Publié le 24 Décembre 2024

Visite de l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet avec l’Association pour le Rayonnement de l’Opéra de Paris (AROP) - 14 novembre 2024

Inauguré le 07 janvier 1883, l’Eden Théâtre était un grand théâtre, véritable palais du divertissement de style indien situé sur la rue Boudreau, à quelques pas du Palais Garnier, qui connut les premières parisiennes de ‘Lohengrin’ de Richard Wagner, le 03 mai 1887, d’’Ali Baba’ de Charles Lecocq, le 28 novembre 1889, et de ‘Samson et Dalila’ de Camille Saint-Saëns, le 31 octobre 1890.

Les artisans qui contribuèrent à l’édification du théâtre furent les mêmes que ceux qui participèrent à la construction du Palais Garnier, inauguré le 05 janvier 1875.

Entrée principale de l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet, square de l’Opéra

Entrée principale de l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet, square de l’Opéra

Mais cette salle, renommée successivement Théâtre Lyrique – il ne s’agit toutefois pas du célèbre Théâtre Lyrique dont la salle avait été détruite en 1871 – puis Grand Théâtre, ferma pour raisons économiques et fut démolie, hormis un de ses trois foyers qui marchait bien et qui avait été reconverti dès 1893 en un théâtre dédié à la musique et à la danse. 

Créations parisiennes de 'Lohengrin', 'Ali Baba' et 'Samson et Dalila' à l'Eden Théâtre

Créations parisiennes de 'Lohengrin', 'Ali Baba' et 'Samson et Dalila' à l'Eden Théâtre

D'une capacité d'environ 500 places, le théâtre prit le nom de Comédie Parisienne en 1893 – c’est ici que la pièce d’Oscar Wilde, ‘Salomé’, sera créée le 11 février 1896 -, puis fut à nouveau transformé en 1896, ce qui engendra notamment le déplacement de sa façade de style Art nouveau, parcourue de fleurs courbes d’inspiration féminine, du côté du square de l’Opéra afin de rendre son accès plus simple et plus intime.

Ce théâtre était l’un des premiers théâtres électrifiés de la capitale, le désastre de l’incendie de la salle Favart, le 25 mai 1887, ayant entraîné l’obligation de passer tous les théâtres à l’éclairage électrique.

A partir de 1899, Abel Deval y programma des œuvres de Tristan Bernard, Henry Bataille, Jean Richepin, Louis Verneuil, Robert de Flers et Arman de Caillavet.

Hall d'accueil de l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet

Hall d'accueil de l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet

En 1934, Louis Jouvet, acteur, metteur en scène mais aussi directeur de la Comédie des Champs-Élysées, reprit l’Athénée, renommé ainsi depuis l'inauguration de 1896, ce qui enclencha un changement de répertoire. Homme de théâtre complet, il travailla avec le peintre et décorateur Christian Bérard, ainsi que le couturier Christian Dior. Il sera le premier à utiliser de la musique enregistrée.

On lui doit la réalisation de l’actuel rideau de fer de la scène recouvert d’un très beau papier peint doré qui date de l’époque du directeur.

Il fit cependant un malaise lors d’une répétition, le 14 août 1951, et décéda deux jours plus tard au sein du théâtre. Les obsèques furent célébrées à l’église Saint-Sulpice le mardi 21 août, mais vingt mille admirateurs ne purent entrer dans la nef.

Visite des coulisses au cœur de l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet

Puis, en 1977, Pierre Bergé racheta et rénova le théâtre. Il créa les ‘Lundis musicaux’ pour accueillir de grandes voix lyriques, soit plus de 250 récitals avec des chanteurs tels Plácido Domingo, Luciano Pavarotti, Marilyn Horne, José van Dam, Teresa Berganza, Jessye Norman, Montserrat Caballé, Kiri Te Kanawa, Ruggero Raimondi, Felicity Lott, Barbara Hendricks, aventure exceptionnelle qui durera jusqu’en 1989.

C’est seulement en 2014 qu’Alphonse Cemin, ancien membre de l’Atelier lyrique de l’Opéra de Paris, décida de remonter les ‘Lundis musicaux’ pour accueillir des chanteur actuels.

Salle Louis-Jouvet

Salle Louis-Jouvet

Pierre Bergé créa également, à la place de l’ancienne réserve de costumes de Louis Jouvet située dans les combles, une petite salle de 90 places baptisée du nom de Christian Bérard.

Initialement dédiée à Yves Saint-Laurent pour qu’il puisse s’essayer à la mise en scène, cette salle est désormais destinée à des cycles de jeunes créations, et soutient notamment l’association ‘Prémisses’ qui accueille en 2024 des spectacles tels ‘La Cavale’ de Noham Selcer mis en scène par Jonathan Mallard, dont le monologue interprété par Ambre Febvre interroge l’origine de la peur ancestrale.

Chaque année, ce sont huit projets joués pour 10 représentations chacun qui sont présentés au public.

Salle Christian-Bérard

Salle Christian-Bérard

En 1982, Pierre Bergé revend cependant le théâtre pour 1 franc symbolique au Ministère de la culture qui en assurera la tutelle. Jack Lang confie la direction à Josyane Horville afin d’offrir un outil de travail aux compagnies subventionnées pour y produire du théâtre pur. Chaque metteur en scène aura la scène pour trois mois, et, au total, une centaine de compagnies seront invitées.

La salle Louis-Jouvet vue de la galerie

La salle Louis-Jouvet vue de la galerie

Puis, Josyane Horville laissa la place à Patrice Martinet en 1993 qui lança une importante campagne de travaux de 1996 à 1997. A cette occasion, fut révélée la présence d’une fosse d’orchestre, ce qui permit d’envisager une programmation musicale. Initialement prévue pour 15 musiciens, cette fosse fut étendue de façon à accueillir jusqu’à 35 musiciens.

Depuis les hauts des cintres de l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet

Depuis les hauts des cintres de l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet

La scène fait actuellement 8m par 8m de largeur et de profondeur, et 6 m de hauteur jusqu’au lambrequin qui orne la partie supérieure.

Un système de perches et un système de commande en chambre permettent de supporter et manœuvrer les décors, mais il est aussi possible d’œuvrer en manuel, ce qui permet de faire des réglages plus fins auprès des comédiens, sans faire de bruit.

Système de commande des perches

Système de commande des perches

Depuis les passerelles, il est possible de voir les tiges en acier avec les commandes en chambre et tout le système qui permet de manipuler les perches.

Ainsi, une fois les pains de contrepoids installés, il n y a plus d’effort physique à faire pour manipuler les perches.

L'envers du plafond du lustre de la salle

L'envers du plafond du lustre de la salle

Au même niveau des passerelles, il est aussi possible de voir le dessus du plafond du lustre de la salle, recouvert de plâtre peint, où subsistent quelques restes de l’Eden Théâtre.

Détails restants de l'Eden Théâtre

Détails restants de l'Eden Théâtre

La salle comprend 216 places à l’orchestre, 154 en corbeille, 122 au balcon et 57 en galerie, soit 549 places au total.

A l’origine, il y avait deux entrées, l’une principale pour l’orchestre et la corbeille, la seconde pour le balcon et la galerie.

Cela a changé depuis, et tout le monde pénètre dorénavant dans le théâtre par la même entrée.

Couloir de corbeille de l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet

Couloir de corbeille de l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet

Enfin, une rénovation eut lieu en 2016 et 2017 afin de revoir la décoration intérieure, et depuis 2021, ce sont Olivier Poubelle et Olivier Mantei qui assurent la direction du théâtre, désireux tous deux d’associer l’Athénée au Théâtre des Bouffes du Nord.

Le foyer-bar de l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet vu depuis le foyer-mezzanine

Le foyer-bar de l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet vu depuis le foyer-mezzanine

Le lien vers le site de l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet https://www.athenee-theatre.com/

Le lien vers le site de Premisses Production https://premissesproduction.com/le-projet/

Le lien vers le site du Théâtre des Bouffes du Nord https://www.bouffesdunord.com/

Le lien vers le site de l' AROP : https://arop.operadeparis.fr/

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Publié le 23 Décembre 2024

La Reine des neiges (Aniko Rekhviashvili – Kyiv, version originale 2016)
Version remaniée du 23 décembre 2022 ( Kyiv)
Livret d’Aniko Rekhviashvili et Oleksiy Baklan
Représentation du 21 décembre 2024
Théâtre des Champs-Élysées

La Reine des neiges Iryna Borysova
Gerda Tatyana Lyozova
Kai Yaroslav Tkachuk
Et aussi Kateryna Kurchenko, Oleksandr Skultin, Olena Karandeeva, Ivan Avdievskyi, Tetiana Sokolova, Kateryna Didenko, Maria Kirsanova, Clément Guillaume, Nikita Kaigorodov, Olesya Vorotniuk, Natalya Yakymchuk, Oleksiy Shidkyi, Denis Turchak
Corps de ballet de l’Opéra national d’Ukraine.

Direction musicale Sergii Golubnychyi
Orchestre Prométhée

Diffusion sur France 5 le vendredi 03 janvier 2025 à 21h05 (durée 1h40)

Inspiré par le Conte de Hans Christian Andersen ‘La Reine des neiges’ (1844), le ballet chorégraphié par Aniko Rekhviashvili (1963-2019) connut sa première à l’Opéra de Kyiv le 03 juillet 2016 sous la direction d’Oleksiy Baklan.

Son livret ne reprend pas l’intrigue originale mais la réadapte pour lui donner une résonance plus actuelle en racontant l’histoire de Gerda partie à la recherche de son ami, Kay, dont le cœur a été changé en glace par la Reine des neiges, femme très sûre d’elle qui a été fascinée par le jeune homme.

Iryna Borysova (La Reine des neiges) et Yaroslav Tkachuk (Kai)

Iryna Borysova (La Reine des neiges) et Yaroslav Tkachuk (Kai)

Sur son parcours, la jeune Gerda rencontrera un jardin magique, deux corneilles, un Prince et une Princesse tout juste mariés, puis des voleurs, avant d’atteindre le Palais glacé de la Reine des neiges où la pureté de la jeune fille viendra à bout du sortilège.

Tatyana Lyozova (Gerda)

Tatyana Lyozova (Gerda)

Initialement, la trame musicale de ‘La Reine des neiges’ était conçue sur un assemblage de musique de Piotr Ilitch Tchaïkovski, Anatoli Liadov, Alexandre Glazounov, Arthur Rubinstein, Jules Massenet et Edvard Grieg, mais la guerre, menée à grande échelle par la Russie contre l’Ukraine, obligea à réviser complètement la partition.

Yaroslav Tkachuk (Kai) et Tatyana Lyozova (Gerda)

Yaroslav Tkachuk (Kai) et Tatyana Lyozova (Gerda)

Mykola Dyadyura, le directeur de l’Opéra de Kyiv, le chorégraphe Viktor Ishchuk et le chef d’orchestre Sergii Golubnychyi rejoignirent l’équipe de production pour élaborer une nouvelle architecture musicale qui supprime les références aux compositeurs russes. 

Yaroslav Tkachuk (Kai) et Tatyana Lyozova (Gerda)

Yaroslav Tkachuk (Kai) et Tatyana Lyozova (Gerda)

Ils utilisèrent à leur place des compositions de Johan Strauss - ce qui peut surprendre en première partie -, Jacques Offenbach, Augusta Holmès, et même l’inattendu Intermezzo de ‘Cavalleria Rusticana’ de Pietro Mascagni lorsque Gerda rêve mélancoliquement au retour de son ami.

Cette nouvelle version sera jouée le 23 décembre 2022 à Kyiv avant de débuter une tournée internationale qui passe ce soir au Théâtre des Champs-Élysées, et s'y installe pour deux semaines.

Le jardin magique

Le jardin magique

Visuellement, les éclairages créent des ambiances aux teintes de bleue, mauve ou vert qui se fondent avec beaucoup de poésie et brillant aux dessins des décors, créant ainsi une atmosphère naïve et fantaisiste plaisante à regarder – le premier tableau représentant un village enneigé bordant un lac glacé où les danseurs semblent faire du patin à glace est très touchant -, à laquelle s’instille avec subtilité des effets vidéographiques animés.

Scène de rencontre entre Gerda et les deux corneilles

Scène de rencontre entre Gerda et les deux corneilles

La variété des scènes induit un renouvellement constant, d’autant plus que les musiques disparates changent également souvent, même si se ressentent des discontinuités de genres qui donnent surtout l’impression d’assister à un patchwork de scènes manquant d’unité musicale.

Yaroslav Tkachuk (Kai)

Yaroslav Tkachuk (Kai)

Une centaine de personnages sont ainsi incarnés par une soixantaine de danseuses et danseurs, et les chorégraphies comprennent de grands ensembles et des pas classiques dans les scènes du village, du Palais Royal ou du Palais de la Reine des neiges, mais aussi des mouvements plus modernes, notamment avec les quatre diablotins ou bien le très virtuose tableau des brigands dansé sur des musiques traditionnelles, dans la veine de Pavlo Virsky, pour donner une empreinte identitaire, voir orientaliste, au ballet.

La chef des voleurs

La chef des voleurs

Les trois danseurs principaux défendent avec beaucoup de noblesse et justesse leurs caractères, Iryna Borysova donnant une majestueuse impression de fluidité aristocratique à la Reine, alors que Yaroslav Tkachuk incarne un Kai puissant et racé – quelle magnifique portée acrobatique dans le somptueux pas de deux final! – tout en représentant idéalement une forme de romantisme classique aux lignes épurées. Quant à Tatyana Lyozova, d’une très belle souplesse de geste, elle danse tout en laissant transparaître de petits signes de joie qui décrivent un être qui croit en la vie.

Yaroslav Tkachuk (Kai) et Tatyana Lyozova (Gerda)

Yaroslav Tkachuk (Kai) et Tatyana Lyozova (Gerda)

Se distingue aussi la verve du Prince du château royal et la célérité provocante de la chef des voleurs, et il y a même un danseur français parmi la troupe, Clément Guillaume, pour rendre une ardeur enjouée au chef de gang.

Iryna Borysova (La Reine des neiges)

Iryna Borysova (La Reine des neiges)

Dans la fosse, Sergii Golubnychyi obtient de l'Orchestre Prométhée une lecture soignée, bien réglée sur le rythme des danseurs, attentif au contraste des couleurs qui s’épanouit le mieux dans les très beaux pas de deux que recèle ce spectacle accompli et bien à propos pour accompagner la période réflexive de Noël.

Iryna Borysova, Yaroslav Tkachuk et Tatyana Lyozova

Iryna Borysova, Yaroslav Tkachuk et Tatyana Lyozova

Musiques de la partition de 'La Reine des Neiges' (version de décembre 2022)

J. Strauss : Wiener Blut | Sang viennois - Valse
J. Massenet : Visions, poème-symphonique - épisode 1
H. Berlioz: Symphonie fantastique - Mouvement II
J. Massenet: Visions, poème-symphonique - épisode 2
E. Waldteufel: Les patineurs - Valse
A. Ponchielli: Danza delle Ore, extrait de La Gioconda
P. Mascagni: Intermezzo de Cavalleria rusticana
E. Grieg: Peer Gynt - Retour à la maison
E. Grieg: Peer Gynt - Danse d'Anita
J. Massenet: Suite d'orchestre n°4 - "Scènes pittoresques" - I. Marche & IV. Fête bohème
J. Offenbach: Mazurka extrait du ballet Le Papillon
J. Massenet: Le Cid - Aragonaise & Acte 2: Navarraise . National
A. Holmes: Andromède, poème symphonique - épisode 1
A. Holmes: Roland Furieux
A. Holmes: Andromède, poème symphonique - épisode 2
A. Holmes: La Nuit et l'Amour

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Publié le 16 Décembre 2024

Concerto pour violoncelle (Édouard Lalo – 9 décembre 1877, Concerts populaires Paris)
Symphonie n°8 (Anton Bruckner – 18 décembre 1892, Vienne)
Concert du 15 décembre 2024, 14h
Notre-Dame du Perpétuel Secours – Paris

Direction musicale Othman Louati
Orchestre Impromptu
Violoncelliste Askar Ishangaliyev
(ensemble Le Balcon)

 

                                                                Othman Louati

Après la 6e symphonie de Gustav Mahler jouée à l’entrée de l’hiver dernier, l’Orchestre Impromptu, grand orchestre amateur de plus de cent musiciens fondé en 1994, propose à l’approche de Noël d’écouter deux ouvrages qui connurent leur première un mois de décembre, le Concerto pour violoncelle d’Édouard Lalo (9 décembre 1877) et la 8eme symphonie d’Anton Bruckner (18 décembre 1892).

Quatre concerts seront donnés en une semaine, l’un à la paroisse Saint-Gabriel, près du square Sarah Bernhardt, deux autres à l’église Saint-Marcel, boulevard de l’Hôpital, et un quatrième, en ce dimanche, à Notre-Dame du Perpétuel Secours, dans le quartier de Ménilmontant, qui se distingue à l’extérieur par sa flèche très haute et effilée.

Préparation de l'Orchestre Impromptu

Préparation de l'Orchestre Impromptu

La virtuosité du violoncelle est mise à l’honneur en ce début d’après midi avec la pièce concertante qu’Édouard Lalo lui a dédié. Askar Ishangaliyev, soliste de l’Ensemble Le balcon, invite à entendre tout ce que cet instrument a de suavité expressive, mêlant vivacité de traits et attention à homogénéité d’un son riche en vibrations aux teintes pleinement ambrées.

Le violoncelle se détache sensiblement, étant mis au premier plan de par sa position légèrement surélevée située en avant de l’orchestre, si bien que la configuration de l’ensemble a tendance à fondre fortement le délié orchestral, créant une large nappe enveloppante mais moins bien définie. 

A travers cette musique, les motifs subtilement orientalistes que l’on entend, tout en admirant les arches du chœur de l’église, sont du plus bel effet.

Askar Ishangaliyev (Violoncelliste) et Othman Louati

Askar Ishangaliyev (Violoncelliste) et Othman Louati

Après une courte pause, la 8e symphonie de Bruckner replace cependant l’orchestre au premier plan; surtout que ce dernier enclenche un premier mouvement monumental mené avec une noirceur qui s’exprime avec une telle intensité qu’elle en réveillerait les morts. Le regard porté sur la structure gothique de la nef centrale, peu éclairée dans sa partie supérieure, tend même à accentuer la froideur que les jeux d’ombres inspirent sous l’emprise d’une telle musique.

Othman Louati dirige ainsi avec une grande énergie et un allant décomplexé qui auraient pu s’avérer fracassants dans un tel édifice. Pourtant, les cuivres résonnent de tout leur éclat sur les parois latérales de façon spectaculaire, les cors créent des impressions austères plus lointaines mais avec du souffle, et les cordes font entendre aussi bien ces évanescences irréelles romantiques que l’on aime tant chez Bruckner, que des moirures au brillant vif et scintillant qui surplombent la masse instrumentale. Les percussions ont également une très bonne netteté.

Notre-Dame du Perpétuel Secours – Paris

Notre-Dame du Perpétuel Secours – Paris

Il n’est pas toujours évident de dégager ainsi le relief orchestral dans une acoustique qui a tendance à noyer les ondes les plus graves, mais que de poésie quand les lignes des motifs s’évanouissent dans la nef, et surtout quelle constance dans la tension vitale qui est insufflée et qui contribue à donner du nerf sans relâche aux musiciens!

Sous le geste ferme et architectural du chef d’orchestre, la ferveur épique l’emporte grandement dans un tel cadre, mais il y a aussi cette impression, tout au long de l’interprétation, qu’il s’agissait d’une lutte entre des forces sombres et des aspirations à la lumière et à la légèreté de la vie.

L'Orchestre Impromptu

L'Orchestre Impromptu

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Publié le 14 Décembre 2024

L’Oiseau de Feu (Igor Stravinsky
25 juin 1910, Opéra de Paris)
Daphnis et Chloé, suite n°2 (Maurice Ravel

08 juin 1912, Théâtre du Châtelet)
Valse (Maurice Ravel

12 décembre 1920, Concerts Lamoureux, Paris)
Bis : Boléro (Maurice Ravel

22 novembre 1928, Opéra de Paris)

Concert du 09 décembre 2024
Grande salle Pierre Boulez
Philharmonie de Paris

Direction musicale Teodor Currentzis
Orchestre de l’Opéra national de Paris

Chef d’orchestre énormément apprécié par Gerard Mortier qui le fit découvrir au public parisien à travers les lectures verdiennes de 'Don Carlo' et ‘Macbeth’ représentées à l’opéra Bastille respectivement en juillet 2008 et mai 2009, Teodor Currentzis célèbre cette année ses 20 ans de trajectoire artistique extraordinaire depuis la fondation de son premier ensemble, Musica Aeterna, en 2004 au même moment où il devint le chef d’orchestre principal de l’opéra de Novossibirsk.

Cette même année, il dirigea ‘Aida’ dans une mise en scène de Dmitri Tcherniakov qui sera récompensée d’un ‘Masque d’Or’.

Teodor Currentzis

Teodor Currentzis

Depuis, les collaborations se sont poursuivies avec ce génial metteur en scène (‘Macbeth’ – Paris 2009, ’Wozzeck’ – Bolshoi 2009), puis, quelques années plus tard, avec Peter Sellars (‘Iolanta/Perséphone’ – Madrid 2012,  ‘The Indian Queen’ – Madrid 2013, ‘La Clémence de Titus’ – Salzbourg 2017, ‘Idomeneo’ – Salzbourg 2019) et Romeo Castellucci (‘Le Sacre du Printemps’ – Ruhrtriennale 2014, ‘Jeanne au Bûcher’ – Perm 2018, ‘Don Giovanni’ – Salzbourg 2021, ‘Le Château de Barbe-Bleue/De Temporum fine comœdia’ – Salzbourg 2022).

Teodor Currentzis est ainsi un artiste qui a à dire dans tous les répertoires, du Baroque au contemporain, en passant par les grands compositeurs du XIXe siècle ('Das Rheingold' - Ruhrtriennale 2015), faisant entendre des couleurs, des ornementations et des rythmes souvent inhabituels dans ces ouvrages. Il a dorénavant créé un nouvel ensemble, Utopia, qui  regroupe depuis 2022 des musiciens du monde entier dont certains sont Russes et Ukrainiens.

Musiciens de l'orchestre de l'Opéra national de Paris

Musiciens de l'orchestre de l'Opéra national de Paris

Pour ses retrouvailles avec l’orchestre de l’Opéra national de Paris, 15 ans après ‘Macbeth’, le chef d’orchestre greco-russe a choisi un programme classique et couramment enregistré qui regroupe deux œuvres de commande de Serge Diaghilev pour les scènes parisiennes, ‘L’Oiseau de Feu’ de Stravinsky et un extrait de ‘Daphnis et Chloé’, la suite n°2, de Maurice Ravel, complété par une apothéose, ‘La Valse’, née également sous l’impulsion du fondateur des Ballets russes.

La souplesse avec laquelle il dirigera ce soir la phalange parisienne sera un enchantement de bout en bout. Dans ‘L’Oiseau de Feu’, il obtient un son d’un velouté somptueux, les motifs sombres serpentent sous une tension éclatante, et il entraîne les bois dans des jeux de courbes orientalistes qu’il dessine lui même avec son corps comme s’il cherchait à communiquer au subconscient des musiciens une manière de faire vivre la musique. Il peut ainsi passer d’une lascivité hypnotique à une sauvagerie rythmique parfaitement précise qui donne à l’ensemble du ressort et un allant très élancés.

Teodor Currentzis

Teodor Currentzis

Dans ‘Daphnis et Chloé’, puis la ‘Valse’, on retrouve cette même volupté et finesse d’ornementation avec un contrôle des volumes caressant et une frénésie diabolique d’où jaillit un hédonisme sonore fait de chatoiements mirifiques et de peintures chaleureuses au sensualisme véritablement klimtien.

Cette rigueur enrobée d’une tonalité ludique fait ainsi ressentir une volonté d’imprégner l’auditeur en profondeur de ces musiques enivrantes, et de lui offrir une plénitude obsédante.

Le choix du 'Boléro' en bis découle naturellement du thème de l’exposition Ravel Boléro inaugurée six jours plus tôt à la Philharmonie, mais est aussi une manière d’exposer à nouveau cette science de l’envoûtement qu’aime tant arborer Teodor Currentzis.

Teodor Currentzis

Teodor Currentzis

Standing ovation spontanée de la part des musiciens et du public aux sourires béats, et, pour un instant, le rêve d’une rencontre de cœur entre un chef et des musiciens qui puisse se nouer en une grande aventure artistique.

Quoi qu’il en soit, nous retrouverons Teodor Currentzis au Palais Garnier à partir du 20 janvier auprès de son complice Peter Sellars pour interpréter une version de ‘Castor et Pollux’ avec l’Orchestre et les Chœurs Utopia qui pourrait bien être encore source d’innovations musicales inspirantes.

Teodor Currentzis

Teodor Currentzis

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Publié le 2 Décembre 2024

Rigoletto (Giuseppe Verdi – 11 mars 1851, Venise)
Répétition générale du 28 novembre et représentations du 01 et 24 décembre 2024
Opéra Bastille

Rigoletto Roman Burdenko
Gilda Rosa Feola
Il Duca di Mantova Liparit Avetisyan
Sparafucile Goderdzi Janelidze
Maddalena Aude Extrémo
Giovanna Marine Chagnon
Il Conte di Monterone Blake Denson
Marullo Florent Mbia
Matteo Borsa Manase Latu 
La Contessa di Ceprano Teona Todua
Il Conte di Ceprano Amin Ahangaran
Usciere di corte Julien Joguet
Paggio della Duchessa Seray Pinar
Double de Rigoletto Henri Bernard Guizirian

Direction musicale Domingo Hindoyan
Mise en scène Claus Guth (2016)

10e opéra le plus joué à l’Opéra national de Paris depuis le début de la période Rolf Liebermann (1973) avec 143 représentations au 01 décembre 2024 – mais plus de 1230 soirées depuis son entrée au répertoire le 27 février 1885 -, ‘Rigoletto’ représentait initialement, en tant qu’adaptation du ‘Roi s’amuse’ de Victor Hugo, une ouverture à la modernité alliée à la tradition littéraire française, et servait de vecteur de résistance aux œuvres de Richard Wagner qui bénéficiaient du soutien de très influents mécènes au tournant du XXe siècle.

Roman Burdenko (Rigoletto) et Rosa Feola (Gilda)

Roman Burdenko (Rigoletto) et Rosa Feola (Gilda)

Aujourd’hui, il est devenu un drame riche en grands airs et ensembles populaires qui peuvent être très entraînants malgré la façon dont les femmes y sont considérées, drame qui montre comment un homme, Rigoletto, amené à jouer de façon complice avec une société immorale, va voir cette société se retourner contre lui et sa fille, Gilda, totalement inconsciente de la manipulation qu’elle subit du fait du Duc de Mantoue, et pour lequel elle va pourtant sacrifier sa vie de manière insensée.

Rigoletto (Burdenko Feola Avetisyan Hindoyan Guth) Opéra de Paris

Depuis le 11 avril 2016, une nouvelle mise en scène de Claus Guth est régulièrement reprise sur la scène Bastille (voir les comptes-rendus de 2016, ‘Rigoletto (Kelsey-Fabiano-Peretyatko-Luisotti-Guth)’, et 2021, Rigoletto (Calleja - Lučić - Lungu - Sagripanti - Guth)’ qui décrivent en détail son esprit théâtral), production qui accentue le ressenti pathétique du spectateur en représentant en avant scène une immense boite en carton, déployée vers la salle, où toute l’action se déroule. 

Ce dispositif représente ainsi la petite boite qu’a conservé un Rigoletto âgé, incarné par un acteur - il s’agit d’Henri Bernard Guizirian ce soir -, qui se remémore sa vie passée détruite par le jeu sordide auquel il s’est lui même livré. Ne lui reste pour pleurer que la robe souillée de sa fille qu’il conserve maladivement.

Naturellement, tout décor somptueux est évacué pour éviter une séduction facile, et le metteur en scène cherche avant tout à resserrer l’action au plus près du public en compensant ce visuel, abîmé et déchiré, par des jeux d’ombres et de lumières qui mettent en relief la monstruosité des personnages tout autant que l’artifice de la cour de Mantoue.

La chute soudaine du rideau de spectacle bleu final au moment du meurtre de Gilda est particulièrement glaçante.

Henri Bernard Guizirian (Rigoletto - rôle muet)

Henri Bernard Guizirian (Rigoletto - rôle muet)

Pourtant Claus Guth réserve les plus belles images, un peu naïves, pour Gilda, à travers une imagerie vidéographique bucolique et une évocation toute inventée de l’aspiration de la jeune fille au monde de la danse.

Et pour cette nouvelle série, la distribution réunie est particulièrement liée par une implication totalement généreuse, à la mesure de la salle.

Tous ont en effet des voix très sonores et des statures qui leur donnent une présence forte.

Aude Extrémo (Maddalena)

Aude Extrémo (Maddalena)

C’est ainsi le cas du couple formé par Maddalena et Sparafucile dont Aude Extrémo, au galbe noir d’une résonance saisissante, et Goderdzi Janelidze, grande basse au mordant vif et expressif, mettent en relief la dureté de sa mentalité criminelle, mais aussi du Conte di Monterone de Blake Denson qui jette des vibrations violemment fusées au front de Rigoletto avec un aplomb fascinant.

Blake Denson (Il Conte di Monterone)

Blake Denson (Il Conte di Monterone)

Le baryton russe, Roman Burdenko, pourrait d’ailleurs paraître dans la première scène assez réservé, mais il va faire ressortir peu après les blessures de l’âme mélancolique du bouffon en gardant une excellente tenue de voix qui va s'imposer progressivement avec une assise solide et une tessiture assez souple et peu heurtée.

Le chanteur, 40 ans, est encore jeune et peut paraître plus frêle que son collègue acteur, Henri Bernard Guizirian, et pourtant son sens du tragique s’impose à la hauteur d’autres grands caractères verdiens, comme Macbeth qu’il évoque très souvent ce soir. C'est cette nature tragique qui passe d'ailleurs au premier plan, devant la relation paternelle à Gilda.

Liparit Avetisyan (Il Duca di Mantova)

Liparit Avetisyan (Il Duca di Mantova)

Et quel formidable Duc de Mantoue que fait vivre le ténor arménien Liparit Avetisyan, absolument sensationnel par sa manière de préserver l’unité de son timbre tout en tenant des aigus avec un souffle splendide, mêlant des accents graves à sa tessiture mature et très agréable à l’écoute!

Il y a surtout chez lui une impulsivité qui répond au rythme imprimé par le chef d’orchestre, et il se livre à des gamineries et un jeu de jeune homme immature qui rendent crédible son potentiel séducteur. Et la confiance qu'il affiche tout au long de la soirée donne du baume au cœur car elle inspire l'optimisme, surtout qu'elle émane d'un artiste qui vient d'une région du monde qui n'est pas aussi privilégiée que la France, et c'est tout à son honneur.

Véritablement, c’est un personnage entier et passionnant à suivre qu’il décrit avec toute sa joie de vivre et son esprit de liberté, au point de faire parfois oublier l'univers dépravé auquel il participe.

Rosa Feola (Gilda)

Rosa Feola (Gilda)

Entourée par tous ces caractères marquants, Rosa Feola s’en détache par la sensibilité qu’elle est sensée dégager. Son timbre a de la personnalité dans le médium, ce qui lui permet de donner beaucoup d’authenticité et de féminité à Gilda.

Elle est capable d’afficher un rayonnement puissant avec finesse, et de rendre la poésie rêveuse de la jeune fille sans pour autant la confiner dans un rôle transparent. Cette fraîcheur mêlée à une technique expérimentée donne ainsi une entièreté à son personnage que l’on ne ressent pas toujours avec autant de naturel.

Rosa Feola (Gilda) et Marine Chagnon (Giovanna)

Rosa Feola (Gilda) et Marine Chagnon (Giovanna)

Et parmi les seconds rôles, on découvre un jeune ténor néo-zélandais, Manase Latu, en Matteo Borsa, qui tient fièrement les échanges avec le Duc de Mantoue, et plusieurs interprètes de l’Académie et de la troupe de l’Opéra de Paris, Teona Todua, Amin Ahangaran, Seray Pinar, le très sympathique Florent Mbia, en Marullo, et la Giovanna précieuse de Marine Chagnon, qui tous contribuent à la coloration vocale et vivante des différents tableaux.

Domingo Hindoyan

Domingo Hindoyan

Les chœurs sont eux aussi à leur affaire dans ce répertoire qu’ils connaissant si bien, mais dans la fosse d’orchestre, Domingo Hindoyan entretient une fougue et un dramatisme flamboyants d’une grande tension, forçant les attaques pour ne par lâcher l’action, se montrant très souple et plus léché dans les moments détendus où la beauté de l’atmosphère prime, réussissant à ce que la violence de l’action n’induise pas un écrasement des couleurs. 

Rosa Feola et Roman Burdenko

Rosa Feola et Roman Burdenko

La rougeur des cuivres s’amalgame ainsi au flux des cordes et clarté des vents dans un même courant ambré, les contrebasses noircissent l'austérité ambiante, et avec son allure de jeune Verdi ambitieux, le chef d’orchestre vénézuélien nous emporte lui aussi un peu plus vers les régions d’Émilie-Romagne et de Lombardie.

Rosa Feola et Roman Burdenko, le 24 décembre 2024 soir

Rosa Feola et Roman Burdenko, le 24 décembre 2024 soir

Salle comble dès la première représentation de cette reprise, et c’est bien mérité quand un tel éclat et un tel allant emportent les cœurs des auditeurs.

Domingo Hindoyan, Rosa Feola, Henri Bernard Guizirian, Roman Burdenko, Liparit Avetisyan, Goderdzi Janelidze et Blake Denson

Domingo Hindoyan, Rosa Feola, Henri Bernard Guizirian, Roman Burdenko, Liparit Avetisyan, Goderdzi Janelidze et Blake Denson

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Publié le 1 Décembre 2024

Les Offrandes oubliées (Olivier Messiaen – 19 février 1931, Théâtre des Champs-Élysées)
Symphonie n°7 (Anton Bruckner – 30 décembre 1884, Leipzig)
Concert du 21 novembre 2024
Auditorium de la Maison de la Radio et de la Musique

Direction musicale Philippe Jordan
Orchestre national de France
Violon solo Sarah Nemtanu

 

‘Les Champs-Élysées sont aussi pour moi un grand souvenir, car on y a donné ma première œuvre d’orchestre – j’étais à ce moment là un petit jeune homme fort timide de 22 ans -, et c’est Walter Straham qui a dirigé mes ‘Offrandes oubliées’ – c’était, je crois, en 1931 -. J’avais le cœur si tremblant que je n’entendais absolument rien de ce qui se passait sur la scène, mais je crois que l’exécution a été excellente, et l’accueil a été très favorable, ce qui est assez surprenant.’

Ainsi se rappelait Olivier Messiaen de la création de son œuvre lors d’une interview rediffusée sur France Musique, une méditation symphonique décomposée en trois volets, ‘La Croix’, ‘Le Péché’ et ‘L’Eucharistie’, que Cristian Măcelaru avait déjà choisi d’interpréter il y a 3 ans avec l’Orchestre national de France, en ouverture de saison à l’Auditorium de la Maison de la Radio et de la Musique.

Philippe Jordan

Philippe Jordan

Dans sa structure, l’œuvre commence par de lents entrelacs de cordes dont le métal est utilisé pour créer des effets d’irisations, puis, après une brève transition assombrie par les bassons, un déferlement d’attaques décrit une course vers l’abîme, un peu comme dans ‘La Damnation de Faust’, les cisaillements des cordes se faisant âpres, battus par les timbales, jusqu’à une montée prodigieuse mêlant cuivres et percussions. Après une fracture nette, les bassons reprennent leur motif de calme noir pour mener au mouvement lent final, où les violons s’étirent dans les aigus dans une ambiance quasi-mystique.

Philippe Jordan, dont a été annoncé dès le matin avec joie et sourires sa nomination à partir de septembre 2027 à la direction de l’Orchestre national de France, obtient des musiciens une clarté diaphane qu’il affectionne beaucoup dans le répertoire français du XXème siècle, une flamboyance quasi-straussienne dans le mouvement central avec un net effet d’entraînement qui bouscule cette surprenante envolée, avant de retrouver un espace de recueillement intime qu’il va étirer avec finesse jusqu’au long silence conclusif.

L'Orchestre national de France - 7e symphonie de Bruckner

L'Orchestre national de France - 7e symphonie de Bruckner

La pièce principale de la soirée est cependant la 7e Symphonie d’Anton Bruckner rendue célèbre au cinéma par le film de Luchino Visconti ‘Senso’ (1954), à travers laquelle on retrouve sous la gestuelle souple et enveloppante de Philippe Jordan les ombres veloutées et sous-jacentes qu’il sait si bien mettre en valeur dans les ouvrages wagnériens pour lesquels le compositeur autrichien vouait aussi une immense admiration.

Ce soir, la volonté de maintenir un rapport au corps serré avec l’orchestre est saillant ce qui transparaît dans la grande densité de l’interprétation. Les mouvements des contrebasses s’apprécient pour leur moelleux, les cuivres clairs se montrent pimpants et les cors chaleureux, le trait poétique de la flûte est lumineusement coloré, et après un superbe adagio prenant et recueilli, sans virer aux états d’âmes trop crépusculaires, scherzo et final sont menés avec une véhémence flamboyante aux courbes et volumes d’une malléabilité magnifique.

On sent le soin accordé à l’enchantement suscité par des motifs très fins et des piqués légers, et il est très beau de voir comment sous un apparent calme cérémoniel Philippe Jordan peut faire ressortir une effervescence d’un grand raffinement tenue par une ligne aristocratique très élancée.

Philippe Jordan - 7e symphonie de Bruckner

Philippe Jordan - 7e symphonie de Bruckner

Beaucoup d’enthousiasme en fin de concert entre musiciens, public et chef d’orchestre, tant cette soirée est placée sous le sceau de l’évidence, et augure d’un avenir prometteur.

L'Auditorium de la Maison de la Radio et de la Musique

L'Auditorium de la Maison de la Radio et de la Musique

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