Les Théâtres Lyriques de l’enceinte de Philippe-Auguste et Louis XIII à Paris
Lorsque l’on s’intéresse aux lieux des créations parisiennes d’œuvres lyriques, on découvre une diversité de salles, pour la plupart disparues aujourd’hui, qui ne sont pas évidentes à localiser sur un plan de la ville.
On remarque cependant que toutes les salles créées jusqu’au XIX siècle sont regroupées sur une zone de 3 kilomètres par 3 kilomètres qui englobe les quatre premiers arrondissements de Paris jusqu’aux limites, au sud, de l’enceinte de Philippe-Auguste, à l’est, de l’enceinte de Charles V, et à l’ouest, de l’enceinte de Louis XIII, c'est-à-dire les limites principales du Paris du Cardinal Richelieu (1585-1642).
Enceintes de Philippe-Auguste, Charles V et Louis XIII (Paris)
La carte qui suit propose de présenter les principaux emplacements successifs des théâtres lyriques parisiens du XVII siècle jusqu’à aujourd’hui – seul le Théâtre des Champs-Elysées (1913) n’y apparaît pas, puisqu’il se situe au Pont de l’Alma, à proximité du Mur des Fermiers généraux, construit à l'approche de la Révolution française.
Six institutions, compagnies ou courants musicaux, proposant chacun une ligne de programmation lyrique spécifique, se sont ainsi partagés une trentaine de salles à Paris au cours des 350 dernières années – mais seule une dizaine de ces salles subsiste encore aujourd’hui.
Les Théâtres Lyriques du Paris ancien (cliquez pour agrandir)
L’Académie Royale de Musique / Opéra de Paris (1669 à nos jours)
Confiée au poète Pierre Perrin, puis à Jean-Baptiste Lully, l’Académie Royale de Musique initiée sous Louis XIV avait pour vocation de promouvoir l’opéra français à Paris et dans les succursales de province.
Renommée ‘Théâtre national de l’Opéra’ après la Commune (1871), et ‘Opéra de Paris’ à l’ouverture de l’Opéra Bastille (1989), elle a occupé par moins de 10 salles – détaillées ci-après -, sans compter les passages temporaires par 4 autres salles parisiennes après l’incendie du Second Théâtre du Palais Royal (1781), l’attentat contre le Duc de Berry devant l’Opéra Richelieu (1820), et l’incendie de la salle Le Peletier (1873).
1. Le Jeu de Paume et de la Bouteille (1671-1672), rue Mazarine.
La première représentation publique de l'’Académie royale de Musique’ y est donnée avec ‘Pomone’ (Robert Cambert), oeuvre considérée comme le premier opéra français.
2. Le Jeu de Paume de Bel-Air (1672-1673), rue Vaugirard.
Y sont représentés les ‘Fêtes de l'Amour et de Bacchus’ puis ‘Cadmus et Hermione’ de Jean Baptiste Lully, qui a repris le privilège des représentations de l'Académie.
Ancien Jeu de Paume du Bel-Air, rue de Vaugirard (vers l'actuel no 13 bis, à l'angle de l'ancienne rue des Fossées-de-Nesles, actuellement rue de Médicis) (Credit: Roger-Viollet).
3. Le Théâtre du Palais Royal (1673-1763)
A la mort de Molière, Lully récupère le Théâtre du Palais Royal. Ses ouvrages, ‘Alceste’ (1674), ‘Persée’ (1682), 'Amadis' (1684) et ‘Armide’ (1686), y sont créés, ainsi que les opéras de Campra et Rameau ('Hippolyte et Aricie' (1733), 'Les Indes Galantes' (1735), 'Castor et Pollux' (1737), 'Dardanus' (1739) et 'Zoroastre' (1749)).
Mais un incendie détruit le théâtre en 1763.
Vue du feu qui détruisit la Salle de l'Opéra de Paris le 6 avril 1763 (Bibliothèque Nationale de France).
4. La salle des Machines des Tuileries (1763-1770)
Après l’incendie du Théâtre du Palais Royal, l’Académie s’installe dans la salle des Machines des Tuileries, construite en 1661, et y reste jusqu’au 23 janvier 1770.
Des œuvres de Rameau, Dauvergne, Francoeur et Merton y sont jouées.
5. Le second Théâtre du Palais Royal (1770-1781)
Dans cette salle de 2300 places sont représentés les opéras de Gluck ('Iphigénie en Aulide' et 'Orphée et Eurydice' (1774), la version révisée d'Alceste' (1776), 'Armide' (1777), 'Iphigénie en Tauride' et 'Echo et Narcisse' (1779)), et de Piccinni ('Iphigénie en Tauride' (1781)).
'Amadis de Gaule’ (J-C Bach) y est également créé.
Cependant, ce théâtre s'enflamme en 1781.
Feu du 08 juin 1781 qui détruisit le Théâtre du Palais Royal (Bibliothèque Nationale de France).
6. La salle de la Porte-Saint-Martin (1781-1794)
Après un passage de quelques mois par la petite salle des Menus-Plaisirs, rue bergère – salle située à l’actuel emplacement du Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique -, l’Académie de Musique investit la nouvelle salle de la Porte-Saint-Martin.
Les opéras de Salieri et Cherubini y sont représentés. Mais cette salle n’est que temporaire.
Le Théâtre de la Porte Saint-Martin - dessin de Jean-Baptiste Lallemand.
7. L’Opéra de la rue Richelieu ou Théâtre des Arts (1794 – 1820)
Comédienne et directrice de théâtre, dont celui de la Monnaie de Bruxelles, Mademoiselle Montansier fait construire en 1793 un vaste théâtre, rue de la Loi – l’actuelle rue Richelieu -, qu’elle nomme ‘Théâtre National’.
Sous la Terreur, le comité de l’Opéra l’en dessaisit et y installe l’Académie de Musique.
Les opéras de Spontini, ‘La Vestale’, ‘Fernand Cortez’, ‘L’Olympie’, et de Lesueur, ‘Ossian, ou les bardes’, ‘La Mort d’Adam’, y sont créés.
Après l’assassinat du Duc de Berry, l’opéra est détruit. Le Square Louvois actuel occupe son emplacement.
L'opéra de la rue Richelieu, ou Théâtre des Arts.
8. La salle Le Peletier (1820-1873)
Après un passage d’un an à la première salle Favart – la salle de l’Opéra-Comique - et de trois mois au Théâtre Louvois – une des salles des Italiens -, l’Académie de Musique inaugure la nouvelle salle Le Peletier, qui n’est que provisoire.
Les Opéras - de Grands Opéras pour la plupart - de Rossini ('Le Siège de Corinthe', ''Moïse et Pharaon', 'Le Comte Ory', 'Guillaume Tell') , Auber ('La Muette de Portici','Gustave III', 'Manon Lescaut'), Cherubini ('Ali-Baba'), Meyerbeer ('Les Huguenots', 'Le Prophète', 'L'Africaine'), Halévy ('La Juive', 'La Reine de Chypre'), Berlioz ('Benvenuto Cellini'), Donizetti ('La Fille du Régiment', 'La Favorite'), Verdi ('Jérusalem', 'Les Vêpres siciliennes', 'Don Carlos'), Gounod ('Sapho', 'La Nonne sanglante', 'La Reine de Saba'), Thomas ('Hamlet') et le ‘Tannhäuser’ de Wagner – version parisienne – y sont créés, tous en langue française.
Mais dès 1868, l’architecte du Nouvel Opéra signale un tassement général du bâtiment, et, dans la nuit du 28 au 29 octobre 1873, un incendie le détruit en quelques heures.
La troupe se déplace temporairement à la salle Ventadour – rue Montsigny - que les Italiens ont quitté depuis 1871.
La salle Le Peletier (1864) - peinture d'August Lauré (1818-1900).
9. Le Palais Garnier (1875 à nos jours)
L’incendie de la salle Le Peletier oblige a accélérer l’achèvement de la construction de l’Opéra Garnier initiée en 1861.
Le Théâtre national de l’Opéra s’empare de ce joyau architectural le 05 janvier 1875.
La reprise des Grands Opéras créés à la salle Le Peletier et une intense ouverture aux oeuvres de Wagner se poursuivent jusqu'à la seconde Guerre mondiale.
Au cours des 30 premières années, ‘Polyeucte’ et ‘Le Tribut de Zamora’ de Gounod et 'Françoise de Rimini' de Thomas y sont créés, ainsi que nombre d’opéras de Jules Massenet, ’Le Roi de Lahore’, ‘Le Cid’, ‘Thaïs’, ‘Ariane’, ‘Bacchus’.
Après la seconde Guerre mondiale, l'Opéra commence à intégrer le répertoire de l'Opéra-Comique, 'Carmen' ne rentre qu'en 1959, mouvement qui s'accèlère dans les années 70 et 80 avec Rolf Liebermann qui intègre les oeuvres du répertoire international en langue originale.
De 1978 à 1989, la salle Favart devient la seconde salle de l'institution parisienne.
L'Opéra Garnier vu de la rue Auber (Léonard Saurflet - 1875)
10. L’Opéra Bastille (1989 à nos jours)
Afin de démocratiser l’accès à l’Art Lyrique, une seconde salle est construite place de la Bastille.
Inaugurée avec ‘Les Troyens de Berlioz’, la scène Bastille devient la salle principale de l’Opéra de Paris pour la programmation des œuvres lyriques (1/4 des opéras restent joués à Garnier).
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L’Opéra-Comique (1714 à nos jours)
L’Opéra-Comique est le genre le plus ancien qui fasse contrepoids au monopole de l’Académie Royal de Musique.
Il apparaît dans les théâtres des Foires Saint-Germain et Saint-Laurent lorsque qu’une troupe de forains reçoit, en 1714, l’autorisation de donner des spectacles chantés.
Cette troupe prend le nom d’Opéra-Comique, nom qui sera aussi celui de sa salle principale à partir de 1783, la célèbre salle Favart.
Ce genre ne signifie cependant pas que les œuvres sont des comédies comiques, mais qu’elles comprennent une partie parlée, par opposition à l’Opéra qui est, lui, entièrement chanté.
Après une première fusion avec la troupe des italiens, en 1762, renommée ‘Comédie des Italiens’, l’institution retrouve son nom d’origine, l’’Opéra Comique’, en 1780, et le conserve jusqu’à nos jours.
9 salles et emplacements ont ainsi accompagné le développement de l’Opéra-Comique.
1. Les Foires Saint-Germain et Saint-Laurent (1714-1762)
Apparues aux Moyen-Age, ces foires sont respectivement situées à Saint-Germain des prés et à l’Abbaye des frères de Saint-Lazare – près de l’église Saint-Laurent.Nombre d’ouvrages de François-André Danican Philidor furent créés sur ces deux foires, ‘Le diable à quatre’, ‘Le soldat magicien’, ‘Blaise le savetier’.
L’opéra le plus célèbre d’Antoine Dauvergne, ‘Les Troqueurs’, est par ailleurs créé à la Foire Saint-Laurent le 30 juillet 1753.
Plan de la Foire Saint-Germain vers 1670, gravure de Jollain.
2. L’Hôtel de Bourgogne (1762-1783)
La troupe de l’Opéra-Comique déménage à la salle de l’Hôtel de Bourgogne, rue Mauconseil, et fusionne avec la Comédie des Italiens dont elle prend le nom.
‘Tom Jones’, de Philidor, y est créé le 27 février 1765 ainsi que ‘Le déserteur’, d’Alexandre Montsigny, le 06 mars 1769.
3. La Salle Favart I (1783-1801)
Suite à l’arrêté du 25 décembre 1779 interdisant les comédies en italien, la troupe retrouve l’appellation ‘Opéra-Comique’ et déménage, quatre ans plus tard, dans son nouveau théâtre, la salle Favart, construit sur l’emplacement de l’hôtel du duc de Choiseul.
‘Richard Cœur-de-Lion’ d’André Grétry y est créé le 20 octobre 1784, 'Paul et Virginie' de Rodolphe Kreutzer le 15 janvier 1791, puis, ‘Beniovski’ et ‘Le Calife de Bagdad’ de François-Adrien Boieldieu, en 1800.
Vue du Théâtre Royal Italien - première salle Favart - prise du coté de la place. Gravure originale de 1816 gravée par Blanchard ainé Père d"après un dessin de Henri Courvoisier-Voisin.
4. Le Théâtre Feydeau (1801-1829)
Sur ordre de Napoléon, le 16 septembre 1801, la troupe de l’Opéra-Comique fusionne avec la troupe de la salle Feydeau – théâtre concurrent construit en 1789 dans les jardins de l’hôtel Briçonnet -, et s’y installe, Favart étant devenue vétuste. La troupe opèrera un bref retour à Favart et un passage de trois semaines au Théâtre Olympique entre le 23 juillet 1804 et le 05 juillet 1805.
Les créations d’œuvres de Boieldieu se poursuivent, ‘Ma tante Aurore’, ‘Jean de Paris’, ‘La Dame Blanche’.
La salle Feydeau à Paris (d'après Pierre Courvoisier).
5. Le Théâtre Ventadour (1829-1832)
La vétusté du Théâtre Feydeau oblige à nouveau la troupe de l’Opéra-Comique à changer de lieu. Elle s’installe au Théâtre Ventadour, salle inaugurée le 20 avril 1829 sur l’ancien emplacement de l’hôtel de Lionne.
‘Fra Diavolo’, d’Auber, et ‘Zampa’, d’Herold, y sont créés.
Mais les charges d’exploitation de la salle s’avèrent trop élevées.
Salle Ventadour, par C. Gilio, vers 1830.
6. Le Théâtre des Nouveautés (1832-1840)
Nouveau déménagement de la troupe au Théâtre des Nouveautés, en face de la Bourse, théâtre inauguré en 1827 par une troupe concurrente qui sera, cinq ans plus tard, victime de sa rivalité avec l’Opéra-Comique.
'Le pré aux Clercs' d'Herold, ‘Le Chalet’ et ‘Le Postillon de Lonjumeau’, d’Adolphe Adam, ‘Le Cheval de bronze’ et le ‘Domino noir’, d’Auber, et ‘La Fille du Régiment' de Donizetti y sont créés.
La salle du Théâtre des Nouveautés.
7. La Salle Favart II (1840-1887)
La troupe de l’Opéra-Comique réintègre enfin sa nouvelle salle Favart, reconstruite après l’incendie du 14 janvier 1838. Elle ne la quittera que 9 jours pour la Salle Ventadour du 26 juin au 04 juillet 1853.
Nombreuses créations devenues des incontournables du répertoire : ‘La Damnation de Faust’ (1846) de Berlioz, ‘Carmen’ (1875), ‘Les Contes d’Hoffmann’ (1881), ‘Lakmé’ (1883), ‘Manon’ (1884), ‘L’étoile du Nord’ et ‘Dinorah’ (Meyerbeer), ‘Rita’ (Donizetti), ‘Mignon’ (Thomas), ‘Djamileh’ (Bizet), ‘Cinq-Mars’ (Gounod) y sont également créés.
Mais au cours d’une représentation de ‘Mignon’, le 25 mai 1887, un incendie détruit de nouveau la salle.
Incendie de la seconde salle Favart (1887).
8. Le Théâtre des Nations (1887-1898)
L’Opéra-Comique s’installe au Théâtre des Nations – l’actuel Théâtre de la Ville – jusqu’à l’ouverture de la troisième salle Favart.
La comédienne Sarah Bernhardt reprend le bail du théâtre en 1899.
'Le Vaisseau Fantôme' de Wagner, 'Les Troyens à Carthage' de Berlioz, 'Les pêcheurs de perles' de Bizet, ‘Esclarmonde’, ‘Le Portrait de Manon’, ‘Sapho’ de Massenet et ‘Le Roi d’Ys’ de Lalo y sont créés.
9. La Salle Favart III (1898 à nos jours)
La troisième salle Favart devient la résidence définitive de l’Opéra-Comique, le 07 décembre 1898.
‘Véronique’ (Messager) y est créée le 10 décembre 1898.
A nouveau, de nombreuses créations viennent compenser la perte de créativité de l’Opéra.
‘Cendrillon’, ‘Grisédilis’ (Massenet), ‘Louise’ et ‘Julien’ (Charpentier), ‘Pelléas et Mélisande’ (Debussy), ‘Ariane et Barbe-Bleue’ (Dukas), ‘Fortunio’ (Messager), ‘Macbeth’ (Bloch), ‘L’Heure espagnole’ (Ravel), ‘Bérénice’ (Magnard), ‘Mârouf, savetier du Caire’ (Rabaud) y sont créés au cours des 20 premières années.
Plus tard, ‘Le Pauvre Matelot’ (Milhaud), ‘Les mamelles de Tirésias’ et ‘La voix humaine’ (Poulenc) sont découverts sur cette scène.
Albert Carré impose également ‘Werther’ et introduit les opéras de Puccini en version française.
L’Opéra-Comique est cependant fermé en 1971. Favart devient, en 1978, la seconde salle de l’Opéra, et la compagnie retrouve finalement son indépendance en 1990.
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Le Théâtre des Italiens (1716 à 1871)
En 1697, les comédiens italiens sont interdits de représentations à Paris par Louis XIV, après avoir projeté de jouer ‘La fausse prude’, une pièce qui visait Madame de Maintenon, à qui on attribuait une grande influence sur le Roi.
Quand ces comédiens revinrent à Paris, à la mort du Roi, ils élargirent leur répertoire à l’art lyrique, mais durent attendre près d’un siècle pour se stabiliser et devenir une alternative aux opéras en langue française de l’Opéra-Comique et de l’Académie Royale de Musique.
6 salles principales ont accueilli le Théâtre des Italiens.
1. L’Hôtel de Bourgogne (1716-1762)
De retour à Paris en 1716, la Comédie Italienne s’installe à l’Hôtel de Bourgogne et commence à aborder l’Art Lyrique.
Composé en 1733, ‘La Serva Padrona’ de Pergolèse y est joué pour la première fois en 1746.
Seules quatre représentations sont données, mais, lorsqu’elles sont reprises par la modeste troupe italienne de Strasbourg, de passage en 1752 à l’Académie Royale de Musique dédiée aux oeuvres de Rameau et Lully, elle déclenche une polémique sur les mérites de la musique française et italienne.
Devenue concurrente de la troupe de l’Opéra-Comique, celle dernière s’installe à l’Hôtel de Bourgogne en 1762 et fusionne avec la troupe italienne.
Mais malgré la nouvelle dénomination de ‘Comédie Italienne’, les artistes français deviennent majoritaires, et un nouvel arrêté interdit les comédies italiennes le 25 décembre 1779.
L'Hotel de Bourgogne au XVIIIème siècle.
2. Le Théâtre Feydeau (1791-1801)
Construit en 1789 dans les jardins de l’Hôtel Briçonnet, le Théâtre Feydeau accueille en 1791 une troupe dénommée ‘Théâtre de Monsieur’ autorisée à jouer des opéras comiques français et italiens.
Luigi Cherubini, installé à Paris depuis 1787, est le directeur de cette troupe jusqu’en 1792.
Il fait découvrir les œuvres de Giovanni Paisiello.
Il compose pour le Théâtre Feydeau, en langue française, ‘Lodoiska’ (1791), ‘Médée’ (1797) et ‘Les Deux Journées’ (1798). Renommée 'Le porteur d'eau' pour l'opéra de Vienne, l’humanisme des ‘Deux Journées’ influence Beethoven pour sa composition de ‘Fidelio’.
Mais sur ordre de Napoléon, le 16 septembre 1801, la troupe de l’Opéra-Comique fusionne avec la troupe de la salle Feydeau et s'y installe.
3. Théâtre de l’Odéon / Théâtre de l’Impératrice (1808/1815)
Dès 1801, Mademoiselle Montansier, qui avait fait construire l’Opéra de la rue de Richelieu en 1793, crée une troupe italienne dénommée ‘Opera Buffa’.
Cette troupe connait des débuts mouvementés et doit changer régulièrement de salle en passant du ‘Théâtre Olympique’ (1801) – au 46, rue de la victoire – à la salle Favart I (1802), au Théâtre Louvois (1804), puis au Théâtre de l’Odéon / Théâtre de l’Impératrice (1808).
Le répertoire repose essentiellement sur les maîtres contemporains de l’opéra buffa, Cimarosa, Guglielmi, Sarti, Paisiello, Paër et Mayer.
C’est également au cours de cette période que les opéras de Mozart ‘Le Nozze di Figaro’ (1807), ‘Così fan tutte’ (1809) et ‘Don Giovanni’ (1811) sont joués pour la première fois en italien à Paris.
Le 1er décembre 1813, Napoléon assiste avec l’Impératrice, à la première représentation de ‘La morte di Cleopatra’ de Nasolini, et le 8 janvier 1814, il fait venir la troupe aux Tuileries pour entendre ‘I Misteri Eleusini’ de Simon Mayr.
A la chute de l’Empire, la troupe passe momentanément à Favart I (1815) et est renommée ‘Théâtre Royal Italien’.
Incendie du Théâtre de l'Odéon en 1818.
4. Le Théâtre Louvois (1819-1825)
La troupe se fixe ensuite au Théâtre Louvois en 1819, en face de l’Opéra Richelieu.
Paër et Rossini en sont les directeurs.
C’est ici qu’est joué ‘L’Inganno Felice’, le premier grand succès de Rossini, puis, le 19 juin 1825, ‘Il Viaggio a Reims’.
Les premières parisiennes de ‘Il barbiere di Siviglia’ (26 Octobre 1819), ’ Otello’ (5 Juin 1821), et ‘Tancredi’ (23 Avril 1822) y sont données également.
La popularité du compositeur italien est telle que ‘La gazza ladra’, ‘Elisabetta, regina d'Inghilterra’, ‘Mosè in Egitto’ et ‘La donna del lago’ seront joués à la salle Le Peletier de l’Opéra.
Le Théâtre Louvois vers 1821.
5. La Salle Favart I (1825-1838)
La troupe, devenue ‘Théâtre des Italiens’, revient à nouveau à la Salle Favart I, fin 1825 -pendant ce temps, l'Opéra Comique est toujours installé au Théâtre Feydeau depuis 1801.
Rossini y monte ‘Sémiramide’ et ‘Zelmira’.
Les dix dernières années de la Restauration, les compositeurs français voient avec jalousie le succès de Rossini.
Le ‘Comte d’Ory’ (1828) et ‘Guillaume Tell’ (1829) sont créés à la salle Le Peletier.
‘Les Puritains’ de Bellini sont créés à la salle Favart le 25 janvier 1835 et deviennent un immense succès populaire.
Mais le 14 janvier 1838, un incendie ravage la salle Favart au cours d’une représentation de ‘Don Giovanni’.
6. Le Théâtre Ventadour (1841-1871)
Après un bref passage à la salle Ventadour et au Théâtre de la Renaissance, la troupe s’installe définitivement à Ventadour.
‘Stabat Mater’, de Rossini, est créé en 1842, et les œuvres populaires de Donizetti et Verdi sont régulièrement jouées - 3 ans après le scandale de sa création, ‘La Traviata’ est montée aux Italiens, en 1856, par curiosité et pour son parfum de Paris.
Le Théâtre des Italiens ferme cependant ses portes en 1871, car il ne peut résister plus longtemps à la concurrence, la liberté des théâtres étant rétablie depuis 1864.
Mais dorénavant, les opéras italiens continueront à être joués au Palais Garnier.
Salle Ventadour vers 1830 - scan d'Arthur Pougin, Paris et ses environs (Londres, 1831).
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Le Théâtre Lyrique (1851 à 1871)
Le Théâtre Lyrique, dénommé ‘Opéra National’ la première année, est inauguré le 27 septembre 1851 afin de concurrencer l’Opéra, l’Opéra-Comique et les Italiens, et laisser leur chance à de jeunes compositeurs.
La salle est située dans le quartier du Temple, au n°10 de l’actuelle place de la République.
1. Le Théâtre lyrique du quartier du Temple (1851-1862)
‘Si j’étais Roi’ d’Adolphe Adam (1852), ‘Le Médecin Malgré lui’ (1858), ‘Faust’ (1859) - qui deviendra l’ouvrage le plus joué à l’Opéra - et ‘Philémon et Baucis’ (1860) de Gounod y sont créés.
‘Le Postillon de Lonjumeau’ d’Adam, créé à l’Opéra-Comique en 1836, est repris.
Léon Carvalho, le directeur du théâtre depuis 1856, fait jouer les œuvres de Weber, ‘Les Noces de Figaro’ et ‘L’enlèvement au sérail’ de Mozart, ‘Orphée’ de Gluck, ‘Fidelio’ de Beethoven, tous en version française.
Après son expropriation, en 1862, due aux travaux de percement de la place de la République, le Théâtre lyrique se déplace au Théâtre des Nations, place du Châtelet.
Le Théâtre Lyrique (à gauche) et le Théâtre Impérial du Cirque (au centre) vers 1848.
2. Le Théâtre des Nations (1862-1871)
Au Théâtre des Nations, l’actuel Théâtre de la Ville, Léon Carvalho continue de présenter des opéras italiens en version française, ‘La Traviata’, ‘Rigoletto’, ‘Norma’, et crée, également, la version parisienne du ‘Macbeth’ (1865) de Giuseppe Verdi.
C’est au cours de cette période faste que ‘Les Pêcheurs de perles’ et ‘La Jolie fille de Perth’ (Bizet), ‘Les Troyens à Carthage’ (Berlioz), ‘Mireille’ et ‘Roméo et Juliette’ (Gounod) sont joués pour la première fois.
Enfin, la première française de ‘Rienzi’ de Richard Wagner (1869) devient la production la plus importante de son successeur, Jules Pasdeloup.
Mais lors des évènements de la Commune (1871), les combats entraînent la destruction de la salle.
Le Théâtre Lyrique laisse la place aux opérettes qui vont jouir d’une grande popularité jusqu’à la fin du XIXème siècle aux Théâtres des Variétés, de la Gaité Lyrique et de la Renaissance.
Le Théâtre Lyrique / Théâtre des Nations, place du Châtelet.
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Les Théâtres d'Opérettes et de Jacques Offenbach (1855 à 1893)
La libéralisation des théâtres en 1864, qui a été fatale au Théâtre des Italiens, permet à l'opérette de sortir des petites salles et de devenir un genre musical qui va connaître un grand moment de popularité au cours de la seconde partie du XIXème siècle.
Jacques Offenbach en est le leader en tant que compositeur et en tant que manager.
Pas moins de 6 théâtres ont constitué le fil conducteur de ce courant musical qui engendra la comédie musicale au XXème siècle.
1. Le Théâtre des Bouffes parisiens (1855-1862)
Situé au 4 rue Montsigny, le Théâtre des Bouffes parisiens prend définitivement ce nom en 1859, après avoir existé sous le titre de Théâtre des Bouffes d’hiver.
Jacques Offenbach en est l’administrateur.
Il monte les premières de 'Les Deux aveugles' et ‘Ba-ta-clan’ (1855), ‘Orphée aux enfers’(1858) et ‘Geneviève de Brabant’ (1859).
Et le 24 décembre 1860, Offenbach réussit à créer Barkouf à l 'Opéra Comique, sur un livret d’Eugène Scribe et Henry Boisseaux. L'ouvrage n'est cependant plus joué après sa dernière le 16 janvier 1861, avant que l'opéra de Strasbourg ne le réssucite en décembre 2018.
En 1862, il cède cependant le bail de la salle qui est détruite puis reconstruite.
Offenbach passe alors au Théâtre du Palais Royal.
'L’étoile’ de Chabrier (1877), 'Maître Péronilla’ d'Offenbach (1878) et ‘La Mascotte’ d’Audran (1880) seront créés aux Bouffes parisiens.
Théâtre des Bouffes parisiens.
2. Le Théâtre du Palais Royal (1863-1867)
Situé au 38 rue Montpensier, au coin nord-ouest des jardins du Palais Royal, le Théâtre du Palais Royal est un théâtre de vaudeville qui a lancé de jeunes auteurs (Labiche, Sardou).
Il va jouer un rôle important en permettant à Offenbach, Meilhac et Ludovic Halévy de s’y rencontrer en 1863.
‘La vie parisienne’ y est créée en 1866.
Le Théâtre de Palais Royal.
3. Le Théâtre des Variétés (1864-1873)
Situé au 7 boulevard Montmartre, le Théâtre des Variétés est encore une création de Mademoiselle Montansier.
C’est ici que seront jouées les premières de la plupart des opérettes d’Offenbach, ‘La belle Hélène’ (1864), ‘Barbe-Bleue’ (1866), ‘La Grande Duchesse de Gerolstein’ (1867), ‘La Perichole’ (1868), ‘Les Brigands’ (1869), la seconde version de ‘La vie parisienne’ (1873), tous écrits sur les livrets de Meilhac et Ludovic Halévy.
Jacques Offenbach quitte ce théâtre en 1873 pour prendre la direction du Théâtre de la Gaité Lyrique.
4. Le Théâtre de la Gaité Lyrique (1873-1877)
Jacques Offenbach dédie ce théâtre de mélodrame, ouvert en 1862, à l’art lyrique et à l’opérette.
Au 3 rue Papin – près du square des Arts-et-Métiers - sont ainsi jouées les premières du ‘Roi Carotte’ (1872), les secondes versions de ‘Orphée aux enfers’ (1874) et ‘Geneviève de Brabant’ (1875), ‘Le voyage dans la Lune' (1875), et, également, la première du ‘Timbre d’argent’ (1877) de Camille Saint-Saëns.
Le nouveau Théâtre de la Gaité Lyrique en 1862.
5. Le Théâtre des Folies-Dramatiques (1869-1892)
En 1862, un théâtre de mélodrame, 'Le Théâtre des Folies-Dramatiques', se déplace du boulevard du Temple vers la rue de Bondy (à l'actuel 40 rue René Boulanger).
Le compositeur français Hervé, rival, mais également ami, de Jacques Offenbach, prend la direction du théâtre et y crée de grandes pièces bouffes, 'L'Oeil crevé' (1867), 'Chilpéric' (1868), 'Le Petit Faust'' (1869).
Le répertoire de son théâtre évolue ensuite pour devenir un théâtre d'opérettes classiques en trois actes, où plusieurs créations importantes auront lieu telles 'Le Canard à trois becs' (1869) d' Emile Jonas, 'La fille de Madame Angot' (1873) de Charles Lecocq, 'Les cloches de Corneville' (1877), 'Rip van Winkle' (1884) et 'Surcouf' (1887) de Robert Planquette, 'Madame Favart' (1878) et 'La fille du tambour-major' (1879) de Jacques Offenbach, 'La fauvette du temple' (1885) et 'La Béarnaise' (1887) d'André Messager.
Hervé quitte Paris pour Londres en 1886, et revient à Paris en 1892 où il décède.
Après la première Guerre Mondiale, le théâtre accueille nombre de comédies musicales, se transforme en cinéma en 1930, et est finalement détruit en 1969.
Le Théâtre des Folies-Dramatiques en 1905
6. Le Théâtre de la Renaissance (1875-1893)
Théâtre de drame romantique, le théâtre de la Renaissance est voué à l’opérette à partir de 1875.
‘La Tzigane’ – version française de ‘La Chauve-Souris’ de Johan Strauss -, ‘Le petit Duc’, de Lecoq, ‘Fanfreluche’, de Hirsch, ‘Belle lurette’, d’Offenbach, joué quelques jours après sa mort.
‘Madame Chrysanthème’, d’André Messager, est la dernière opérette créée sur le boulevard Saint-Martin, avant la reprise de la salle par Sarah Bernhardt en 1893.
Le Théâtre de la Renaissance aujourd'hui.
Les Théâtres Lyriques du Paris ancien (cliquez pour agrandir)
Le Théâtre du Châtelet (1862 à nos jours)
En 1862, l’architecte Gabriel Daviou créé Le Théâtre des Nations et Le Théâtre du Châtelet de part et d’autre de la place du même nom.
Le Théâtre du Châtelet est voué à accueillir différentes disciplines, théâtre, danse, musique, opéra, cinéma.
L'année 1906 marque le début des légendaires saisons mises en place par l'impresario et éditeur de musique Gabriel Astruc.
C'est en effet dans ce théâtre qu'a lieu, en 1907, la création française de ‘Salome’ de Richard Strauss, avec le compositeur au pupitre.
En 1910, Astruc propose une saison italienne avec la troupe du Metropolitan Opera de New York emmenée par Arturo Toscanini.
Les Parisiens applaudissent Emmy Destinn et Caruso dans ‘I Pagliacci’, ‘Aida’ et lors de la création française de ‘Manon Lescaut’ de Puccini en version originale.
En 1911, c'est au Châtelet que Gabriele D'Annunzio et Claude Debussy créent 'Le Martyre de Saint Sébastien'.
De 1928 à 1966, le Théâtre du Châtelet se lance dans l'opérette à grand spectacle et signe lui-même de nombreuses mises en scène, ‘Show Boat’, ‘ New Moon’.
En 1941, grand succès avec ‘Valses de Vienne’ sur des musiques de Johann Strauss père et fils.
En 1980, le Châtelet prend le titre de ‘Théâtre musical de Paris’.
Sous Jean-Albert Cartier, Stéphane Lissner et Jean-Pierre Brossmann, de 1980 à 2006, les opérettes sont toujours jouées, mais les grandes œuvres de Verdi, Wagner, Berlioz et des compositeurs russes sont représentées avec la collaboration de grands metteurs en scène.
Et, à partir de 2006, Jean-Luc Choplin réoriente la programmation pour la consacrer quasi-exclusivement à la comédie musicale.