Importance et popularité de l’Opéra dans le monde
Publié le 25 Août 2011
Le site Operabase vient de rendre publique une série de statistiques sur l’opéra dans le monde.
On y trouve notamment le nombre de représentations par ville pour une saison, ce qui permet d’évaluer l’importance culturelle selon les pays.
L’analyse de ces chiffres conduit à identifier treize pays qui représentent près de 82% des spectacles d’opéras au monde.
Ils sont retenus sur un critère quantitatif et historique, mais non qualitatif, et sont classés en fonction de l’importance de l’opéra dans leur culture, du plus populaire au plus élitiste.
* Cet article a été mis à jour en 2016 pour y intégrer la Hongrie suite à la réouverture du Théâtre Erkel, puis en 2020 pour prendre en compte les statistiques des années 2015 à 2019.
L’opéra, art européen
Chaque année, plus de 26000 représentations d’opéras ont lieu dans le monde. Cet art musical, vocal et théâtral marque l’apogée culturelle de l’Europe, ce qui induit naturellement une prépondérance de ces représentations sur le vieux continent à hauteur de 87%.
Par ailleurs, les États-Unis, le Canada et l’Australie lèvent le rideau sur 10% des représentations, et il ne reste donc plus que 3% de spectacles d’opéras dans le reste du monde, c’est-à-dire l‘Asie, l‘Amérique du Sud, le Moyen Orient, l‘Afrique.
L’opéra, art inhérent à la culture germanique
L’Allemagne
Cela paraît difficile à croire, mais avec 83 millions d’habitants, l’Allemagne concentre à elle seule 31% des représentations d’opéras dans le monde, soit une sur trois.
Berlin en offrent 600, Hambourg, Dresde, Munich en présentent 350 chacune tous les ans, et 60 autres villes proposent plus de 50 représentations.
Il s’agit d’un héritage culturel unique, issu aussi bien de l’histoire politique de ce pays, qui fut morcelé en 350 principautés jusqu’au XIXème siècle, que de sa recherche d’une identité propre résolue par l’essor du Théâtre national allemand, le Singspiel, et par son importante tradition symphonique.
A l’origine, ce sont les réunions de maîtres-chanteurs, dont le plus connu est Hans Sachs, qui diffusèrent l’art du poème lyrique dès le XIVème siècle .
Par la suite, en 1678 à Hambourg, le premier opéra populaire ouvrit ses portes, acte de progrès qui rendait accessible au plus grand nombre l’art lyrique. Puis, au milieu du XVIIIème siècle, l’opéra de cour se développa avec le soutien de Frédéric le Grand, monarque éclairé et passionné de musique.
On dénombre aujourd’hui plus de 130 orchestres professionnels, les plus reconnus étant le Staatskapelle de Dresde, le Philharmonique de Berlin et l’Orchestre Symphonique de la Radio Bavaroise.
L’Autriche
L’histoire musicale de l’Autriche, sol natal de Mozart, Haydn, Berg et Zemlisky est profondément liée à celle de ses voisins allemands, et l’opéra de cour y est né avant l’Allemagne, à Vienne, dès le milieu du XVIIème siècle.
L’enjeu de la suprématie culturelle, en concurrence avec les Allemands et les Tchèques, a conduit ce territoire peuplé de près de 9 millions d’habitants à devenir riche d’une capitale, Vienne, capable de proposer 600 représentations par an, et de 6 autres villes (Innsbruck, Salzburg, Linz, Graz, Baden bei Wien et Klagenfurt) qui dépassent largement les 50 représentations.
La Suisse
Influencée par ses voisins Allemands et Autrichiens, la Suisse reprit l’héritage des Maitres-chanteurs, et des cercles d’amateurs de musique s’organisèrent dès le XVIIIème siècle.
Nombre de musiciens allemands s’y sont installés, comme Richard Wagner qui fut contraint à l’exil après l’échec de la révolution de Mars.
Il débuta à Zurich la composition de l’Anneau du Nibelung, et l’interrompit pour créer Tristan et Isolde.
Aujourd’hui, la ville la plus peuplée de Suisse propose plus de 200 représentations par an, et 5 autres villes, Bâle, Genève, St Gallen, Bern, Lucerne en offrent plus de 50.
On dénombre une trentaine d’orchestres, dont l'Orchestre de la Suisse romande, l'Orchestre de la Tonhalle, l'Orchestre de Chambre de Zurich, l'Orchestre de Chambre de Bâle et l'Orchestre Symphonique de Bâle.
Avec plus de 17 millions d’habitants, la Suisse et l’Autriche réunies montent 9% des spectacles d’opéras, soit la plus forte concentration de représentations au monde.
La popularité de l’opéra en Tchéquie, Hongrie , Slovaquie, Suède
Deux pays slaves, un pays magyar et un état scandinave sont les pays non-germaniques où l’art lyrique conserve une très grande popularité.
La Tchéquie
Importance cité culturelle, Prague est passée au XVIème siècle de l’influence allemande à l’influence autrichienne.
La musique a pris une place prépondérante dans la culture thèque durant cette période, mais c’est véritablement au XIXème siècle qu’elle devient une valeur capable d’unir la nation.
Alors qu’Allemands et Tchèques se partageaient le Théâtre des Etats, où Mozart créa Don Giovanni, deux nouveaux théâtres furent construits à quelques années d‘intervalle, Le Théâtre National (1881) et le Nouveau Théâtre Allemand (1888).
Des compositeurs comme Martinu, Smetana, Dvorak et surtout Janacek ont forgé une tradition musicale tchèque en moins d’un demi siècle.
Aujourd’hui, Prague offre plus de 300 représentations d’opéras par an, et Brno et Ostrava près de 100 représentations.
Autre pays se cherchant une identité musicale, la Hongrie vit naître son propre opéra national lorsque le compositeur Ferenc Erkel créa en 1840 son premier opéra, « Batori Maria », tiré d’une pièce populaire d’Andras Dugonics. Son épopée magyare, « Bank ban (1861) », est ainsi toujours au répertoire
C'est en 1884 que l'Opéra d’Etat Hongrois de Budapest ouvrit ses portes au public dans un magnifique bâtiment néo-renaissance. Puis, en 1911, une grande salle dédiée au peuple « Nepopera » fut construite en 9 mois, et fut intégrée à l’Opéra d'Etat en 1951 sous le nom « Théâtre Erkel ».
Cette salle de 2400 places, fermée en 2007, est ré-ouverte depuis 2013, ce qui permet à Budapest de proposer plus de 300 représentations par an dans ses deux Opéras, auxquelles s’ajoutent plus de 50 représentations d’Opérettes au Budapesti Operettszínház.
Deux autres villes, Miskolc et Szeged, proposent près de 50 représentations chacune.
La Slovaquie
Au croisement des influences allemande, autrichienne, hongroise et tchèque, la Slovaquie est un point de convergence multiculturel. Beethoven, Schubert, Mozart, Haydn, Bartok se sont rendus à Bratislava (anciennement Presbourg).
Depuis 2007, un nouvel Opéra a ouvert dans la capitale.
On peut écouter 110 représentations à Bratislava (425.000 habitants), 50 à Banska Bystrica et Kosice.
La Suède
L’opéra s’est épanoui en Suède dans les années 1770, sous Gustave III. Il fonda une compagnie d’opéra suédoise, et Stockholm se dota d’un théâtre lyrique en 1782.
Cette période faste fut malheureusement interrompue par l’assassinat du roi , source d’inspiration de Verdi dans Un Bal Masqué.
En 1870 on voit apparaître une école nationale, influencée par l’école allemande.
Depuis, la Suède a apporté un nombre incomparable d’interprètes (Birgit Nilsson, Jussi Björling, Astrid Varnay, Nicolai Gedda, Anne Sofie von Otter, Nina Stemme, Peter Mattei …) malgré l’effectif modeste de sa population.
A Stockholm, près de 220 représentations d’opéras sont jouées, et on peut entendre plus de 50 représentations à Göteborg et Malmö.
Avec seulement 36 millions d’habitants au total, la Tchéquie, la Hongrie, la Slovaquie et la Suède montent plus de 7% des spectacles d’opéras du monde. Dans ces quatre pays, les interprètes sont très majoritairement des artistes nationaux.
L’Opéra en Italie et en Pologne
L’importance historique de l’opéra en Italie et en Pologne assure une présence culturelle significative à l’art lyrique dans ces deux pays, répartie dans bon nombre de villes importantes.
L’Italie
C’est en Italie, à Florence et Venise, que l’opéra est né à la fin du XVIème siècle. Il s’est diffusé dans toute l’Europe par la suite.
Vint l’occupation autrichienne, la création de la Scala de Milan en 1778, puis l’unification définitive du pays en 1870. C’est un compositeur d’opéra, Giuseppe Verdi, qui incarne les aspirations du peuple à une nation italienne.
Bien que depuis une dizaine d’années on observe un affaiblissement culturel significatif en Italie, l’opéra constitue le lien, fragile mais bien vivant, d’un pays qui menace de se fracturer. Preuve en est que plus de 80% des ouvrages représentés sont ceux de compositeurs italiens, Verdi, Puccini et Rossini principalement.
La Fenice (Venise)
La Scala de Milan, une des salles les plus prestigieuses au monde, propose 120 représentations par an, et 12 autres villes italiennes offrent plus de 50 représentations, Venise, Rome, Florence, Naples, Palerme et Turin en particulier
La Pologne
C’est à Ladisla IV que la Pologne doit la découverte de l’opéra italien dans les années 1627-1628, bien avant la France ou l’Angleterre.
Une salle sera ouverte au Palais Royal de Varsovie, mais la capitale polonaise n’aura droit à son Grand Théâtre qu’en 1833, alors que celui de la ville de Wroclaw existe depuis 1755 (renommé Théâtre Royal depuis 1795).
Plusieurs opéras y seront d’ailleurs représentés très peu de temps après leur création mondiale comme Fidelio, Le Barbier de Séville ou Der Freischütz.
En 1910, les Allemands confient à l’architecte munichois Max Littmann la construction d’un opéra à Poznan. La majorité des ouvrages y sont donnés aujourd’hui en langue polonaise.
Ainsi, Varsovie, Wroclaw offrent plus de 100 représentations par an, et Poznan, Cracovie, Bydgoszcz, Lodz, Bytom et Gdansk plus de 50.
Avec près de 100 millions d’habitants réunis, la Pologne et l’Italie montent au total plus de 10% des représentations d’opéras.
Le rayonnement culturel des capitales de France et d’Angleterre à travers l’Opéra
Comme en Italie et en Pologne, l’importance historique de l’opéra en France et en Angleterre assure une présence culturelle significative à l’art lyrique dans ces deux pays, mais à la différence qu’elle se concentre dans les deux capitales.
La France
D’abord affaire de cour où ballets et somptueux décors primaient sur la musique, l’opéra atteignit son apogée à Paris au XIXème siècle quand la bourgeoisie triomphante ne voulut plus que s’amuser. Puis l’importance lyrique de la capitale amorça un déclin jusqu’à ce que soit envisagée la fermeture de l’Opéra Garnier à la fin des années 1960.
Le renouveau vint avec l’ère Rolf Liebermann (1973-1980), et surtout avec l’élection historique de François Mitterrand qui fit construire l’Opéra Bastille.
En province, l’essor lyrique est également très récent, avec la création de nouvelles salles comme à Montpellier (1990) ou Lyon (1993).
Après une nette volonté d'ouverture au plus grand nombre sous Hugues Gall et Gérard Mortier, l’Opéra de Paris mise maintenant sur le rayonnement médiatique, et se recentre sur la demande d'un public aisé.
On dénombre 35 orchestres en France, à comparer aux 130 orchestres qui résident en Allemagne.
L’Opéra est un art qui concerne Paris en premier lieu si bien que la capitale offre près de 400 représentations par an, et seules les villes de Lyon, Marseille, Strasbourg et Toulouse proposent plus de 50 représentations en province.
L’Angleterre
Comme en France, l’Opéra concerne surtout la capitale.
Dès 1732, le Théâtre Royal fut inauguré sur le site de Covent Garden, dévolu pendant plus d’un siècle à l’opéra italien.
C’est au XXème siècle que l’Angleterre trouve en Benjamin Britten un compositeur moderne emblématique. Il sera aussi le fondateur de plusieurs institutions lyriques nationales.
Il existe 6 orchestres londoniens : le London Symphony Orchestra, le BBC Orchestra, le Philharmonia Orchestra, le London Philharmonic Orchestra, le Royal Philharmonic Orchestra, et l‘Orchestra of the Age of Enlightenment.
Par ailleurs, l’English National Opera monte les opéras du répertoire mondial en langue anglaise.
Londres propose plus de 500 représentations par an, et seuls Leeds et le festival de Glyndebourne représentent plus de 50 ouvrages.
Avec près 135 millions d’habitants au total, la France et l’Angleterre représentent 9% des spectacles d’opéras du monde.
L’Opéra, valeur élitiste aux Etats Unis et en Russie
La Russie
Avec 145 millions d’habitants, la Russie ne représente que 7,5% des spectacles d’opéras joués dans le monde. L’art lyrique y est également considéré comme une culture élitiste, le miroir d’une grandeur qui s’acheva il y a un siècle.
C’est Catherine II qui favorisa la diffusion de l’opéra italien en Russie. Par décret, le Grand Théâtre en pierres fut édifié en 1783 à Saint Pétersbourg pour devenir le Bolchoi Kamenny Theatre le siècle suivant. C’est en 1859 que le Théâtre Mariinski est créé juste en face. Il y accueille depuis toutes les représentations d’opéras.
A Moscou, la troupe du Bolchoï acquit le théâtre Petrovsky en 1780, à l’emplacement duquel sera construit le Théâtre du Bolchoï en 1825.
Mais on vit aussi apparaître en province, à la fin du XVIIIème siècle, des théâtres serviles appartenant à des aristocrates. Certain serfs deviendront même des interprètes ou des compositeurs pour ces théâtres. Puis les grandes villes se dotèrent de salles privées.
La Russie n’échappa pas au besoin de se trouver une identité musicale. Glinka et Dargomyzsky en furent les initiateurs, mais c’est Moussorgsky qui y arriva avec Boris Godounov, suivi par les contes fantastiques de Rimsky Korsakov et le lyrisme de Tchaïkovsky.
A partir de la révolution de 1917, l’opéra fut récupéré à des fins de propagande.
Aujourd’hui, Moscou et St Petersburg sont de loin les deux capitales lyriques de la Russie en proposant respectivement plus de 600 et 500 représentations par an. Mais les théâtres de Ekaterinburg, Novossibirsk, Voronezh, Saratov ou Rostov-on-Don offrent plus de 50 représentations lyriques par an.
Les États-Unis
Avec 330 millions d’habitants, les États Unis ne représentent que 7,5% des spectacles d’opéras joués dans le monde. L’art lyrique est y considéré comme une culture très élitiste en marge de la culture populaire.
Lorsque nombre d’artistes européens émigrèrent à New York pendant les deux guerres mondiales, la ville connut un essor culturel exceptionnel.
Néanmoins, la crise financière de 2008 a eu des conséquences sur la programmation lyrique, et même le MET a du réduire le nombre de représentations et de nouvelles productions.
On peut toutefois entendre plus de 300 représentations sur l’ile de Manhattan, mais également plus de 50 représentations à Chicago, San Francisco, Houston, Los Angeles, Philadelphie et Washington.
Par ailleurs, trois des dix meilleurs orchestres du monde sont américains, le Chicago Symphony Orchestra , le Cleveland Orchestra et le Boston Orchestra.