Publié le 25 Décembre 2011
La Flûte enchantée (Wolfgang Amadeus Mozart)
Représentation du 22 décembre 2011
Théâtre des Champs Elysées
Tamino Topi Lehtipuu
Pamina Sandrine Piau
Papageno Markus Werba
Papagena Emmanuelle De Negri
La Reine de la Nuit Jeanette Vecchione
Première Dame Claire Debono
Deuxième Dame Juliette Mars
Troisième Dame Elodie Méchain
Sarastro Ain Anger
Monostatos Steven Cole
Prêtres/Hommes d'armes Renaud Delaigue
Alexander Swan
L'Orateur Robert Gleadow
Premier génie Roland de la Fresnaye
Deuxième génie Gabriel Lobao
Troisième génie Antoine Erguy
Direction musicale Jean Christophe Spinosi
Ensemble Matheus
Mise en scène William Kentridge
Production du Théâtre de la Monnaie (2005)
Il y a un peu plus d'un an, la Galerie nationale du Jeu de Paume dédia ses espaces à la première rétrospective en France de l'œuvre de William Kentridge. On pouvait y voir des dessins, des gravures, et surtout un théâtre en miniature qui permettait de faire des essais de projections vidéographiques. Le public pouvait ainsi assister à un montage de La Flûte enchantée pendant une dizaine de minutes, si je me souviens bien.
A la fois plasticien et metteur en scène, cet artiste sud-africain est fasciné par l’iconographie égyptienne - un ouvrage lui est d’ailleurs consacré « William Kentridge - Carnets d’Egypte » édité chez DILECTA -, sensibilité qui croise avec évidence un des thèmes de La Flûte enchantée. On retrouve donc des images de temples et de Pyramides, et l’Oeil de la providence qui lui permet de rapprocher l’iconographie de la franc-maçonnerie, thème présent dans l’opéra de Mozart, d’un autre thème qui, lui, est introduit comme un message politique qui s’immisce dans la scénographie : les intentions destructrices de la colonisation cachées derrière les apparences humanistes de l’esprit des Lumières.
Ce spectacle mêle, avec comme support les animations noir et blanc tracées au fusain et chères à Kentridge, les harmonies des astres du système solaire, des cieux étoilés, des paysages exotiques merveilleux, tels que notre subconscient les imagine dans La Flûte, avec des costumes et des vidéographies qui évoquent l’époque coloniale de la fin du XIXème siècle.
On est ainsi balancé entre rêve et prise de conscience, si bien que l’on ne sait plus dans quel état d’esprit en ressortir précisément, même si l’enchantement musical l’emporte au final.
Jean Christophe Spinosi fait partie de ces rénovateurs qui osent faire vivre la musique avec liberté, et son Cosi fan Tutte, dans les lieux mêmes du Théâtre des Champs Elysées, avait relativement partagé la critique. Sandrine Piau (Pamina)
L’ensemble Matheus paraît pourtant moins vif et dense qu’à son habitude, bien que le chef d’orchestre mette de l’attention au soutien des chanteurs comme on ne l’a pas toujours vu faire.
L’interprétation est également parcourue de motifs très saillants - les longs accords qui accompagnent le premier air de la Reine de la nuit-, de furtives mélodies développées qui mettent en valeur les couleurs de tel ou tel instrument, un chatoiement d’ensemble qui participe à un climat feutré, poétique, et un peu renfermé.
On entend enfin plein de petites variations musicales qui surprennent, avec plaisir, l’oreille.
Cette orientation musicale a pour atout d’être bien adaptée à une distribution dont la finesse du chant l’emporte sur l’ampleur vocale.
Ainsi, l’allure romantique de Topi Lehtipuu s’allie à un timbre compact et légèrement accentué, Markus Werba livre avec aisance un Papageno optimiste, très agréable, au mordant contenu, et Ain Anger investit un Sarastro simple et solide.
Bien qu’elle n’ait que deux airs à chanter, la Reine de la Nuit est un personnage toujours très attendu. Au premier abord, la très modeste largeur vocale de Jeanette Vecchione en réduit la personnalité, mais elle réalise une telle prouesse technique en nous faisant entendre des ornementations inédites, qu’elle prend l'allure d'une représentation en miniature de cet être surnaturel, comme dans un monde pour enfants.
Mozartienne idéale et touchante, Sandrine Piau est tout simplement le cœur poétique de la soirée, la seule et entière lumière lorsqu’elle chantera « Ach, ich fühl’s » dans la pénombre de l’avant scène.
Steven Cole (Monostatos)
Parmi les seconds rôles, on remarque le Monostatos drôle, superbement joué et chanté avec une rare clarté par Steven Cole, ainsi que la belle présence de la Première Dame de Claire Debono,
Par ailleurs, Robert Gleadow impose un noble Orateur, à la fois suave et profond.
Quant aux trois jeunes garçons, Roland de la Fresnaye, Gabriel Lobao, Antoine Erguy, ils jouent brillamment la carte de l’aisance scénique, et se sortent honorablement, avec fraîcheur, de leur partie chantée.