et majestueuse projection du Pierrot sur un large fond d’écran, confrontation intense avec Ludovic Tézier, et impuissance d’Ophélie à interagir, la nuit d’épouvante et d’horreur s’achève par la couche du fils et de la mère dans le même lit en toute tranquillité, comme de bons amis. Une très forte affectivité est mise en avant dans cette partie.

Ces trois premiers actes, liés entre eux, auront duré 2h10 sans interruption jusqu’à l’entracte.

Eve-Maud Hubeaux (Gertrude)

Eve-Maud Hubeaux (Gertrude)

Le IVe acte est le plus flamboyant. 
‘Hamlet’ est joué ce soir dans sa version intégrale - le duo du Roi et de la Reine au second acte n’est pas coupé - .  Cependant, seuls les deux premiers mouvements du ballet, les ‘Pas des chasseurs’ et la ‘Pantomime’, sont conservés, ce qui est mieux que rien car, habituellement, il est totalement omis de nos jours.

Les quatre autres passages, ‘Valse-Mazurka’, ‘Scène du bouquet’, ‘La Freya’ et la ‘Strette finale’ sont supprimés, ce qui fait que seules 4 minutes sont retenues sur les 17 minutes que constituent cet ensemble musical qui s’ajoute au divertissement qui ouvre cette nouvelle partie.

Lisette Oropesa (Ophélie)

Lisette Oropesa (Ophélie)

Tous les talents de l’équipe de figurants, mais aussi du chœur, sont mis à l’épreuve sous la direction chorégraphique de Claude Bardouil. Une ballerine ouvre le bal derrière la gigantesque grille, et le divertissement met en valeur un mélange de choristes et d’acteurs grimés en danseuses colorées qui défilent à la façon d’un gala humoristique, exécutant même des pas de trois. Nous assistons au grand spectacle joué par les pensionnaires de l’asile.

A nouveau, il s’agit de débarrasser l’œuvre de toute sa pompe, et de séduire un public plus jeune et bigarré, de la même façon que les images du Pierrot s’adressent aussi aux sentiments les plus enfantins de chacun d’entre nous.

Eve-Maud Hubeaux (Gertrude) et Ludovic Tézier (Hamlet)

Eve-Maud Hubeaux (Gertrude) et Ludovic Tézier (Hamlet)

Le couple royal, accompagné d’Ophélie et son père, Polonius, sont présents, mais lorsque Ophélie revient habillée d’une robe transparente parcourue de jolis motifs floraux, une orange à la main, c’est la nature sexuelle, vivante et joyeuse de la femme qui est mise en avant. A nouveau, elle chante sa ballade comme si elle lisait un conte, portée par un danseur, et c’est donc une performance qui est donnée sous le regard consterné de la Reine, et non plus un adieu mélancolique à la vie.

Clive Bayley (Le Spectre) et Ludovic Tézier (Hamlet)

Clive Bayley (Le Spectre) et Ludovic Tézier (Hamlet)

C’est uniquement au moment de la sortie du ballet qu’Ophélie retire sa perruque, retrouve une coupe de garçonne blonde, et se libère de son attente vis à vis d’Hamlet. Le suicide paraît plus symbolique qu’effectif à se moment là, lorsqu’elle disparaît en finesse dans une baignoire qui s’éloigne sous les applaudissements enchantés, comme si elle rejoignait pour le reste de sa vie l’univers de l’asile.

Acte IV : chœur et figurants - Chorégraphie Claude Bardouil

Acte IV : chœur et figurants - Chorégraphie Claude Bardouil

Le Ve acte signe le retour au temps du premier acte, mais cette fois, Hamlet s’est transformé en Pierrot noir, la figure du vengeur immature qui porte sur lui la malédiction de son père. Car nous sommes dorénavant dans la psyché de cet homme perturbée par le ressassement de son passé.
Les deux fossoyeurs chantent auprès d’un corps allongé sur un brancard – l’acteur est celui qui incarnait le roi meurtrier au cours de la pantomime -, en rappelant que chacun va recevoir la visite de la Mort, y compris ceux qui complotent. C’est le moment de réflexion sur notre préparation à cet évènement définitif.

Lisette Oropesa (Ophélie)

Lisette Oropesa (Ophélie)

Laërte apparaît en personnage plutôt sombre, un peu brigand, et il faut que le spectre réapparaisse pour qu’enfin Hamlet passe symboliquement à l’action et tue l’image de Claudius. Et à ce moment là, le rideau semi-transparent se baisse alors qu’Ophélie souffle sur sa main des poussières de cendres, peut-être celle de son bonheur illusoire, comme si c’était elle qui nous avait raconté cette histoire.

A travers une poétique visuelle magnifiée par les jeux de lumières, Felice Ross utilise beaucoup les perspectives des lignes du décor grillagé pour induire des jeux d’ombres et de lumières fascinants, jusqu’à ajouter des jeux de motifs étincelants sur le grand rideau d’avant scène.

Philippe Rouillon (Polonius), Lisette Oropesa (Ophélie) et Eve-Maud Hubeaux (Gertrude)

Philippe Rouillon (Polonius), Lisette Oropesa (Ophélie) et Eve-Maud Hubeaux (Gertrude)

Le grand mérite de cette production qui analyse l’émergence de la folie sous un cerveau en apparence calme, est de sortir d’une lecture simple et évènementielle, de mélanger plusieurs niveaux temporels en laissant l’ambiguïté sur qui est fou et qui est lucide, de privilégier le sourire mélancolique mais joyeux à la pompe dépressive et ennuyeuse, et, surtout, de transcender tous les chanteurs en renforçant la façon de jouer de chacun d’entre eux.

Le premier à en tirer profit est bien entendu Ludovic Tézier.

Lisette Oropesa (Ophélie)

Lisette Oropesa (Ophélie)

Depuis sa rencontre avec Krzysztof Warlikowski en 2017 dans Don Carlos’, puis son passage dans les mains de Calixto Bieito (‘Simon Boccanegra’ - 2018) et Kirill Serebrennikov à Vienne (‘Parsifal’ - 2021), le chanteur toulousain s’est métamorphosé. Il donne à Hamlet une ampleur dramatique inédite, un art déclamatoire qui s’appuie sur une force de geste et d’intonation qui en font un immense personnage.

Et ce sens de l’ironie et de l’influx sanguin font ici merveille. Le timbre est somptueusement massif et travaillé avec souplesse, tout n’est que justesse de sens, et son autorité, particulièrement dans son duo avec Gertrude, s’impose tout en ne se prenant pas au sérieux.

Alejandro Baliñas Vieites et Maciej Kwaśnikowski (Les Fossoyeurs) et Danielle Gabou

Alejandro Baliñas Vieites et Maciej Kwaśnikowski (Les Fossoyeurs) et Danielle Gabou

Et en même temps, il y a toute cette affection qui déborde au salut final, et il faut voir avec quelle chaleur il encourage ses partenaires, et va chercher Krzysztof Warlikowski pour le rejoindre afin de lui témoigner une reconnaissance riante qui fait plaisir à voir. 

Ambroise Thomas, ce soir, doit beaucoup à la  rencontre entre ces deux intelligences, mais pas seulement.

Ludovic Tézier (Hamlet) et Eve-Maud Hubeaux (Gertrude)

Ludovic Tézier (Hamlet) et Eve-Maud Hubeaux (Gertrude)

Chaque apparition d’Eve-Maud Hubeaux à l’Opéra de Paris va crescendo et permet d’admirer son évolution artistique qui ne cesse de prendre de nouvelles dimensions. En Gertrude, elle démontre une capacité expressive fauve phénoménale, une irradiance incendiaire, un déploiement de noirceur hypnotique, au point qu’une telle énergie dramatique alliée à un physique splendide accroît la nature séductrice de la Reine.

Et, bien entendu, la précision et intelligibilité de son français sont impeccables, tout en affichant, au moment des saluts, une modestie très surprenante.

Ludovic Tézier (Hamlet) et Julien Behr (Laërte)

Ludovic Tézier (Hamlet) et Julien Behr (Laërte)

Lisette Oropesa est aussi l’une des stars de la soirée puisque le rôle d’Ophélie a été écrit pour mettre en valeur les grandes qualités de virtuosité des meilleurs cantatrices de l’Opéra. Progressivement, les colorations de sa voix s’imprègnent de teintes chaleureuses vivifiées par une fine vibration qui ne peut que déclencher l’enthousiasme. Clarté riante, agilité, abattage et plénitude d’élocution magnifiques, tout n’est qu’apparente candeur et éblouissement pour le public qui le lui rend pleinement aux derniers adieux.

Ludovic Tézier (Hamlet)

Ludovic Tézier (Hamlet)

Il incarnait, cet hiver, Swallow dans ‘Peter Grimes’ joué au Palais Garnier, Clive Bayley revient ce soir dans le rôle du spectre en lui donnant un impact saisissant de par son costume de Pierrot, bien évidemment, mais aussi par sa déclamation qui parcelle d’éclats très clairs un timbre mordant d’une très grande présence. Ce n’est pas du tout un spectre fantomatique à la voix d’outre-tombe, mais bien un être sensible, larmoyant même, quand il s’adresse à Hamlet.

Son timbre de voix s’identifie beaucoup à cette figure de la Commedia dell’arte, et la beauté ambivalente des mimiques de son visage est, en outre, poétisée au fil de la musique avec une belle légèreté de mouvement par les vidéographies de Denis Guéguin.

Ludovic Tézier (Hamlet)

Ludovic Tézier (Hamlet)

D’une très grande résonance sonore qui fait ressortir le métal de sa voix, Jean Teitgen joue très bien ce nouveau Roi, Claudius, viril mais tourmenté qui laisse ressortir des failles très humaines, et Philippe Rouillon, en Polonius, lui oppose une personnalité plus feutrée et autoritaire.

Le père d’Ophélie apparaît ici comme la figure la plus inébranlable du drame, comme s’il était vis à vis de Claudius ce que le Grand Inquisiteur est à Philippe II, c’est à dire une froide autorité supérieure.

Lisette Oropesa (Ophélie)

Lisette Oropesa (Ophélie)

Tous les rôles secondaires révèlent des qualités ou des particularités de personnalité qui leur sont propres, comme la droiture de Laërte soutenue par Julien Behr, au timbre de voix sévère et fortement canalisé, l’Horatio souple et décontracté de Frédéric Caton, et le beau délié ombré de Julien Henric en Marcellus, chanteur qui fait ses débuts à l’Opéra de Paris après avoir remporté en 2022 le premier prix Mélodie française du Concours International de chant de Marmande.

Et c’est avec plaisir que l’on retrouve en fossoyeurs deux brillants artistes issus de l’Atelier Lyrique, Alejandro Baliñas Vieites et Maciej Kwaśnikowski qui, tous deux, projettent leurs lignes de chant très harmonieusement dans Bastille.

Krzysztof Warlikowski, Małgorzata Szczęśniak, Felice Ross et Denis Guéguin

Krzysztof Warlikowski, Małgorzata Szczęśniak, Felice Ross et Denis Guéguin

Si une partie des chœurs est scéniquement fortement sollicitée dans cette production, ce qui est très drôle à regarder, tous font preuve d’une expansivité fantastique par leur ardeur mais aussi leur extrême finesse dans le passage recueilli chanté à bouche fermée avant le dernier air d’adieux d’Ophélie.

Ludovic Tézier, Krzysztof Warlikowski, Alessandro di Stefano (Chef des Choeurs) et Pierre Dumoussaud

Ludovic Tézier, Krzysztof Warlikowski, Alessandro di Stefano (Chef des Choeurs) et Pierre Dumoussaud

Pierre Dumoussaud, appelé à la rescousse fin janvier pour remplacer Thomas Hengelbrock qui s’était accidentellement cassé un bras, est aussi pour beaucoup dans la réussite de ce retour d’Hamlet’ au répertoire de l’Opéra de Paris.
Dès l’ouverture, il fait ressortir les plus beaux alliages orchestraux de la partition, la rutilance des cuivres se mêlant au métal des cordes avec un sens ample de la respiration d’une très belle majesté.

La musique d’Ambroise Thomas comporte aussi beaucoup de passages où les lignes sont à peine esquissées pour souligner l’art déclamatoire des chanteurs, et là aussi, le chef d’orchestre français dessine avec beaucoup d’élégance et de poésie ces traits fins au fusain, ce qui montre qu’il sait tirer profit au mieux des couleurs que lui offre l’orchestre de l’Opéra de Paris.

Ludovic Tézier et Krzysztof Warlikowski

Ludovic Tézier et Krzysztof Warlikowski

Avoir réussi à redonner une modernité à cet ‘Hamlet’ avec un tel lustre, et lui donner une capacité à toucher la part la plus jeune du public en la stimulant par des interrogations qui défient son sens de l’inventivité, est à mettre au crédit d’une équipe artistique qui réitère la grande réussite de ‘Lady Macbeth de Mzensk’ qui triompha en 2019 sur cette même scène.

Encore faut-il que chaque spectateur accepte de se laisser absorber par ces mouvements incessants entre intrigue, imaginaire et fantasmes psychiques, ce qui fait le charme de toutes les productions de Krzysztof Warlikowski.

Voir les commentaires

Publié le 18 Février 2023

Lucia di Lammermoor (Gaetano Donizetti – 28 septembre 1835, Naples)
Répétition générale du 16 février et représentations du 28 février et 04 mars 2023
Opéra Bastille

Lucia di Lammermoor Brenda Rae
Lord Enrico Ashton Mattia Olivieri
Sir Edgardo di Ravenswood Javier Camarena
Lord Arturo Bucklaw Thomas Bettinger
Alisa Julie Pasturaud
Raimondo Bidebent Adam Palka
Normanno Eric Huchet

Mise en scène Andrei Serban (1995)
Direction musicale Aziz Shokhakimov

Créée sur la scène Bastille le 26 janvier 1995, pour les débuts à l’Opéra national de Paris de Roberto Alagna, la production de ‘Lucia di Lammermoor’ mise en scène par Andrei Serban est la seule avec celle de ‘Madame Butterfly’ imaginée par Robert Wilson a avoir traversé le temps depuis le mandat de Pierre Bergé.

A l’époque, cette production n’avait pas manqué de s’attirer les critiques perplexes des esprits conventionnels qui regrettaient l’absence de romantisme inhérent à la nouvelle de Walter Scott, ‘La Fiancée de Lammermoor', qui se déroule originellement au creux des collines de Lammermuir situées au sud-est d’Edimburg.

Pourtant, 28 ans plus tard, elle démontre à quel point elle était en avance sur son temps.

Brenda Rae (Lucia di Lammermoor) et Javier Camarena (Sir Edgardo di Ravenswood)

Brenda Rae (Lucia di Lammermoor) et Javier Camarena (Sir Edgardo di Ravenswood)

Au centre d’une arène militaire totalement fermée par des murs circulaires très élevés, son atmosphère oppressante tend à déposséder la jeune fille de sa liberté d’être, malgré sa faculté à vivre dans l'imaginaire du rêve, parmi tous ces hommes qui s’entraînent de manière athlétique. Un peu plus en hauteur, les notables en complets et hauts-de-forme noirs surveillent que les attentes sociales qui pèsent sur Lucia soient bien atteintes. Les enchevêtrements de passerelles, tréteaux, cordes et échelles dentées ne font qu’accentuer l’impression stressante du décor.

Lucia di Lammermoor (Rae Olivieri Camarena Shokhakimov Serban) Opéra de Paris

Et de voir ce monde masculin se faire complice d'un tel système oppressif peut induire un sentiment de révolte constant chez l’auditeur, même si quelques moments de poésie, entretenus par des lueurs bleu-nuit et mauve afin d’occulter la tristesse de l’enceinte, sont préservés.

C’est dire à quel point la modernité du sujet, toujours actuelle dans certains milieux sociaux, est mise en évidence et passe bien avant les évocations brumeuses et romantiques du livret original.

Mattia Olivieri (Lord Enrico Ashton)

Mattia Olivieri (Lord Enrico Ashton)

Pour cette huitième reprise, le rôle-titre est confié à Brenda Rae qui, jusqu’à présent, n’avait fait qu’une brève apparition au Palais Garnier, le 28 octobre 2012, en chantant à l’avant-scène le rôle d’Anne Trulove dans ‘The Rake’s Progress’ d'Igor Stravinsky, en remplacement d’Ekaterina Siurina qui était souffrante.

Sa vocalité s’inscrit véritablement dans une esthétique moderne et virtuose, avec suffisamment de souplesse, au service d’une expression affinée qui va de pair avec un jeu très fouillé. S’appuyant sur des couleurs de voix claires et complexes aux vibrations ombrées, et des variations aiguës soudainement puissantes, elle dépeint un personnage vivant aux instincts sauvages. En première partie, c’est cette recherche d’expressivité théâtrale qui est mise en avant – son langage corporel saisissant semble traduire toutes les distorsions qu’elle vit -, ainsi que les coups d’éclats vocaux qui prennent un aspect spectaculaire, mais les passages plus intériorisés ont tendance à trop se fondre dans le tissu orchestral.

Cependant, à partir du meurtre d’Arturo Bucklaw, sa folie délirante révèle un art très cristallin et nuancé, tout en maîtrise dans les suraigus qui lui permettent de décrire une féminité intime mais brisée. Son isolement désespéré n'en est que plus poignant.

Brenda Rae (Lucia di Lammermoor)

Brenda Rae (Lucia di Lammermoor)

Chaleureux, aux intonations mêlant voix d’ange et virilité mélancolique, Javier Camarena n’impose pas une personnalité démonstrative, mais plutôt une forme de fierté tendre qui sera fortement secouée au moment de la révélation de l’acte de mariage entre Lucia et Bucklaw. Le timbre est d’une très agréable homogénéité, même dans les moments de grande tension, rayonnant et crépusculaire dans le grand air final d’Edgardo chanté en suspension au moment où il invoque sa propre tombe.

Mattia Olivieri (Lord Enrico Ashton) et Brenda Rae (Lucia di Lammermoor)

Mattia Olivieri (Lord Enrico Ashton) et Brenda Rae (Lucia di Lammermoor)

En Lord Ashton, Mattia Olivieri fait des débuts très accrocheurs à l’Opéra national de Paris. Ce jeune baryton italien a, certes, une très belle allure, mais fait surtout découvrir un chant racé, un mordant très franc, et une grande assurance alliée à une impulsivité où une animalité sous-jacente est dangereusement à la manœuvre. Excellent acteur, ombreux et inflexible, la noirceur dont il s’imprègne n’est pas teintée d’ironie et traduit un esprit ferme. Dans son échange avec Lucia, il fait d’ailleurs très bien ressortir la terreur qui anime Ashton à l’idée de disparaître socialement si elle ne se marie pas avec Bucklaw.

Brenda Rae (Lucia di Lammermoor)

Brenda Rae (Lucia di Lammermoor)

Autre participant à la perte de Lucia, Raimondo, le chapelain, est lui aussi insoutenable par sa manière de se présenter comme un représentant de Dieu. Adam Palka lui prête un jeune timbre de basse d’une grande noblesse qui se renforce au cours de la représentation. Cette couleur subtilement fumée est parfaite pour suggérer la destinée funèbre qui attend l’héroïne.

Enfin, les rôles secondaires ont tous une personnalité bien démarquée, Eric Huchet qui tire sur le portrait de caractère pour Normanno, Thomas Bettinger qui donne un faux charme à Lord Arturo Bucklaw, personnage tout à fait inconsistant, et Julie Pasturaud qui fait résonner en Alisa de beaux graves bien corsés.

Aziz Shokhakimov

Aziz Shokhakimov

Pour sa première dans la fosse Bastille, le jeune chef d’orchestre ouzbek Aziz Shokhakimov, nouveau directeur musical de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg depuis la saison 2021/2022, imprime un style tonique qui marie harmonieusement les timbres des vents, cordes et percussions afin de préserver un éclat luxueux à la matière sonore. Le lyrisme des instruments solistes est superbement mis en valeur (hédonisme des accords de harpe, délié nostalgique du hautbois) dans un esprit sensuel et attentif qui veille à la cohésion d’un ensemble où les chœurs bien chantants représentent la société oppressive dominante tapie dans les hauteurs en attendant le drame.

Javier Camarena et Brenda Rae (Répétition générale)

Javier Camarena et Brenda Rae (Répétition générale)

Bien mieux qu’une œuvre qui ne serait que prétexte à exhalations belcantistes, cette production de ‘Lucia di Lammermoor’, confiée à des interprètes signifiants, démontre totalement sa portée universelle, sous une forme qui accentue l'effet glaçant d'un système de négation de la liberté féminine poussée à son extrême.

Eric Huchet, Javier Camarena, Aziz Shokhakimov, Ching-Lien Wu (cheffe des chœurs), Brenda Rae et Mattia Olivieri

Eric Huchet, Javier Camarena, Aziz Shokhakimov, Ching-Lien Wu (cheffe des chœurs), Brenda Rae et Mattia Olivieri

Complément du 28 février 2023 : à l'issue de la représentation du 28 février 2023 jouée devant une salle pleine, Javier Camarena, pourtant annoncé souffrant, ce qui se ressentait peu, et Brenda Rae ont reçu un accueil dithyrambique de la part du public après une incarnation poignante et d'un formidable raffinement vocal.

 Javier Camarena et Brenda Rae au rideau final de Lucia di Lammermoor, le mardi 28 février 2023.

Javier Camarena et Brenda Rae au rideau final de Lucia di Lammermoor, le mardi 28 février 2023.

Voir les commentaires

Publié le 31 Janvier 2023

Peter Grimes (Benjamin Britten – 7 juin 1945 - Sadler’s Well Theater, Londres)
Répétition générale du 23 janvier et représentations du 26 janvier et 07 février 2023
Palais Garnier

Peter Grimes Allan Clayton
Ellen Orford Maria Bengtsson
Captain Balstrode Simon Keenlyside
Auntie Catherine Wyn-Rogers
First Niece Anna-Sophie Neher
Bob Boles John Graham-Hall
Swallow Clive Bayley
Mrs. Sedley Rosie Aldridge
Reverend Horace Adams James Gilchrist
Ned Keene Jacques Imbrailo
Hobson Stephen Richardson

Direction musicale Alexander Soddy
Mise en scène Deborah Warner (2021, Madrid)

Coproduction avec le Teatro Real, Madrid, le Royal Opera House Covent Garden, Londres et le Teatro dell'Opera, Rome
Diffusion le 25 février à 20 h sur France Musique dans le cadre de l’émission « Samedi à l’Opéra », présentée par Judith Chaine.

Compositeur privilégié d’Hugues Gall, le directeur de l’Opéra de Paris de 1995 à 2004 qui représenta trois séries de ‘Billy Budd’ et deux séries de ‘Peter Grimes’ au cours de son mandat, Benjamin Britten n’avait plus été programmé qu’une seule fois par la suite, à l’occasion d’une reprise de ‘Billy Budd’, sous la direction de Nicolas Joel.

Une nouvelle production de ‘Death in Venice’ sera par la suite annulée, et la production de ‘Billy Budd’ par Deborah Warner, un temps programmée par Stéphane Lissner, fut, elle aussi, supprimée.

Allan Clayton (Peter Grimes)

Allan Clayton (Peter Grimes)

Le retour de ‘Peter Grimes’ à l’Opéra de Paris est donc un immense évènement qui traduit le volontarisme de son nouveau directeur, Alexander Neef, afin d’ouvrir plus largement le répertoire aux compositeurs anglo-saxons.

Cette reprise de la production créée à Madrid en avril 2021 permet d’accueillir, pour la première fois sur la grande scène lyrique nationale, une metteuse en scène britannique bien connue en Europe, Deborah Warner.

Elle est cependant loin d’être inconnue à Paris, puisqu’elle y fit ses débuts en 1989 avec ‘Titus Andronicus’ de Shakespeare au Théâtre des Bouffes du Nord, puis avec ‘King Lear’ joué au Théâtre de l’Odéon en 1990.

Plus récemment, l’Opéra Comique programma en 2012 sa version de ‘Didon et Enée’ d’Henry Purcell, et le Théâtre des Champs-Elysées présenta son interprétation de ‘La Traviata’ en 2018.

Clive Bayley (Swallow), Allan Clayton (Peter Grimes) et le choeur de villageois

Clive Bayley (Swallow), Allan Clayton (Peter Grimes) et le choeur de villageois

S’emparer d’un sujet aussi sombre que celui de ‘Peter Grimes’, c’est à la fois revenir au thème de la marginalité qu’elle avait abordé à travers sa première mise en scène d’opéra, ‘Wozzeck’, jouée au Grand Théâtre de Leeds en 1993, qu’évoquer Alban Berg pour lequel Benjamin Britten nourrissait une vive admiration – il entendra en intégralité ‘Wozzeck’, en 1934, lors d’une retransmission radiophonique -.

On retrouve au cours de ces tableaux le sens de l’épure, mais aussi le goût pour le réalisme, de Deborah Warner dans cette production qui souligne l’immense solitude du héros et l’ombre d’une malédiction qui plane sur lui.

L'apprenti et Maria Bengtsson (Ellen)

L'apprenti et Maria Bengtsson (Ellen)

La première image, fort belle, le représente dormant seul au centre d’un large espace vide, surplombé par une barque qui pourrait évoquer un cercueil, mais surtout la fin tragique à laquelle il est prédestiné. La communauté environnante est, elle, constamment animée dans des zones d'ombre, au premier et dernier acte.

Les lumières bleu-vert stylisées, plus intenses à l’horizon, décrivent une vision éthérée du temps et de l’espace, mais la maison de cet être solitaire n’est qu’un éparpillement de restes d’embarcations disparates, jonchant une scène en pente, ouvertement mise à nue.  A contrario, les villageois se retrouvent au second acte dans une taverne enfoncée dans le sol, tous parqués à l’avant-scène devant une façade qui les abrite de l'extérieur, et où une unique porte permet des entrées précipitées.
Peter Grimes (Clayton Bengtsson Keenlyside Soddy Warner) Opéra de Paris

Enfin, en fond de scène, une toile aux légers reflets irisés offre la vision d’une vue sur la mer prise depuis les hauteurs d’une falaise. L'évocation reste symbolique, et ne met pas l'accent sur l'atmosphère marine et mouvementée de ces côtes tumultueuses, probablement pour donner plus d'impact à la violence intérieure nourrie par la population, le véritable danger en ce lieu.

Deborah Warner fait ainsi vivre les relations entre individus avec un grand sens du détail et de l’interaction vivante afin de montrer toutes les facettes, peu reluisantes, de ce peuple qui juge et veut la perte de Grimes. Leur rapport à Dieu est dominé par la peur - une petite pancarte le rappelle -, et ces gens apparaissent comme ayant inconsciemment besoin de trouver un bouc émissaire pour se laver de leurs propres travers.

Simon Keenlyside (Balstrode) et Allan Clayton (Peter Grimes)

Simon Keenlyside (Balstrode) et Allan Clayton (Peter Grimes)

La scène la plus marquante se déroule au dernier acte où tous s'excitent, lors d'un rituel païen, à détruire un mannequin fabriqué à l'image de Peter Grimes, afin d'évacuer leur propre violence. C'est d'ailleurs au cours de ce même tableau de lynchage que la sensualité de plusieurs jeunes hommes - torses nus - est exaltée. A contrario, la scène où ce solitaire s'emporte face à Ellen est montrée comme un geste brusque et impulsif qui propulse la maîtresse d'école à terre. Le geste est simplement accidentel.

'Peter Grimes' est donc bien une dénonciation du conformisme et de l'hypocrisie sociale, mais Deborah Warner n'oublie pas de mettre en avant la question du devenir de l'enfant orphelin. Sa mise en scène sollicite les plus profonds sentiments pour le jeune garçon balloté dans cet univers trop préoccupé par ses propres névroses pour s'intéresser aux plus démunis.
Une telle force de caractérisation ne peut s'incarner qu'une fois confiée à de grands artistes, et tous, sans exception, participent à cette immense réussite.

Peter Grimes (Clayton Bengtsson Keenlyside Soddy Warner) Opéra de Paris

Allan Clayton, qui est attaché à cette production depuis sa création à Madrid et sa reprise à Londres, est absolument lumineux, tendre et irradiant de finesse, comme s'il était doué pour révéler la pureté d'âme mêlée à la rudesse de Peter Grimes. Confronté à la voix agréablement ouatée, et d'une parfaite homogénéitée, de Maria Bengtsson, ils tendent tous deux à souligner les qualités mozartiennes de l'écriture de Benjamin Britten, ce que la direction souple et raffinée d'Alexander Soddy ne fait que renforcer. 

Le chef d'orchestre britannique maintient tout au long de la représentation une atmophère intime et chambriste qui attire l'auditeur dans un univers soyeux et superbement ouvragé, où la noirceur mystérieuse des interludes ne se départit jamais d'un art du raffinement merveilleusement enjôleur. L'orchestre ne prend d'ailleurs pas le dessus sur les solistes et les choristes, ces derniers étant à l'unisson de l'esprit envoutant choisi pour cette interprétation.

Maria Bengtsson (Ellen) et l'apprenti

Maria Bengtsson (Ellen) et l'apprenti

Fascinant par sa retenue et la profondeur de sa présence, Simon Keenlyside, qui fut un inoubiable Wozzeck à Bastille, il y a 15 ans, prête au Capitaine Balstrode de la sagesse, un charisme vocal d'une grande maturité, et une aura humaniste fort touchante, même s'il devra suggérer au pêcheur, acculé par les villageois, de préférer prendre la mer et de couler sa barque. On verra ainsi Grimes, résigné, s'enfoncer lentement dans la mer.

Simon Keenlyside (Balstrode)

Simon Keenlyside (Balstrode)

Parmi les autres caractères, on retrouve John Graham-Hall en Bob Boles, lui qui incarna un inoubliable Aschenbach à La Monnaie de Bruxelles, en 2009, dans la production de 'Death in Venice' de Deborah Warner, avec un timbre dorénavant oscillant mais toujours expressif, et Jacques Imbrailo, qui rehausse le naturel grossier de Ned Keene par un chant séduisant et très naturel.

Allan Clayton

Allan Clayton

La cohésion scénique de l'ensemble de la distribution se prolonge avec une vérité démonstrative à travers les interprétations de Catherine Wyn-Rogers (Auntie), Rosie Aldridge, terrible en Mrs Sedley Bayley, les deux nièces qui se ressemblent par Anna-Sophie Neher et Ilanah Lobel-Torrez, le jeu de Clive Bayley qui n'éprouve aucune hésitation à dépeindre le ridicule de Swallow, et enfin James Gilchrist et Stephen Richardson, eux-aussi très convaincants.

Ching-Lien Wu (cheffe des choeurs)

Ching-Lien Wu (cheffe des choeurs)

Avec la disparition indifférente de Peter Grimes à la toute fin, réapparait pour la dernière fois, et poétiquement, son obsession pour la jeunesse des apprentis qui ont tous disparu, à travers un acrobate se muant avec légèreté dans les airs. Deborah Warner sait offrir aux jeunes artistes des occasions pour animer avec talents ses productions, et après un tel accueil du public et des professionnels pour ce poignant 'Peter Grimes', reprendre en ce même lieu celle de 'Billy Budd' par la même metteuse en scène, primée en 2018, semble aller de soi, tant le succès et la reconnaissance de tous sont assurés.

Alexander Soddy, Deborah Warner, Allan Clayton et l'apprenti

Alexander Soddy, Deborah Warner, Allan Clayton et l'apprenti

Voir les commentaires

Publié le 22 Janvier 2023

Il Trovatore (Giuseppe Verdi – 19 janvier 1853, Teatro Apollo de Rome)
Répétition générale du 18 janvier et représentation du 14 février 2023
Opéra Bastille

Il Conte di Luna Etienne Dupuis
Leonora Anna Pirozzi
Azucena Judit Kutasi
Manrico Yusif Eyvazov
Ferrando Roberto Tagliavini
Ines Marie-Andrée Bouchard-Lesieur
Ruiz Samy Camps
Un vecchio Zingaro Shin Jae Kim
Un messo Chae Hoon Baek

Direction musicale Carlo Rizzi
Mise en scène Alex Ollé (2015)
Collaboration à la mise en scène Valentina Carrasco

Coproduction avec De Nationale Opera, Amsterdam et le Teatro dell’Opera, Roma

Initialement programmée en janvier 2021, la reprise d’’Il Trovatore’ a du être décalée de deux ans, si bien que c’est exactement 170 ans après sa création au Teatro Apollo de Rome, théâtre situé le long de la rive du Tibre, face au Château Saint-Ange, que la scène Bastille peut à nouveau l’accueillir.

Yusif Eyvazov (Manrico Yusif) et Anna Pirozzi (Leonora)

Yusif Eyvazov (Manrico Yusif) et Anna Pirozzi (Leonora)

Il s’agit d’une œuvre d’une très grande mélancolie qui traduit probablement avec finesse les sentiments qu’éprouvait Giuseppe Verdi à un moment où il venait de perdre son père, puis Salvatore Cammarano, le librettiste qui était chargé de mettre en vers le drame du poète espagnol Antonio García Gutiérez.

Le contexte de crise de succession au trône qui agitait l’Aragon au début du XVe siècle n’est ici qu’une toile de fond pour expliquer l’opposition entre le Conte de Luna et le clan de Manrico, officier de l’armée de Jacques Urgel, les deux hommes étant opposés pour l’amour de Leonora, tout en ignorant qu’ils sont liés par un passé sordide dont la gitane Azucena détient la vérité.

Anna Pirozzi (Leonora)

Anna Pirozzi (Leonora)

Respectant la dramaturgie intime de cette histoire, le metteur en scène Alex Ollé situe toutefois l'action cinq cent ans plus tard, en pleine première Guerre Mondiale. Cette approche n’avait pas particulièrement convaincu lors de sa création en 2015, mais dans le contexte de guerre que nous connaissons aujourd’hui en Europe, ces images de blocs massifs qui s’élèvent au dessus de tombes surmontées de croix ont de quoi nous toucher plus profondément. On pourrait ainsi identifier Luna à une sorte de despote qui cherche à éliminer un peuple frère.

Par ailleurs, le travail sur les éclairages est fort beau et crée des lignes de niveaux et des reflets qui s’étendent à l’infini par un habile jeu de glaces réfléchissantes, révélant un véritable sens de l’esthétique visuelle à travers des ambiances constamment nocturnes allant du bleu nuit au vert lugubre, en passant par des lueurs orangées crépusculaires qui décrivent l’univers de flammes dans lequel baigne Azucena.

Judit Kutasi (Azucena)

Judit Kutasi (Azucena)

Cette reprise soignée, qui mêle tension dramatique et douceur, est interprétée ce soir par une distribution aux couleurs vocales d'une très grande force expressive, à commencer par Anna Pirozzi qui fait à nouveau grande impression après sa série de ‘Force du destin’ chantée un mois plus tôt sur les mêmes planches. Elle a quelque chose dans le timbre de la voix qui la rend immédiatement touchante et entière, une excellente diction, très nette, qui traduit avec force l’urgence du cœur, un rayonnement généreux qui se déploie intensément et soudainement dans les aigus, des notes filées plus couvertes, et des résonances corsées aux teintes claires.

Anna Pirozzi (Leonora)

Anna Pirozzi (Leonora)

Il est également très agréable d’admirer la souplesse de sa gestuelle dans les airs mélodieux qu’elle accompagne d’un même mouvement coulant. En quelques semaines, cette artiste qui a débuté sa carrière tardivement, à plus de 30 ans, comme le ténor Marcelo Alvarez, est en train de s’allier le cœur de nombres de lyricomanes parisiens par sa manière de dépeindre avec beaucoup de sincérité deux beaux portraits de deux Leonora bien différentes, l’une plus tragique, et la seconde plus belcantiste.

Judit Kutasi (Azucena) et le chœur

Judit Kutasi (Azucena) et le chœur

Il a le rôle du méchant, mais il l’interprète avec grand style et un chant qui s’emplit d’un feu viril saisissant, Etienne Dupuis porte le Comte de Luna avec une autorité animale racée. Il a l’étoffe de la noblesse, une qualité de timbre très homogène qui mêle élégance et noirceur dangereuse, et une assurance de jeu qui lui donne un charme très naturel.

Issue de la scène zurichoise, la mezzo-soprano roumaine Judit Kutasi est également un personnage accrocheur de ce spectacle, car elle possède une somptueuse couleur de voix avec des graves d’un rare velours. Son sens dramatique fait sensation, et elle laisse percer une sorte de chaleur maternelle qui incite instinctivement à la compassion.

Etienne Dupuis (Il Conte di Luna)

Etienne Dupuis (Il Conte di Luna)

Quant à Yusif Eyvazov, il démontre à nouveau ses capacités d’endurance et son aisance à manier les tensions de Manrico, même si les coloris du timbre en brossent un personnage assez abrupt, et c’est donc ce caractère vaillant et vigoureux qui s’impose immédiatement, plutôt que le côté séducteur et sensible de l’officier qui est en guerre contre Luna.

Les autres rôles sont tous très bien rendus, comme le Ferrando posé et très humain de Roberto Tagliavini, ou la belle prestance de Marie-Andrée Bouchard-Lesieur en Ines, la confidente de Leonora.

Judit Kutasi (Azucena)

Judit Kutasi (Azucena)

Carlo Rizzi a visiblement choisi de mettre au premier plan la présence des solistes. La fosse d’orchestre abaissée lui permet de conduire une lecture qui sous-tend l’action dramatique avec fluidité, et qui privilégie la nature mélodique de la musique. La souplesse et la douceur de luminosité prédominent. Le chœur s’inscrit par ailleurs dans ce même esprit, fervent et contrôlé.

Etienne Dupuis, Judit Kutasi, Anna Pirozzi et Yusif Eyvazov

Etienne Dupuis, Judit Kutasi, Anna Pirozzi et Yusif Eyvazov

Un temps éclipsé du répertoire de l’Opéra de Paris au cours des années 80 et 90, ‘Il Trovatore’ a ainsi retrouvé les faveurs du public, et fait dorénavant partie des 15 titres les plus joués de l’institution.

Voir les commentaires

Publié le 19 Janvier 2023

Tristan und Isolde (Richard Wagner - 1865, Munich)
Représentations du 17 janvier et du 04 février 2023
Opéra Bastille

Isolde Mary Elizabeth Williams
Tristan Michael Weinius
Brangäne Okka von der Damerau
Kurwenal Ryan Speedo Green
König Marke Eric Owens
Melot Neal Cooper
Ein Hirt, ein Seeman Maciej Kwaśnikowski
Der Steuermann Tomasz Kumiega

Direction musicale Gustavo Dudamel
Mise en scène Peter Sellars (2005)
Corps terrestres Jeff Mills et Lisa Rhoden, John Hay et Sarah Steben
Vidéo Bill Viola

En collaboration avec la Los Angeles Philharmonic Association et le Lincoln Center for the Performing Arts

Spectacle emblématique de la première saison de Gerard Mortier en 2005, qui réunissait Ben Heppner et Waltraud Meier sous la direction d’Esa-Pekka Salonen, ce ‘Tristan und Isolde’ novateur par l’importance donnée à la technologie vidéographique de Bill Viola n’aurait pas dû se poursuivre au-delà de 2009, car ses droits de diffusion étaient initialement limités. 

Finalement, Nicolas Joel, Stéphane Lissner, et dorénavant Alexander Neef, ont eu l’occasion de le reprendre, ce qui lui aura donné une longévité de 18 ans. 

Mary Elizabeth Williams (Isolde) et Michael Weinius (Tristan)

Mary Elizabeth Williams (Isolde) et Michael Weinius (Tristan)

Le pouvoir évocateur de ces images alliées à la musique est imparable, que ce soit la scène des cierges dans une lueur d’ambre, les flots où s’engouffrent les corps des amants, la dilution des formes, le voyage vers les fonds marins selon les méandres orchestraux, et, bien sûr, l’embrassement d’un mur de feux devant lequel surgit une femme, suivi par l’ascension de Tristan qui se désincarne dans un océan de bleu.

Pour cette sixième série - la production aura atteint 46 représentations le 04 février 2023 -, la direction musicale est confiée à Gustavo Dudamel qui vient de diriger ce même ‘Tristan Project’ au Walt Disney Concert Hall de Los Angeles du 09 au 17 décembre 2022, là où il fut créé en décembre 2004, la mise en scène de Peter Sellars étant originalement conçue pour l’Opéra national de Paris.

Okka von der Damerau (Brangäne), Michael Weinius (Tristan) et Elizabeth Williams (Isolde)

Okka von der Damerau (Brangäne), Michael Weinius (Tristan) et Elizabeth Williams (Isolde)

L’interprétation est très différente de celle de Salonen, tant la vigueur et la clarté théâtrale prédominent. Des cuivres explosifs au son compact et finement ciselés, des cordes où subsiste la sensation de la matière, une ligne dramaturgique vivante, et toujours une très belle rondeur lumineuse des vents bois, éloignent cette conception des visions plus sombres et profondes de ‘Tristan und Isolde’ où les tissures orchestrales s’évadent à l’infini.

Manifestement, ce retour au concret va de concert avec la manière dont Peter Sellars a retravaillé sa mise en scène. Ainsi, l’éclairage s’intensifie fortement sur l’action scénique afin de créer un meilleur équilibre avec les vidéos, et les personnages jouent de manière plus réelle et manifeste, avec une expression de geste plus directe. 

L’invitation au rêve symbolique et idéalisant que représente l’œuvre s’estompe subtilement afin de raconter ce drame de façon plus humaine. Une des forces de ce travail réside dans la manière de faire intervenir Brangäne, le marin et le berger, Kurwenal ainsi que les cors et le chœur depuis les galeries de l’opéra Bastille, le spectateur se sentant encerclé par les voix dont il peut aussi apprécier les timbres bruts.

Tristan und Isolde (Williams Weinius Dudamel Sellars) Opéra de Paris

La distribution réunie se soir se compose en grande partie des mêmes chanteurs invités à Los Angeles. Michael Weinius, Okka von der Damerau, Ryan Speedo Green et Eric Owens n’ont probablement pas eu besoin de trop répéter, puisqu’ils étaient du voyage Outre-Atlantique le mois dernier.

Michael Weinius, qui interprétait Erik dans la reprise du Vaisseau Fantôme’, la saison dernière, débute par une incarnation tendre et solide de Tristan. La clarté et la précision de diction prédominent, et la qualité de son timbre dans le médium lui permet d’offrir un Tristan sobre et bien chantant.

Toutefois, dans le troisième acte, les souffrances qu'endure Tristan s’expriment avec un relief insuffisamment marqué pour qu’elles soient aussi prégnantes que celles d’autres interprètes aux couleurs plus torturées, le pouvoir de l’orchestre et des images prenant ainsi le dessus.

Ryan Speedo Green (Kurwenal), Eric Owens (Le Roi Marke), Michael Weinius (Tristan), Mary Elizabeth Williams (Isolde), Neal Cooper (Melot)

Ryan Speedo Green (Kurwenal), Eric Owens (Le Roi Marke), Michael Weinius (Tristan), Mary Elizabeth Williams (Isolde), Neal Cooper (Melot)

Sa partenaire, Mary Elizabeth Williams, n’a abordé le rôle d’Isolde que tout récemment à l’opéra de Seattle en début de saison. Elle n’est pas inconnue de l’institution parisienne, puisqu’elle a remporté en 2003 le prix lyrique de l’Académie de l’Opéra de Paris dont elle était membre. 

D’emblée, c’est la tessiture puissante et aigüe qui est sollicitée, et le rendu en salle sonne d’un métal tranchant avec des couleurs très disparates. Le rendu psychologique est donc celui d’une femme fortement blessée, déstabilisée, fonctionnant à l’instinct, qui ne se recentre que dans les passages plus posés dans le médium où son timbre retrouve une pleine unité. Les nuances apaisées du Liebestod final l’illustrent pleinement, et elle ne lâche rien de l’aplomb avec lequel elle portera Isolde jusqu’au bout.

Cette interprétation écorchée, dénuée de sensualité mais non de sensibilité, a visiblement déplu à un certain public wagnérien dont la pénétrance des lâches huées a choqué d’autres spectateurs.

Mais le plus beau réside dans la réaction bien plus importante de ceux qui, notamment jeunes et situés dans les balcons, ont salué chaleureusement cette artiste, malgré toutes les réserves que l’on peut avoir, car ils représentent la part du public qui écoute autant avec son cœur qu’avec ses oreilles.

Cela prouve qu’entre un public cultivé, parfois rongé d'aigreurs, et un public de cœur, mieux vaut préférer le second.

Eric Owens (Le Roi Marke), Michael Weinius (Tristan) et Mary Elizabeth Williams (Isolde)

Eric Owens (Le Roi Marke), Michael Weinius (Tristan) et Mary Elizabeth Williams (Isolde)

Mais d’autres chanteurs faisaient aussi leurs débuts sur la scène parisienne, à commencer par Okka von der Damerau, bien connue de la scène munichoise, où elle incarnait Brangäne lors de la prise de rôle de Jonas Kaufmann dans la mise en scène de 'Tristan und Isolde' par  Krzysztof Warlikowski, et de Bayreuth où elle fut une splendide Erda l’été dernier. Largeur vocale aux reflets cuivrés, rayonnement crépusculaire intense, elle accentue la personnalité charnelle de la servante d’Isolde, et représente une forme de sagesse maternelle supérieure.

Un autre artiste attaché au New-York Metropolitan Opera depuis 15 ans, Eric Owens, apparaît pour la première fois à Bastille, dans le rôle du Roi Marke. On assiste aux pleurs monolithiques d’un père lorsqu’il se trouve auprès de Tristan, très émouvants par leur noirceur bienveillante, et non aux reproches d’un roi autoritaire, froid et dominant. Il se situe ainsi sur le même plan que Tristan, avec presque trop d’humilité.

Très expressif au jeu théâtral consistant, le Kurwenal de Ryan Speedo Green est très impliqué, avec un chant percutant, comme si il était l’ami qui secoue fortement ce Tristan qui ne semble pas réagir aux dangers de situation. 

Maciej Kwaśnikowski, Ryan Speedo Green, Eric Owens, Mary Elizabeth Williams, Gustavo Dudamel, Michael Weinius, Okka von der Damerau, Neal Cooper, Tomasz Kumiega

Maciej Kwaśnikowski, Ryan Speedo Green, Eric Owens, Mary Elizabeth Williams, Gustavo Dudamel, Michael Weinius, Okka von der Damerau, Neal Cooper, Tomasz Kumiega

Et les rôles secondaires sont très bien tenus par Neal Cooper, déjà Melot lors de la dernière reprise, Tomasz Kumiega en pilote, et Maciej Kwaśnikowski qui donne beaucoup de personnalité, avec une belle assurance, au berger et au jeune marin, d’autant plus qu’il est magnifiquement mis en valeur par ses deux apparitions situées en galeries.

Il s'agit ainsi d'une version attachante par la diversité des réactions qu’elle suscite dans la salle, et qui tend même à démystifier Wagner.

Gustavo Dudamel et Peter Sellars

Gustavo Dudamel et Peter Sellars

Voir les commentaires

Publié le 1 Janvier 2023

Le Lac des Cygnes (Tchaïkovski – Bolshoi de Moscou, 4 mars 1877) 
Représentations du 22 et 31 décembre 2022
Opéra Bastille
Première historique le 15 octobre 1964 à l’Opéra de Vienne 
Production remaniée pour le ballet de l’Opéra National de Paris le 20 décembre 1984

Odette/Odile Valentine Colasante
Le Prince Siegfried Paul Marque
Rothbart Jérémy-Loup Quer
La Reine Lucie Fenwick 
Le pas de trois Bianca Scudamore
                        Naïs Duboscq
                        Andrea Sarri

Chorégraphie de Rudolf Noureev 
d’après Marius Petipa et Lev Ivanov
Décors Ezio Frigerio
Costumes Franca Squarciapino
Lumières Vinicio Cheli
Orchestre de l’Opéra national de Paris
Direction musicale Vello Pähn

 

 

Le 'Lac des cygnes' est la première musique de ballet commandée à Tchaïkovski. Elle fut donnée pour la première fois au Théâtre Bolchoï de Moscou le 4 mars 1877 dans une chorégraphie de Julius Wenzel Reisinger
La création véritable du 'Lac des cygnes' dans la chorégraphie de Marius Petipa et Lev Ivanov – devenue la version de référence – date cependant du 27 janvier 1895, soit deux ans après la disparition du compositeur. 

Paul Marque (Siegfried) et Valentine Colasante (Odette)

Paul Marque (Siegfried) et Valentine Colasante (Odette)

Comme pour 'La Belle au bois dormant', ce sont les Ballets Russes de Diaghilev qui montrèrent pour la première fois – à Londres, en 1911 – la version de Petipa-Ivanov revue par Fokine, avec Mathilda Kschessinksa et Vaslav Nijinski
Le 'Lac des cygnes', dans sa version intégrale, n’entrera d’ailleurs au répertoire du Ballet de l’Opéra de Paris qu’en 1960, dans la version de Vladimir Bourmeister que le Théâtre du Châtelet avait accueilli en 1956.

Jérémy-Loup Quer (Rothbart) et Paul Marque (Siegfried)

Jérémy-Loup Quer (Rothbart) et Paul Marque (Siegfried)

Quand Noureev entreprend sa propre version de l’ouvrage intégral (créée en octobre 1964 à l’Opéra de Vienne), il se base sur la chorégraphie de Marius Petipa et Lev Ivanov, étoffe le rôle du Prince, et surtout développe sa psychologie par des fantasmes qui l’entraînent à sa perte, en courant éperdument après l’illusion d’une femme-cygne. Il ajoute également au premier acte une variation pour Siegfried sur la musique de l’adante sostenuto du pas-de-trois.

Valentine Colasante (Odette)

Valentine Colasante (Odette)

Vingt ans plus tard, il améliore à nouveau cette version à l’occasion de son entrée au Palais Garnier, le 20 décembre 1984, en renforçant le personnage de Rothbart dans le pas de trois du troisième acte, et dans le duo final avec le Prince. L’éclairage est également mis sur la ‘Danse des coupes’ du premier acte interprétée uniquement par 16 garçons dont l’esprit de liberté inspire Siegfried.

Pour cette première, Charles Jude remplace Rudolf Noureev, souffrant d’une fatigue musculaire.

Paul Marque (Siegfried)

Paul Marque (Siegfried)

Enfin, après un bref retour de la version Bourmeister à l’Opéra Bastille en 1992, la version Noureev est adaptée au vaste espace de cette scène et connaît une première resplendissante le 09 décembre 1994 avec Charles Jude en Prince.

A cette occasion, José Martinez incarne pour la première fois ce noble romantique lors de deux soirées, à l’âge de 25 ans.

Paul Marque (Siegfried) et Jérémy-Loup Quer (Rothbart)

Paul Marque (Siegfried) et Jérémy-Loup Quer (Rothbart)

25 ans, c’est aussi l’âge de Paul Marque qui incarne le Prince en ce soir de Réveillon du Nouvel An 2023. L’unique danseur étoile prévu pour cette reprise est absolument magnifique, mû par une douceur caressante qui insuffle tous ses gestes, y compris en fin de soubresauts ou bien lorsqu’il relève les cygnes un par un au dernier acte. 

Paul Marque (Siegfried)

Paul Marque (Siegfried)

Très bel artiste à l’élégance classique d’une harmonie très émouvante, ses tours en l’air s’achèvent avec un panache splendide et toujours avec une souplesse de mouvement qui touche au cœur tant il porte en lui l’inspiration romantique dont il a toujours rêvé.

Audace et poésie, Paul Marque fait honneur à l’esprit ce de grand ballet auquel il unit une vitalité mélancolique poignante.

Paul Marque (Siegfried) et Valentine Colasante (Odile)

Paul Marque (Siegfried) et Valentine Colasante (Odile)

Le duo qu’il forme avec Valentine Colasante est d’une très grande maturité, et il règne entre eux-deux, dans la rencontre au bord du Lac, une attention à la subtilité des signes et aux traits de douceurs qui rend très humaine leur relation idéalisée. Mouvements des bras à la légèreté gracieuse, sentiment d’intériorité très marqué, la danseuse étoile aux origines italiennes fait vivre un vrai portrait de femme très concentrée, sûre de sa technique et de la profondeur qu’elle exprime.

Jérémy-Loup Quer (Rothbart) et Paul Marque (Siegfried)

Jérémy-Loup Quer (Rothbart) et Paul Marque (Siegfried)

Il est alors passionnant de voir comment ce naturel se transforme, dans le rôle du Cygne noir, en tempérament joueur, plus virtuose et athlétique, et comment elle s’allie au personnage de Rothbart pour entrer dans un rôle de séduction provocante, mais sans introduire une rupture trop nette entre ses deux personnalités de femmes. Lorsqu’elle est Odile dans les bras de Siegfried, on retrouve aussi un vrai personnage entier et éclatant. Mais le grand éclat de rire dans un impressionnant mouvement de courbure est impitoyable pour le Prince.

Jérémy-Loup Quer (Rothbart)

Jérémy-Loup Quer (Rothbart)

Avec son allure très effilée, Jérémy-Loup Quer, tout juste nommé premier danseur en novembre dernier, impressionne par la célérité de sa danse, notamment dans le grand pas de trois du troisième acte. Sous ses traits, Rothbart est d’une grande jeunesse, et c’est donc le faux-ami du Prince qui est ici mis en avant. Car ce personnage complexe intègre de nombreuses facettes construites au fur et à mesure que Rudolf Noureev a développé sa chorégraphie. Il peut apparaître comme une figure paternaliste dominante, ou comme un être au caractère aiguisé avec des lignes de fuites très aériennes tel que le dessine ce jeune danseur gracile.

La danse des coupes

La danse des coupes

Mais le ‘Lac des Cygnes’ c’est aussi des danses entraînantes, polonaise, mazurka, valse, très bien rendues par le corps de ballet, avec beaucoup d’allant, des ensembles de cygnes aux grandes gestes synchronisés et qui inspirent un très grand sentiment de sérénité dans une lueur bleutée prégnante, ainsi que des pas de trois où Andrea Sarri se fait remarquer par sa robustesse et la solidité de sa technique qui lui permettent une impétuosité alerte fort accrocheuse.

Andrea Sarri

Andrea Sarri

Il y a exactement 30 ans que Vello Pähn a dirigé son premier ‘Lac des Cygnes’, version Bourmeister, sur la scène Bastille. En ce soir de 31 décembre, il imprègne la musique d’un très agréable moelleux, sans perdre en tonicité, qui s’allie à merveille au duo formé par Paul Marque et Valentine Colasante. Très attentif aux nuances, au mariages des teintes cuivrées et des cordes, sa lecture draine un éclat crépusculaire d’une grande profondeur sur une rythmique mesurée. 

Paul Marque (Siegfried) et Valentine Colasante (Odette)

Paul Marque (Siegfried) et Valentine Colasante (Odette)

Les cors sont légèrement couverts, les vents subliment la poésie qui émane de la délicatesse des danseurs solistes, et il y a aussi ce magnifique passage du premier violon, aux vibrations irrésistiblement déchirantes qui se muent ensuite en une brillante virtuosité céleste. Un frémissement inoubliable, qui montre comment ce grand spectacle livré aux mains de grands artistes peut préserver toute sa force émotionnelle à travers des décennies. 

Jérémy-Loup Quer (Rothbart), Paul Marque (Siegfried) et Valentine Colasante (Odette)

Jérémy-Loup Quer (Rothbart), Paul Marque (Siegfried) et Valentine Colasante (Odette)

Charles Jude expliquait ainsi, en 1997, qu’il avait considéré dès le départ que la version du ‘Lac des Cygnes’ de Rudolf Noureev était la meilleure – il ne faut pas oublier qu’en 1984 certains artistes ne croyaient pas qu’elle pourrait s’imposer face à la version Bourmeister -, et le temps lui donne aujourd’hui à nouveau raison avec une évidence incontestable.

La salle de l'Opéra Bastille à l'issue de la représentation du 31 décembre 2022

La salle de l'Opéra Bastille à l'issue de la représentation du 31 décembre 2022

Voir les commentaires