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Publié le 20 Janvier 2015

EsotErik Satie – L’alchimiste du son
Représentation du 18 janvier 2015
Carrières-sur-Seine La Grange Aux Dîmes

Maria Paz Santibanez Piano
Dorothée Daffy Récitante
Patricia Luis Ravelo Créatrice lumière
Nadège Frouin Tapissier Créateur

Karin Müller Conception

Compagnie Théâtrale les Cassandres

 

                                                                                                                                             Dorothée Daffy

La veille de la création d’une nouvelle production dédiée à l’univers d’Erik Satie, la compagnie théâtre Les Cassandres s’était rendue à la maison des associations du 19ème arrondissement de Paris – par coïncidence, une rue de cet arrondissement se nomme Erik Satie – pour y donner un concert gratuit d’airs d’opéras.

Cette maison offrait ainsi un après-midi aux habitants du quartier afin de découvrir des compagnies musicales de toutes cultures (jazz, lyrique, chorale …), alors que la Philharmonie venait d’ouvrir ses portes trois jours avant.

La jeunesse présente a donc découvert un art qui ne lui est pas familier, et qui a pu la dérouter par l’outrance vocale et de jeu qui sont la marque du genre lyrique. Rarement, en effet, extériorise-t-on sans pudeur ses sentiments avec la même force et la même ébullition que celles qui animent notre propre vie intérieure.

Ils entendirent ainsi Marie Soubestre interpréter une romance de Rachmaninov, soupirante mais intense, suivie d’un extrait des Wiegenlieder für Arbeitmutter d’ Hanns Eisler, chant empreint d’effroi à la montée du nazisme dans les années 30. Cet air fait sentir à l’auditeur comment l’angoisse et la colère peuvent faire basculer le lyrisme de la voix vers des expressions naturalistes, parlées, et lui faire ainsi ressentir les cassures intérieures du personnage qui s’exprime à travers l’art de la soprano.

Ensuite, distingué baryton, Emmanuel Gendre a surpris l’audience, appuyé l’air de rien contre un pilier de la résidence, en revenant à un répertoire moins austère et plus léger d’airs italiens, – Come Paride vezzoso – de Donizetti, et le duo Zerline-Don Giovanni écrit par Mozart.

                                                                             Marie Soubestre

Chanté avec Marie Soubestre, ce duo d’une paysanne charmée par l’envergure et l’assurance sérieuse du noble dépravé a été saisissant dans sa progression irrésistible. Frissons pour les amateurs d’opéra, étonnements et intimidations pour le public peu habitué à cette emprise physique forte, ces réactions montrent que l’écriture musicale du compositeur viennois reste proche de la comédie de la vie, et toujours touchante.

Romain Louveau (piano) et Emmanuel Gendre (baryton)

Romain Louveau (piano) et Emmanuel Gendre (baryton)

Et pendant ces vingt minutes de récital, Romain Louveau a soutenu les deux artistes au piano avec une belle attention et un dévouement qui faisaient oublier la difficulté du lieu à préserver la chaleur du chant.

En préambule de ce spectacle, Dorothée Daffy avait pris simplement le temps de présenter la troupe des Cassandres. Le lendemain, à la Grange Aux Dîmes de Carrières-sur-Seine, elle devint l’actrice principale accompagnée par une autre pianiste, et autre personnalité forte, Maria-Paz Santibanez.

Maria Paz Santibanez (Piano)

Maria Paz Santibanez (Piano)

Maria-Paz Santibanez est une artiste qui est, depuis l’année dernière, attachée culturelle du Chili en France. Pour connaître une partie de son histoire et son combat pour la liberté, il est possible de lire le portrait réalisé par TV5 Monde Chili : le piano et les mains de Maria Paz Santibanez contre la dictature de Pinochet, et la biographie présente sur son site numérique.

Mais ce soir, elle est la recréatrice de l’univers sonore d’Erik Satie – que chacun découvre dans un extrait du film de René Clair « entracte » – à travers un programme de quatorze pièces extraites de Gnossienne et Gymnopédie, des oeuvres de Claude Debussy (Le vent dans la plaine, mouvement) et des compositeurs à la virtuosité fascinante, Maurice Ohana et Alberto Ginastera.

Dorothée Daffy

Dorothée Daffy

Son caractère se retrouve dans les sons franchement attaqués et, plus loin, plus doux et mystérieux. Et son regard, lorsqu’il se relève sur la partition à chaque note montante, donne l’impression d’être à l’origine de perles sonores qui s’en libèrent.

Il y a la peinture musicale, mais il y a également les mots d’Erik Satie, ces mots qu’exprime une Dorothée Daffy dandyesque en cherchant à brosser un portrait joyeux, attendrissant, mais également lucide et féroce sur la nature humaine.

Chacun peut donc trouver résonance dans ces textes tirés des « Mémoires d’un amnésique » et des « cahiers d’un mammifères », comme cette façon de se moquer de l’anti wagnérisme français ou bien de ses détracteurs dont il a bien raison de souligner l’ignorance.

Est-il réellement misanthrope ou bien n’a-t’ il qu’entièrement compris le drame de la bêtise parisienne ? Et comment, dans cette atmosphère qui laisse présumer de nombreux tourments, ne pas le rapprocher d’Oscar Wilde, ou bien de Marcel Proust ?

Et d’où vient cette façon gourmande de s’emparer de ces paroles, d’où vient ce goût pour les changements soudains d’états d’âme ? Comment Dorothée Daffy arrive-t-elle à nous faire rire avec sérieux ? On ne la voit même pas venir quand, après un hommage aux dix symphonies de Beethoven, elle déploie un drapeau européen flottant en délire sur l’hymne à la joie.

                                                                          Dorothée Daffy

Pour le plaisir de tous, et des enfants qu’elle ne quitte pas de l’œil, ce portrait intime est donné dans le cadre inspirateur de la Grange d’Equit-Art, sous les lumières chaudes et douces de Patricia Luis Ravelo qui joue avec les ombres des éléments de la petite salle. Il est un brillant éphémère que d’autres spectateurs parisiens devraient bientôt découvrir.

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Publié le 5 Juillet 2014

Nous ne sommes que bouche (Cassandres Cie)
Variations sur « Une souris verte » pour cor anglais, soprano, comédienne et musique électroacoustique
Représentation du 03 juillet 2014
Galerie Talmart (Paris 4ème)

Avec Marie Soubestre (Soprano), Sylvain Devaux (Cor anglais), Dorothée Daffy (Voix)

Compositeur / Arrangeur Greg Beller
Mise en scène Dorothée Daffy
Compagnie Les Cassandres

 

 

 

                                                                                                        Sylvain Devaux (Cor anglais)

 

Entrer à l’intérieur de la Galerie Talmart située le long du cloître Saint-Merri c’est s’immerger dans l’univers glaçant du conflit syrien et des massacres d’Alep : un tableau situé sur la gauche représente un mur de pierre visé par des bombes guidées, des blocs de savon évoquent les restes du bombardement, et des visages d’anges qui grimacent les yeux bandés parlent d’eux-mêmes.

Marie Soubestre (Soprano), Sylvain Devaux (Cor anglais), Dorothée Daffy (Récitante) et, en arrière plan à la toute gauche, Greg Beller (Compositeur)

Marie Soubestre (Soprano), Sylvain Devaux (Cor anglais), Dorothée Daffy (Récitante) et, en arrière plan à la toute gauche, Greg Beller (Compositeur)

Et lorsque l’on rejoint le sous-sol où va se dérouler le nouveau spectacle de la Compagnie Les Cassandres, le léger malaise de cet univers clinique se prolonge car, non seulement le sol de la scène est recouvert de plumes au creux desquelles les trois comédiennes et comédien dorment lovés, mais en plus, chacun est invité à porter un masque chirurgical.
Ce masque, pour celui qui le porte, lui donne le sentiment de dissimuler partiellement ses réactions, et donc le met finalement à l’aise.

Au cours de cette courte pièce d’une demi-heure, le spectateur se trouve face à ces trois jeunes aux talents complémentaires dont les expressions respectives vont quelque peu l’interloquer, le fasciner ou bien le faire rire.

Car nous assistons à l’émergence d’une humanité au milieu des restes d’un chaos animal - ceci dit bien douillet – et l’on peut imaginer qu’un metteur en scène tel Calixto Bieito aurait recouvert tout le monde de boue pour accentuer le sordide de la situation.
 

Dorothée Daffy n’a cependant pas cherché de telles extrémités. Elle-même récitante, elle raconte une histoire de la naissance de l’âme, chante une variation enfantine et plutôt cruelle sur « Une souris verte », alterne ses déclamations avec Marie Soubestre, qui, à la toute fin, fait passer son soprano du bruitage à l’éclosion de la beauté du chant.   « Remember me », une des plus belles plaintes pathétiques du XVIIème siècle (Henry Purcell), émerge enfin.

Quant à Sylvain Devaux, balbutiant de premiers sons mélancoliques avec son cor anglais auquel l’amateur d’opéra associe naturellement le solo du 3ième acte de Tristan et Isolde, il offre une leçon de technique et un accompagnement musical magnifique sur l’air final. Par ailleurs, il y a quelque chose de touchant dans sa fragilité d’être.


                                                                                             Dorothée Daffy (Comédienne/Metteur en scène)


Mais on ne se rend pas toujours compte des effets électroacoustiques créés par Greg Beller. Ceux-ci se fondent tant dans l’atmosphère vocale, que le spectacle prend un pouvoir méditatif qui pousse chacun d’entre nous – de par la disposition circulaire des auditeurs tout autour des acteurs – à également admirer les visages de chacun pour déceler les réactions engendrées par la tension de la pièce.

Une expérience de l’étrange, de l’humour et de la musique pour lier dans un instant des regards très différents.

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Publié le 9 Juin 2014

Récital chant et piano (Marie Soubestre & Romain Louveau)
Concert du 08 juin 2014
La Grange aux Dîmes – Carrières sur Seine

Sergueï Rachmaninov « Ne poi krassavitsa »
Giuseppe Verdi, Rigoletto « Caro nome »
Hanns Eisler, Berceuse « Mein Sohn »
Sergueï Rachmaninov, vocalise
Hanns Eisler, Berceuse « Als ich dich… »
Johannes Brahms, Intermezzo, op. 118 n°2, pièce pour piano seul
Gioachino Rossini, Comte Ory « En proie à la tristesse… »

Marie Soubestre soprano
Romain Louveau piano
Dorothée Daffy mise en espace

                                                                                                       Marie Soubestre

 

Spectacle présenté par la compagnie théâtrale Les Cassandres et l’association Equit'Art

Sur les bords bucoliques de la Seine qui font face à l’île des Impressionnistes – Claude Monet y peignit « Carrières-Saint-Denis », Pierre-Auguste Renoir de nombreux tableaux dont « Le Déjeuner des canotiers » - les vieilles ruelles de Carrières-sur-Seine s’élèvent à flanc de colline pour mener à l’ancienne grange aux Dîmes qui héberge aujourd’hui la Galerie Associative Equit’ART.

Et, pour la trouver, il suffit de se laisser guider par le son du piano provenant de l’arc brisé d’une fenêtre ouverte sur Paris.

Récital chant et piano par Marie Soubestre et Romain Louveau

C’est ici que deux étudiants du Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, Marie Soubestre et Romain Louveau, y interprètent un récital qui, en sept complaintes, fait se côtoyer Rachmaninov, Verdi, Eisler, Rossini et Brahms.

Les deux premières romances, « Ne poi krassavitsa » et « Caro nome » (extrait de Rigoletto), sont dédiées à un être cher. On sent, dès le début, l’ample passion du pianiste, qui ne lâche rien de l’écriture musicale pour en exalter l’intensité mélodique.

Il a une belle façon enveloppante d’engager le corps et de prolonger l’élan dans l’intensité du son, et l’Intermezzo de Brahms, plus loin, sera son grand moment à lui seul, et pour l’audience admirative.

Romain Louveau

Romain Louveau

Avec la complicité de Dorothée Daffy au jeu subtil des deux artistes, le duo trouve son unité. L’air de Rigoletto, et ses vocalises surnaturelles, est le grand air d’opéra du récital qui apparaît ici surdimensionné à la taille modeste de la salle.

Mais, lorsque nous découvrons ces airs prolétaires peu connus d’Hanns Eisler, les Wiegenlieder für Arbeitmutter, écrits dans les années 1930, Marie Soubestre nous ramène les pieds sur terre. Le texte est dur, empreint de cette violence que nous avons plus ou moins en nous, et renvoie à une réalité sans fard qui est, pour les auditeurs, un extraordinaire et saisissant instant de théâtralité musicale.

Marie Soubestre et Romain Louveau

Marie Soubestre et Romain Louveau

Le message passe parfaitement, sans même qu’il soit nécessaire de comprendre le texte impitoyable vis-à-vis de la réalité sociale d’une époque.

Les vocalises de Rachmaninov, qui séparent les deux Lieder, évoquent la légèreté d’un rêve. La soprano n’en reste cependant pas à cette unique interprétation. Elle en transforme l’évanescence en une recherche de quelque chose dans le regard de l’autre, le spectateur, le pianiste, un appel inexprimable qui peut intimider.

Marie Soubestre et Romain Louveau

Marie Soubestre et Romain Louveau

Puis, dans l’air de la Comtesse Adèle, l’humour et la fantaisie l’emportent, sous le regard toujours aussi bienveillant de Romain Louveau, et, pour remémorer aux plus ardents passionnés un air mythique interprété par Maria Callas, « Oh ! mio Babbino Caro » (Gianni SchicchiPuccini) sera comme une berceuse offerte au petit garçon de la soprano.

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