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Publié le 24 Janvier 2016

Conte d'hiver (William Shakespeare)
Représentation du 22 janvier 2016
Grand Théâtre les Gémeaux - Sceaux

Camillo Abubakar Salim
Florizel Chris Gordon
Polixène Edward Sayer
Perdita Eleanor McLoughlin
Emilie/Le Temps Grace Andrews
Dion Guy Hugues
Cléomène Joseph Black
Paulina/Mopsa Joy Richardson
Hermione/Dorcas Natalie Radmall-Quirke
Léonte Orlando James
Le Berger/Antigone Peter Moreton
Autolycus Ryan Donaldson
Le Clown Sam McArdle
Mamillius Tom Cawte

Mise en scène Declan Donnellan                                     Orlando James (Léonte)                           
Scénographie Nick Ormerod
Compagnie Cheek by Jowl / Londres

Coproduction Barbican / Londres, Grand Théâtre du Luxembourg, Piccolo Teatro di Milano, Chicago Shakespeare Theater, Centro Dramatico Nacional / Madrid

Le titre d'une des dernières oeuvres de William Shakespeare évoque, non sans ambivalence, la promesse d'une histoire imaginaire merveilleuse et l'annonce d'une mort possible.

Et la version que le Théâtre des Gémeaux vient de confier au directeur britannique Declan Donnellan promet, de plus, une interprétation aux caractères forts et viscéralement incarnés.

Nous sommes donc d'emblée captivés par l'expressivité des visages, la tenue des corps et la clarté d'élocution des premiers acteurs qui entrent en scène.

Le décor est simplement constitué d'une sorte de hangar, en fond de scène, dont les planches de bois blanc peuvent subitement basculer dans un fracas claquant pour révéler des tableaux saisissants (la mort de Mamillius) ou des entrées soudaines de personnages signifiants.

Chris Gordon (Florizel) et Eleanor McLoughlin (Perdita) - photo Johan Persson

Chris Gordon (Florizel) et Eleanor McLoughlin (Perdita) - photo Johan Persson

Donnellan s'accroche également à une intemporalité historique, et les acteurs portent les vêtements habituels de nos jours.

La problématique du conte est très lisiblement soulignée lorsqu'il montre franchement l'amitié virile, bagarreuse et non dénuée d'attirance de Léonte, le roi de Sicile, et de Polixène, le roi de Bohème.

Mais la tension ambigüe des premières minutes se résout en un instant par l'arrivée d'Hermione, la femme de Léonte, et de son fils.

D'un seul coup, l'image d'une amitié d'enfance s'efface devant l'image convenue d'un tableau familial conforme aux normes de la société bourgeoise.

 Joy Richardson (Paulina)

Joy Richardson (Paulina)

Le naturel de la relation humaine est alors refoulé devant cette norme, ce qui entraine le désordre mental de Léonte et son incapacité à résoudre le conflit dans sa relation à son ami et à sa femme qui prend même une forme de trouble sexuel vulgaire et dégénéré.

Le délitement paranoïaque de Léonte s'accélère, et la violence nerveuse avec laquelle Orlando James la vit, au point d'en enlaidir son regard fou, prend le dessus sur tout.

Natalie Radmall-Quirke, elle, est l'expression même de la femme intelligente animée d'un profond amour maternel. Nous la voyons se défendre seule, au tribunal, sur une estrade face à la salle, au cours d’une scène qui met en jeu toute la force de conviction de l’actrice.

Orlando James (Léonte) et Natalie Radmall-Quirke (Hermione) - photo Johan Persson

Orlando James (Léonte) et Natalie Radmall-Quirke (Hermione) - photo Johan Persson

Mais le roi balaye même la décision de justice rendue par l’Oracle, dernier seuil qu’il franchit pour atteindre un déni de réalité tyrannique absolu.

Quant au très jeune garçon Tom Cawte, en Mamillius, il joue avec un enthousiasme et une fraicheur naïve aussi bien le bonheur confiant en sa famille, que les premiers spasmes torturés qu'il a hérité de son père.

Dans ce contexte déstabilisant, la formidable actrice noire Joy Richardson prend par la suite l'avantage sur scène, afin de brosser un portrait droit, moral et sévère de Paulina, l'amie noble et loyale d'Hermione. Mais cette sévérité de gouvernante est aussi recouverte d'une humanité sérieuse quand il s’agit de sauver la vie d’un nouveau-né.

Rampant dans une souffrance hystérique, Orlando James finit plus bas que le linceul de son jeune fils, mort sous les lumières d'un bleu glacé après le bannissement de sa mère.

Natalie Radmall-Quirke (Hermione)

Natalie Radmall-Quirke (Hermione)

La seconde partie, au Royaume de Bohème, tranche avec ces premières scènes dramatiques.

Même si Donnellan n'accentue pas visuellement la force présente de la nature - on entend uniquement les ondes de la tempête et les grognements de l'ours -, il rend toute la vitalité pure de ce tableau en réemployant certains acteurs de la première partie dans des rôles secondaires aux caractères totalement opposés.

Joy Richardson et Natalie Radmall-Quirke deviennent ainsi deux filles de joie délurées, puis, survient un nouveau couple, Chris Gordon, en Florizel, et Eleanor McLoughlin en Perdita.

Tom Cawte (Mamillius)

Tom Cawte (Mamillius)

Les fleurs célèbrent la vie rayonnante de la jeune bergère vêtue de blanc, et la musculature magnifique du corps du jeune noble, que Jeans et T-shirt dessinent, en souligne la puissance. Il n’est pas animé d’un pur amour platonique, et les impulsions de ses désirs s’exacerbent dans ce monde affranchi.

Donnellan inverse la correspondance entre milieu de naissance et code vestimentaire, pour mieux montrer la prévalence de l’attraction naturelle des jeunes gens sur la détermination du milieu social.

Un autre jeune homme vient ensuite s’ajouter à cette joie des corps, Ryan Donaldson, qui, sous les traits d'un Autolycus barde, présentateur et roublard, joue lui aussi de sa gracilité dont les vêtements moulés accentuent la féminité des lignes. Grande scène entrainante de danse avec l'ensemble des acteurs, nous nous croyons revenus aux temps de l’insouciance.

Ryan Donaldson (Autolycus) - photo Johan Persson

Ryan Donaldson (Autolycus) - photo Johan Persson

Inévitablement, dès le début du dernier acte, on ne peut s'empêcher de penser à l'ultime opéra de Richard Wagner, Parsifal, et à sa structure en trois parties : une première partie triste et déclinante, une seconde partie musicalement flamboyante - les filles fleurs - et l'éveil à la sexualité, et un retour à une dernière partie hivernale qui va finir par renaître à la vie.

A l’arrivée en Sicile, le temps ayant coulé pendant 16 ans, Florizel et Perdita ne se présentent pas à Léonte en haillons, mais sous la forme d'un couple naturellement lié et bien habillé, prêt à s'insérer dans la réalité de la vie du Royaume.

Rien n’est plus de convenance, et la réconciliation peut avoir lieu autour de la renaissance d’Hermione posant telle une Vierge de Raphaël, autour de laquelle vient cependant rôder silencieusement le fantôme de son fils, souvenir de ce drame social qui a trouvé sa résolution par un retour aux valeurs naturelles.

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Publié le 11 Décembre 2015

Dios Proveera (David Bobee)
Représentation du 10 décembre 2015
Les Gémeaux / Scène nationale (Sceaux)

Artistes Circassiens de la Gata Cirko, Bogota
Edward Aleman, Gabriela Diaz, Diego Fajardo,
Gabriel Gómez, Valentina Linares, Laura Lloreda,
Wilmer Marquez, José Miguel Martinez,
Luisa Montoya, Felipe Ortiz, David Trivino

Ensemble les Nouveaux Caractères
Liselotte Emery (cornet à bouquin)
Etienne Floutier (viole de gambe)
Stephen Eelhart (percussions)
Caroline Mutel (soprano)

Direction musicale Sébastien d’Hérin (Clavecin)
Mise en scène et scénographie David Bobee

                                     José Miguel Martinez

David Bobee est un artiste qui adore mettre en scène la révolte de la jeunesse, et montrer son cœur mis à nu avec tout le déchainement de violence qu’engendre un monde qui ne lui reconnaît pas de droit à sa propre existence.

Au Théâtre des Gémeaux, il avait décuplé la révolte et le romantisme d’Hamlet en compagnie de la troupe du Studio 7 de Moscou, avec laquelle il s'était ensuite jeté dans la fresque d’Ovide, Les métamorphoses, au Théâtre national de Chaillot.

Dans le prolongement de cet élan, il s’est maintenant associé à une des toutes premières troupes indépendantes de cirque contemporain en Colombie, Gata Cirko.

 Valentina Linares et José Miguel Martinez

Valentina Linares et José Miguel Martinez

Et, émerveillé par la vitalité et la virtuosité de ces jeunes hommes et femmes, il a construit avec eux un spectacle qui décrit la hargne et le désir de vivre de la jeunesse de Bogota.

Sur scène, des barrières de sécurité encerclent le plateau vide plongé dans une atmosphère sombre et brumeuse, comme si nous étions dans une arrière-cour désolée uniquement éclairée par un lampadaire sans chaleur.

Un jeune homme s’approche au ralenti du public, fait mine de lui envoyer une bombe fumigène, puis est rejoint par 10 autres comparses. Les barrières valsent dans un vacarme amplifié par une musique qui accentue l’impression apocalyptique de ce tableau de rue.

David Trivino

David Trivino

Ce même jeune homme se saisit, depuis la salle, de boules en caoutchouc qu’il projette comme des pavés lancés contre les soldats de l’autorité, et improvise dessus des numéros de jonglerie tout en bousculant encore plus violemment les grilles de métal.

Le fond de scène révèle alors les façades blanches et tristes d'immeubles de banlieue, et les premières chorégraphies aériennes de ces jeunes tournoient sous les lumières ambrées pour lui redonner une âme libre et gracieuse.

Au fur et à mesure que l’on entre dans l’univers expressif de cette jeunesse, les corps des artistes s’exposent de plus en plus. Un des garçons, nu et musclé, parcourt les barrières sans la moindre pudeur, dans une lenteur qui magnifie son entière sculpture, la force et la beauté éphémère de ses mouvements souples et décidés.

 José Miguel Martinez et Gabriela Diaz

José Miguel Martinez et Gabriela Diaz

Un autre acrobate exécute des numéros libres à peine attaché aux extrémités de deux liens, comme une araignée formant et déformant sa toile et son apparence pour créer des images symboliques qui renvoient à une forme de pureté christique.

Pourtant, l‘environnement et l’histoire de ces jeunes les contraignent. Les forces de l’ordre, qui exécuteront une danse comme si nous étions dans le rêve d’un monde pacifié, ne leur laissent aucun répit.

Alors, ils doivent vivre avec la mémoire coloniale du passé des conquistadors, l’emprise des religieux qui cherchent à les contrôler, et même avec les illusions que drainent les super-héros imaginés par les vendeurs de rêves de l'Amérique du Nord.

Ils rejettent ces fausses valeurs, et ne peuvent que leur opposer la présence éclatante de leurs corps magnifiques, une énergie que l’on reçoit sans cesse tout au long de la soirée.

Les onze acrobates finiront même par s’exposer à nu tous ensemble, dos au mur sous les brusques aléas des lumières qui rendent volantes les ombres balayant leurs poitrines, afin d'afficher leur honneur et leur désir de résister debout au passage du temps.

Stephen Eelhart et Sébastien d’Hérin (Les Nouveaux Caractères)

Stephen Eelhart et Sébastien d’Hérin (Les Nouveaux Caractères)

Et pour les réconforter, et leur donner l’espoir d’une présence divine qui les entoure, le petit orchestre des Nouveaux Caractères joue des extraits d’œuvres de compositeurs espagnols, italiens ou sud-américains, tels Juan de Herrera, Diego Ortiz, Palestrina … dont la musique a un chatoiement intime véritablement semblable à celle d'Henry Purcell.

De plus, Caroline Mutel, la soprano du groupe, est d’une tendresse bienveillante, et les jeunes musiciens subtilement éclairés par les lueurs de scène expriment une complicité naturelle très agréable à admirer.

Violence extériorisée, plastique des corps sublimée, mouvements libérés, prévalence de l'humour et grâce de la musique, tout dans ce spectacle possède une force structurante qui permet à chacun de se recentrer sur soi.

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Publié le 15 Octobre 2015

Le Roi Lear (William Shakespeare)
Représentation du 14 octobre 2015

Théâtre des Gémeaux (Sceaux)

Le Fou Jean-Damien Barbin
Cornouailles Moustafa Benaïbout
Edmond Nazim Boudjenah
Goneril Amira Casar
Régane Céline Chéenne
Kent Eddie Chignara
Edgar Matthieu Dessertine
Bourgogne Emilien Diard-Detoeuf
Lear Philippe Girard
France Damien Lehman
Ecosse Thomas Pouget
Cordelia Laura Ruiz Tamayo
Gloucester Jean-Marie Winling

Mise en scène Olivier Py                                          Philippe Girard (Lear)
Création Festival d’Avignon 2015

Coproduction - France Télévisions  - National Theater & Concert Hall, Taipei - Célestins, Théâtre de Lyon - anthéa, Antipolis Théâtre d’Antibes - La Criée, Théâtre national de Marseille

Fortement critiquée lors de sa création au Festival d’Avignon, la nouvelle mise en scène du Roi Lear reprise aux Gémeaux ne souffre certainement pas de la vitalité ou de la poésie paillarde que l’on connait parfaitement bien de la part d’Olivier Py.

Il y a cependant plus matière à trouver une connivence avec les personnages d’Edgar et d’Edmond, du Fou et de Kent, qu’avec Goneril et Régane, caricaturalement décervelées, de Cordelia, muette, et même du Roi Lear qui n’est dépeint que sous l’emprise d’une folie qui l’entraîne vers le rien.

Nazim Boudjenah (Edmond)

Nazim Boudjenah (Edmond)

Car Olivier Py décrypte très rapidement que la profondeur des sentiments d’amour que recherche le Roi est vaine et guignolesque. Son spectacle ne s’attache pas véritablement à poser ces questions affectives, et prend plutôt la forme d’une course vers un néant apocalyptique qui se veut un écho au nihilisme d’un temps qui est désormais le nôtre.

La bataille finale, sur une Lande boueuse où s’entretuent, dans un vacarme d’effets sonores, tous les figurants soutenus par l’appui d’hommes cagoulés avec, en arrière plan, un amoncellement de squelettes, ne laisse aucun doute sur la dimension politique que le directeur souhaite mettre en exergue. Les derniers mots seront dédiés au poète et à la place qu’il lui reste dans le monde d’aujourd’hui.

Céline Chéenne (Régane), Eddie Chignara (Kent) et Moustafa Benaïbout (Cornouailles)

Céline Chéenne (Régane), Eddie Chignara (Kent) et Moustafa Benaïbout (Cornouailles)

La réécriture du texte bénéficie en premier lieu au Fou, joué par un merveilleux Jean-Damien Barbin, le cœur sur la main, qui observe les mirages des personnalités - il livre, notamment, une amusante réflexion sur ces enfants qui sont si mignons avec leurs parents quand ils savent qu'ils ont du pognon - et les commente avec la sagesse et la lucidité qui s'opposent ainsi à la folie démesurée du Roi.

Philippe Girard est toujours aussi plaintif, il détimbre à plusieurs reprises sa voix dans les premières scènes, et se complet beaucoup dans le misérabilisme. Sa mise à nue, réelle, est courageuse et impressionnante, et il ne nous touche qu’à l’apparition finale de Cordelia, qui évoque la pureté d'un Cygne blessé.

Et comme Olivier Py s'entoure toujours de quelques beaux garçons dont il joue de leur fascination physique, on atteint inévitablement un état d’admiration devant l’Edmond écorché vif de Nazim Boudjenah, moulé dans une combinaison de motard qui en souligne la force virile, libre et solitaire. Il est un homme en manque d’amour paternel et qui en souffre.

Eddie Chignara (Kent), Philippe Girard (Lear) et Matthieu Dessertine (Edgar)

Eddie Chignara (Kent), Philippe Girard (Lear) et Matthieu Dessertine (Edgar)

Mais après une première apparition conventionnelle en costume de ville, Matthieu Dessertine, le beau gosse fétiche du metteur en scène, revient sous les traits d’Edgar transformé en mendiant totalement dévêtu, avec comme seul cache sexe une couverture de survie dorée et argentée. Et là, face à ces fesses à croquer – à tous les sens du terme - et à ce corps parfait et splendide qui se bouge avec une aisance crâneuse, il lui suffit de déclamer ce qu'il lui passe par la tête pour que nous en soyons conquis sans réserve. Rien que pour ses yeux, mais pas seulement...

Autre personnage dont le langage est remanié afin de coller à la vulgarité contemporaine, mais sans s'écarter de l'esprit de Shakespeare, Eddie Chignara rend Kent drôle, entier et attachant, car sa violence est celle qui nait d'un trop plein de façade et d’hypocrisie de la part d’une société qui masque ses petits intérêts et ses rêves mesquins sous des apparences de respectabilité.

Céline Chéenne (Régane) et Amira Casar (Goneril)

Céline Chéenne (Régane) et Amira Casar (Goneril)

Quant à Amira Casar et Céline Chéenne, respectivement en Goneril et Régane, leurs délires hystériques débordent d’excès et manquent de nuances pour pétrir de zones d’ombres leurs personnages.

Et comme nous y sommes habitués, les symboles inhérents au metteur en scène, la statue d’une bête – ici un cerf – pour signifier la force sauvage –, le miroir de scène – côté jardin -, les néons en forme de croix, les panneaux et escaliers qui pivotent au rythme des scènes, nous raccrochent à son univers mental, créant ainsi des liens imaginaires avec ses autres mises en scène.

Le spectateur averti trouve ainsi dans le travail d’Olivier Py une énergie vitale spontanée, à défaut d’originalité, qui rend à chaque fois l’expérience précieuse.

 

Spectacle à revoir jusqu'au 08 janvier 2016 sur CultureBox.

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Publié le 17 Janvier 2015

Mesure pour mesure (William Shakespeare)

Représentation du 14 janvier 2015
Théâtre des Gémeaux (Sceaux)


Le Duc Alexander Arsentyev
Escalus Yury Rumyantsev
Angelo Andrei Kuzichev
Lucio Alexander Feklistov
Claudio Peter Rykov
Le Prévôt Alexander Matrosov
Le Bourreau Ivan Litvinenko
Le Coude Nikolay Kislichenko
Barnardine Igor Teplov
Pompey / Frère Pier Alexey Rakhmanov
Isabella Anna Khalilulina
Mariana Elmira Mirel
Juliette / Francesca Anastasia Lebedeva

Mise en scène Declan Donnellan  (1994)                         Anna Khalilulina (Isabella)
Scénographie Nick Ormerod
Londres-Moscou
                                                                                                           
Production Cie Cheek by Jowl, Théâtre Pouchkine     
Coproduction Barbican Londres, Centro Dramatico Nacional Madrid

L’imposture du pouvoir est un danger de tous les instants en démocratie, et une pièce comme Mesure pour Mesure, qui confronte les figures dominantes de la société entre elles et à leur propre humanité, est d’une irrésistible contemporanéité.
Il y a à peine deux ans, Thomas Ostermeier en avait monté une interprétation radicale au Théâtre de l’Europe, en brouillant les caractères de façon à évacuer tout manichéisme. Chaque personnage avait donc sa face sombre, mais également son aspiration à la vie.

Le peuple

Le peuple

La version que remonte Declan Donnellan, 20 ans après sa création au Théâtre d’art de Moscou, renoue, elle, avec des repères plus facilement reconnaissables par le public d’aujourd’hui : costumes deux pièces anthracites pour habiller les politiques, tenue blanche et unie pour la religion, chemises bleues pour les forces de l’ordre, guenilles pour les pauvres, cuir latex pour les prostituées, l’ensemble des composantes sociales est donc représenté sur scène. Et ces composantes s‘opposent dans un contexte de répression hypocrite des libertés amoureuses et sexuelles.

Peter Rykov (Claudio) et Alexander Arsentyev (Le Mendiant)

Peter Rykov (Claudio) et Alexander Arsentyev (Le Mendiant)

Ainsi, la scène de chantage entre Sœur Isabella et le despote Angelo évoque inévitablement le conflit entre foi et sentiments humains que l’on retrouve à l’opéra dans Tosca, avec une montée lente et pénible de l’expression des intentions et de la prise de conscience de chacun des protagonistes.
Le metteur en scène n’hésite d’ailleurs pas à surligner à gros traits le comportement de ce petit peuple qui vit à la merci de ses tyrans, en le faisant courir et tourner en rond au moindre changement de scène.
Cette scène, justement, paraît bien vide et immobile pendant la moitié du temps, avant que trois des cinq cubes rouges sang ne s’animent pour ouvrir un espace qui accueillera l’arrivée triomphale du Duc au déroulé grandiloquent d’un tapis rouge protocolaire.

Alexander Arsentyev (Le Duc) et Andrei Kuzichev (Angelo)

Alexander Arsentyev (Le Duc) et Andrei Kuzichev (Angelo)

Declan Donnellan parodie avec humour la tendance des citoyens à acclamer le Duc - incarné par le génial et charismatique Alexander Arsentyev - simplement parce qu’il a l’apparat des hommes justes et responsables. Ce Duc s’adresse directement au public comme en campagne politique, et le public de la salle se trouve contraint à rire de son propre goût pour les grands shows devant lesquels s’efface son propre esprit critique.
Et quand sœur Isabelle témoigne chaussée de ses baskets ridicules, Angelo n’a aucun mal à paraître comme un homme modèle au-dessus de tout soupçon.

Elmira Mirel (Mariana), Peter Rykov (Claudio) et Anna Khalilulina (Isabella)

Elmira Mirel (Mariana), Peter Rykov (Claudio) et Anna Khalilulina (Isabella)

Pourtant, les cubes de l’arrière scène révèlent les coulisses de la société où l’on torture, fornique, et où la spiritualité des religieux n’est qu’une icône sans crédibilité.

Tout finit par le bonheur d’une naissance, celle du fils de Lucio, le frère d’Isabella, et sur la victoire de son amour entier et charnel que Peter Rykov aura incarné de tout son corps. Et cette troupe d’excellents acteurs est à nouveau un exemple, pour des acteurs français souvent trop conventionnels, d'un théâtre proche des entrailles de la vie.

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Publié le 8 Mars 2014

Hamlet (William Shakespeare)
Représentation du 05 mars 2014
Théâtre des Gémeaux (Sceaux)

Hamlet Philipp Avdeev
Gertrude Irina Vybornova
Claudius Artur Beschastnyy
Polonius Aleksei Devotchenko
Ophélie Svetlana Mamresheva
Laërte Ilya Romashko
Horatio Harald Thompson Rosenstrom
Rosencrantz Alexandra Revenko
Guldenstern Ivan Fominov
Le role du Roi Vladdislav Sanotskiy
Le rôle de la Reine Sveltlana Asanova
Osric Artem Shevchenko
Le Fossoyeur Alexander Gorchilin
Fortinbras Roman Shmakov

Mise en scène et Scénographie David Bobée                 Philippe Avdeev (Hamlet)
Nouvelle traduction française Pascal Collin

Traduction russe d’après plusieurs sources Rimma Genkina

Avec les acteurs du Studio 7 du Théâtre d’Art de Moscou dirigé par Kirill Serebrennikov

C’est le choc du mois, la troupe du Studio 7 du Théâtre d’Art de Moscou est invitée à Paris afin de présenter trois spectacles : Le Songe d’un nuit d’été et Les Métamorphoses, au Théâtre National de Chaillot, et, pour débuter, Hamlet, au Théâtre des Gémeaux.

Cette troupe de jeunes acteurs russes a une telle présence que David Bobée lui a proposé de reprendre la mise en scène d’Hamlet qu’il avait créé pour les Subsistances - un lieu de création singulier installé à Lyon.

Irina Vybornova (Gertrude) et Artur Beschastnyy (Claudius)

Irina Vybornova (Gertrude) et Artur Beschastnyy (Claudius)

Il le dit lui-même, très modestement, au sortir du théâtre, son travail consiste surtout à canaliser l’énergie de ces artistes pour qu’ils restent, avant tout, eux mêmes.

Pour ce spectacle incroyablement physique, David Bobée a imaginé un univers glaçant dont la noirceur rappelle celle de nombre de scénographies d’Olivier Py – ce dernier a également monté le Hamlet d’Ambroise Thomas - : un seul espace représentant les diverses unités de lieu, une faille, au fond, par où surgira un Hamlet suicidaire, la dague pointée sous le menton, des cercueils encastrés dans les murs, des blocs de pierres tombales, une table de banquet.

Svetlana Mamresheva (Ophélie) et Philippe Avdeev (Hamlet)

Svetlana Mamresheva (Ophélie) et Philippe Avdeev (Hamlet)

Le spectre du père d’Hamlet, lui, apparaît au-devant d’une séparation d’avant-scène sur laquelle les lignes numériques d’un visage se déformant en permanence, empêchant ainsi toute identification, s’adresse au Prince avec une voix surnaturelle et fantomatique.

Après les premières célébrations de Gertrude et Claudius, entourés d’une cour où le regard s’accroche sur l’un des courtisans nonchalamment affublé de dreadlocks, l’acteur-acrobate Philipp Avdeev libère une personnalité violemment expressive, hurlant sa révolte et ses rancœurs avec un romantisme noir qui le rapproche beaucoup plus de l’adolescence de Roméo que de la spirale dépressive d’Hamlet telle qu’on l’imagine.

Philippe Avdeev (Hamlet)

Philippe Avdeev (Hamlet)

Il donne l'image d'une personnalité animée par une énergie vitale qui cherche à s’opposer aux forces obscures qui l’entraînent vers le fond, et cela peut se percevoir comme une envie de se heurter à la réalité pour la comprendre, la provoquer ou bien confirmer ce qu’il pressent.

On est admiratif de bout en bout par ce corps sensuel qui dit tout, prolonge les réflexions et les intentions d’Hamlet, par cette souplesse féline qui se faufile auprès d’Ophélie, par cette manière d’embrasser la vie pour s’en imprégner, par ce jeu intuitif qui ne laisse aucun répit. 
Il joue avec l’adhérence du sol, transforme ses courses en glissades, tombe et se relève dans le même mouvement, donnant l’impression d’une perte de maîtrise alors qu'au contraire il montre un art du contrôle instable ahurissant.

 Irina Vybornova (Gertrude)

Irina Vybornova (Gertrude)

Il n’est pas libre dans ses pensées, mais libre dans son corps. Et c’est cette manière de déclamer, bien loin de l’ennui que procurent les styles précieux que l’on peut trouver dans le théâtre français, qui fascine par sa vérité directe.

Au moment de l’exil d'Hamlet vers l'Angleterre, conséquence du meurtre de Polonius, le père d’Ophélie, se faufilent subrepticement des flaques d’eau qui finissent par envahir entièrement cet univers gothique. Les éclairages rasants accentuent le mystère rampant qui avance vers la salle, et il faut un peu de temps pour comprendre que toute la seconde partie va se dérouler constamment dans cette eau aux reflets saumâtres.
 

Puis, David Bobee a le coup de génie de transformer Hamlet en en faisant un Batman ruminant son retour vers la cité afin de venger le meurtre de son père – ce qui le rapproche à la fois d'un héro de référence plus actuel qui, lui aussi, a vécu le meurtre direct de ses parents - à travers une chorégraphie d’entrechocs entre corps et eau, eau d’argent rejaillissant dans laquelle se fond la toile de la cape noire qui l’englue plus qu’autre chose.
C’est d’une beauté sombre à couper le souffle, une envie de liberté qui ne peut aboutir. On pense alors aux techniques similaires d’Aurélien Bory.

Et la scène du crâne devient un jeu de démembrement d’un squelette humain qui s’amuse du vide vital de ces bribes d’os, faisant ainsi écho au goût morbide et mélancolique qu’une partie de l’adolescence, mais pas exclusivement, affiche par provocation et en rébellion face à un monde qu’elle ne supporte plus.
                                                                          Philippe Avdeev (Hamlet)

 Autre tableau impressionnant, la folie d’Ophélie est présentée avec une poésie magnifique quand elle se penche sur l’eau, la chevelure ondulée cachant son visage, les lumières prolongeant son corps et son reflet pour ne plus permettre de distinguer ce qui sépare le monde vivant et le monde sous les eaux.
                                                                     
L’art physique des comédiens est ensuite sollicité dans la grande scène du duel entre Hamlet et Laërte, sous forme d’une joute qui évoque l’art mythique du combat au sabre de Star Wars. Sauf que tout est vrai, aucune reprise n’est possible, et c’est étourdissant à voir.

Svetlana Mamresheva (Ophélie)

Svetlana Mamresheva (Ophélie)

Cette histoire physique, telle qu’elle est racontée, et traduite en russe, passe un peu au second plan, et suppose que le spectateur connaît déjà les grandes lignes de la tragédie. L’ambiance musicale, fondamentale, part d’un air de Purcell chanté par Ophélie, puis s’immerge dans l’univers musical d’aujourd’hui.

Et cette manière de jouer, qui nous touche en s’adressant à notre cœur adolescent, perce les cuirasses que l’expérience de la vie peut plus au moins avoir obligé à construire, et nous interroge sur notre manière de réagir face à des situations semblables. On en sort secoué, et fort conscient de nos propres limites.

Philippe Avdeev (Hamlet)

Philippe Avdeev (Hamlet)

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Publié le 28 Novembre 2012

Hedda Gabler (Henrik Ibsen)
Représentation du 25 novembre 2012
Théâtre Les Gémeaux (Sceaux)

Jørgen Tesman Lars Eidinger
Hedda Tesman Katharina Schüttler
Juliane Tesman Lore Stefanek
Madame Elvsted Annedore Bauer
Monsieur Brack Jörg Hartmann
Eilert Løvborg Kay Bartholomäus Schulze

Mise en scène Thomas Ostermeier (2005)
Dramaturgie Marius von Mayenburg
Schaubühne am Lehniner Platz/Berlin

                                                                                                          Lars Eidinger (Jørgen Tesman)

Si, pour l’instant, Rennes est la seule ville française à avoir été fascinée par Mort à Venise dans la mise en scène de Thomas Ostermeier, et cela avant sa création berlinoise en janvier prochain, les parisiens ont pu se consoler avec la reprise d’Hedda Gabler au Théâtre des Gémeaux, une pièce pour laquelle Henrik Ibsen dresse le portrait d’une femme nimbée d’une détestation viscérale pour le conformisme social, et acculée à une destruction intérieure irrépressible.

L’univers reconstitué par le régisseur allemand réduit l’appartement des Tesman à l’essentiel, avec un petit salon fonctionnel au centre duquel repose un large divan, sans charme, séparé de la véranda extérieure par une large baie vitrée amovible, et qu’un petit mur isole d’une autre pièce, le tout reposant sur un plateau pivotant afin de fluidifier les changements de lieux au cours des scènes.

Un miroir incliné surplombe le tout, laissant entrevoir en continu les échanges qui se déroulent dans les pièces adjacentes.

Lors des transitions, une musique feutrée, nonchalante, glisse sur le travelling longeant une résidence de luxe, un univers en apparence paisible mais insidieusement ironique.

En dessinant des personnages banals, Ostermeier recrée avec précision le monde des relations convenues, et l’ensemble de ses acteurs, permanents ou invités à la Schaubühne de Berlin, joue avec un réalisme tel qu’à aucun instant il ne nous vient à l’idée d’être au théâtre, car on reconnaît, même dans le naturel de leurs gestes conditionnés, les poses et les attitudes stéréotypées des milieux bourgeois d’aujourd’hui.

 

                                                                                        Katharina Schüttler (Hedda Tesman)

Jørgen Tesman, sous les traits au charme désuet de Lars Eidinger, apparaît comme le modèle même du jeune homme totalement inscrit dans la ligne de réussite envisagée par sa famille, sa tante en particulier, s’évaluant à l’aune de critères simples, la reconnaissance sociale pour lui-même, la paternité qui offrira des temps d’occupations et des sujets de conversations à ses proches, une vision du bonheur sûre.

En total décalage avec ce modèle-là, Hedda Tesman tente de composer avec ces aspirations étouffantes et décevantes pour elle même. Parfois, son regard s’évade, à d’autres moments elle se prête au jeu tout en affichant des sourires froids, mais ses poses montrent comment elle reste en contact avec la souplesse de son corps, sa propre originalité, imperméable à la rigueur du savoir vivre social.

Katharina Schüttler (Hedda Tesman), Kay Bartholomäus Schulze (Eilert Løvborg), Jörg Hartmann (Monsieur Brack) et Lars Eidinger (Jørgen Tesman)

Katharina Schüttler (Hedda Tesman), Kay Bartholomäus Schulze (Eilert Løvborg), Jörg Hartmann (Monsieur Brack) et Lars Eidinger (Jørgen Tesman)

Svelte avec quelque chose de très enfantin, Katharina Schüttler exprime, dans ses attitudes libres, à la fois les aspirations d’une Madame Bovary prisonnière de son ennui, et l’animalité provocante de Lulu.

Une image, directement parlante, permet de comparer l’attitude relâchée, fluide et érotique qu’elle arbore lorsqu’elle s’endort sur le sofa, alors que Madame Elvsted, allongée à l’opposé, reste figée dans une posture plus rigide et maîtrisée. Le sommeil révèle la vérité des êtres.

En fait, l’enjeu de reconnaissance professionnelle qui oppose Jørgen Tesman et Eilert Løvborg est totalement secondaire. Ce dernier, ancien amant d’Hedda, est montré sous l’angle de ses pulsions autodestructrices, qui, quelque part, peuvent avoir été le lien inconscient qui lia leur couple quelques années auparavant.

La monté inexorable de la violence qui ronge Hedda se manifeste par la scène de destruction de l’ordinateur de son mari, progressive dans sa brutalité.
Puis, retrouvée seule avec Monsieur Brack, elle découvre que cet homme qui, en société, semble être quelqu’un de posé et mûr, cache, en le lui révélant sous forme de chantage, son intention de faire d’elle son amante, alors qu’aucun sentiment amoureux ne transparaît bien évidemment en lui.

Peu avant, il apparaissait, derrière la baie vitrée, discutant avec Jørgen comme de bons vieux amis.

Nouveau rejet d’une duplicité sociale courante, attitude qu’elle observe en silence et exècre profondément, et, sans que rien ne laisse présager quoi que ce soit, elle met un terme à sa vie, sous le coup de feu glacial de son revolver.
   Katharina Schüttler (Hedda Tesman) et Kay Bartholomäus Schulze (Eilert Løvborg)

Le plus extraordinaire est de voir pourtant Jørgen et Madame Elvsted œuvrer à la reconstitution du mémoire perdu dans la casse de l’ordinateur portable, en collant sur les murs des post-it multicolores sur lesquels des bribes d’idées refont surface, sans s’inquiéter outre mesure d’Hedda.

Cette indifférence signe la victoire de la normalité et de l’adaptabilité sur les désirs de liberté et d’authenticité, le romantisme noir également, et, par l’image finale qu’il nous donne de ce couple, Ostermeier montre pour lui une tendresse et une bienveillance, comme pour nous dire qu’à défaut de brillance, sa fadeur a le mérite de ne pas être dangereuse.

Une lucidité mélancolique désarmante.

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Publié le 16 Janvier 2009

L’Infedeltà Delusa (Joseph Haydn)
Représentation du 14 janvier 2009
Théâtre Les Gémeaux - Sceaux

Direction musicale Jérémie Rhorer
Mise en scène Richard Brunel

Vespina Claire Debono
Sandrina Ina Kringelborn
Filippo Yves Saelens
Nencio Julian Prégardien
Nanni Thomas Tatzi

Orchestre Le Cercle de l’Harmonie

 

                           Julian Prégardien (Nencio)

 

L’Opera Buffa fût au XVIIIième siècle une réaction salutaire au genre Seria.
L’Infidélité déjouée (1773) s’inscrit dans ce mouvement vif et spontané qui prend ses origines à Naples dans les années 1730.

L’élément frappant de cette Burletta est le rôle de Vespina dont semble descendre directement la Despina du Cosi fan Tutte de Mozart (17 ans plus tard).

Il n’y a alors que des louanges à faire à Claire Debono, qui sans difficulté apparente se présente sous trois déguisements différents et sous trois types de voix bien distincts.

Son émission claire, presque scintillante, se révèle accrocheuse dès son air d’entrée lorsque se décharge toute la violence du sentiment amoureux en même temps que l’orchestration se tend.
Ce passage porte quelque chose de très vrai, même pas exagéré.

Julian Prégardien est le second point focal de la distribution, ténor au grain doux et séducteur comme est son personnage de jeune bourgeois pimpant.

A l’opposé, Sandrina, Filippo et Nanni incarnent un milieu rural plus rustre, univoques dans leur attitude d’esprit, ce qui les rend peu intéressants malgré l’implication des interprètes.

                                 Claire Debono (Vespina)

C’est donc la proximité et l’intimité du contact entre le public et la scène qui font la saveur de cette pièce, Jérémie Rhorer y animant son orchestre de manière simple et enjouée.

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