Publié le 29 Janvier 2015

Idomeneo (Wolfgang Amadé Mozart)
Représentation du 25 janvier 2015
Opéra National de Lyon

Idomeneo Lothar Odinius
Ilia Elena Galitskaya
Idamante Kate Aldrich
Elektra Ingela Brimberg
Arbace Julien Behr
Le Grand Prêtre Didier Roussel
La Voix de Neptune Lukas Jakobski

Direction Musicale Gérard Korsten
Mise en scène Martin Kusej (2014)

                                                                                                Kate Aldrich (Idamante) et Ingela Brimberg (Elektra)

Coproduction Royal Opera House Londres, Opéra des Flandres

Martin Kusej n’est pas n’importe quel metteur en scène. Sa vision de l’homme est féroce, car il sait que ce sont les épreuves de la vie qui révèlent le véritable visage de celui-ci.

Il est également un homme de théâtre qui traite le chœur comme un personnage à part entière, et le transforme en symbole d’une société dont il observe avec acuité le rapport aux événements, aux superstitions et au pouvoir.

Ainsi, dans sa production de Macbeth pour l’Opéra de Munich, arrive-t-il à montrer comment un peuple aveugle peut encenser ses nouveaux dirigeants, avant d’en devenir ses victimes.

Kate Aldrich (Idamante) et Elena Galitskaya (Ilia)

Kate Aldrich (Idamante) et Elena Galitskaya (Ilia)

Dès l’ouverture d’Idomeneo, dans un climat de tempête et de trombes d’eau, le chœur a de nouveau un rôle majeur. Il est autant le peuple Troyen échoué sur les bords d’un pays étranger, que les forces crétoises fascistes qui le martyrisent. Le monstre issu de la colère de Neptune devient alors le révélateur des peurs collectives.

L’image de ces gens brandissant un requin et agitant des petits poissons à offrir en sacrifice est bon enfant, mais lorsque le drame arrive, ces personnes en apparence inoffensives sont prises de panique et prennent haches et couteaux sans que l’on sache exactement vers qui leur violence va se retourner : le monstre responsable du massacre ? Idamante ? Son père peut-être ? Tout le monde est sur ses gardes.

Lothar Odinius (Idomeneo)

Lothar Odinius (Idomeneo)

La réaction de certains spectateurs face à une immense langue sanglante de vêtements et de chairs en lambeaux est assez étonnante, car Kusej ne fait que montrer ce que dit le texte : « Ah ! regarde ces rues noyées sous le sang ! ». Est-ce une méconnaissance du livret, ou alors un refoulement d’une image qui renvoie aux actes d’horreur qu’ont connu les New-Yorkais ou bien les Parisiens plus récemment ?

Il ressort en tout cas de ce travail le pressentiment que les démocraties peuvent très vite se retourner en dictatures militaires sous l’emprise de religieux dans un monde de plus en plus dangereux. Et, à la toute fin, le règne d’Idamante et Ilia débute mal.

Mais s’il y a bien une ligne directrice et cohérente qui augmente l’importance de certains personnages comme le Grand Prêtre qui apparaît sous la forme d’un rôle muet au premier acte, le metteur en scène délaisse les caractères, rend Idoménée, Elektra et Idamante monolithiques – les scènes de confrontations manquent d’intensité -, et ne réussit qu’à renforcer le rôle d’Ilia. Jamais n’est-elle parue aussi humaine et déterminante.

Elena Galitskaya (Ilia)

Elena Galitskaya (Ilia)

Car Elena Galitskaya est le véritable cœur saignant de la soirée, une voix dramatiquement romantique débordante de grâce mozartienne. Et l’harmonie entre cette délicatesse et la finesse des expressions fragiles tant de son regard que de ses bras si souples est d’une beauté extrêmement touchante.

A contrario, Kate Aldrich, en Idamante, n’utilise pas suffisamment son corps pour exprimer son intériorité, ce qui est dommage, car au cours de la représentation son chant prend une tonalité de plus en plus sombre et sensuelle sans qu’elle n’arrive à se sentir à l’aise avec le travestissement de son personnage. Même sentiment pour Ingela Brimberg dont les moyens impressionnants ne suffisent pas à traduire les failles d’Elektra et lui donner une épaisseur humaine en laquelle l’on puisse se refléter.

Kate Aldrich (Idamante)

Kate Aldrich (Idamante)

Et Lothar Odinius est certes un Idoménée théâtralement crédible, appuyé par une voix présente et lyrique, sans faille, qui ne traduit cependant pas toute la sensibilité musicale que ce rôle peut offrir.

Les chœurs sont très bons, une force vitale déterminée et tragique, et la direction de Gérard Korsten redéploie les lignes mozartiennes pour leur donner une ampleur inhabituelle, séduisante autant que prenante. L’orchestre de l’Opéra de Lyon est entraîné dans un magnifique continuum marin, comme s’il était la mer baignant le drame.

La transparence des sonorités, la grâce avec laquelle les cordes s’effacent en douceur pour laisser les notes scintillantes du clavecin prolonger le mouvement musical, sont impressionnantes de bout en bout, même si l’on a bien conscience que cette noirceur est une beauté en soi qui se détache du pathétisme des caractères humains.

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Publié le 26 Janvier 2015

Il Re Pastore (Wolfgang Amadé Mozart)
Représentation du 24 janvier 2015
Théâtre du Châtelet

Alexandre Rainer Trost
Aminta Soraya Mafi
Elisa Raquel Camarinha
Tamiri Marie-Sophie Pollak
Agenore Krystian Adam

Mise en scène Olivier Fredj
Mise en scène et scénographie Nicolas Buffe

Direction Musicale Jean-Christophe Spinosi
Ensemble Matheus                                                                     
Rainer Trost (Alexandre)

Si l’interprétation d’Il Re Pastore représentée sur la scène du Théâtre du Châtelet est une réussite, elle le doit principalement à ses qualités musicales, aussi inventive que soit la mise en scène.
A l’origine, cette sérénade est un oratorio écrit sur commande pour la venue de l’Archiduc Maximilien François Xavier d’Autriche à Salzbourg. Mozart a alors 19 ans, et les sentiments tendres de sa jeunesse irriguent l’intégralité de la partition.

Soraya Mafi (Aminta)

Soraya Mafi (Aminta)

Or, la distribution réunie ce soir porte en elle le charme de cette enfance rêveuse, totalement incarnée par l’Aminta de Soraya Mafi. Constance d’une voix aérienne et immatérielle, évocation de l’innocence, elle fait vibrer notre joie de vivre. Et sous un unique faisceau de lumière, dos en appui sur les dorures du cadre de scène, elle soupire l’air le plus connu de l’œuvre, L’amero, saro constante. Une telle pureté de sentiment ne peut que toucher la sensibilité de nombre d’auditeurs.

Soraya Mafi (Aminta)

Soraya Mafi (Aminta)

Sa compagne, Raquel Camarinha, dans le rôle d’Elise, n’obtient pas la même finesse de timbre, mais elle a une fraicheur mozartienne qui s’allie joliment avec elle dans les nombreux duos qui les réunissent.

Plus complexe et non dénué d’ambigüités, le chant de Marie-Sophie Pollak dévoue également au personnage de Tamiri, celle dont la mission est de sauver sa peau, les traits d’une personnalité qui annonce la future Zerline de Don Giovanni.

Et des deux partenaires masculins, Krystian Adam est celui qui révèle le plus de délicatesse, dédiant ainsi à Agenore une stature humaine que l’on ne retrouve pas en l’Alexandre magnanime de Rainer Trost, faute de relief saisissant.

Marie-Sophie Pollak (Tamiri) et Krystian Adam (Agenore)

Marie-Sophie Pollak (Tamiri) et Krystian Adam (Agenore)

Mais à l’unisson de ces voix homogènes, l’Ensemble Matheus fluidifie avec une verve élégante les lignes musicales rougies par les sonorités superbement fusionnées des cuivres et des cordes. On pourrait même regretter que Jean-Christophe Spinosi n’ait pas cherché à réorchestrer la partition afin de lui rendre un modelé plus dramatique et une plus grande consistance. Cette délicatesse évanescente n’en est pas moins grisante.

La mise en scène d’Olivier Fredj et Nicolas Buffe, elle, projette cet épisode imaginaire du début des conquêtes d’Alexandre Le Grand dans les temps des voyages interstellaires, et vers ces années où les séries d’animations japonaises envahissaient les écrans des télévisions de Golgoths, de space opéras et de héros d’honneur.

Il Re Pastore (S.Mafi-R.Trost-N.Buffe-J.C-Spinosi) Châtelet

L’univers numérique recréé est captivant et s’adresse à plusieurs générations de spectateurs. Planètes multicolores, nuages apocalyptiques et angoissants, cartes d’identités 3D décrivant avec humour chaque protagoniste, voitures Twizy futuristes, traits visuels et sonores fuyants, cette profusion d’images est en mouvement permanent. Des acrobates miment aussi la gestuelle ridicule des personnages de mangas.
On pourrait s’attendre à un effet de saturation, pourtant, la musique et le chant restent au cœur de ce spectacle qui a tout pour faire se rencontrer l’adolescence de Mozart et l’enfance d’aujourd’hui.

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Publié le 23 Janvier 2015

Ariane à Naxos (Richard Strauss)
Représentation du 22 janvier 2015
Opéra Bastille

Le Majordome Franz Grundherer
Le Maître de musique Martin Gantner
Le Compositeur Sophie Koch
Le Ténor (Bacchus) Klaus Florian Vogt
Un Maître à danser Dietmar Kerschbaum
Zerbinette Elena Mosuc
La Primadonna (Ariane) Karita Mattila
Arlequin Edwin Crossley-Mercer
Naïade Olga Seliverstova
Driade Agata Schmidt
Echo Ruzan Mantashyan

Direction Musicale Michael Schonwandt                       Karita Mattila (Ariane)
Mise en scène Laurent Pelly (2003)

Souvenir des années fastes du second mandat d’Hugues Gall, directeur de l’Opéra National de Paris entre 1995 et 2004, la nouvelle production d’Ariane à Naxos dans la mise en scène de Laurent Pelly était d’un bel éclat musical quand les voix de Natalie Dessay, Sophie Koch et Stéphane Degout émerveillaient l’opéra Garnier.

Les temps sont un peu plus difficiles aujourd’hui, et le spectacle s’est déplacé à Bastille, mais la perspective de l’annonce prochaine de la première saison de Stéphane Lissner réchauffe le cœur, d’autant plus que la première représentation de cette reprise est d’une beauté orchestrale et vocale qui nous conforte dans notre sensibilité à une forme artistique qui nous dépasse.

Elena Mosuc (Zerbinette)

Elena Mosuc (Zerbinette)

On se souvient de la finesse avec laquelle Michael Schonwandt avait dirigé Lulu à l’automne 2011, lissant légèrement les sonorités dissonantes de la partition, il ne s’écarte pas plus de cette ligne chatoyante pour la musique d’Ariane à Naxos.
Ses talents de symphoniste devraient beaucoup plaire à Philippe Jordan, car le chef danois – il sera le nouveau directeur musical de l’opéra de Montpellier à la fin de l’été prochain - emplit la fosse d’un déploiement riche et chaleureux de cordes entremêlées d’étincelles et de sonorités chantantes. Le final du premier acte entre Zerbinette et le Compositeur prend même une profondeur poétique qui annonce le lyrisme pathétique de la seconde partie.

Karita Mattila (Ariane)

Karita Mattila (Ariane)

Cette volonté de lier par une même onde subliminale la vitalité musicale de l’actrice et le fleuve de désespérance d’Ariane se retrouve aussi dans la similarité des voix des deux chanteuses, Elena Mosuc et Karita Mattila. Car la soprano roumaine n’a pas uniquement de l’aisance dans les coloratures propres à son rôle ; elle a une voix profondément lyrique qui lui donne une épaisseur de caractère supplémentaire. Le contraste avec les lamentations de la princesse s’atténue donc sensiblement.

Mais la soprano finlandaise n’a, elle, rien perdu de son expressivité dramatique si touchante par la colère intérieure qu’elle révèle. Son chant est d’une beauté nocturne qui ne trahit aucune faille même dans la tessiture aiguë, et ce n’est qu’émerveillement sous ce charme de velours ample et envoutant. Avec, de plus, l’émotion à l’écoute d’une voix qui défie la vie et le passage du temps.

Karita Mattila (Ariane)

Karita Mattila (Ariane)

Ensuite, uniquement dans le prologue, nous retrouvons les deux chanteurs qui étaient sur scène dès la création de la production à Garnier, Martin Gantner, en maître de musique, et Sophie Koch, en compositeur.
Le premier, toujours aussi impressionnant de présence, est un baryton au chant de charme, très agréable à écouter, comme si sa tessiture se diluait dans l’atmosphère.
La seconde, qui fut sur cette même scène Fricka et Vénus, est confondante par son apparence masculine jeune et fine. Son incarnation brille d’impétuosité et de vitalité, et sa voix dirigée bien frontalement révèle uniquement des graves plus intimes.

Klaus Florian Vogt (Bacchus)

Klaus Florian Vogt (Bacchus)

Et comme il s’agit d’une soirée faite pour réunir des stars, Klaus Florian Vogt – qui surgit du devant de la scène pour révéler la vision de Bacchus à Ariane – est un véritable dieu dans ce rôle à sa mesure. Il n’est pas fait pour la comédie de boulevard, mais dès qu’il s’agit d’incarner un personnage à l’apparence de surhomme mais avec un cœur bien humain, la clarté et l’éloquence de sa voix, à la fois céleste et terrestre, est un éblouissement de l’âme.

Les trois nymphes, Olga Seliverstova, Agata Schmidt et Ruzan Mantashyan, composent avec bonheur un superbe ensemble enchanteur.

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Publié le 20 Janvier 2015

EsotErik Satie – L’alchimiste du son
Représentation du 18 janvier 2015
Carrières-sur-Seine La Grange Aux Dîmes

Maria Paz Santibanez Piano
Dorothée Daffy Récitante
Patricia Luis Ravelo Créatrice lumière
Nadège Frouin Tapissier Créateur

Karin Müller Conception

Compagnie Théâtrale les Cassandres

 

                                                                                                                                             Dorothée Daffy

La veille de la création d’une nouvelle production dédiée à l’univers d’Erik Satie, la compagnie théâtre Les Cassandres s’était rendue à la maison des associations du 19ème arrondissement de Paris – par coïncidence, une rue de cet arrondissement se nomme Erik Satie – pour y donner un concert gratuit d’airs d’opéras.

Cette maison offrait ainsi un après-midi aux habitants du quartier afin de découvrir des compagnies musicales de toutes cultures (jazz, lyrique, chorale …), alors que la Philharmonie venait d’ouvrir ses portes trois jours avant.

La jeunesse présente a donc découvert un art qui ne lui est pas familier, et qui a pu la dérouter par l’outrance vocale et de jeu qui sont la marque du genre lyrique. Rarement, en effet, extériorise-t-on sans pudeur ses sentiments avec la même force et la même ébullition que celles qui animent notre propre vie intérieure.

Ils entendirent ainsi Marie Soubestre interpréter une romance de Rachmaninov, soupirante mais intense, suivie d’un extrait des Wiegenlieder für Arbeitmutter d’ Hanns Eisler, chant empreint d’effroi à la montée du nazisme dans les années 30. Cet air fait sentir à l’auditeur comment l’angoisse et la colère peuvent faire basculer le lyrisme de la voix vers des expressions naturalistes, parlées, et lui faire ainsi ressentir les cassures intérieures du personnage qui s’exprime à travers l’art de la soprano.

Ensuite, distingué baryton, Emmanuel Gendre a surpris l’audience, appuyé l’air de rien contre un pilier de la résidence, en revenant à un répertoire moins austère et plus léger d’airs italiens, – Come Paride vezzoso – de Donizetti, et le duo Zerline-Don Giovanni écrit par Mozart.

                                                                             Marie Soubestre

Chanté avec Marie Soubestre, ce duo d’une paysanne charmée par l’envergure et l’assurance sérieuse du noble dépravé a été saisissant dans sa progression irrésistible. Frissons pour les amateurs d’opéra, étonnements et intimidations pour le public peu habitué à cette emprise physique forte, ces réactions montrent que l’écriture musicale du compositeur viennois reste proche de la comédie de la vie, et toujours touchante.

Romain Louveau (piano) et Emmanuel Gendre (baryton)

Romain Louveau (piano) et Emmanuel Gendre (baryton)

Et pendant ces vingt minutes de récital, Romain Louveau a soutenu les deux artistes au piano avec une belle attention et un dévouement qui faisaient oublier la difficulté du lieu à préserver la chaleur du chant.

En préambule de ce spectacle, Dorothée Daffy avait pris simplement le temps de présenter la troupe des Cassandres. Le lendemain, à la Grange Aux Dîmes de Carrières-sur-Seine, elle devint l’actrice principale accompagnée par une autre pianiste, et autre personnalité forte, Maria-Paz Santibanez.

Maria Paz Santibanez (Piano)

Maria Paz Santibanez (Piano)

Maria-Paz Santibanez est une artiste qui est, depuis l’année dernière, attachée culturelle du Chili en France. Pour connaître une partie de son histoire et son combat pour la liberté, il est possible de lire le portrait réalisé par TV5 Monde Chili : le piano et les mains de Maria Paz Santibanez contre la dictature de Pinochet, et la biographie présente sur son site numérique.

Mais ce soir, elle est la recréatrice de l’univers sonore d’Erik Satie – que chacun découvre dans un extrait du film de René Clair « entracte » – à travers un programme de quatorze pièces extraites de Gnossienne et Gymnopédie, des oeuvres de Claude Debussy (Le vent dans la plaine, mouvement) et des compositeurs à la virtuosité fascinante, Maurice Ohana et Alberto Ginastera.

Dorothée Daffy

Dorothée Daffy

Son caractère se retrouve dans les sons franchement attaqués et, plus loin, plus doux et mystérieux. Et son regard, lorsqu’il se relève sur la partition à chaque note montante, donne l’impression d’être à l’origine de perles sonores qui s’en libèrent.

Il y a la peinture musicale, mais il y a également les mots d’Erik Satie, ces mots qu’exprime une Dorothée Daffy dandyesque en cherchant à brosser un portrait joyeux, attendrissant, mais également lucide et féroce sur la nature humaine.

Chacun peut donc trouver résonance dans ces textes tirés des « Mémoires d’un amnésique » et des « cahiers d’un mammifères », comme cette façon de se moquer de l’anti wagnérisme français ou bien de ses détracteurs dont il a bien raison de souligner l’ignorance.

Est-il réellement misanthrope ou bien n’a-t’ il qu’entièrement compris le drame de la bêtise parisienne ? Et comment, dans cette atmosphère qui laisse présumer de nombreux tourments, ne pas le rapprocher d’Oscar Wilde, ou bien de Marcel Proust ?

Et d’où vient cette façon gourmande de s’emparer de ces paroles, d’où vient ce goût pour les changements soudains d’états d’âme ? Comment Dorothée Daffy arrive-t-elle à nous faire rire avec sérieux ? On ne la voit même pas venir quand, après un hommage aux dix symphonies de Beethoven, elle déploie un drapeau européen flottant en délire sur l’hymne à la joie.

                                                                          Dorothée Daffy

Pour le plaisir de tous, et des enfants qu’elle ne quitte pas de l’œil, ce portrait intime est donné dans le cadre inspirateur de la Grange d’Equit-Art, sous les lumières chaudes et douces de Patricia Luis Ravelo qui joue avec les ombres des éléments de la petite salle. Il est un brillant éphémère que d’autres spectateurs parisiens devraient bientôt découvrir.

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Publié le 17 Janvier 2015

Mesure pour mesure (William Shakespeare)

Représentation du 14 janvier 2015
Théâtre des Gémeaux (Sceaux)


Le Duc Alexander Arsentyev
Escalus Yury Rumyantsev
Angelo Andrei Kuzichev
Lucio Alexander Feklistov
Claudio Peter Rykov
Le Prévôt Alexander Matrosov
Le Bourreau Ivan Litvinenko
Le Coude Nikolay Kislichenko
Barnardine Igor Teplov
Pompey / Frère Pier Alexey Rakhmanov
Isabella Anna Khalilulina
Mariana Elmira Mirel
Juliette / Francesca Anastasia Lebedeva

Mise en scène Declan Donnellan  (1994)                         Anna Khalilulina (Isabella)
Scénographie Nick Ormerod
Londres-Moscou
                                                                                                           
Production Cie Cheek by Jowl, Théâtre Pouchkine     
Coproduction Barbican Londres, Centro Dramatico Nacional Madrid

L’imposture du pouvoir est un danger de tous les instants en démocratie, et une pièce comme Mesure pour Mesure, qui confronte les figures dominantes de la société entre elles et à leur propre humanité, est d’une irrésistible contemporanéité.
Il y a à peine deux ans, Thomas Ostermeier en avait monté une interprétation radicale au Théâtre de l’Europe, en brouillant les caractères de façon à évacuer tout manichéisme. Chaque personnage avait donc sa face sombre, mais également son aspiration à la vie.

Le peuple

Le peuple

La version que remonte Declan Donnellan, 20 ans après sa création au Théâtre d’art de Moscou, renoue, elle, avec des repères plus facilement reconnaissables par le public d’aujourd’hui : costumes deux pièces anthracites pour habiller les politiques, tenue blanche et unie pour la religion, chemises bleues pour les forces de l’ordre, guenilles pour les pauvres, cuir latex pour les prostituées, l’ensemble des composantes sociales est donc représenté sur scène. Et ces composantes s‘opposent dans un contexte de répression hypocrite des libertés amoureuses et sexuelles.

Peter Rykov (Claudio) et Alexander Arsentyev (Le Mendiant)

Peter Rykov (Claudio) et Alexander Arsentyev (Le Mendiant)

Ainsi, la scène de chantage entre Sœur Isabella et le despote Angelo évoque inévitablement le conflit entre foi et sentiments humains que l’on retrouve à l’opéra dans Tosca, avec une montée lente et pénible de l’expression des intentions et de la prise de conscience de chacun des protagonistes.
Le metteur en scène n’hésite d’ailleurs pas à surligner à gros traits le comportement de ce petit peuple qui vit à la merci de ses tyrans, en le faisant courir et tourner en rond au moindre changement de scène.
Cette scène, justement, paraît bien vide et immobile pendant la moitié du temps, avant que trois des cinq cubes rouges sang ne s’animent pour ouvrir un espace qui accueillera l’arrivée triomphale du Duc au déroulé grandiloquent d’un tapis rouge protocolaire.

Alexander Arsentyev (Le Duc) et Andrei Kuzichev (Angelo)

Alexander Arsentyev (Le Duc) et Andrei Kuzichev (Angelo)

Declan Donnellan parodie avec humour la tendance des citoyens à acclamer le Duc - incarné par le génial et charismatique Alexander Arsentyev - simplement parce qu’il a l’apparat des hommes justes et responsables. Ce Duc s’adresse directement au public comme en campagne politique, et le public de la salle se trouve contraint à rire de son propre goût pour les grands shows devant lesquels s’efface son propre esprit critique.
Et quand sœur Isabelle témoigne chaussée de ses baskets ridicules, Angelo n’a aucun mal à paraître comme un homme modèle au-dessus de tout soupçon.

Elmira Mirel (Mariana), Peter Rykov (Claudio) et Anna Khalilulina (Isabella)

Elmira Mirel (Mariana), Peter Rykov (Claudio) et Anna Khalilulina (Isabella)

Pourtant, les cubes de l’arrière scène révèlent les coulisses de la société où l’on torture, fornique, et où la spiritualité des religieux n’est qu’une icône sans crédibilité.

Tout finit par le bonheur d’une naissance, celle du fils de Lucio, le frère d’Isabella, et sur la victoire de son amour entier et charnel que Peter Rykov aura incarné de tout son corps. Et cette troupe d’excellents acteurs est à nouveau un exemple, pour des acteurs français souvent trop conventionnels, d'un théâtre proche des entrailles de la vie.

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Publié le 12 Janvier 2015

Juliette & Roméo (Mats Ek)
Ballet Royal de Suède
Représentations du 09 & 10 janvier 2015
Palais Garnier

Juliette Mariko Kida / Rena Narumi
Roméo Anthony Lomuljo / Anton Valdbauer
Le Père Arsen Mehrabyan / Andrey Leonovitch
La Mère Marie Lindqvist / Sarah-Jane Brodbeck
Le Prince Niklas Ek / Jan-Erik Wikström
La Nourrice Ana Laguna / Marie Lindqvist
Pâris Oscar Salomonsson / Dawid Kupinski
Tybalt Dawid Kupinski / Vahe Martirosyan
Mercutio Jérôme Marchand / Luca Vetere
Benvolio Hokuto Kodama / Jens Rosen
Rosaline Daria Ivanova / Jeannette Diaz-Barboza
Peter Jörgen Stövind / Hampus Gauffin

Musiques de Tchaïkovski.
Chorégraphie Mats Ek (2013)
                                                                                                                          Oscar Salomonsson (Pâris) et Marie Lindqvist (La Mère)
Orchestre Colonne
Piano Bengt-Ake Lundin                         
Direction musicale Alexander Polianichko

Au cours de la saison 2013/2014, l’Opéra National de Paris fit revivre sur scène deux ballets narratifs des années 1950, Fall River Legend et Mademoiselle Julie . Ce dernier reprenait une chorégraphie de Birgit Cullberg. Un an plus tard, c’est au tour de son fils, Mats Ek, de porter sur les planches et les tapis de danse de l’Opéra Garnier le ballet qu’il vient de créer à Stockholm pour les 240 ans du Ballet Royal de Suède : Juliette & Roméo.

Ana Laguna (La Nourrice), Arsen Mehrabyan (Le Père), Oscar Salomonsson (Pâris), Marie Lindqvist (La Mère) et Mariko Kida (Juliette)

Ana Laguna (La Nourrice), Arsen Mehrabyan (Le Père), Oscar Salomonsson (Pâris), Marie Lindqvist (La Mère) et Mariko Kida (Juliette)

Visuellement, son interprétation se rapproche fortement de la version théâtrale imaginée par  Olivier Py au Théâtre de l'Odéon en 2011. On y retrouve un univers sombre, une jeunesse contemporaine perdue quelque part dans une banlieue secondaire, des décors construits à partir de quelques pans gris et coulissants, et une représentation sans pudeur des allusions sexuelles dont regorge la pièce à travers les personnages de la nourrice et de Mercutio en particuliers.

Bal chez les Capulet

Bal chez les Capulet

Ainsi, dans la première partie, la grande scène ludique des trois garçons montre l’évolution passionnée de leurs sentiments ambigus, les jeux amicaux et innocents de Benvolio et Roméo, l’arrivée jalouse de Mercutio, en homme libre, et son grand numéro de séduction envers l’amoureux de Juliette, qui se laisse tomber à terre afin de laisser son ami lui faire plaisir du bout des lèvres. La vie danse, s’enlace et s’embrasse, les jambes dessinent des arcs dans les airs, et les gestes des mains sont parfois expressivement vulgaires.

Mercutio, personnage clairement homosexuel, meurt brutalement sans pathos sous les coups et l’indignité de Tybalt. On pourrait y voir un crime homophobe avec notre regard d’aujourd’hui.

Hokuto Kodama (Benvolio), Ana Laguna (La Nourrice), Jörgen Stövind (Peter) et Jérôme Marchand (Mercutio)

Hokuto Kodama (Benvolio), Ana Laguna (La Nourrice), Jörgen Stövind (Peter) et Jérôme Marchand (Mercutio)

Plus loin, la scène du balcon commence par l’arrivée humoristique de Juliette, glissant comme une marionnette, rampant telle un reptile, et rejoignant enfin Roméo à travers une danse fuyante sur la musique de l’adagio de la symphonie n°5. Mats Ek utilise ainsi nombre d’œuvres du compositeur russe pour peindre les différentes atmosphères, des extraits de la symphonie n°4, le concerto pour piano, et même le Capriccio italien en version intégrale. Ce poème folklorique accompagne la Nourrice et les garçons qui s’enivrent de leurs délires pour finir exténués et hilares au sol, avant que n’arrive Roméo incrédule. Sa jeunesse est certes alerte, mais moins légère que son entourage. Il n’est cependant ni noir, ni romantique, sinon passionné de la vie, et le chorégraphe n’a de cesse que de trouver des expressions décalées pour évoquer l’ébranlement intérieur du jeune homme.

Dawid Kupinski (Tynalt)

Dawid Kupinski (Tynalt)

A l’opposé de ces êtres animés par leurs propres désirs, les parents sont représentés avec une psychorigidité froide, et la mère semble ainsi inspirée par la vieille fée de la Belle au Bois Dormant. Pâris, lui, est quelque peu manipulé, mais apparaît sincèrement épris de Juliette. Et avec son charme naturel, Oscar Salomonsson pourrait même passer pour un Roméo, d’autant plus qu’Anthony Lomuljo le danse avec force et dynamisme mais peut-être pas autant de sensibilité qu’Anton Valdbauer. Ce danseur formé par l’Académie de Ballet Vaganova de St Petersburg est d’une souplesse merveilleuse. Quant à Juliette, qu’elle soit incarnée par Mariko Kida ou Rena Narumi, elle est à chaque fois d’une joie de vivre impertinente et insaisissable.

Mariko Kida (Juliette)

Mariko Kida (Juliette)

Mais le langage chorégraphique de Mats Ek est d’une imprévisible variété. On peut y voir la perfection antique de Pina Bausch quand, au cours du bal des Capulet, les femmes étirent leurs longs drapés rouges, et ressentir également l’élégie de John Neumeier – magnifique éloignement d’une des danseuses qui s’évanouit dans les lueurs crépusculaires.

Anthony Lomuljo (Roméo) et Jérôme Marchand (Mercutio)

Anthony Lomuljo (Roméo) et Jérôme Marchand (Mercutio)

De plus, l’intensité dramatique est amplifiée par certains choix musicaux qui accentuent le poids tragique du destin. Et l’orchestre Colonne fait bien mieux que simplement interpréter une partition lisse. Il la magnifie dès l’ouverture par l’élévation frissonnante de ses cordes d'argent, et par la profonde unité des instrumentistes dont Alexander Polianichko tire non seulement de somptueuses couleurs, mais également un volcanisme « karajanesque » qui est le cœur vibrant de cette belle rencontre.

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Publié le 1 Janvier 2015

TV-Web Janvier 2015 Lyrique et Musique

Jeudi 01 janvier 2015 sur France 2 à 11h15
Concert du Nouvel An, en direct du Musikverein

Jeudi 01 janvier 2015 sur Arte à 18h30
Nouvel An à Venise

Agresta, Polenzani
Orchestre de la Fenice, dir. Harding

Vendredi 02 janvier 2015 sur Arte à 18h30
Oeuvres de Steffani à Versailles

Bartoli, Jaroussky
Choeur de la Radiotélévision suisse, I Barocchisti, dir.Fasolis

Vendredi 02 janvier 2015 sur Arte à 23h45
La Belle Hélène (Offenbach)

Han, Gailliard, Larmore, Rud, Jo Loeb, Nurgeldiyev, Saplacan, Popson
Opéra de Hambourg, dir. Gerrit Priessnitz. m.s. Doucet

Dimanche 04 janvier 2015 sur Arte à 08h30
L'Opéra quelle Histoire ?! La Flûte Enchantée (part.1)

Série animée de Lee Yong-Jun en treize épisodes

Dimanche 04 janvier 2015 sur Arte à 18h30
Jonas Kaufmann. Opérettes, Cabarets, Berlin 1930

Lundi 05 janvier 2015 sur Arte à 00h10
Lang Lang & Nikolaus Harnoncourt. Mission Mozart

Lundi 05 janvier 2015 sur France 3 à 01h45
La Belle au bois dormant (Tchaikovski)

Chorégraphie Petipa / Noureev
Abbagnato, Ganio, Heymann, Ould-Braham, Karaoui
Ballet de l'Opéra National de Paris

Mercredi 07 janvier 2015 sur France 2 à 01h15
Gloire et douleurs de Maria Callas

Jeudi 08 janvier 2015 sur France 3 à 23h45
Gala d'ouverture du Théâtre Mariinsky II de Saint Petersbourg

Dimanche 11 janvier 2015 sur Arte à 08h30
L'Opéra quelle Histoire ?! La Flûte Enchantée (part.2)

Série animée de Lee Yong-Jun en treize épisodes

Dimanche 11 janvier 2015 sur Arte à 18h30
Bruch, Respighi

Khachatryan, Orchestre de Paris, dir. Nodesa

Mercredi 18 janvier 2015 sur TF1 à 02h35
Les Noces de Figaro (Mozart) 1ère partie

Dimanche 18 janvier 2015 sur Arte à 08h30
L'Opéra quelle Histoire ?! La Flûte Enchantée (part.3)

Série animée de Lee Yong-Jun en treize épisodes

Dimanche 18 janvier 2015 sur Arte à 16h45
La Philharmonie de Paris : un rêve musical

17h30 Gala d'ouverture (Borodine, Ravel, Tchaikovski)
Lang Lang & Grimaud, Orchestre de Paris, dir. Järvi

Mercredi 20 janvier 2015 sur TF1 à 02h35
Les Noces de Figaro (Mozart) 2ème partie

Jeudi 22 janvier 2015 sur France 2 à 00h30
Inauguration de l'Auditorium de la Maison de la Radio

Orchestre National de France, dir. Gatti

Dimanche 25 janvier 2015 sur Arte à 08h30
L'Opéra quelle Histoire ?! La Flûte Enchantée (part.4)

Série animée de Lee Yong-Jun en treize épisodes

Dimanche 25 janvier 2015 sur Arte à 18h30
Oeuvres de Kraisler

Garrett, Philharmonique de Russie, dir. Spivakov

Lundi 26 janvier 2015 sur Arte à 00h10
Les Philharmoniker Sinti et Roma - Chef d'orchestre et son rêve

Samedi 31 janvier 2015 sur Arte à 17h30
La Folles journée de Nantes. En direct

Verdi, Berlioz, Chopin

Dimanche 01 février 2015 sur Arte à 08h30
L'Opéra quelle Histoire ?! Carmen (part.1)

Série animée de Lee Yong-Jun en treize épisodes

Dimanche 01 février 2015 sur Arte à 17h30
La Folles journée de Nantes. En direct

Verdi, Berlioz, Chopin

Web : Opéras en accès libre
Lien direct sur les titres et sur les vidéos)
Hommage à Gerard Mortier (Théâtre de la Monnaie de Bruxelles)
Joyce di Donato et David Zobel : Voyage à Venise - Live at Carnegie Hall

Fidelio (Scala de Milan) jusqu'au 07 janvier 2015
Soirée Nicolas LeRiche (Opéra de Paris) jusqu'au 08 janvier 2015
Nuit de deuil (Festival d'Aix) jusqu'au 15 janvier 2015
Dialogues des Carmélites (Théâtre Champs Elysées) jusqu'au 22 janvier 2015
Don Giovanni (Théâtre de la Monnaie de Bruxelles) du 07 au 27 janvier 2015
La Fanciulla del West (Opéra Bastille) jusqu'au 30 janvier 2015
 
Otello (Orange) jusqu'au 05 février 2015
Le Chevalier à la Rose (Festival de Glyndebourne) jusqu'au 02 mars 2015
Il Mondo della Luna (Opéra de Montecarlo) jusqu'au 25 mars 2015
Gala du Tricentenaire de l'Opéra Comique jusqu'au 27 mars 2015
Le Barbier de Séville (Opéra Bastille) jusqu'au 30 mars 2015

 Aïda (Opéra de Wallonie) jusqu'au 02 avril 2015
Figaro (Amel Festival Opera) jusqu'au 10/04/2015
Punch and Judy (Amel Opera Festival) jusqu'au 14/04/2015
Mitridate Re di Ponto (Amel Opera Festival) jusqu'au 16/04/2015
Castor & Pollux (Théâtre des Champs Elysées) jusqu'au 18 avril 2015
Tosca (Opéra Bastille) jusqu'au 21 avril 2015
L'Enlèvement au Sérail (Opéra Garnier) jusqu'au 27 avril 2015
Doctor Atomic (Opéra de Strasbourg) jusqu'au 06 mai 2015
Dance - Lucinda Childs (Théâtre de la Ville) jusqu'au 06 mai 2015
Didon et Enée (Opéra de Rouen) jusqu'au 17 mai 2015
Moïse et Pharaon (Opéra de Marseille) jusqu'au 03 juin 2015
La Clémence de Titus (Théâtre des Champs Elysées) jusqu'au 18 juin 2015

Luisa Miller (Opéra Royal de Wallonie) jusqu'au 03 décembre 2015
Tosca (Opéra Royal de Wallonie) jusqu'au 30 décembre 2015

Il Trovatore (Festival de Salzbourg)
La Flûte Enchantée (Festival Aix en Provence)
Le Turc en Italie (Festival Aix en Provence)
Le Requiem de Mozart à Kerimäki

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Rédigé par David

Publié dans #TV Lyrique