Éclipse totale de Soleil au Canada (Woburn-Québec) du 08 avril 2024
Publié le 13 Avril 2024
L'éclipse totale de Soleil qui a traversé l'Amérique du Nord, le lundi 08 avril 2024, était très attendue car il s'agissait de la seule éclipse totale de la période 2021-2025 qui soit visible par des millions d’observateurs, tous situés en Amérique du Nord du Mexique à Terre-Neuve en passant par le Texas, l’Oklahoma, l’Arkansas, le Missouri, l’Illinois, le Kentucky, l’Indiana, l’Ohio, un petit bout du Michigan, la Pennsylvanie, l’État de New-York, le Vermont, le Maine, l’Ontario, le Québec et le Nouveau-Brunswick.
Par ailleurs, cette éclipse était la réplique de celle qui était passée sur le désert libyen de Waw an Namus (lire Soleil noir en Libye le 29 mars 2006) et sur la Turquie le mercredi 29 mars 2006. Toutes deux font partie de la même série d’éclipses Saros 139 dont la première totale a débuté en 1843. Et après 42 répliques, tous les 18 ans 11 jours et huit heures, cette série de totales s'achèvera en 2601.
Le meilleur endroit pour profiter dans la durée de cette éclipse se situait dans la région de Durango au Nord-Ouest du Mexique où elle pouvait durer 4mn28s sur la bande de centralité, avec 70% de chance de pouvoir bénéficier d’un ciel dégagé.
Pourtant, c’est la région d’Estrie au Québec que j’ai choisi pour des raisons de proximité, s’agissant d’un voyage d’une huitaine de jours seulement, et parce l’ambiance y est harmonieuse de par la forte imprégnation de la nature qui vivifie les reliefs montagneux des Appalaches qui la traverse.
La situation météorologique au sud du Saint-Laurent n’y est habituellement pas favorable, mais une semaine avant le départ, les prévisions du ciel du Québec ont laissé entrevoir qu'il serait probablement l’un des mieux dégagés sur la trajectoire de l’ombre de la Lune, ce qui va se confirmer le jour venu.
Après une escale à Montréal sous une tempête qui a recouvert de plus de 30 cm de neige les régions de Montérégie et d’Estrie, soit trois fois ce que l’on observe habituellement en avril, l’arrivée à Québec se fait sous un vent glacial qui va durer deux jours.
Dimanche 07 avril, Québec : Sculpture de Sir George-Étienne Cartier (1814-1873), l'un des pères de la Confédération canadienne (1867)
Une première visite du Vieux-Québec permet de découvrir à quel point cette ville fortifiée regorge de places où d’impressionnantes statues racontent l’histoire des découvreurs et de la colonisation française, de la guerre avec les Anglais et les Américains et de l’implication dans la Première Guerre mondiale, tout en faisant ressortir les valeurs humanistes qui fondent cette nation.
Mardi 09 avril, Québec : pièces d'artillerie allemandes saisies par le corps expéditionnaire canadien lors de la Première Guerre mondiale
Puis, une journée est dédiée au repérage d’un bon site d’observation de l’éclipse qui ne soit pas un lieu de convergence de la foule le jour J. C’est vers Lac Mégantic, scène d’une terrible tragédie ferroviaire en 2013 située à 2h30 de route au sud de Québec, que je me suis dirigé sous des averses de neige constantes rendant les conditions de visibilité fort réduites.
Samedi 06 avril 2024, route vers Lac Mégantic : Eglise de Saint-Martin érigée en 1902 et 1903 par l'entrepreneur Elzéar Métivier
Au sud de Lac Mégantic, la route des sommets mène à Saint-Augustin de Woburn, à Notre-Dame-des Bois, puis à l’Observatoire du Mont-Mégantic situé à 1102 m. Ce dernier étant pris d’assaut le jour de l’éclipse, c’est finalement une plaine entourée de collines à l’entrée de Saint-Augustin de Woburn qui apparait comme un lieu favorable qui ne soit obstrué ni par les forêts, omniprésentes, ni par des poteaux électriques. En 1775, une partie de l’Armée américaine passa non loin de cet endroit situé à la frontière avec le Maine, lors de l’invasion du Québec.
Ce lieu s’avère effectivement un bon choix situé à moins de 10km de la ligne de centralité – la largeur de la bande de terre située dans l’ombre s’étendant à cet endroit sur 172 km – qui ne soit fréquenté que par quelques locaux sympathiques, dont certains se rappellent encore le passage de l’éclipse du 10 juillet 1972 un peu plus au nord du Québec.
Ciel bleu sans le moindre nuage, étendues des paysages encore blanches de neige, même si celle ci va fondre toute la journée avec le radoucissement des températures.
Alors que l’ombre de la Lune pénètre au Mexique à 14h05mn, heure de Québec, notre satellite ne commence à masquer le Soleil qu’à 14h18mn. Et pendant 70mn, il est possible de suivre l’avancée du disque noir devant une surface solaire qui apparaît marquée par la présence de plusieurs groupes de taches solaires, des zones où le champ magnétique est très intense.
2024 est en effet l’année du maximum de l’activité solaire, un cycle de 11 ans dont le climax est caractérisé par de fortes éjections de masses coronales qui, lorsqu’elles sont émises en direction de la Terre, peuvent créer des orages magnétiques.
Une des tâches solaires visible le jour de l’éclipse montre d’ailleurs une étendue de plus de deux fois et demi le diamètre de la Terre, ce qui est considérable.
20 minutes avant la totalité, le changement de luminosité se fait sentir, le vent est encore fort, et la baisse de température est tout autant sensible. Puis, vient le moment irrésistible de la formation de l’anneau de feu dans le ciel et du scintillement du diamant, lorsque l’ombre n’est plus qu’à une cinquantaine de kilomètres.
Et à 15h28mn50s, le soleil noir entouré de sa couronne solaire d’argent apparaît dans le ciel, ainsi que les planètes Vénus et Jupiter. Le premier élément frappant est que cette couronne semble assez homogène, sans faire apparaître une forme particulière contrairement à l’éclipse d’août 2017 qui avait touché le parc Yellowstone.
Tout se déroule dans une absolue sérénité en plein paysage baigné par des lueurs claires à l’horizon au fur et à mesure que l’ombre avance à plus de 4500 km/h. A l’œil nu le spectacle est somptueux, d’autant plus que d'impressionnantes protubérances solaires émergent au sud de l'astre, si bien que le disque luminescent semble pleurer des larmes de sang avec l'éclat d'un rubis. Et ce feu se révèle particulièrement vivant, mais peut-être est-ce du à la turbulence atmosphérique?
Limite de l'ombre de la Lune sur paysage (15h30) - F/4.5 - Temps de pose 1/2s - Focale 4mm - Iso 100
Puis, 3 minutes et 26 secondes plus tard, les rayons du Soleil percent à nouveau, et la lumière diurne se rétablit. Au loin, des cerfs de Virginie continuent imperturbablement de se nourrir des herbes découvertes par la fonte des neiges. Nous sommes en effet dans une aire de confinement où ces chevreuils se regroupent pour passer l’hiver dans les forêts de résineux où la nourriture est plus accessible, et qu’ils ne quittent qu’avec le redoux.
De nombreuses Bernaches du Canada profitent également des plans d’eaux qui se forment, un groupe s’envole avec le retour de la lumière, et deux grands Urubu à tête rouge, oiseaux de proie communs dans ces régions, planent majestueusement au dessus de la plaine. La vie reprend.
La Lune mettra encore plus d’une heure à découvrir totalement le disque solaire.
Il faudra attendre 16 mois pour qu’une autre éclipse totale de Soleil se produise sur Terre, le 12 août 2026 dans le nord de l’Espagne, des Asturies jusqu’à la communauté valencienne et les Îles Baléares, vers 20h30 au coucher du Soleil.
Mais avant cet événement estival, deux éclipses annulaires de soleil se produiront, l’une au Chili et en Argentine le 02 octobre 2024, l’autre en Antarctique le 26 février 2026, et une éclipse partielle à 87% touchera la même région du Québec le 29 mars 2025 (35% à Paris).
La Nouvelle Zélande profitera également d’une autre éclipse partielle à près de 80%, le 21 septembre 2025.