Les reprises de productions lyriques de l'Opéra National de Paris de 1988 à nos jours
Publié le 27 Juin 2020
Pour l’Opéra National de Paris, la constitution d’un répertoire de productions qui puisse être régulièrement repris est devenu un enjeu crucial dès l’ouverture de l’Opéra Bastille.
Et pour comprendre cet enjeu, il faut bien prendre en considération que la force d’attractivité d’un ouvrage varie en fonction de la culture des publics, des distributions invitées, mais aussi de la volonté d’une direction de défendre activement des ouvrages moins connus.
Si l’on observe comment l’Opéra Bastille a amené des publics les plus divers à le fréquenter, on remarque que certains ouvrages ont été repris plus régulièrement que d’autres.
Ainsi, 13 opéras, que l’on surnommera ici les ‘Blockbusters’, ont une telle renommée à Paris qu’ils peuvent être repris tous les 2 à 4 ans avec des taux de fréquentation d’au moins 90 % sur des séries de 10 à 20 représentations. Il s’agit de Don Giovanni, Les Noces de Figaro, Cosi fan tutte et La Flûte Enchantée de Wolfgang Amadé Mozart, Le Barbier de Séville de Gioachino Rossini, Rigoletto et La Traviata de Giuseppe Verdi, La Bohème, Tosca et Madame Butterfly de Giacomo Puccini, Carmen de Georges Bizet, Faust de Charles Gounod, et Les Contes d’Hoffmann de Jacques Offenbach.
Rien qu’avec ces 13 opéras, la base d’un quart de la programmation de l’Opéra National de Paris est solidement posée.
Les opéras de Wagner (L’Anneau du Nibelung, Tristan und Isolde, Tannhäuser, Lohengrin, Die Meistersingers, Parsifal, Der Fliegende Hollander), une douzaine d’opéras de Verdi (Attila, Nabucco, Macbeth, Il Trovatore, Un ballo in Maschera, La Forza del destino, Don Carlo(s), Falstaff, Otello, Luisa Miller, Simon Boccanegra, Aida), ainsi que des œuvres de Mozart (La Clémence de Titus, L’enlèvement au sérail, Idoménée) et de Gluck (Orphée et Eurydice, Iphigénie en Tauride) obtiennent également des taux de fréquentation de plus de 90 % lorsqu’ils sont repris tous les 5 à 7 ans sur des séries de 7 à 10 représentations.
Dans les autres répertoires, les ouvrages russes (Eugène Onéquine, La Dame de Pique, La Khovantchina, Boris Godounov), les ouvrages dramatiques français (Manon, Werther, La Damnation de Faust, Les Troyens, Roméo et Juliette, Pelléas et Mélisande), le répertoire bel cantiste italien (Bellini, Donizetti) et les œuvres les plus formidablement orchestrées de Richard Strauss (Elektra, Salomé, Capriccio, La Femme sans ombre, Le Chevalier à la rose, Ariane à Naxos) sont repris avec succès tous les 6 à 10 ans sur des séries de 7 à 10 représentations.
Enfin, le répertoire des XXe et XXIe siècles (Janacek, Britten, Berg, les opéras français du XXe siècle, les créations ...) obtient des taux de fréquentation de l’ordre de 80 % sur des séries de 6 à 8 représentations tous les 6 à 12 ans.
On constate donc qu’à l’exception d'une cinquantaine d’opéras les plus célèbres, un directeur a peu de chance d’obtenir plus de 90 % de fréquentation lors de la reprise d’une production qu’il a créé au cours de son mandat de 6 ans, sauf à attacher une distribution de plus en plus prestigieuse au fil du temps. Il est souvent préférable que ce soit le directeur suivant qui s’en charge.
L’article qui suit propose de donner un aperçu des grandes reprises de l’Opéra de Paris, depuis la direction de Pierre Bergé et l’ouverture de l’Opéra Bastille jusqu’au tournant de 2020, selon deux points de vue différents : en premier lieu, une présentation des spectacles de chaque directeur qui furent repris (ce qui concerne surtout Pierre Bergé, Hugues Gall et Gerard Mortier pour lesquels le recul est suffisant), puis une présentation des reprises des prédécesseurs (ce qui concerne surtout Gerard Mortier, Nicolas Joel et Stéphane Lissner qui ont pu puiser dans un répertoire déjà bien existant).
Les nouvelles productions de chaque directeur qui furent reprises
Pierre Bergé (1988-1994)
Nommé en 1988, Pierre Bergé fut directeur jusqu’au 3 février 1994, et c’est Jean-Paul Cluzel qui assura l’intérim avant la prise de fonction d’Hugues Gall en 1995. Sa programmation couvrit ainsi 7 saisons, mais le Palais Garnier resta fermé pour travaux de 1994 à 1996.
Sur 38 productions créées, 16 seront reprises, dont 9 par ses successeurs. Et plus de 20 ans après leur création, Stéphane Lissner et Alexander Neef en reprendront encore 2.
Les deux productions phares : Madame Butterfly par Robert Wilson et Tosca par Werner Schroeter (10 séries et plus)
La production la plus emblématique de Pierre Bergé est incontestablement celle de Madame Butterfly (Giacomo Puccini) mis en scène par Robert Wilson. Pierre Bergé découvrit son travail le 11 juin 1971, quand le metteur en scène texan produisit au Théâtre de la Musique (aujourd’hui La Gaité Lyrique) Deafman Glance, une histoire inspirée par son amitié avec un enfant sourd qu’il avait adopté. Plus tard, en 1990, Pierre Bergé deviendra le principal soutien de la fondation de Robert Wilson, The Watermill Center.
Entré au répertoire le 19 novembre 1993, Madame Butterfly sera joué jusqu’au 24 octobre 2024, soit 124 représentations données sans interruption en 31 ans par chaque directeur jusqu’à Alexander Neef, deux fois par mandat jusqu'à Stéphane Lissner.
C’est Liping Zhang, en janvier 2006, qui sublima le rôle de Cio-Cio-San en s’appropriant avec une profondeur inégalée l‘esprit de Robert Wilson. Cette production reste toujours dans la course des reprises possibles et semble irremplaçable au tournant des années 2020.
Il y eut également la Tosca du cinéaste allemand Werner Schroeter, représentée 105 fois de 1994 à 2012, une fois sous Bergé, cinq fois sous Gall et deux fois sous Mortier et Joel.
Lucia di Lammermoor (8 séries)
Une production du bel canto italien connaîtra une très belle carrière. C’est ainsi que, le 26 janvier 1995, Roberto Alagna fit ses débuts à l’Opéra de Paris dans la nouvelle production de Lucia Di Lammermoor (Gaetano Donizetti) mise en scène par Andrei Serban. Elle est la seule production avec Madame Butterfly à être systématiquement rappelée par chaque directeur jusqu’à Alexander Neef, avec Branda Rae le 10 mars 2023, pour un total de 73 représentations.
La Flûte enchantée (7 série)
Une autre production de Robert Wilson attachée à l’ère Pierre Bergé est La Flûte enchantée. Cette production fut créée le 27 juin 1991 pour le bicentenaire de la mort de Mozart et rencontra un grand succès pendant 5 saisons sous Pierre Bergé et 2 saisons sous Hugues Gall, qui en profita pour remplacer les costumes de John Conklin par ceux du créateur japonais Takada Kenzo.
Simon Keenlyside y apparut en Pagageno en 1995, et Natalie Dessay en Reine de la Nuit en 1999. 80 soirées furent programmées au total.
Les Contes d’Hoffmann, Un Ballo in Maschera, Carmen (3 séries sous Pierre Bergé uniquement)
Une autre production ‘Blockbuster’ n’a pas su s’imposer au-delà de 3 saisons de Pierre Bergé, du 15 avril 1992 au 29 octobre 1993 : Les Contes d’Hoffmann du cinéaste Roman Polanski.
Après 28 soirées en 1 an et demi, la production dut être retirée, mais c’est pour ce spectacle que Natalie Dessay fit ses début sur les planches de la scène Bastille.
Un autre ratage sera la production d’Un Ballo in Maschera mis en scène par Nicolas Joel, qui ne dépassera pas 3 séries sous Pierre Bergé, après la dernière apparition de Luciano Pavarotti à l’Opéra de Paris en avril 1992. Mais la projection sur écran géant le 6 avril 1992 permit à 30 000 personnes, rien que dans la capitale, d’y assister.
Ces deux productions ont été jouées pour moins de 30 représentations chacune.
Enfin, la nouvelle production de 'Carmen', confiée au réalisateur José-Luis Gomez, ne s'imposera pas non plus, mais cette production sera jouée sur 44 représentations en 3 séries entre le 14 juin 1993 et le 23 juillet 1994. Elle marqua les débuts de Béatrice Uria-Monzon dans le rôle titre à l'Opéra national de Paris.
Les 9 autres productions jouées en moins de 25 représentations (2 ou 3 séries)
9 autres productions ont connu 2 ou 3 séries en moins de 25 représentations. Il s’agit Elektra (par David Pountney), Salomé (par André Engel), Manon Lescaut (par lequel le public parisien découvrit Robert Carsen), Simon Boccanegra (Nicolas Brieger), Otello (Petrika Ionesco), Idomeneo (Jean-Pierre Miquel), La Dame de Pique (Andrei M.Konchalovsky), La Damnation de Faust (Luca Ronconi), Lady Macbeth de Mzensk (André Engel).
La production d’Otello sera le théâtre d’un drame le 16 juillet 1992, où une choriste perdra la vie lors de l’exposition universelle de Séville.
Bien que coproduites avec, respectivement, l’Opéra des Flandres et la Scala de Milan, Manon Lescaut et La Dame de Pique resteront propriétés de l’opéra Bastille.
Toutefois, la seule de ces 9 productions qui ait dépassé l’ère Hugues Gall est celle de Salomé réalisée par André Engel, que Nicolas Joel rescussita étonnamment en septembre 2011, deux ans après la reprise de Salomé dans la mise en scène de Lev Dodin.
Caractéristiques des 16 reprises de l'ère Pierre Bergé
Tous ces spectacles ont été représentés à l’Opéra Bastille et sont à une majorité écrasante (55 %) issus du répertoire italien. Seuls trois ouvrages sont français (La Damnation de Faust, Carmen et Les Contes d’Hoffmann), et si une production du répertoire bel cantiste italien s’est imposée avec le temps (Lucia di Lammermoor), aucune production marquante de Verdi ou Wagner n’a émergé de ce mandat.
Pierre Bergé n’a finalement obtenu qu’un seul Grand Prix du Syndicat de la Critique pour la production de Saint-François d’Assise de Messian (coproduction Festival de Salzbourg), dans la mise en scène de Peter Sellars et sous la direction de Sylvain Cambreling (décembre 1992), mais cette production ne fut jamais reprise.
Il en va de même de Lady Macbeth de Mzensk (Chostakovitch) créée par André Engel qui aurait mérité plus que deux séries, mais il semblerait que ce soit sa complexité technique qui ait empêché sa reprise par Hugues Gall.
Par ailleurs, plusieurs productions d’opéras du XXe siècle ne furent jamais reprises : L’Ange de Feu (Prokofiev) par Andrei Serban, Jeanne d’Arc au bûcher (Honneger) par Claude Regy, ou bien Die Soldaten (Zimmermann) par Harry Kupfer (production de l’opéra de Stuttgart).
Hugues Gall (1995-2004)
Une fois les travaux du Palais Garnier achevés, Hugues Gall eut la charge de constituer, de septembre 1995 à août 2004, un véritable vivier de productions pour l’Opéra de Paris.
Ainsi, sur les 70 productions qu’il a créé en 9 ans, 55 ont été reprises au moins une fois, dont 38 par ses successeurs. Et Stéphane Lissner en reprendra encore 12 sur la période 2014/2021.
La production phare : La Bohème (10 séries)
C’est dans La Bohème mis en scène par Jonathan Miller que Roberto Alagna incarna Rodolfo le 11 décembre 1995, et qu'il fut rejoint en novembre 2001 par Angela Gheorghiu pour compléter un duo inoubliable. Jouée 6 fois sous Gall, 1 fois sous Mortier et 3 fois sous Joel, cette production totalisera plus de 121 représentations.
La Barbier de Séville, Rigoletto, Les Contes d’Hoffmann (6 à 9 séries sur 85 à 90 soirées)
Le Barbier de Séville transposé au Moyen Orient par Coline Serreau – Joyce DiDonato fit ses débuts à l’Opéra de Paris à sa création en avril 2002 -, Rigoletto de Jérôme Savary et Les Contes d’Hoffmann de Robert Carsen, production créée à l’opéra Bastille en mars 2000 avec l’inoubliable Natalie Dessay en Olympia et l’insidieux Samuel Ramey en quatre diables, sont 3 productions qui ont connu plus de 85 représentations.
La Clemenza di Tito, Platée, Cosi fan tutte, Pelléas et Mélisande (6 à 7 séries sur 50 à 65 soirées)
4 productions ont connu au moins 6 séries sur 50 à 60 soirées : La Clémence de Titus (par Willy Decker), Platée, dont la production réussie de Laurent Pelly a permis au chef-d’œuvre comique de Rameau de connaître le grand succès de son histoire, Cosi fan tutte (par Ezio Toffolutti) et une autre production de Robert Wilson, Pelléas et Mélisande, qui confirme la belle adéquation entre l’intemporalité de son langage théâtral et l’irréalité de l’univers de Claude Debussy. Créée au Palais Garnier le 07 février 1997, en coproduction avec le Festival de Salzbourg, cette production était encore programmée à l'opéra Bastille le 06 octobre 2017.
14 productions jouées sur 4 à 6 séries et reprises par au moins deux successeurs
8 productions ont connu 4 à 5 séries sur 40 à 50 représentations et furent reprises par au moins deux autres directeurs : L’Italienne à Alger et Otello (toutes deux d’Andrei Serban), Falstaff (Dominique Pitoiset), Don Carlo (Graham Vick) – dont certains ont encore conservé le souvenir nostalgique -, Eugène Onéguine et Die Fliegende Höllander (Willy Decker) et Alcina (Robert Carsen), et deux ouvrages de Richard Strauss, et Le Chevalier à la Rose mis en scène par Herbert Wernicke (Festival de Salzbourg 1995).
Et la magnifique Rusalka (Anton Dvorak) de Robert Carsen, dont une série a été jouée par chacun des directeurs jusqu’à Stéphane Lissner, a connu une trentaine de soirées.
Ces quatre dernières productions (dont trois sont de Robert Carsen) sont des incontournables, et ont pour particularité d’avoir toutes accueilli Renée Fleming à leur création parisienne.
Entré au répertoire en plein conflit social en juin 1995 – une seule soirée sera donnée et uniquement en version de concert -, I Capuleti i e Montecchi (Bellini), dans la mise en scène de Robert Carsen qui provenait du Grand Théâtre de Genève que dirigeait Hugues Gall, sera repris sur 5 saisons de Gall à Neef jusqu’au 14 octobre 2022, pour près de 45 représentations. Laura Claycomb, Jennifer Larmore, Vesselina Kasarova, Cristina Gallardo-Domas, Joyce DiDonato, Patrizia Ciofi, Anna Netrebko s’y sont succédées.
Aux côtés de ces 10 productions, celle de Jorge Lavelli conçue pour La Veuve Joyeuse (Lehar) compte près de 60 représentations en 4 séries seulement, jouées en alternance à Garnier et Bastille.
3 autres productions furent reprises par au moins deux autres directeurs pour 30 soirées environ : Ariane à Naxos (Laurent Pelly), La Dame de Pique (Lev Dodin), et Capriccio, un hommage de Robert Carsen au Palais Garnier.
Carmen, Don Giovanni, La Traviata, Manon, Nabucco, Parsifal (4 à 5 séries)
6 spectacles ont été régulièrement repris uniquement par Hugues Gall. La Carmen d’Alfredo Arias connut 5 séries pour près de 60 représentations, et Don Giovanni (Dominique Pitoiset), La Traviata (Jonathan Miller), Nabucco (Robert Carsen), Manon (Gilbert Deflo), Parsifal (Graham Vick), purent profiter de 4 séries de 25 à 40 soirées au total.
Lulu et Billy Budd (4 séries dont une reprise par un successeur)
Parallèlement à ces productions, se distinguent celles de Willy Decker pour Lulu, et celle de Francesca Zambello pour Billy Budd. Lulu et Billy Budd ont été récompensés par le Grand prix du Syndicat de la critique. Ces deux spectacles furent joués 3 fois sous le mandat d’Hugues Gall, et connurent une seule reprise par Nicolas Joel pour moins de 30 représentations. A l’aune des années 2020, ils restent fascinants et tout à fait recommandables
Les 25 autres productions reprises au moins une fois
6 productions n’ont connu que 3 séries de 18 à 30 représentations au total, dont au plus une reprise par un successeur d’Hugues Gall : Lohengrin (Robert Carsen), La Damnation de Faust (Robert Lepage), La Cenerentola (Jérôme Savary), Norma (Yannis Kokkos), L’Enfant et les sortilèges / Der Zwerg (Richard Jones), Guerre et Paix (Francesca Zambello). A noter, toutefois, que 'L’Enfant et les sortilèges' a été également repris séparément de 'Der Zwerg' en janvier 2020, puis décembre 2023, pour être associé à un ballet dansé par les élèves de l'Ecole de danse.
Enfin, les autres productions reprises au moins une fois comprennent Salomé (Lev Dodin), Gianni Schicchi / L’heure espagnole (Laurent Pelly), Turandot, Il Trovatore, Boris Godounov, Dialogues des Carmélites et Salammbô (tous mis en scène par Francesca Zambello), La Chauve-Souris (Coline Serreau), Macbeth (Phyllida Lloyd), La Khovantchina et Les Indes Galantes (Andrei Serban), Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny et Peter Grimes (mis en scène par Graham Vick), Don Quichotte (Gilbert Deflo), Die Frau ohne Schatten (Robert Wilson), La Flûte enchantée (Benno Besson), Juliette ou la clé des songes (Richard Jones), Wozzeck (Pierre Strosser) et K… (André Engel).
Hugues Gall a repris deux créations, Salammbô de Philippe Fénelon (premier opéra créé sur commande à Bastille le 16 mai 1998) et K…de Philippe Manoury, toutes deux ayant su trouver leur public.
Caractéristiques des 55 reprises de l'ère Hugues Gall
Avec Hugues Gall, l’Opéra de Paris s’est doté d’un formidable stock de productions dont la moitié a connu au moins 4 séries de représentations à ce jour. Le pari de réussir à faire connaître 200 à 300 œuvres du répertoire lyrique débute et se gagne à ce moment là.
9 des 13 ’Blockbusters’ en font partie, le directeur n’ayant pas jugé utile de remplacer les deux productions Liebermann de Faust et des Noces de Figaro, et les deux productions Bergé de Tosca et Madame Butterfly.
Seule sa production de Die Zauberflöte par Benno Besson, pourtant attachante avec sa scénographie naïve, n’a pu perdurer.
Et c'est Les Contes d’Hoffmann de Robert Carsen qui, sur le temps, a montré son endurance jusqu’en décembre 2023, tant la mise en scène joue avec ravissement sur les illusions du théâtre.
Parmi les grandes réussites ne peuvent s’oublier Platée, La Clémence de Titus (austère mais profonde), Pelléas et Mélisande, Capriccio, Don Carlo, Der Rosenkavalier, Alcina, Lulu, Billy Budd, Rusalka.
Le répertoire français trouve enfin un nouveau souffle, particulièrement celui qui provient de l’Opéra Comique et du passé baroque de l’Académie de Musique (Rameau).
Et toutes les productions d’opéras slaves (Tchaïkovski, Moussorgsky, Prokofiev …) seront reprises au moins 1 fois par l’un de ses successeurs, et Rusalka (par Robert Carsen) le sera par tous au moins jusqu'à Lissner .
Finalement, Hugues Gall obtiendra au cours de son mandat quatre Grand Prix Musique du Syndicat de la Critique pour Lulu (Willy Decker) et Billy Budd (Francesca Zambello), mais aussi Juliette ou la clé des songes (Richard Jones) et le grandiose Guerre et Paix (Francesca Zambello), et deux Prix Musique Création Française pour K…(Manoury) et Perela l’Homme de fumée (Dusapin)
Au total, près de 80 % de ces productions auront connu au moins une reprise, mais Lohengrin et Le Vaisseau Fantôme seront les deux seules productions wagnériennes capables de tenir une dizaine d’années au plus.
Et Hugues Gall est celui qui aura le mieux défendu Benjamin Britten, le Billy Budd de Francesca Zambello s’étant révélé comme le seul ouvrage du XXe siècle entré au répertoire sous le mandat du directeur qui ait connu une reprise bien plus tard.
La création mondiale de la version définitive de Medea (Rolf Liebermann) mise en scène par Jorge Lavelli n’a, elle, jamais été reprise.
Gerard Mortier (2004-2009)
Sans obtenir la même autonomie de gestion qu’Hugues Gall, Gerard Mortier a pu bénéficier d’une liberté artistique qu’il n’avait pas connu auparavant. Sa programmation diffère de celle de son prédécesseur en ce sens qu’elle place l’Europe au cœur de sa réflexion, et permet d’élargir le répertoire aux œuvres d’Europe centrale.
Malheureusement, son successeur, Nicolas Joel, va détruire en partie cet héritage et entraver nombre de reprises possibles de cette période fructueuse.
Ainsi, sur les 49 productions que Gerard Mortier a créé au cours de son mandat de seulement 5 ans, 25 ont été reprises au moins une fois, dont 17 par ses successeurs Nicolas Joel, Stéphane Lissner et Alexander Neef.
Bien entendu, sur une étendue de 21 ans (de 2004 à 2025), le nombre de reprises n’est pas tout à fait comparable à celui d’Hugues Gall qui bénéficie d’un recul de 26 ans (1995 à 2023).
Orphée et Eurydice, Don Giovanni, L’Elixir d’amour, Tristan und Isolde (5 à 7 séries sur plus de 40 soirées)
Invitée par Pierre Bergé en février 1993, un mois avant que Garnier ne se ferme à l’opéra, la compagnie Tanztheater Wuppertal de Pina Bausch avait présenté sa version d’Orphée et Eurydice, profondément poignante. Le 30 mai 2005, Brigitte Lefevre et Gerard Mortier présentèrent la même version chorégraphique interprétée par les danseurs de l’Opéra de Paris sous la direction de Thomas Hengelbrock. La reprise fut diffusée en direct sur Arte en février 2008, un samedi soir.
Cette production est devenu un incontournable du Palais Garnier depuis 15 ans et a été reprise deux fois par Nicolas Joel, et une fois par Stéphane Lissner pour plus de 60 représentations au total.
Un autre spectacle emblématique de Gerard Mortier, créé le 27 janvier 2006 à Garnier pour l’anniversaire des 250 ans de la naissance de Mozart, connaîtra 5 séries jusqu’à Stéphane Lissner pour 55 représentations au total : Don Giovanni par le cinéaste Michael Haneke. La transposition dans le monde contemporain des affaires, et de la dictature des haut-cadres impunis, se révéla à la fois déroutante et pertinente.
Autre réussite, la production de L’Elixir d’Amour par Laurent Pelly, transposée dans l’Italie des années 50, a vu se succéder nombre de stars au cours de 7 séries en 16 ans sur plus de 60 représentations. On peut comprendre que l’allusion à Tristan und Isolde, dans la scène de séduction initiale, ait touché au cœur Gerard Mortier.
Et c’est en adaptant le Tristan Project de Bill Viola et Esa-Pekka Salonen sous la forme d’une mise en scène onirique dirigée par Peter Sellars, que le choc exceptionnel engendré par la rencontre entre la musique de Wagner, les images numériques, et les directions successives d’Esa-Pekka Salonen, Valery Gergiev et Semyon Bychkov ont permis de jouer 45 représentations en 6 séries entre le 12 avril 2005 et le 04 février 2023, en incluant les reprises dirigées plus tard par Philippe Jordan et Gustavo Dudamel.
Les 13 productions reprises au moins une fois par un autre directeur
8 productions de Gerard Mortier ont déjà connu 3 ou 4 séries sur 20 à 35 représentations, toutes reprises au moins une fois par un successeur : Un Ballo in Maschera et L’Amour des 3 oranges par Gilbert Deflo, Iphigénie en Tauride et L’Affaire Makropoulos (transposé dans l’univers du cinéma hollywoodien) par Krzysztof Warlikowski, The Rake’s Progress (par Olivier Py), La Petite renarde rusée de Janacek, adapté par André Engel à l’opéra Bastille, Idomeneo par Luc Bondy et Wozzeck par Christoph Marthaler, qui fut monté à l’opéra Bastille et atteignit 90 % de fréquentation, du jamais vu pour cet opéra socialement dur et au climat angoissant, qui fut repris par Nicolas Joel et Stéphane Lissner.
5 autres productions n’ont été reprises pour l'instant qu’une fois sur 15 à 20 représentations, et par un successeur de Gerard Mortier : Luisa Miller et La Fiancée vendue mis en scène par Gilbert Deflo, et Tannhäuser de Robert Carsen, situé dans l'univers des artistes peintres.
Les deux autres productions sont des œuvres du XXe et XXIe siècle programmées à Garnier, le cœur de cible de Gerard Mortier : Katia Kabanova (par Christoph Marthaler) - en provenance de Salzbourg via le Capitole de Toulouse - et Yvonne, princesse de Bourgogne (Luc Bondy). La production de Katia Kabanova par Christoph Marthaler effaça donc les 12 ans de carrière de la version de Götz Friedrich.
Les 8 productions reprises une fois sous le mandat de Gerard Mortier
Parmi les 8 productions qui n’ont connu qu'une reprise sous Gerard Mortier, le spectateur a la stupéfaction de reconnaître quatre ‘blockbusters’ : La Flûte Enchantée imaginée par la Fura Dels Baus pour le Festival de la Ruhrtriennale, Cosi fan tutte dans la production de Patrice Chéreau, La Traviata transfigurée par l'interprétation de Christine Schäfer en Edith Piaf, et une vision ironique des Noces de Figaro, deux œuvres revisitées par Christoph Marthaler.
Un grand Verdi, Simon Boccanegra, brandi en pleine élection présidentielle et mis en scène par Johan Simons, puis un grand Mozart, La Clémence de Titus, dans la production d’Ursel Herrmann que Gerard Mortier faisait circuler en Europe depuis plus de 20 ans, passionneront ou irriteront l’audience.
Enfin, deux ouvrages du XXe siècle se déroulant à Paris ont été confiés à André Engel : Louise de Gustave Charpentier et Cardillac de Paul Hindemith, dans des décors luxueux et évocateurs.
Mais hormis Cardillac, toutes ces productions seront déclassées par Nicolas Joel lors de sa prise de fonction, ce que le rapport de la cour des comptes soulignera en 2016.
Caractéristiques des 25 reprises de l'ère Gerard Mortier
Avec Gerard Mortier, le renouvellement de 5 des 11 ‘Blockbusters’ (La Traviata, Les Noces de Figaro, La Flûte enchantée, Cosi fan tutte, Don Giovanni) aura uniquement permis au Don Giovanni de Michael Haneke de développer une carrière satisfaisante, probablement auprès de plus de 130 000 spectateurs. Et à nouveau, La Flûte enchantée de Robert Wilson n’a toujours pas trouvé son successeur.
Seul Carmen n’aura pas du tout été programmé, ce qui est d’autant plus étonnant que Gerard Mortier appréciait le chef-d’œuvre de Georges Bizet, mais peut-être que la production d’Alfredo Arias lui paraissait rédhibitoire.
Parmi les grandes réussites, les deux productions d’opéras de Christoph Willibald Gluck, Orphée et Eurydice et Iphigénie en Tauride, ont redonné une place majeure à deux œuvres essentielles de l’histoire de l’Académie royale de Musique, et Richard Wagner a même eu droit à trois grandes réalisations, dont seule celle de Tristan et Isolde a acquis une renommée mondiale. Celle de Parsifal par Krzysztof Warlikowski avait tout pour suivre le même chemin, mais elle a été détruite.
Il est également regrettable que les seules productions verdiennes qui aient survécu à Gerard Mortier soient celles de Gilbert Deflo, Luisa Miller et Un Ballo in Maschera, qui ne réinterprètent pas le drame musical.
Mais même s’il n’a rien investi dans une quelconque œuvre de Puccini ou de Rossini, le directeur flamand a réussi à faire de L’Elixir d’Amour l'un des grands tubes de l’opéra Bastille.
Il laisse également derrière lui un ensemble de productions prestigieuses d’opéras du XXe et XXIe siècle, L’Affaire Makropoulos, Wozzeck, Katia Kabanova, Cardillac, The Rake’progress, Yvonne, princesse de Bourgogne, L’Amour des 3 oranges, La petite renarde rusée, qui n’ont probablement pas achevé leur vie au tournant des années 2020.
Il est cependant dommage que les productions du Roi Roger (Szymanowski), Adriana Mater (Saariaho) et Lady Macbeth de Mzensk (Choskatovitch) n’aient pas connu de reprises.
En 5 ans, Gerard Mortier aura tout de même obtenu deux Grand Prix Musique du Syndicat de la Critique pour Tristan und Isolde (Viola/Sellars) et Lady Macbeth de Mzensk (Kucej), et un Prix Musique Création française pour Yvonne, princesse de Bourgogne (Bondy).
A ce jour, 50 % de ses productions auront connu au moins une reprise, et un tiers une reprise par l'un de ses successeurs.
Gluck, les œuvres slaves et le répertoire du XX/XXIe siècle sont les grands gagnants de son mandat.
Nicolas Joel (2009-2014)
La nomination de Nicolas Joel à la suite de Gerard Mortier a, sans surprise, constitué un choc esthétique qui s’est révélé plus destructif que complémentaire. La cour des comptes signalera dans son rapport de 2016 que 22 productions, dont une bonne partie créées par Gerard Mortier, seront détruites, empêchant toute reprise. Car d'après Nicolas Joel, pour que les productions perdurent, elles doivent respecter un certain classicisme.
Il est naturellement en charge de la programmation de 6 saisons de 2009 à 2015, mais l’arrivée anticipée de Stéphane Lissner un an plus tôt, en provenance de La Scala de Milan, altéra en partie la saison 2014/2015.
Ainsi, sur les 40 productions qu’il a créé, 18 ont été reprises au moins une fois, dont 11 par ses successeurs, ce qui est un nombre relativement faible (14 productions ont été reprises par le successeur direct de Gerard Mortier, malgré leurs désaccords).
La Flûte enchantée, La Traviata, Giulio Cesare, Werther, I Puritani (3 à 7 séries sur 25 à 90 soirées)
L’opéra Bastille doit à Nicolas Joel de lui avoir trouvé deux productions ‘Blockbusters’ capables de se substituer à celles de La Flûte enchantée de Robert Wilson (1991) et de La Traviata de Jonathan Miller (1997).
Ainsi, c’est respectivement en mars et juin 2014 que Robert Carsen créa sa version funèbre de La Flûte enchantée, en coproduction avec Baden-Baden, et Benoit Jacquot une version relativement statique de La Traviata qui faisait référence à l’Olympia de Manet.
Ces deux spectacles ont déjà connu plus de 50 représentations, mais si celle de La Traviata s'effaça au bout de 5 séries pour laisser place (au bout de 58 représentations), en septembre 2019, à la réalisation contemporaine de Simon Stone, celle de La Flûte enchantée atteindra sa 7e série à l'automne 2024 pour près de 90 soirées.
Une nouvelle production de Giulio Cesare par Laurent Pelly, située dans un musée d’art antique, vit également le jour et fut reprise par Nicolas Joel, puis par Alexander Neef au cours de la saison 2023/2024.
Bien servi par Nicolas Joel, le bel canto italien s’enrichit à Bastille de l’interprétation épurée d’I Puritani par Laurent Pelly qui avait surtout pour élément central le squelette en fer forgé d’un château médiéval.
Enfin, avant de concevoir sa Traviata, Benoit Jacquot offrit à l’opéra Bastille un spectacle qui fit date, Werther, qui, en janvier 2010, réunit Sophie Kock, Jonas Kaufmann, Ludovic Tézier et Anne-Catherine Gillet pour une interprétation exceptionnelle. Une seconde série aura lieu avec Roberto Alagna et Karine Deshayes, suivie par une autre reprise sous Stéphane Lissner avec Piotr Beczala et Elina Garanca.
Les 6 productions jouées 2 fois dont au moins une fois par un successeur
Le 10 octobre 2013, et après 50 ans d’absence, Aida réapparut à l’Opéra de Paris dans une nouvelle mise en scène d’Olivier Py qui dénonçait, non sans lourdeur, l’idéologie colonialiste du XIXe siècle. Enfin, une production de ce grand Verdi délaissait les icônes égyptiennes !
Stéphane Lissner reprit une fois cette production en juin 2016 pour en faire profiter Sondra Radvanovsky, Liudmyla Monastryrska et Anita Rachvelishvili, mais surprit tout le monde en annonçant une nouvelle production par Lotte De Beer pour février 2021.
Un autre grand Verdi revint à l’Opéra de Paris en novembre 2011, La Forza del destino, dans une classique mise en scène de Jean-Claude Auvray au fort beau dernier tableau (un immense Christ en croix gisant sur un sol ensanglanté, incurvé vers l’arrière scène). Il sera repris par Stéphane Lissner puis Alexander Neef pour près de 30 représentations.
La production internationale de La Fille du régiment mise en scène par Laurent Pelly, reviendra également à Bastille à l'automne 2024.
Et c'est à nouveau Robert Carsen qui enrichira le répertoire avec une reprise de sa production florentine d'Elektra qui se transforma en véritable coup de maître sous la direction de Semyon Bychkov en avril 2022.
Adriana Lecouvreur, dans la mise en scène de David McVicar, connaitra également sa première reprise effective au cours de la saison 2023/2024 d'Alexander Neef, celle prévue sous Stéphane Lissner ayant été annulée à cause du covid.
Enfin, l’un des échecs majeurs de Nicolas Joel, le Faust redoutablement mis en scène par Jean-Louis Martinoty, sera repris par Stéphane Lissner dans une adaptation de Jean-Romain Vesperini.
Ces 6 productions auront ainsi connu deux séries de 16 à 25 représentations réparties sur 2 mandats de directeurs.
Les 7 productions jouées 2 fois sous Nicolas Joel
C’est à Nicolas Joel que l’on doit une première Tétralogie wagnérienne à l’opéra Bastille, dans la vision allemande de Günter Krämer qui mêlait références guerrières et burlesques contemporaines, et les symboles mythologiques. D’abord programmée sur deux saisons, puis reprise sur une saison de façon séparée, et enfin montée en un cycle d’une semaine, elle permit à Philippe Jordan de faire ses armes sur l’Anneau du Nibelung dont il tirera une interprétation totalement aboutie lors de la reprise.
De cette période naquit également une version poétique en noir et blanc d’Alceste de Gluck par Olivier Py.
Rossini vit alors la production de La Cenerentola de Jean-Pierre Ponnelle (La Scala de Milan – 1973) renaître au Palais Garnier, et donc effacer la production de Jérôme Savary. Et le chef d’œuvre d’Engelbert Humperdinck, Hänsel und Gretel, fit son entrée au répertoire en avril 2013.
Toutes ces productions auront connu entre 15 (L’Anneau du Nibelung) et 30 (La Cenerentola) soirées en deux séries.
Caractéristiques des 18 reprises de l'ère Nicolas Joel
Nicolas Joel s’est donc imposé avant tout comme un directeur ayant le plus exploité le répertoire constitué par ses trois prédécesseurs, en les associant à des distributions brillantes, mais a partiellement failli à le renouveler ou à l’étendre largement, car il confia quasiment toutes ses nouveautés à des metteurs en scène français qui, exceptés Olivier Py et Benoit Jacquot, n’ont pas tenu la route.
Il laisse toutefois au répertoire quatre productions d’œuvres du XXe ou XXIe siècle successibles d’être reprises : la splendeur de Mathis der Maler (Paul Hindemith), magnifiquement mis en scène par Olivier Py, The Rake's Progress, la production du Roi Arthus (Ernest Chausson) par Graham Vick, et Il Trittico (Giacomo Puccini) par Luca Ronconi.
Le répertoire de l’Opéra de Paris a donc gagné sous son mandat une douzaine de productions durables dont La Flûte enchantée et La Traviata, Werther (Grand Prix Musique du Syndicat de la Critique), Alceste, Elektra, Hänsel et Gretel, Giulio Cesare, Hippolyte et Aricie (production du Capitole de Toulouse), I Puritani, The Rake's Progress, la Fille du Régiment et une production d’Adriana Lecouvreur.
Stéphane Lissner (2014-2021)
Après un parcours l’ayant mené au Théâtre du Châtelet en 1988, au moment de l’arrivée de Pierre Bergé à la direction de l’Opéra de Paris, puis au Festival d’Aix-en-Provence en 1998, et à La Scala de Milan en 2005, Stéphane Lissner est entré en fonction à l’Opéra de Paris un an plus tôt que prévu, en juillet 2014, ce qui l’a amené à assumer la dernière saison de Nicolas Joel qu’il a eu le temps de légèrement remanier.
Il a notamment déprogrammé deux opéras véristes, une reprise d’Andrea Chénier et la création de La Wally, ce qui lui a permis de confier une nouvelle production de Tosca à Pierre Audi, l’actuel directeur du Festival d’Aix-en-Provence.
Cependant, suite aux grèves de décembre et janvier de l’hiver 2019/2020, et la fermeture de l’Opéra de mars à novembre 2020 pour cause de covid et travaux de sécurité dans les deux théâtres, plusieurs productions ont été annulées.
La nouvelle production de L’Anneau du Nibelung par Calixto Bieito sera montée par son successeur entre 2025 et 2027, Jenufa de Janacek, chanté en langue originale, ne fera pas son entrée au répertoire en 2021, et les reprises de La Bohème, Don Giovanni, Boris Godounov, Adriana Lecouvreur, Iphigénie en Tauride, Cosi fan tutte, Rigoletto, L’Elixir d’Amour, Snegourotchka n’auront pas lieu en 2020.
Par ailleurs, les dernières séries de Manon et Carmen ont été écourtées.
Toutefois, il a réussi à reprendre 11 productions sur les 38 qu’il a créé (une fois déduites les 6 productions annulées par les évènements de 2020), ce qui est comparable au rythme de reprise de Gerard Mortier, et supérieur à Nicolas Joel qui n’en avait repris qu’une dizaine. Et 8 autres productions seront reprises par Alexander Neef au cours de ses 4 premières saisons.
Il est évidemment trop tôt pour anticiper l’avenir de ces nouvelles productions.
Tosca, Don Carlos, Le Barbier de Séville, Carmen, Il Trovatore, Rigoletto, La Cenerentola, Don Pasquale, Cosi fan tutte (3 à 6 séries sur 30 à 65 soirées, dont une reprise par le successeur)
Le mandat de Stéphane Lissner s’inscrit dans un mouvement de renouvellement théâtral des grandes œuvres du répertoire qui a concerné en premier lieu 9 des 13 ‘Blockbuster’, laissant intactes les productions des Contes d’Hoffmann et de La Flûte enchantée de Robert Carsen, ainsi que la Madame Butterfly de Robert Wilson.
Deux de ces ‘blockbusters’ ont été repris quatre à cinq fois, Tosca (67 soirées), renouvelé par Pierre Audi sans faire regretter la production de Werner Schroeter, Le Barbier de Séville (59 soirées par l’imaginatif vénitien Damiano Michieletto), et deux autres ont connu deux reprises , Carmen (55 soirées dans la production de Calixto Bieito créée au Festival de Peralada en 1999), et Rigoletto, personnage doublé par un comédien qui représente son destin triste dans la production de Claus Guth, qui atteint déja 60 représentations en 2024.
Le Trouvère, qui n’est pas un ‘Blockbuster’ mais bien un grand Verdi, dans une version transposée par Alex Ollé au cœur de la Première Guerre mondiale, a remplacé l’ancienne production de Francesca Zambello, et a été joué trois fois à un rythme sans doute un peu trop élevé, car il n’a pas dépassé 80 % de fréquentation à sa première reprise, programmée en début d’été il est vrai.
A Garnier, Cosi fan Tutte, où les chanteurs sont tous doublés par des danseurs dans la chorégraphie d'Anne Teresa De Keersmaeker, et Don Pasquale de Donizetti, dans la mise en scène vidéographique de Damiano Michieletto, ont été également repris par Stéphane Lissner, puis Alexander Neef au cours de la saison 2023/2024.
Un grand Verdi, Don Carlos, et sa version milanaise Don Carlo, est l’une des grandes réussites de cette période qui permettra d’entendre dans son intégralité la version des répétitions parisiennes de 1866 restée inconnue même au public du XIXe siècle. Krzysztof Warlikowski soigna cette production où il gomma un peu de sa personnalité pour laisser au récit de l’histoire et aux impressions glacées une place prépondérante. Elle fut reprise par Alexander Neef en 2025.
Enfin, la résurrection de la production de La Cenerentola par Nicolas Joel, dans l’ancienne production de Jean-Pierre Ponnelle, ayant fait long feux, c’est une version plus sombre qu’a présenté Guillaume Gallienne en juin 2017. Elle fut reprise un an après avec une distribution encore plus éblouissante (Lawrence Brownlee , Florian Sempey et Marianne Crebassa), puis en septembre et octobre 2022.
Don Giovanni, La Traviata, Simon Boccanegra, Manon, Faust , Parsifal, La Bohème (2 à 3 séries reprises par son successeur pour moins de 30 représentations)
En plus des 9 productions précédentes, 7 autres spectacles créés par Stéphane Lissner connaissent déjà une ou deux reprise sous le début du mandat d'Alexander Neef. Il s'agit à nouveau d'ouvrages régulièrement joués à l'Opéra de Paris, Don Giovanni par Ivo van Hove, La Traviata par Simon Stone, Simon Boccanegra par Calixto Bieito, Manon par Vincent Huguet, Faust par Tobias Kratzer, Parsifal par Richard Jones et La Bohème interstellaire par Claus Guth, tous installés à l'Opéra Bastille.
Les 3 productions jouées deux fois sous son mandat
Le répertoire slave a bien été défendu chaque saison par Stéphane Lissner, mais seul le dyptique Iolanta/Casse-Noisette mis en scène par Dmitri Tcherniakov a pu être repris avant l’impact des grèves et de la pandémie de covid-19.
Un autre diptyque, Le Château de Barbe-Bleue / La Voix humaine, dirigé par Esa-Pekka Salonen à la création en novembre 2015, dans la mise en scène de Krzysztof Warlikowski, a été repris, toujours à Garnier, en mars 2018.
Enfin, la nouvelle production de Lear d’Aribert Reimann a été jouée deux fois dans la mise en scène de Calixto Bieito, 33 ans après la production de Jean Lassalle.
Les 3/4 des titres que Stéphane Lissner reprit parmi ses nouvelles productions sont en langue italienne.
Caractéristiques des 19 reprises sous l'ère Stéphane Lissner et/ou en début de mandat d'Alexander Neef
Stéphane Lissner a principalement repris ses propres productions d’opéras italiens du XVIIIe et XIXe siècle et aurait du aussi reprendre ses opéras slaves si la pandémie ne l’avait contraint à annuler sept mois de spectacles.
Peu prodigue en nouvelles productions d’œuvres du XXe siècle, il aura tout de même repris le diptyque Le Château de Barbe-Bleue/La Voix humaine et Lear, mais pas sa spectaculaire production de Moses und Aaron qui avait fortement impressionné en début de mandat.
Il laisse un important stock de plus de 30 productions à reprendre (dont 3 créations contemporaines, Trompe La Mort, Bérénice et Le Soulier de Satin et 3 rares opéras baroques, Eliogabalo, Il Primo Omicidio, Jephta).
Les reprises des prédécesseurs programmées par chaque directeur
Pierre Bergé (1988-1994)
Pierre Bergé a repris 4 spectacles créés par ses prédécesseurs à Garnier, et les a adapté à la scène Bastille : Les célèbres Noces de Figaro mis en scène par Giorgio Strehler à l’ouverture du mandat de Rolf Liebermann (reprises 4 fois), la Katia Kabanova de Götz Friedrich (reprise 3 fois), le Faust de Jorge Lavelli (repris 2 fois), et le Giulio Cesare de Nicholas Hytner (repris une fois). Ils seront tous reprogrammés par Hugues Gall.
Hugues Gall (1995-2004)
Hugues Gall a repris 13 spectacles de ses prédecesseurs dont 9 créés par Pierre Bergé ou Jean-Paul Cluzel (1995).
Il a rentabilisé la production de Tosca par Werner Schroeter (5 reprises) et celles de Lucia di Lammermoor (3 reprises).
Il a repris deux fois également Madama Butterfly et Die Zauberflöte (toutes deux de Robert Wilson), Simon Boccanegra et Idomeneo, et une fois Salomé, Manon Lescaut et La Damnation de Faust de Luca Roconi.
Et de Rolf Liebermann, il reprit quatre fois Faust et trois fois Les Noces de Figaro, alors que sous son mandat subsisteront pour la dernière fois deux reprises datant de Jean-Louis Martinoty, Giulio Cesare et Katia Kabanova.
Gerard Mortier (2004-2009)
Gerard Mortier a repris 28 spectacles de ses prédécesseurs dont 25 spectacles d’Hugues Gall.
De Pierre Bergé, il reprit 2 fois Madame Butterfly et Tosca, et une fois Lucia di Lammermoor, et d’Hugues Gall il programma La Bohème, 5 productions de Richard Strauss (Salomé, Le Chevalier à la rose, Ariane à Naxos, La Femme sans ombre, Capriccio), 4 productions de Giuseppe Verdi (Rigoletto – 2 fois -, Le Trouvère, Don Carlo et Otello), 2 productions de Gioachino Rossini (Le Barbier de Séville – 2 fois -, L’Italienne à Alger), Alcina, Platée, Les Capulets et Montaigus, 5 productions d’opéras slaves (Rusalka, La Dame de Pique, Juliette ou la clé des songes, Guerre et Paix, Boris Godounov), 4 productions d’opéras français (Les Contes d’Hoffmann, La Damnation de Faust, Pelléas et Mélisande, Dialogues des Carmélites), ainsi qu'un grand Wagner, Lohengrin.
Nicolas Joel (2009-2014)
Nicolas Joel a repris 44 spectacles de ses prédécesseurs, dont 14 spectacles de Gerard Mortier, 25 spectacles d’Hugues Gall, 4 spectacles de Pierre Bergé et 1 spectacle de Rolf Liebermann. Il est le directeur qui aura le plus puisé dans le passé constitué par ses deux prédécesseurs.
Il reprit trois fois La Bohème de Jonathan Miller, et deux fois les productions suivantes : Les Noces de Figaro de Giorgio Strehler, mais dans les décors en provenance de La Scala de Milan, Les Contes d’Hoffmann de Robert Carsen, Cosi fan tutte d’Ezio Toffolutti (Patrice Chéreau ne souhaitant pas reprendre sa production de Cosi fan tutte qu’avait invité Gerard Mortier au Palais Garnier), Tosca, Madame Butterfly, Ariane à Naxos, Le Barbier de Séville, L’Italienne à Alger, Don Giovanni, Orphée et Eurydice, La Clémence de Titus (par Willy Decker).
Il ne reprit en revanche qu’une fois Rigoletto, mais pas Carmen dont la nouvelle production confiée à Yves Beausnesne sera un échec dommageable à Anna Caterina Antonacci.
En plus du nouveau Ring, Richard Wagner fut bien représenté par Tannhäuser, Tristan und Isolde et Der Fliegende Holländer, Giuseppe Verdi par Otello, Don Carlo, Falstaff et Luisa Miller, le répertoire russe par La Dame de Pique, Eugène Onéguine, L'Amour des 3 oranges et La Khovantchina, et beaucoup de reprises concernèrent le XXe siècle dont Billy Budd, L’Affaire Makropoulos, Wozzeck, Lulu et Der Zwerg.
Stéphane Lissner (2014-2021)
Stéphane Lissner a repris 29 spectacles de ses prédécesseurs, soit 7 spectacles de Nicolas Joel, 8 spectacles de Gerard Mortier, 12 spectacles d’Hugues Gall et 2 spectacles de Pierre Bergé, ce qui traduit une recherche d’équilibre dans l’exploitation du réservoir de productions accumulées sur 25 ans, tout en créant plus de nouveaux spectacles (38 nouvelles productions).
Parmi les ‘Blockbusters’, il reprit de Nicolas Joel quatre fois La Flûte enchantée (Robert Carsen) et trois fois La Traviata (Benoît Jacquot), rejoua de Gerard Mortier une fois Don Giovanni (Mickael Haneke), programma d’Hugues Gall deux fois Les Contes d’Hoffmann (Robert Carsen), et ranima également de Pierre Bergé deux fois l’inusable production de Madame Butterfly (Robert Wilson).
Le Tristan Isolde de Bill Viola et Peter Sellars est le seul spectacle wagnérien, facture Gerard Mortier, qu’il reconduisit pour une une seule série, et il emprunta des productions de Verdi chez Nicolas Joel, avec Aida (Olivier Py) et La Force du Destin (Jean Claude Auvray), chez Gerard Mortier, avec Le Bal masqué (Gilbert Deflo), et chez Hugues Gall, avec Otello (Andrei Serban) et Falstaff (Dominique Pitoiset).
Pour le répertoire slave, Stéphane Lissner s’inspira d’Hugues Gall dont il reprit Eugène Onéguine (Willy Decker) et Rusalka (Robert Carsen), mais il se réfèra également à lui pour les œuvres du XXe siècle (Le Chevalier à la Rose, Pelléas et Mélisande, Capriccio, La Veuve joyeuse), exceptés Wozzeck (Luc Bondy) et Yvonne, princesse de Bourgogne qu’il emprunta à Gerard Mortier.
Par ailleurs, les reprises de Gluck furent des productions Gerard Mortier (Orphée et Eurydice, Iphigénie en Tauride).
Quant au répertoire belcantiste italien (I Puritani, l’Elixir d’Amour, Lucia di Lammermoor), Stéphane Lissner piocha chez tous ses prédécesseurs, sauf Hugues Gall.
Synthèse sur l’évolution des productions du répertoire de l’Opéra de Paris.
Ce sont Hugues Gall et Stéphane Lissner qui ont le plus fortement contribué à remodeler le visage des 13 ‘blockbusters’ de l’Opéra de Paris, en revisitant les deux tiers de ces productions à 20 ans d’intervalle, ce qui est un bon rythme de renouvellement et de réactualisation.
A l’inverse, les interventions de Gerard Mortier et Nicolas Joel sur ce répertoire ne se seront pas installées durablement, hormis pour le Don Giovanni du premier, et La Flûte enchantée du second.
Néanmoins, depuis le double choc de la confrontation entre Les Noces de Figaro par Christoph Marthaler et Les Noces de Figaro par Giorgio Strelher, lors de la transition Hugues Gall / Gerard Mortier / Nicolas Joel, puis les annulations de productions dues aux grèves contre la réforme des retraites en 2019/2020, l’Opéra de Paris ne dispose plus d’une production de répertoire pour ce chef-d’œuvre incontournable de Mozart. Alexander Neef, le successeur de Stéphane Lissner, devrait en faire l'une de ses priorités.
Ce sont alors les productions de L’Elixir d’Amour et d’Il Trovatore qui ont comblé la place laissée par Les Noces de Figaro, ces dernières saisons, en étant programmées plus que nécessaire à l’opéra Bastille.
Plus globalement, depuis 1989, Pierre Bergé a certes initié le développement de nouvelles productions à l’Opéra Bastille, mais c’est Hugues Gall qui a apporté un répertoire considérable à Garnier et Bastille, grâce notamment à un très bon soutien étatique (en 2003/2004, la subvention couvrait 60 % du budget de l’Opéra de Paris). Aucun autre directeur ne peut se targuer d’avoir produit plus 70 productions, dont 55 seront reprises au moins une fois, et 35 programmées par ses successeurs, dans un répertoire qui couvre 265 ans, d’Alcina (1735) à K… (2001).
Il est par ailleurs tout à fait remarquable de constater que sur les 55 productions d’Hugues Gall reprises au moins une fois, 22 concernent des ouvrages du XXe/XXIe siècle (Rusalka, Pelléas et Mélisande, Le Chevalier à la rose, Ariane à Naxos, La Femme sans ombre, Lulu, Capriccio, Billy Budd ...).
L’apport durable de Gerard Mortier se concentre plus spécifiquement sur Christoph Willibald Gluck, L’Elixir d’Amour de Donizetti et Tristan und Isolde de Wagner, ses productions verdiennes les plus neutres (Luisa Miller et Le Bal masqué par Gilbert Deflo) et des compositeurs du XXe siècle tels Janacek, Berg, Stravinsky, Szymanowsky, Hindemith et du XXIe siècle tels Kaija Saariaho et Philippe Boesmans.
Pourtant, Gerard Mortier avait apporté près de 50 nouvelles productions (dont une quinzaine invitées), mais une dizaine seront prématurément déclassées par son successeur (Louise, Le Roi Roger, Parsifal, Macbeth, Fidelio, Simon Boccanegra et la plupart de ses Mozart).
Des 40 productions de Nicolas Joel (dont une quinzaine de productions invitées et remaniées), le répertoire du XXe siècle retient surtout Mathis der Maler, Il Trittico et Le Roi Arthus. Le répertoire baroque et classique repose sur Giulio Cesare, Hippolyte et Aricie et Alceste (Gluck), le répertoire italien sur Il Puritani de Bellini, La Forza del Destino et Aida de Verdi, Adrianna Lecouvreur de Cilea et Andrea Chénier de Giordano, et enfin le répertoire français sur Werther de Massenet.
Avec autant de nouvelles productions que son prédécesseur (mais avec 50 millions d'euros de subventions étatiques en moins sur la totalité de son mandat), et malgré les annulations du Ring, de Jenufa, des Noces de Figaro et Macbeth pour cause de grèves et de pandémie, Stéphane Lissner a comblé un vide dans les nouvelles productions d’opéras français du XIXe siècle (Manon, Faust, Carmen, Les Troyens, Les Huguenots, Samson et Dalila), a élargi le répertoire baroque à deux nouveaux compositeurs (Eliogaballo de Cavalli et Il Primo Omicidio de Scarlatti), renouvelé Les Indes galantes de Jean-Philippe Rameau, fait connaître Jephta de Haendel, développé le répertoire slave avec Iolanta, Snegourotchka, Prince Igor, créé 3 ouvrages basés sur des romans français, et apporté de splendides nouvelles productions d’opéras du XXe siècle (Lady Macbeth de Mzensk, Moses und Aron, Lear, Le château de Barbe Bleue / La Voix humaine).
Dans l’ensemble, le répertoire de l’Opéra de Paris est riche et diversifié, mais certaines failles évidentes restent à combler chez Monteverdi (Orfeo, Le Retour d’Ulysse dans sa patrie), Donizetti (Roberto Devereux, Anna Bolena, Maria Stuarda, Lucrezia Borgia), Verdi (Nabucco, Attila, Ernani, Giovanna d’Arco, Macbeth, Jérusalem, Les Vêpres siciliennes), Puccini (Manon Lescaut, Turandot), Beethoven (Fidelio), Janacek (Jenufa), Benjamin Britten (Peter Grimes, Mort à Venise, Le Songe d’une nuit d’été, The turn of the screw) ou le répertoire américain (Gershwin, Bernstein, Glass, Adams ...).
Et si ce répertoire de reprises exploitables sur 20 ans est essentiel à la viabilité économique de l’Opéra de Paris, il ne fait pas oublier que la mémoire émotionnelle d’une maison se joue aussi dans des productions exceptionnelles associées à des distributions non moins exceptionnelles qui ne sont généralement pas amenées à se reproduire dans le temps.
Mise à jour de cet article le 26 mars 2024 (avec prise en compte de la saison 2024/2025).
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