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Publié le 23 Novembre 2024

Miss Knife Forever (Olivier Py et Antoni Sykopoulos)
Textes d’Olivier Py sur des musiques de Stéphane Leach, Jean-Yves Rivaud, Antoni Sykopoulos et Olivier Py
Récital du 10 novembre 2024
Théâtre du Châtelet

Chant Olivier Py
Piano Antoni Sykopoulos

Le tour de chant de Miss Knife : La Vie d’artiste, Le funambule, Je rêve d’un monde meilleur, Plage de la sirène, La chanson d’Arlequin, Mes amours défuntes, Je suis le vieux poète, Juste le temps d’une chanson, Le rôle est trop court, L’Amour est entre nous, Les cafés du Ve, J’ai trop joué mon personnage, Les ailes noires, Nocturne, Le tango du suicide, Il arrive souvent, J’entends ta voix.

C’est dans la peau de Miss Knife, personnage né d’une pièce ‘La nuit du Cirque’ créée par Olivier Py au ‘Théâtre du peuple’ de Bussang (Vosges) en 1992, que le metteur en scène s’est glissé pour la première fois en 1996 au Festival d’Avignon pour en faire un moyen d’expression poétique très proche de lui-même.

Antoni Sykopoulos et Olivier Py (Miss Knife)

Antoni Sykopoulos et Olivier Py (Miss Knife)

Depuis, il a traversé le temps et parcouru le monde avec elle, et alors qu’il débute sa première saison à la direction du Théâtre du Châtelet, Olivier Py reprend le costume de sa très chère amie pour chanter pendant cinq soirs la vie éphémère de l’artiste - parfois anonyme et teintée de noirceur -, la mort qui souffle l’exaltation pour un amour charnel idéalisé, la beauté de l’univers et l’amour de la vie pour conjurer le cynisme du monde, l’image du bel autre qui envahit le cœur, l’esprit libre du poète et son regard émerveillé sur la jeunesse, l’âme mélancolique au souvenir des amours passées, le tout baigné de chants et de poèmes, la gaîté malgré l’évanescence de la vie, l’approche de la mort qui met le cœur à nu, l’amour comme force invisible, les souvenirs des bonheurs insouciants dans les cafés, le personnage que l’on fait vivre en soi jusqu’à l’ultime révérence, l’âme sombre qui protège, le désir de nuit et les formes de suicides, le retour à la vie et les rêves d’anges.

Ces chansons ont un fond souvent nostalgique et désespéré mais également très lumineux quand elles évoquent les images des êtres aimés, et le travestissement auquel Olivier Py a recours tend à entremêler le sourire de la vie à des mots parfois très sombres.

Grand Foyer du Théâtre du Châtelet et la scène de Miss Knife

Grand Foyer du Théâtre du Châtelet et la scène de Miss Knife

Une scène temporaire (150 places) est installée au centre du Grand Foyer du Théâtre restauré entre 2017 et 2019, et le comédien apparaît depuis l’un des rideaux rouges suspendus sous les oculi finement décorés avec l’aisance déclamatoire qu’on lui connaît bien. 

Affublé d’une perruque blonde – qu’il mettra de côté en cours de spectacle -, de faux cils et d’une robe scintillante, il se rit de l’humeur parfois morbide de ses textes, ce qui donne une tonalité assez originale à l’esprit de cabaret qu’il recrée en faisant ressentir une tristesse joyeuse au souvenir d’une époque heureuse mais assombrie par les drames qui traversèrent les années 80. 

Il forme un duo complice avec le pianiste Antoni Sykopoulos, professeur de chant au sein de l’école de comédie musicale du Théâtre Royal du Parc à Bruxelles, qui, lui-même, donne aussi de la voix, et la chaleur de ce récital ramène l’auditeur à une forme d’essentialisme sentimental, c’est à dire à ce qu'il suffirait de vivre dans la vie s’il ne fallait pas trouver une place dans la société et s'y confronter.

Antoni Sykopoulos

Antoni Sykopoulos

Et quand on connaît certaines de ses mises en scène à l’opéra, telles ‘La Force du destin’ , ‘Le Prophète’ ou bien la  ‘La Dame de Pique’, on est frappé de retrouver dans ces textes certains éléments de sa poétique, comme la figure de l’ange aux ailes noires qui parle des conflits intérieurs entre l’espérance – Olivier Py revendique sa foi catholique - et les pulsions de mort.

Bien entendu, c’est aussi sa personnalité qui se met à nue d’une manière très sensible par le biais de Miss Knife tout en se dissociant du rôle managérial qu’il occupe en tant que directeur du Théâtre.

Probablement ne peut-on voir cela que dans les milieux artistiques de par l’espace de liberté qu’ils représentent plus que jamais aujourd’hui, et c’est pour cela que ce récital apporte un doux sourire aux lèvres, précieux en ce dimanche soir.

Antoni Sykopoulos et Olivier Py

Antoni Sykopoulos et Olivier Py

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Publié le 17 Novembre 2024

Œuvres de Gabriel Fauré, Philippe Bodin et Guillaume Villiers
Concert du 09 novembre 2024
Temple Protestant de Port Royal - Paris XIIIe

Gabriel Fauré (1845-1924)
Barcarolle n°12, La Chanson d’Eve, Prélude n°6, Hymne à Apollon, Nocturne n°13, Le Parfum impérissable, Le plus doux chemin, Mandoline, Au Bord de l’Eau, Green, Le secret
Philippe Bodin (1960-)
La Lune Blanche (2014) sur une poésie de Paul Verlaine
Guillaume Villiers (2005-)
… Et ce soir-là (2024) sur des vers d’Albert Samain

Mezzo-soprano Stéphanie Guérin
Piano Lucas Bischoff

Construite en 1898 le long du boulevard d’Arago dans le 13e arrondissement, l’église réformée de Port-Royal présentait en ce samedi 9 novembre 2024 un hommage à Gabriel Fauré, donné cent ans exactement après sa disparition, interprété par la mezzo-soprano Stéphanie Guérin, artiste lyrique (‘Cosi fan tutte’ – Lausanne 2018, ‘Là-haut’ – Athénée Louis Jouvet 2022) qui aime défendre la mélodie française, et le jeune pianiste Lucas Bischoff, 21 ans, issu du CNSM.

Guillaume Villiers (musicien et compositeur), Lucas Bischoff (pianiste) et Stéphanie Guérin (chant)

Guillaume Villiers (musicien et compositeur), Lucas Bischoff (pianiste) et Stéphanie Guérin (chant)

Au cœur du temple, il faut imaginer un décor avec relativement peu de profondeur, des bancs en bois sombre et robuste provenant de Sibérie, une simple croix rétroéclairée frontale, surmontée d’une coupelle en vitraux figuratifs vers lesquels convergent les arches blanches du dôme.

Une très grande proximité s’installe naturellement entre le public et la scène, et un petit état d’esprit familial se ressent parmi l’audience.

Le programme permet d’entendre des vers de poètes français contemporains du compositeur ariégeois, Paul Verlaine, Leconte de Lisle, Armand Silvestre, ainsi que les poésies de Charles van Lerberghe à travers le cycle ‘La Chanson d’Eve’ qui ouvre le récital. L'observation de la nature y est prégnante.

Le sens de la respiration de Stéphanie Guérin fait immédiatement ressentir une fluidité dans le discours qui, sous l’effet de l’ambiance sensiblement réverbérée, prend une tonalité assez éthérée à laquelle vient se mêler les couleurs plutôt corsées du timbre de voix. Le chant reste bien centré, les teintes graves subtiles, avec un lyrisme délié à cœur ouvert.

Temple Protestant de Port Royal

Temple Protestant de Port Royal

Mais la soirée comporte également deux œuvres de compositeurs présents dans la salle.

La première, ‘La Lune Blanche’ de Philippe Bodin, basée sur les mêmes vers de Paul Verlaine que ceux que Gabriel Fauré mit en musique pour son recueil de neuf mélodies ‘La bonne chanson’, se démarque par une écriture plus aérienne, une véritable ode tournée vers le ciel avec des notes longuement tenues, alors que le piano apporte un contrepoint sombre et très ancré, presque inquiétant.

Puis, Guillaume Villiers, 19 ans, resté auprès du pianiste pour tourner les pages, est à l’honneur à travers l’une de ses compositions de l’année 2024, ‘..Et ce soir-là..’, d’après les vers d’Albert Samain, autre poète dont Gabriel Fauré mit en musique plusieurs poèmes (‘Soir’, ‘Pleurs d’or’, Arpège’).

La nuit est à nouveau évoquée, et le climat musical saisissant enferme l’auditeur dans un intimisme feutré poignant, d’autant plus que Stéphanie Guérin décrit cette fois les états d’âmes mélancoliques d’une tierce personne au bord du désespoir. Et l’écriture musicale, très expressive pour le piano - des effets sonores sont réalisés par pression directe sur les cordes -, suggère profondément un mystère sinistre et un poids émotionnel tout intérieur.

Lucas Bischoff

Lucas Bischoff

Tout au long du concert, le toucher pianistique de Lucas Bischoff est souvent réaliste mais aussi précautionneux quand il accompagne sa partenaire lyrique. Mais quelle surprise lorsqu’au final il propose en bis la mélodie ‘Malagueña’ du compositeur cubain Ernesto Lecuona avec un esprit de liberté ahurissant! Une forme de coda festive qui achève pleinement ce récital si à propos en ce soir d’automne.

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Publié le 13 Février 2024

‘Sein oder Nichtsein’
Récital du 12 février 2024
Théâtre de l’Athénée Louis-Jouvet

Johannes Brahms      Fünf Lieder der Ophelia WoO 22 (1873)
                                  Sech Lieder op.97/1 Nachtigall (1885)
Felix Mendelssohn    Sech Lieder op.71/4 Schilflied (1842)
Hugo Wolf                Mörike Lieder No. 42 Erstes Liebeslied eines Mädchens (1888)
Arthur Honegger      Trois chansons extraites de La Petite Sirène de Hans Christian Andersen (1926)
Franz Schubert         Rosamunde D 797 - Romanze ‘Der Vollmond strahlt auf Bergeshöh'n’ (1823)
Richard Strauss        Drei Lieder der Ophelia op. 67 (1918)
Kurt Weill                Das Berliner Requiem - Die Ballade vom ertrunkenen Mädchen (1928)
Robert Schumann    Sechs Gesänge op.107/1 Herzeleid (1851)
Hector Berlioz         Tristia op.18/2 La mort d'Ophélie (1842)
Franz Schubert        Der Tod und das Mädchen, opus 7 no 3, D.531 (1817)
John Dowland         Sorrow, Stay (1600)
Lecture de textes de William Shakespeare, Georg Heym, Heiner Müller & Georg Trakl

Bis       Kurt Weill    L'Opéra de Quat'sous, Liebeslied (1928)

Soprano Anna Prohaska
Voix Lars Eidinger
Piano Eric Schneider

A l’occasion des 400 ans de la mort de William Shakespeare, la soprano Anna Prohaska, l’acteur berlinois Lars Eidinger et le pianiste Eric Schneider ont donné à la salle Mozart de l’'Alte Oper’ de Frankfurt, le 01 décembre 2016, un concert en hommage au dramaturge anglais, élaboré à partir d’un programme regroupant des mélodies de différents compositeurs dédiées à la figure féminine d’Ophélie.

Eric Schneider, Lars Eidinger et Anna Prohaska

Eric Schneider, Lars Eidinger et Anna Prohaska

Depuis, ce récital a été repris dans plusieurs villes allemandes telles Potsdam et Dresde, et c’est le Théâtre de l’Athénée qui offre l’opportunité de l’entendre à Paris, quasiment à l’identique, moyennant un léger arrangement : ‘Mädchenlied’, le 6e des ‘Sieben Lieder’ op. 95 de Brahms, et ‘Am See’ D746 de Schubert ne sont pas repris, mais une ballade de Kurt Weill ‘Die Ballade vom ertrunkenen Mädchen’, extraite de son 'Requiem Berlinois', un texte sur la guerre, est ajoutée et chantée par Lars Eidinger qui alterne voix basse et voix de tête détimbrée pour en exprimer sa sensibilité.

Eric Schneider et Anna Prohaska

Eric Schneider et Anna Prohaska

Au total, dix compositeurs de John Dowland, contemporain de Shakespeare, à Kurt Weill, en passant par Brahms, Schubert, Mendelssohn, Wolf ou Strauss, sont réunis pour faire vivre la folie de l'âme doucereusement mélancolique de celle qui ne put épouser le Prince Hamlet

Les textes évoquent la quiétude d’eaux sombres dans une atmosphère nocturne, et Anna Prohaska les chante en ne sollicitant que sa tessiture aiguë, souple à la clarté âpre, évoquant ainsi une forme de plénitude à la recherche du visage de la mort, son corps semblant onduler à la faveur des ondes d’un lac imaginaire.

Anna Prohaska et Lars Eidinger

Anna Prohaska et Lars Eidinger

Dans les chansons extraites de ‘La Petite Sirène’ d’Arthur Honegger, sa prosodie est impeccablement nette, et cette forme de joie funèbre se trouve confortée par la charge qu’imprime Eric Schneider au toucher de son piano, tout le long du récital, un son dense, vibrant profondément, le poids de chaque note semblant méticuleusement calculé et appuyé en résonance avec les mots.

Au creux de l’atmosphère de ce lundi soir, pratiquement dénuée de la moindre toux, seuls quelques craquements de sièges signalent la présence des auditeurs, et le regard intériorisé de Lars Eidinger, lui qui peut être des plus exubérants, est ici au service de textes de Shakespeare, un de ses auteurs de prédilection, qu’il incarne dans un esprit totalement recueilli.

Lars Eidinger, Anna Prohaska et Eric Schneider

Lars Eidinger, Anna Prohaska et Eric Schneider

Et en bis, Anna Prohaska et Lars Eidinger entonnent le 'Liebeslied' de l''Opéra de Quat'sous' de Kurt Weill, pour offrir une image finale plus heureuse.

En à pleine plus d’une heure, on se serait cru à une soirée musicale à Berlin ou Munich, se laissant aller avec joie à la sérénité de sentiments noirs, poétisés magnifiquement par trois artistes d’une sincère humilité.

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Publié le 10 Décembre 2023

Vissi d’Arte – Gala Maria Callas
Récital du 02 décembre 2023
Palais Garnier

‘Una voce poco fa’ (Le Barbier de Séville, Rossini) – Maria Callas (Palais Garnier, 1958)
Monologue d’ouverture de ‘Master Class’ (McNally, 1995)  – Carole Bouquet
‘Casta Diva’ (Norma, Bellini) – Sondra Radvanovsky
Lettre de Maria Callas à une admiratrice (10 mai 1966)  – Carole Bouquet
‘Follie, follie’ (La Traviata, Verdi) – Pretty Yende
‘La Habanera’ (Carmen, Bizet) – Eve-Maud Hubeaux
Extrait de ‘Une heure avec Maria Callas’ (Bernard Gavoty, 16 juin 1964)
‘D’amore sull’ali rosee’ (Il Trovatore, Verdi) – Maria Callas (Palais Garnier, 1958)
Article ‘Viva Callas’ extrait des ‘Nouvelles littéraires’(Marguerite Duras, décembre 1965) – Carole Bouquet
‘Vieni! T’affretta!’ (Macbeth, Verdi) – Sondra Radvanovsky
100 photos de Maria Callas sur ‘Divinités du Styx’ (Alceste, Gluck) – Maria Callas (1961)
Extrait de ‘The Callas Conversations’ (Lord Harewood pour la BBC, 23 avril 1968)
‘Ah non credea’ (La Sonnambula, Bellini) – Pretty Yende
'Lettre de Maria Callas à Umberto Tirelli' (01 septembre 1975) – Carole Bouquet

Carole Bouquet devant le portrait de Maria Callas sur la scène du Palais Garnier

Carole Bouquet devant le portrait de Maria Callas sur la scène du Palais Garnier

‘Sola, perduta, abbandonata’ (Manon Lescaut, Puccini) - Sondra Radvanovsky
‘Ebben ! Ne andro lontana’ (La Wally, Catalani) – Marie-Agnès Gillot (Maria Callas, 1954)
‘O don Fatale’ (Don Carlo, Verdi) – Eve-Maud Hubeaux
Extrait de ‘Medea’ (Pasolini, 1969)
'Lettre de Paolo Pasolini à Maria Callas' (1969) – Carole Bouquet
Extrait de ‘L’invité du dimanche’ (Pierre Desgraupes, 20 avril 1969) – Carole Bouquet
Extrait ‘Hommage à Maria Callas’ de Ingborg Bachmann (après 1956)
Monologue de fin de ‘Master Class’ (McNally, 1995 – musique Jake Heggie)  – Kate Lindsey, piano Florence Boissolle
‘Vissi d’arte’ (Tosca, Puccini) - Sondra Radvanovsky

Direction Musicale Eun Sun Kim
Mise en scène Robert Carsen

Diffusion sur France 5 le 08 décembre 2023 et sur France Musique le 23 décembre 2023 dans l’émission « Samedi à l’Opéra », présentée par Judith Chaine.
Diffusion ultérieure sur Paris Opera Play, la plateforme de l’Opéra national de Paris.

Le jeudi 21 octobre 1958, Maria Callas fit ses débuts aux Maple Leafs Gardens de Toronto après s’être aliénée le public romain en début d’année lors d’une représentation de ‘Norma’ suspendue à l’issue du premier acte.

Alors âgé de 4 ans, Robert Carsen était trop jeune pour assister à son premier concert canadien, mais lorsqu’elle revint au Massey Hall de Toronto le jeudi 21 février 1974, à l’occasion de sa tournée internationale avec Giuseppe Di Stefano, il put la voir et être sidéré par l’extraordinaire ovation qu’elle reçut de la part du public.

Sondra Radvanovsky

Sondra Radvanovsky

Depuis, et avec 13 spectacles présentés à Bastille et Garnier en 30 ans, de ‘Manon Lescaut’ (1993) jusqu’à ‘Ariodante’ (2023), il est le metteur en scène qui a monté le plus de productions à l’Opéra national de Paris, ce qui en fait la meilleure incarnation de l’esprit de l’institution mue autant pas son héritage de la tradition que par la nécessité de la contemporanéité.

Après son magnifique hommage au Palais Garnier rendu en 2004 à travers sa mise en scène de ‘Capriccio’, dont l’écho revint à la fin du Gala lyrique de Renée Fleming qu’il dirigea en 2022 en ce même lieu, Robert Carsen s’approprie à nouveau cette salle qui lui est chère pour célébrer les 100 ans de la naissance de Maria Callas.

Vissi d’Arte – Gala Maria Callas (Radvanovsky Kim Carsen) Opéra de Paris

Ce programme très dense comprend la projection dans leur version nouvellement colorisée de deux airs, ‘Una voce poco fa’ et ‘D’amore sull’ali rosee’, chantés par la ‘Divina’ lors de son premier récital donné au Palais Garnier le 19 décembre 1958, récital qui fut diffusé en direct sur la 1er chaîne de la RTF et devant 30 millions de téléspectateurs européens.

La projection de ces deux extraits sur le rideau de Garnier est absolument grandiose et constitue un véritable moment de recueillement. 

Plafond du Grand Escalier du Palais Garnier

Plafond du Grand Escalier du Palais Garnier

Nous verrons également plusieurs extraits d’interviews ‘Une heure avec Maria Callas’ (1964), ‘The Callas Conversations’ (1968), ‘L’invité du dimanche’ (1969), tous enregistrés à Paris, qui rendent comptent de la relation entre la femme et l’artiste, du niveau d’exigence exceptionnel de son travail, de la perception que son entourage peut avoir d’elle et de son caractère, et où l’expressivité de sa voix et de son visage raconte beaucoup d'elle.

On sourit lorsqu'elle dit qu'elle n'est pas une intellectuelle, car il faut bien l'être pour savoir analyser avec autant de profondeur la vérité du cœur des héroïnes qu'elle a fait revivre.

‘The Callas Conversations’ (Lord Harewood pour la BBC, 23 avril 1968)

‘The Callas Conversations’ (Lord Harewood pour la BBC, 23 avril 1968)

Ce rapport avec la France, et avec Paris en particulier, est d’ailleurs renforcé par le choix des airs, tel ‘Divinités du Styx’ enregistré lors de son passage à la salle Wagram en 1961, et qui est ici utilisé pour illustrer l’histoire de sa vie racontée en images de manière chronologique, à travers un diaporama de 100 photographies très émouvantes par l’émerveillement qui transparaît dans les jeunes regards de ses admirateurs.

Carole Bouquet

Carole Bouquet

Carole Bouquet nous fait découvrir des lettres toutes écrites à la fin de sa carrière, ‘Maria Callas à une admiratrice’ (1966) – un témoignage de l’intégrité de l’artiste qui égratigne l’opéra en tant que tel - , ‘ Maria Callas à Umberto Tirelli’ (1975) – à propos de son monde intérieur -, ‘Paolo Pasolini à Maria Callas’ (1969) – lue juste après la projection d’un extrait de ‘Médée’, et qui révèle la difficulté de Callas à se laisser diriger -, ainsi que ‘Viva Callas’ de Marguerite Duras (1965) et ‘Hommage à Maria Callas’ de Ingborg Bachmann – qui rendent toutes deux hommage à la grandeur de Maria Callas pour avoir sorti l’opéra de ses prouesses vocales afin de lui redonner de l’expressivité dramatique -.

Vissi d’Arte – Gala Maria Callas (Radvanovsky Kim Carsen) Opéra de Paris

Par ailleurs, cette soirée est encadrée par l’introduction et la conclusion de la pièce de Terrence McNally, ‘Master Class’ (1995), qui fut adaptée par plusieurs théâtres parisiens (Théâtre de la Porte-Saint-Martin, Théâtre Antoine, Théâtre de Paris) et interprétée par Fanny Ardant et Marie Laforêt.

Le monologue final est alors chanté par Kate Lindsey, aux lignes vocales très précisément canalisées, accompagnée au piano mélancolique de Florence Boissolle, sur une musique de Jake Heggie, et ce passage revient à nouveau sur l’importance du sens donné aux mots.

Sondra Radvanovsky - ‘Casta Diva’ (Norma, Bellini)

Sondra Radvanovsky - ‘Casta Diva’ (Norma, Bellini)

Mais cette soirée est également l’occasion de réentendre sur la scène du Palais Garnier des airs qui ont rendu célèbres Maria Callas, interprétés cette fois par de grandes artistes d’aujourd’hui.

Sondra Radvanovsky, qui fit ses débuts à l’opéra Bastille dans ‘Faust’ en 2001, et qui est une des rares cantatrices à avoir été sollicitée par le public pour bisser ‘D’amore sull’ali rosee’ en 2018 sur cette même scène, devient la voix de quatre grands airs, ‘Casta Diva’ (Norma, Bellini), ‘Vieni! T’affretta!’ (Macbeth, Verdi), ‘Sola, perduta, abbandonata’ (Manon Lescaut, Puccini) et ‘Vissi d’arte’ (Tosca, Puccini).

Sondra Radvanovsky - ‘Sola, perduta, abbandonata’ (Manon Lescaut, Puccini)

Sondra Radvanovsky - ‘Sola, perduta, abbandonata’ (Manon Lescaut, Puccini)

Dès le premier de ces airs, les intonations et les noirceurs qu’elle fait entendre ne sont pas sans évoquer les couleurs complexes et changeantes de la voix de Maria Callas, ce qui est fort troublant, et elle démontre une aisance saisissante quand il s’agit d’envahir l’espace sonore d'un voile aigu puissant au début, et très effilé en fin d’aria.

Sondra Radvanovsky - ‘Vissi d’arte’ (Tosca, Puccini)

Sondra Radvanovsky - ‘Vissi d’arte’ (Tosca, Puccini)

Le volontarisme hautain de Lady Macbeth ne lui pose aucun problème, mais la froideur radicale de ce personnage peut sembler trop éloignée de la personnalité de Sondra Radvanovsky, alors que le dramatisme bouleversant de Manon Lescaut en devient intensément poignant.

Et dans sa robe rouge, devant le rideau de Garnier, l’ampleur de son ‘Vissi d’arte’ qu’elle a si souvent chanté fait à nouveau sensation par la hauteur et la longueur du legato enrichi d’un timbre profondément vibrant et inimitable.

Les admirateurs de Sondra Radvanosvky pourront également la retrouver au Chan Shun Concert Hall de Vancouver, le 18 janvier 2024, pour un autre hommage à Maria Callas.

Pretty Yende - ‘Ah non credea’ (La Sonnambula, Bellini)

Pretty Yende - ‘Ah non credea’ (La Sonnambula, Bellini)

Pretty Yende reprend brillamment ‘Follie, follie’ (La Traviata, Verdi) et ‘Ah non credea’ (La Sonnambula, Bellini), mais c’est quand même ce second air qui, en révélant la finesse et la rondeur de son beau médium sensible, nous immerge le plus dans une élégie dramatique naturellement émouvante.

Eve-Maud Hubeaux - ‘La Habanera’ (Carmen, Bizet)

Eve-Maud Hubeaux - ‘La Habanera’ (Carmen, Bizet)

Quant à Eve-Maud Hubeaux, si sa ‘La Habanera’ (Carmen, Bizet) ne manque pas d’aplomb et d’intensité, son incarnation enflammée de ‘O don Fatale’ (Don Carlo, Verdi) est l'un des autres grands moments de cette soirée où n’aura manqué à ce moment là qu’un réel engagement dramatique de Eun Sun Kim qui a surtout cherché à tirer les plus beaux sons de l’orchestre pour les fondre avec délicatesse à la voix des artistes.

Marie-Agnès Gillot - ‘Ebben ! Ne andro lontana’ (La Wally, Catalani)

Marie-Agnès Gillot - ‘Ebben ! Ne andro lontana’ (La Wally, Catalani)

Enfin, Marie-Agnès Gillot offre tout un jeu basé sur le mouvement des mains afin d’exprimer sur l’air ‘Ebben ! Ne andro lontana’ (La Wally, Catalani) la lassitude de Maria Callas fasse à la vie, dans l’esprit de ce qu’a voulu nous raconter ce soir Robert Carsen, qui est non pas d’enfermer Callas dans sa technique virtuose comme des passionnés auraient voulu le faire avec superficialité, mais au contraire d’axer cet hommage sur la ‘vérité dramatique’ de cette grande artiste, mais aussi sur la cassure entre sa vie de femme et sa vie sur scène, même si certains témoignages projetés tendent à montrer une Callas qui cherche à réunir ces deux facettes.

Kate Lindsey, Pretty Yende, Sondra Radvanovsky, Eve-Maud Hubeaux, Marie-Agnès Gillot et Carole Bouquet

Kate Lindsey, Pretty Yende, Sondra Radvanovsky, Eve-Maud Hubeaux, Marie-Agnès Gillot et Carole Bouquet

En somme, un portrait très humain, pénétrant, dénué d'effet mélodramatique, et qui préserve toujours une part de son mystère.

Sondra Radvanovsky, Robert Carsen et Eun Sun Kim

Sondra Radvanovsky, Robert Carsen et Eun Sun Kim

Ce concert peut être revu sur France 5 TV jusqu'au 06 juin 2024 sous le lien suivant :

Vissi d'Arte : Gala Maria Callas

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Publié le 15 Juillet 2023

Le Concert de Paris au Champ-de-Mars
Concert du 14 juillet 2023
Champ-de-Mars - Paris

Hector Berlioz – La Damnation de Faust : « Marche Hongroise » 
Giacomo Puccini Turandot : « Nessun dorma » [Francesco Demuro]
Edith Piaf : « La Vie en rose » [Pretty Yende]
Georges Bizet Carmen : « Habanera » [Stéphanie d’Oustrac]
Michel Legrand : « Les Moulins de Mon coeur» [Maîtrise de Radio France]
Jules Massenet Thaïs : « Voici donc la terrible cité » [Ludovic Tézier]
Edouard Lalo : « La Symphonie espagnole » [Vilde Frang]
Francesco Cilea Adriana Lecouvreur: « Io son l’umile ancella » [Ermonela Jaho]
Igor Stravinsky Petrouchka : « Danse russe » [Orchestre National de France]
George Gerschwin Porgy & Bess : « Summertime » [Marie-Laure Garnier]
Georg Friedrich Haendel – Le Messie – « Hallelujah » [Chœur de Radio France]
Grazyna Bacewicz : « Ouverture » [Orchestre National de France]
Sergueï Rachmaninov Rhapsodie sur un thème de Paganini : « Variation XVIII : Andante cantabile » [Daniil Trifonov]
Wolfgang Amadeus Mozart : « Ave Verum Corpus » [Maîtrise de Radio France]
Jules MassenetThaïs : « duo final » [Ludovic Tézier et Ermonela Jaho]
Camille Saint-Saëns Samson et Dalila : « Bacchanale » [Orchestre National de France]
Giuseppe Verdi Don Carlo : « Dio che nell'alma infondere » [Francesco Demuro et Ludovic Tézier]
Jacques Offenbach Les Contes d’Hoffmann : « Barcarolle » [Stéphanie d’Oustrac et Ermonela Jaho]
Ludwig von Beethoven Symphonie n°9 : « Final» [Orchestre et Chœur de Radio France]
Hector Berlioz / Claude Joseph Rouget de Lisle La Marseillaise (couplets n°1 et 2)

Avec Ermonela Jaho, soprano, Marie-Laure Garnier, soprano, Stéphanie d’Oustrac, mezzo-soprano, Francesco Demuro, ténor, Pretty Yende, soprano, Ludovic Tézier, baryton, Vilde Frang, violon, Daniil Trifonov, piano                     

Direction musicale Cristian Măcelaru
Chœur et Maîtrise de Radio France
Orchestre National de France

Initié en 2013 par Bertrand Delanoë, pour sa dernière année en tant que maire de la ville de Paris, le Concert de Paris célèbre en 2023 ses dix ans, et propose un programme de deux heures au cours duquel seront interprétées une vingtaine de pièces lyriques, instrumentales et chorales par six chanteurs lyriques, deux solistes, le Chœur et la Maîtrise de Radio France, tous portés par l’Orchestre national de France sous la direction de Cristian Măcelaru.

Stéphane Bern, Ermonela Jaho et Marie-Laure Garnier

Stéphane Bern, Ermonela Jaho et Marie-Laure Garnier

Et comme chaque année, le concert s’ouvre par la ‘Marche hongroise’, pièce entraînante extraite de l’ouverture de ‘La Damnation de Faust’ d’Hector Berlioz, un opéra créé le 06 décembre 1846  à la seconde salle Favart de l’Opéra Comique de Paris, et qui résonne en ce 14 juillet parisien avec le défilé militaire, ainsi que par son thème popularisé en 1966 par le film de Gerard Oury, ‘La Grande Vadrouille’

La grande scène de répétition au Palais Garnier où Louis de Funès incarnait le chef d’orchestre (imaginaire) Stanislas Lefort, est, en effet, restée inoubliable dans toutes les mémoires.

Marie-Laure Garnier chantant La Marseillaise

Marie-Laure Garnier chantant La Marseillaise

Ce soir, et en avant concert, le jeune pianiste sud-coréen Hyuk Lee, lauréat du concours international Long-Thibault 2022, se produit seul sur la scène du concert pendant 20 minutes.

Puis, Stéphane Bern, accompagné d’Ermonela Jaho et de Marie-Laure Garnier, lauréate du concours Voix des Outre-Mer 2019, présente le concert rediffusé en direct sur France Télévisions.

Des centaines de milliers de personnes venues seules, en famille ou entre amis, sont installées depuis des heures sur les pelouses du Champ-de-Mars, ce qui rend ce rendez-vous très intéressant afin de vivre la manière dont tout le monde va partager ces moments de musique classique joués en direct.

Il faut toutefois savoir que, contrairement aux téléspectateurs, le public présent n’entend pas la présentation des différents airs.

Maîtrise de Radio France - Les Moulins de Mon cœur

Maîtrise de Radio France - Les Moulins de Mon cœur

Et c’est à Francesco Demuro, venu à Paris pour chanter le rôle de Roméo dans ‘Roméo et Juliette’ joué en ce moment à l’Opéra Bastille jusqu’au 15 juillet, de faire l’ouverture de la retransmission. 

Il apparaît en cette fin de saison comme un véritable sauveur, car pour ceux qui s’en rappellent, il était allé remplacer Jonas Kaufmann à Londres le 01 juillet dernier dans ‘Werther’, alors qu’il venait, la veille, de faire son entrée sur la scène Bastille.

Et à nouveau ce soir, il remplace au dernier moment le ténor allemand qui a du annuler pour raison de santé.

Francesco Demuro - Nessun dorma

Francesco Demuro - Nessun dorma

Seul air de Giacomo Puccini que nous entendrons au cours du spectacle, ‘Nessun dorma’ est interprété avec style et douceur et aussi beaucoup de clarté dans la voix, ce qui en fait un prince très humble et lumineux. 

Pretty Yende, qui est la Juliette du ténor italien à l’opéra Bastille, et elle aussi venue au dernier moment pour faire revivre l’immortelle ‘Vie en rose’ d’Edith Piaf avec beaucoup de charme. Elle se permet même de rajouter une splendide coda lyrique à la fin de la chanson.

Pretty Yende - La Vie en rose

Pretty Yende - La Vie en rose

En Carmen, Stéphanie d’Oustrac se fait énormément plaisir en dépeignant un relief coquin, dangereux et sophistiqué pour la plus célèbre héroïne d’opéra du monde, et Ludovic Tézier, accompagné par un Orchestre national de France particulièrement luxuriant à ce moment précis, déploie avec intensité la stature d’Athanaël avec un air qui raconte comment sa ville d’origine, Alexandrie, l’a perverti.

Puis, l’irrésistible glamour d’Ermonela Jaho, qu’elle ornemente par des mouvements du corps souples et fortement courbés, tout en faisant entendre un timbre d’un velours noir très émouvant, ennoblit Adriana Lecouvreur en en faisant un portrait de diva lyrique de très grande classe.

Stéphanie d'Oustrac et Ermonela Jaho - La Barcarolle

Stéphanie d'Oustrac et Ermonela Jaho - La Barcarolle

Et avec ‘Summertime’, et surtout la Marseillaise qu’elle interprétera avec une voix très chaude et profonde en fin de concert, Marie-Laure Garnier impose une ampleur et une attitude plus solennelle, tout en faisant partager à tous son amour pour l’art du gospel.

Ermonela Jaho, Stéphanie d’Oustrac, Ludovic Tézier et Francesco Demuro reviendront ensuite dans des duos de Massenet, Offenbach et Verdi, ce qui nous permettra de profiter des jeux interactifs entre les artistes où se mêlent charme, soutien et confrontation.

Ludovic Tézier et Ermonela Jaho - Duo final de Thaïs

Ludovic Tézier et Ermonela Jaho - Duo final de Thaïs

Parmi les passages purement orchestraux, une rareté de la compositrice polonaise Grazyna Bacewicz, ‘Ouverture’, est jouée avec une verve trépidante comme s’il s’agissait de raconter une action scénique qui défile sans qu’aucune respiration ne soit possible.

Mais c’est sur la ‘Bacchanale’ de ‘Samson et Dalila’, menée avec un allant enthousiasmant et une très belle coloration, que l’on verra des spectateurs se laisser entraîner par les cadences orientalisantes.

Très forte impression également pour la ‘Rhapsodie sur un thème de Paganini’ de Rachmaninov, éblouissante par l’esprit fusionnel qui lie Daniil Trifonov à Cristian Măcelaru et l’Orchestre national de France.

Quant à Vilde Frang, c’est toute l’élégance d’un geste déterminé qu’elle exprime dans la ‘Symphonie espagnole’  d’Edouard Lalo.

Cristian Măcelaru et l'Orchestre national de France

Cristian Măcelaru et l'Orchestre national de France

Chœur de Radio France à son meilleur dans la 'Symphonie n°9' de Beethoven, Maîtrise de Radio France douce et apaisante, la rencontre avec un public qui, majoritairement, est peu habitué au répertoire classique, laisse aussi entrevoir qu’il y a forcément une ou plusieurs pièces musicales qui toucheront chacun des auditeurs, tant les styles proposés sont différents.

Hyuk Lee, Daniil Trifonov, Vilde Frang, Pretty Yende, Marie-Laure Garnier, Francesco Demuro, Ermonela Jaho, Cristian Măcelaru, Stéphanie d'Oustrac et Ludovic Tézier

Hyuk Lee, Daniil Trifonov, Vilde Frang, Pretty Yende, Marie-Laure Garnier, Francesco Demuro, Ermonela Jaho, Cristian Măcelaru, Stéphanie d'Oustrac et Ludovic Tézier

Cette soirée est aussi l'occasion d’une prouesse technique qui se traduit par une qualité de restitution musicale très appréciable en extérieur, et aussi par une grande complexité des jeux d’éclairages, surtout en fin de concert, quand la nuit est tombée. Au final, ce sont 3 260 000 téléspectateurs qui se sont retrouvés sur France Télévisions.

Le grand feux d’artifice final fait ainsi l’effet d’une bouteille de champagne que l’on ouvre pour célébrer haut en couleur ce grand hommage vivant offert à la musique classique.

Feux d'artifice du 14 juillet 2023

Feux d'artifice du 14 juillet 2023

Il est possible de revoir le Concert de Paris 2023 (jusqu'au 13 avril 2024) sous le lien suivant : le Concert de Paris 2023.

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Publié le 19 Novembre 2022

Nocturne Vidéo enchantée (Schubert, Lekeu, Duparc, Brahms, Wolf, Liszt)
Concert du 18 novembre 2022
Amphithéâtre Olivier Messiaen (Opéra Bastille)

Franz Schubert – Wandrers Nachtlied I & II (1822) 
Poèmes de Johann Wolfgang Goethe (1776 / 1780)
Guillaume Lekeu – Nocturne (extrait de ‘Trois Poèmes’ – 1892)
Poème de Guillaume Lekeu (1892)
Henri Duparc – Romance de Mignon (1869)
Poème de Johann Wolfgang Goethe (1796)
Henri Duparc – L’Invitation au voyage (1870)
‘Les fleurs du mal’ de Charles Baudelaire (1857)
Johannes Brahms – Vier ernste Gesänge op.21 (1896)
Textes extraits de l’Ancien et du Nouveau testament
Guillaume Lekeu – Molto adagio sempre cantante doloroso (1886-1887)
‘Mon âme est triste jusqu’à la mort’
Johannes Brahms – Der Tod, das ist die kühle Nacht Op.96 (1884)
Poème de Heinrich Heine (1824)
Hugo Wolf – Mignon Lieder Op.96 (1888)
Poèmes de Johann Wolfgang Goethe (1795)
Franz Liszt – Wandrers Nachtlied I & II (1848 / 1859)
Poèmes de Johann Wolfgang Goethe (1776 / 1780)

Équipe artistique
Conception, réalisation, vidéo Denis Guéguin             
Adrien Mathonat (Basse)
Scénographie Faustine Zanardo

Artistes de l’Académie de l’Opéra national de Paris
Laurence Kilsby (Ténor), Marine Chagnon (Mezzo-soprano), Seray Pinar (Mezzo-soprano), Thomas Ricart (Ténor), Adrien Mathonat (Basse), Martina Russomanno (Soprano), Andres Cascante (Baryton)
Carlos Sanchis Aguirre et Guillem Aubry (Piano)
Alexandra Lecocq (Violon), Keika Kawashima (Violon), Perrine Gakovic (Alto), Auguste Rahon (Violoncelle)

L’invitation au voyage, que présentent pour un seul soir à l’amphithéâtre Bastille les artistes lyriques de l’Opéra national de Paris, prend la forme d’un récital de lieder et de mélodies de compositeurs romantiques du XIXe siècle voué principalement à l’univers poétique de Goethe, pour lequel Denis Guéguin, artiste vidéaste associé à nombre de productions de Krzysztof Warlikowski, a repensé la forme visuelle en créant des résonances entre l’esprit des mots, la manière d’être des solistes et des images d’une envoûtante mélancolie.

Martina Russomanno - 'Mignon Lieder'

Martina Russomanno - 'Mignon Lieder'

Ode à la nuit et à la nature, allusion à la mort, aspiration au retour aux origines et à l’évitement des vanités du monde, mais aussi besoin de réconfort, sont racontés à travers une conception lyrique qui débute comme elle s’achève sur les paroles de ‘Wandrers Nachtlied’, portées, au début, par la musique de Franz Schubert, puis, à la toute fin, par celle de Franz Liszt.

Et en plein cœur du récital, l’auditeur est amené à découvrir la poignance du quatuor à cordes ‘Molto adagio’ composé par Guillaume Lekeu entre 1886 et 1887, qui s’ouvre comme il s’achève, lui aussi, sur le même motif méditatif du violoncelle.

Alexandra Lecocq (Violon), Keika Kawashima (Violon), Perrine Gakovic (Alto) et Auguste Rahon (Violoncelle) - 'Molto adagio' de Guillaume Lekeu

Alexandra Lecocq (Violon), Keika Kawashima (Violon), Perrine Gakovic (Alto) et Auguste Rahon (Violoncelle) - 'Molto adagio' de Guillaume Lekeu

Dans la lueur en contre-jour d’un projecteur, les quatre interprètes, Alexandra Lecocq, Keika Kawashima, Perrine Gakovic et Auguste Rahon, innervent cette pièce peu connue du compositeur belge d’une irrésistible virtuosité, mais aussi d’une douceur langoureuse qui s’étire et enfonce dans l’ombre alors que l’on discerne à peine les visages des musiciens.

C’est en fait sur l’écran situé en arrière-plan que l’on découvre les jeunes artistes filmés en noir et blanc dans une pose calme et rêveuse. Ils défilent avec la lenteur du mouvement musical.

Vidéo sur 'Molto adagio sempre cantante doloroso' de Guillaume Lekeu

Vidéo sur 'Molto adagio sempre cantante doloroso' de Guillaume Lekeu

Mais les premières images bleutées du spectacle renvoient à celles d’un vieux théâtre en ruine, à une vision poétique d’un temps passé et à des premières visions d’élévation et d’apesanteur.

Laurence Kilsby procure d’emblée beaucoup de charme aux Lieder de Schubert avec consistance et clarté lunaire, une sensation idéale pour entrer dans l’esprit du soir.

Le troisième poème, ‘Nocturne’, de Guillaume Lekeu, poète et compositeur à l'instar de Richard Wagner qu'il admirait, prolonge ce début intense et serein, seule séquence entièrement enregistrée par Marine Chagnon (magnifiquement mise en valeur par la vidéo et ses reflets lumineux) et le quatuor à cordes.

Seray Pinar - 'Romance de Mignon'

Seray Pinar - 'Romance de Mignon'

Puis, l’expressivité devient plus viscérale pour Henri Duparc, quand Seray Pinar fend l’espace sonore d’une intense luminosité teintée de gravité pour la ‘Romance de Mignon’ – intensité que l’on retrouvera plus loin dans ‘ Der Tod, das ist die kühle Nacht’ de Brahms - , alors que Thomas Ricart partage une générosité expansive dans ‘L’invitation au voyage’

La vidéographie complexifie les enchevêtrements d’espaces, notamment en insérant des images du château de Nymphenburg tirées de ‘L’année dernière à Marienbad’, film d’Alain Resnais qui avait aussi inspiré la production de ‘Die Frau ohne Schatten’ par Krzyzstof Warlikowski à l’Opéra d’État de Bavière en 2013.

Denis Guéguin altère ainsi réalité et imaginaire en donnant l’illusion de fondre l’image filmée du jeune ténor dans les scènes du Palais qui furent tournées il y a plus de 60 ans.

Une autre séquence cinématographique issue d'une autre production mise en scène à La Monnaie de Bruxelles en 2012, 'Lulu', apparait également en surimpression, celle d'une Lune un peu étrange, objet céleste fortement inspirant chez Goethe.

Vidéo sur 'Vier ernste Gesänge' de Johannes Brahms

Vidéo sur 'Vier ernste Gesänge' de Johannes Brahms

Et sur les ‘Quatre chants sérieux’ composés par Johannes Brahms en 1896 à Vienne, à partir de textes de l’Ancien et du Nouveau testament, Adrien Mathonat impose une stature impressionnante pour son jeune âge, donnant à sa présence l’autorité d’un ‘Prince Grémine’. Les images renvoient à la faiblesse humaine, à la dépression, puis à la joie simple en communion avec la nature, et l’évocation des vanités fait alors écho au crâne humain laissé au sol près du piano. 

Guillem Aubry (Piano) et Martina Russomanno (Soprano) - 'Mignon Lieder'

Guillem Aubry (Piano) et Martina Russomanno (Soprano) - 'Mignon Lieder'

C’est dans les ‘Mignon Lieder’ que la vidéo est ensuite utilisée de manière à mettre en valeur corps, visage et sentiments intérieurs de l’interprète, Martina Russomanno, qui incarne avec un grand sens de l’extériorisation adolescente, et un lyrisme vibrant et émouvant, les états d’âmes et le cœur battant décrits par Hugo Wolf.

L’image contribue à la sophistication du personnage, à l'expression du désir de séduire par la couleur des maquillages en bleu et violet, et à la mise en perspective du souvenir d’un être qui hante la mémoire.

Carlos Sanchis Aguirre (Piano)

Carlos Sanchis Aguirre (Piano)

Enfin, c’est à un retour à une bienveillante sérénité qu’Andres Cascante, au timbre doux et souriant, invite le spectateur à refermer ce livre ouvert sur la psyché humaine, où les deux pianistes, Carlos Sanchis Aguirre et Guillem Aubry, ont alternativement dispensé une expression poétique chatoyante et chaleureuse enveloppante pour les solistes tout au long de la soirée.

Carlos Sanchis Aguirre, Alexandra Lecocq, Guillem Aubry, Adrien Mathonat, Seray Pinar, Keika Kawashima, Auguste Rahon, Andres Cascante, Perrine Gakovic, Laurence Kilsby, Thomas Ricart et Martina Russomanno

Carlos Sanchis Aguirre, Alexandra Lecocq, Guillem Aubry, Adrien Mathonat, Seray Pinar, Keika Kawashima, Auguste Rahon, Andres Cascante, Perrine Gakovic, Laurence Kilsby, Thomas Ricart et Martina Russomanno

Le plus incroyable est qu’un tel moment d’évasion qui renvoie chacun à ses propres émotions, soigné dans sa mise en espace, en image et en lumière, qui se construit sur un choix de textes et de mélodies qui amène l’auditeur vers des découvertes musicales, et qui permet de le confronter à des expressions vocales très différentes, avec l’intention de le ramener en douceur au point de départ de ce voyage, n'a pu s'apprécier que le temps d'un soir.

Laurence Kilsby, Thomas Ricart, Denis Guéguin, Martina Russomanno, Carlos Sanchis Aguirre, Alexandra Lecocq et Guillem Aubry

Laurence Kilsby, Thomas Ricart, Denis Guéguin, Martina Russomanno, Carlos Sanchis Aguirre, Alexandra Lecocq et Guillem Aubry

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Publié le 6 Octobre 2022

Eden (de Marini et Valentini à Copland et Portman)
Récital du 05 octobre 2022
Théâtre des Champs-Elysées

Charles Ives The Unanswered Question (1908 – version révisée 1930-1935)
Rachel Portman The First Morning of the World (2021 - Première Française)
Gustav Mahler ‘Ich atmet’ einen linden Duft’ (Rückert-Lieder - 1901)
Biagio Marini ‘Con le stelle in ciel che mai’ (Scherzi e canzonette - 1623)
Josef Myslivecek ‘Toglierò le sponde al mare’ (Adamo ed Eva - 1771)
Aaron Copland ‘Nature, the Gentlest Mother’ (Eight Poems of Emily Dickinson - 1970)
Giovanni Valentini Sonata enharmonica (1619)
Francesco Cavalli ‘Piante ombrose’ ( La Calisto - 1651)
Christoph Willibald Gluck 'Danza degli spettri e delle furie: Allegro non troppo’ (Orfeo ed Euridice - 1764)
Christoph Willibald Gluck ‘Misera, dove son… Ah! non son io che parlo’ (Ezio - 1750)
Georg Friedrich Haendel ‘As with rosy steps the morn’ (Theodora - 1750)
Gustav Mahler 'Ich bin der Welt abhanden gekommen’ (Rückert-Lieder - 1901)

Mise en espace Marie Lambert-Le Bihan
Lumières John Torres

Mezzo-Soprano Joyce DiDonato
Direction et violon Zefira Valova
Ensemble Il Pomo d’Oro
Chœur d’enfants Sotto Voce

C’est au lendemain du concert donné à l’Hôtel de Ville de Paris, le 06 janvier 2003, que Joyce DiDonato fit ses débuts au Théâtre des Champs-Elysées en reprenant le même programme dédié à Henri Dutilleux, Hector Berlioz et Georges Bizet, sous la direction de John Nelson.

Joyce DiDonato - Eden

Joyce DiDonato - Eden

Deux décennies plus tard, et après nombre de récitals et d’opéras en version de concert (Ariodante, Alcina, Agrippina, Theodora, Maria Stuada, Werther) joués sur cette scène, Joyce DiDonato est de retour avenue Montaigne pour interpréter devant le public parisien un spectacle créé sur la base de son dernier album ‘Eden’ (Erato) sorti le 25 février 2022 au lendemain du déclenchement de l’agression russe en Ukraine.

La conception musicale de ce programme mêle des airs italiens, baroques et classiques, au panthéisme mahlérien et à la composition américaine du XXe siècle, et intègre même une création contemporaine.

Mais loin d’être liés chronologiquement, ces différents morceaux sont agencés de manière à dépeindre une évolution spirituelle qui suit une dramaturgie, si l’on peut parler ainsi, bien précise.

Joyce DiDonato - Eden

Joyce DiDonato - Eden

‘The Unanswered Question’ de Charles Ives est un hymne à la contemplation et au mystère de la vie que prolonge, dans le même esprit, ‘The First Morning of the World’ composé en 2021 pour Joyce DiDonato par Rachel Portman, sur un texte de Gene Scheer.

Avant que ne commence cette première séquence, on pouvait entrevoir la cantatrice américaine monter les marches intérieures du Théâtre pour débuter un long appel depuis les hauteurs des balcons, puis revenir à l’orchestre reprendre cet ode au temps, et enfin, rejoindre la scène.

Joyce DiDonato - Eden

Joyce DiDonato - Eden

L’évocation des parfums dans ‘Ich atmet’ einen linden Duft’, extrait des Rückert-Lieder, vient apporter une évocation de l’être aimé qui s’immisce doucereusement dans le charme hypnotique de cet état de grâce.

Puis, afin d'imprégner le spectateur de cet état évanescent, une fine brume baigne la salle en la tamisant de multiples jeux de lumières aux teintes or ou fuchsia dirigés dans tout l’espace, procédé qui fera merveille à plusieurs reprises au cours de la soirée, comme si Joyce DiDonato utilisait le magnifique cadre des fresques de Maurice Denis pour se créer un espace intérieur profondément inspirant.

Et si ‘Con le stelle in Ciel che mai’ de Biagio Marini commence à laisser entrevoir que le Soleil peut soigner les horreurs et les souffrance sur la Terre, alors que la scénographie s'enflamme d'un feu rougissant, ‘Nature, the gentlest mother’ d’Aaron Copland verse à nouveau dans l’ode à la nature.

Joyce DiDonato - Eden

Joyce DiDonato - Eden

Cependant, ‘Toglierò le sponde al mare’ de Josef Myslivecek évoque dorénavant un Dieu destructeur. Les pensées et les expressions du visage de Joyce DiDonato deviennent plus sombres, et nous sommes entraînés dans les ravages de la guerre et de la mort.

‘Piante ombrose’ de Cavalli fait ainsi apparaitre des paysages de destruction, la célèbre danse des spectres et des furies d’’Orphée et Eurydice’ de Gluck nous accompagne dans la folie à l’approche des enfers – l’allant et la vivacité d’ 'Il Pomo d’Oro’ sont absolument splendides -, et les lamentations après un tel désastre s’élèvent avec le ‘Misera, dove son! Ah! Non son io che parlo’ extrait d’’Ezio’.

Joyce DiDonato - Eden

Joyce DiDonato - Eden

Puis vient le moment du retour à l’espoir avec ‘As with rosy stepts the morn’ issu de ‘Theodora’ de Haendel, et un avenir possible se profile à travers 'Ich bin der Welt abhanden gekommen’, à nouveau repris des Rückert Lieder, qui invite à un détachement vis-à-vis du monde afin de trouver refuge en un nouveau Paradis.

Cette narration n’est pas sans rappeler l’esprit new-âge de notre époque récente, mais elle est cette fois développée sur la base d’un matériau musical qui couvre quatre siècles de création lyrique.

Joyce DiDonato et Zefira Valova

Joyce DiDonato et Zefira Valova

La voix de Joyce DiDonato, caractérisée par une vibration bien connue qui s’assouplit pour former de magnifiques effets diaphanes – quelle merveille que se ‘Ombra mai fu’ qu’elle chantera en bis -, et qui se charge en couleurs boisées somptueuses au corps puissant, est idéale pour restituer ce mélange de craintes, de flammes, d’amour profond et d’aspiration à la paix.

La scénographie, qui joue avec les symboles circulaires de l’harmonie et de la Terre, a également juste ce qu’il faut d’épure pour illustrer tous ces airs.

Nous restons tout autant admiratif pour l’ensemble orchestral dont Zefira Valova, au violon, arrive à coordonner tous les musiciens disposés de manière circulaire autour de la si attachante mezzo-soprano.

De par ses timbres chaleureux, ‘Il Pomo d’Oro’ arrive ainsi à lier en une même unité des compositeurs très différents, et à mixer mystère et ambiance intime avec talent.

Joyce DiDonato et les artistes du chœur Sotto Voce

Joyce DiDonato et les artistes du chœur Sotto Voce

Et pour finir, comme elle le fait à chaque étape de sa tournée internationale, Joyce DiDonato invite un chœur d’enfant résidant dans la ville où elle se produit à la rejoindre – Paris est la dix-neuvième étape du récital ‘Eden’ -.

Il s’agit ce soir du chœur 'Sotto Voce', en résidence au Théâtre du Châtelet, qui, de tout son enthousiasme, vient chanter ‘Seeds of Hope’, puis un air surprise, dans le même esprit d’optimisme qui fait la force d’une des grandes artistes lyriques de notre temps.

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Publié le 3 Septembre 2022

Poulenc, Aboulker, Wagner, Gounod, Massenet, Thomas, Meyerbeer
Récital du 02 septembre 2022
Amphithéâtre Bastille

Francis Poulenc
Les Banalités (Chanson d’Orkenise, Hôtel, Fagnes de Wallonie, Voyage à Paris, Sanglots) - 1940
Isabelle Aboulker
Les quatre saisons - Histoire d’un amour
Francis Poulenc
Mélancolie, pour piano solo - 1940
Richard Wagner
Les deux grenadiers (poème d’Henrich Heine traduit par François Adolphe Loeve-Veimar) - 1840
Charles Gounod - Roméo et Juliette – Théâtre Lyrique, 1867
Mab la reine des mensonges - Air de Mercutio (acte I)
Jules Massenet – Manon – Opéra Comique, 1884
À quoi bon l’économie - Air de Lescaut (acte III)
Camille Saint-Saëns – Paraphrase sur l'Opéra Thaïs de Massenet
Méditation pour piano solo
Ambroise Thomas – Hamlet – Opéra de Paris, 1868
Comme une pâle fleur - Air d’Hamlet (acte V)
Ô vin dissipe la tristesse - Air d’Hamlet (acte II)

Giacomo Meyerbeer - Le pardon de Ploermel – Opéra Comique, 1859
Ô puissante magie - Air de Hoël (acte I)

Baryton Florian Sempey
Piano Jeff Cohen

A la veille de l’ouverture de la saison 2022-2023 de l’Opéra de Paris avec ‘Tosca’, le public parisien se retrouve à l’amphithéâtre Bastille autour d’un récital enjoué offert par Florian Sempey et son accompagnateur au piano, Jeff Cohen.

Florian Sempey

Florian Sempey

La première partie, dédiée à des mélodies françaises peu connues, inspire des pensées pas nécessairement mélancoliques, mais plutôt une fine plénitude dans le rapport à la vie. 

Dans son interprétation des ‘Banalités’ de Poulenc, le baryton français arbore tout un jeu pantomimique suggestif qui souligne l’ironie du texte de Guillaume Apollinaire, pour lequel la noirceur joyeusement autoritaire du timbre renforce une présence ancrée en lien serré avec le regard du public. Le vague à l’âme ressort subtilement sur le dernier poème, ‘Sanglots’.

Récital Florian Sempey - Jeff Cohen - Amphithéâtre Bastille

Puis, ‘Les quatre saisons’ d’Isabelle Aboulker, que la compositrice d’opéras pour la jeunesse lui a dédié, revient à la vie éphémère du sentiment amoureux et de son reflet dans les paysages de la nature avec une fraîcheur expressive qui va encore plus se déployer dans ‘Les deux grenadiers’ mis en musique par Richard Wagner, où se concentrent fierté, puissance et accents généreux, sans se prendre au sérieux, et où l’on voit progressivement le chanteur vraiment incarner une âme patriotique joviale pleine de panache.

Florian Sempey et Jeff Cohen

Florian Sempey et Jeff Cohen

En seconde partie, ce sont cette fois des opéras français créés dans différentes salles parisiennes au cours de la seconde partie du XIXe siècle qui sont à l’honneur.

Très attendu, car il interprètera Mercutio auprès de la Juliette d’Elsa Dreisig, présente ce soir, sur la scène Bastille en juillet 2023, le portrait qu’il brosse de l’ami de Roméo est un débordement d’énergie qui met l’accent sur la nature cavalière de ce personnage haut en couleurs, ce qui suscite beaucoup de curiosité pour la fin de saison au moment où il en rendra toute la vie scénique.

Florian Sempey

Florian Sempey

Et si avec ‘À quoi bon l’économie’ le naturel joueur et moqueur de Lescaut est rendu dans toute son évidence, les deux airs sombres d’Hamlet, ‘Comme une pâle fleur’ et ‘Ô vin dissipe la tristesse’ , sont plus éloignés de l’humeur que l’on associe au jeune artiste.

C’est donc dans l’élan enflammé de ‘Ô puissante magie’ extrait du ‘Pardon de Ploermel’, où l’ivresse pousse au dépassement de soi, qu’il conclut vaillamment ce récital sans oublier de faire plaisir à l’audience en lui accordant trois bis, la délicate ‘Chanson de bébé’ de Rossini, un ‘Largo al factotum’ d’une jouissive luminosité – il venait de chanter Figaro sur la scène du théâtre gallo-romain de Sanxay trois semaines auparavant -, et un inattendu ‘Wanderers Nachtlied’ de Schubert qui résonne avec la première partie mélodique de cette soirée, et qui révèle aussi un très intéressant désir d’allègement.

Florian Sempey et Jeff Cohen

Florian Sempey et Jeff Cohen

Comme on peut l’entendre en solo dans ‘Mélancolie’ de Poulenc et ‘Méditation’ par Saint-Saëns, Jeff Cohen est un partenaire qui s’allie parfaitement à la verve heureuse de Florian Sempey dans un esprit de confiance apaisée.

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Publié le 21 Août 2022

Angelord Blaise (contre ténor) & Sébastien Grimaud (piano)
Récital du 21 août 2022
Eglise Saint-Merry - Paris

William Gomez Ave Maria (2000)
Ernest Chausson Le Charme (1879)
Franz Liszt Es muss ein wunderbares sein (1852)
François Couperin Les barricades mystérieuses (piano seul) (1717)
Reynaldo Hahn A Chloris (1913)
Francis Poulenc Les chemins de l’amour (1940)
Vladimir Vavilov Ave Maria dit de Giulio Caccini (1970)
Christoph Willibald Gluck Che faro senza Euridice (1762)
Georg Friedrich Haendel Lascia ch’io pianga (1705)
Edvard Grieg Jour de mariage à Troldhaugen (piano seul) (1876)
Wolfgang Amadé Mozart Laudate dominum (1779)
Georg Friedrich Haendel Svegliatevi nel core (1723)     
Angelord Blaise

Au cœur de la nef gothique de l’église Saint-Merry, l’association ‘L’Accueil Musical’ présente en ce dimanche après-midi le jeune chanteur Angelord Blaise qui a remporté à l’opéra Bastille, le 10 janvier 2022, la quatrième finale du concours Voix d’Outre Mer.

Angelord Blaise

Angelord Blaise

Accompagné au piano très consciencieusement par Sébastien Grimaud, qui déroule un délié sombre de sonorités noires et denses, le contre-ténor haïtien présente un programme conçu en deux parties, la première privilégiant des airs français de toutes les époques, la seconde étant dominée par les répertoires baroques et classiques du XVIIIe siècle.

L’’Ave Maria’ de William Gomez est probablement une découverte pour le public venu en grand nombre, car cette mélodie fut composée peu avant la disparition du compositeur espagnol en l’an 2000. C’est principalement la mezzo-soprano lettone Elīna Garanča qui l’a rendu célèbre en concert et au disque, sous l’impulsion de son mari et chef d’orchestre Karel Mark Chichon qui était un ami du musicien.

Eglise Saint-Merry

Eglise Saint-Merry

Le timbre de voix d’Angelord Blaise révèle d’emblée ses qualités de rondeur et de luminosité portées par une ample vibrance, ainsi que ses similitudes avec les voix de femmes graves – il s’imprègne également de leur raffinement de geste -, et l’effet est saisissant en un tel lieu sous les arcs voutés où quelques vitraux diffusent leurs coloris le long des parois.

Ensuite, les airs plus intimes de Chausson, Liszt et Hahn  - on n’échappe pas à l’épure mélancolique d'‘A Chloris’ – font apparaître la flamboyance du chanteur qui peut faire entendre de subtiles clartés presque sans couleurs, à la façon d’un ange, pour soudainement laisser épanouir dans toute sa puissance un panache d’harmoniques fauves aux traits violents.

Sébastien Grimaud et Angelord Blaise

Sébastien Grimaud et Angelord Blaise

Ces qualités s’accordent naturellement avec les airs opératiques de Haendel (‘Almira’ et ‘Giulio Cesare’) et de Gluck (‘Orfeo ed Euridice’) si propices à des effusions de sentiments exubérants.

Cette seconde partie aura aussi permis d’entendre un autre ‘Ave Maria’ contemporain, celui composé en 1970 par Vladimir Vavilov, un pastiche faussement attribué à Giulio Caccini (1551 – 1618). 

On peut trouver cet ‘Ave Maria’ auprès de celui de William Gomez sur l’album d’ Elīna Garanča,’Meditation’, ce qui montre à nouveau le lien étroit qu’il y a entre la voix d’Angelord Blaise et les voix de mezzo et de contralto dramatiques. 

Eglise Saint-Merry

Eglise Saint-Merry

Ce récital était gratuit, avec le soutien des ‘Voix d’Outre Mer’, et certains auditeurs étaient tout heureux des frissons que l’écoute de ces mélopées enveloppantes leur avait procuré avec une générosité émouvante et poétique, d’autant plus que ‘Les chemins de l’amour’ de Poulenc fut repris en bis dans un esprit de grâce légère tout à fait grisante. 

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Publié le 28 Juillet 2022

Strauss, Brahms, Liszt, Wolf... Fauré, Duparc, Hahn, Mahler - Lieder allemands et français
Récital du 26 juillet 2022
Bayerische Staatsoper - Prinzregententheater

Karl Weigl Seele 

Nacht und Träume
Richard Strauss Die Nacht 
Johannes Brahms Nachtwandler
Hugo Wolf Die Nacht
Hans Sommer Seliges Vergessen

Bewegung im Innern
Max Reger Schmied Schmerz
Richard Strauss Ruhe, meine Seele
Johannes Brahms Der Tod, Nachtigall, Verzagen 
Franz Liszt Laßt mich ruhen

Mouvement intérieur
Gabriel Fauré Après un rêve
Reynaldo Hahn À Chloris, L'Énamourée
Henri Duparc Chanson triste
Gabriel Fauré Notre amour

Erlösung und Heimkehr
Max Reger Abend
Hugo Wolf Gebet
Richard Rössler Läuterung
Gustav Mahler Urlicht

Soprano Marlis Petersen
Piano Stephan Matthias Lademann

Issu du troisième CD de la série 'Dimensionen' intitulé 'Innen Welt' et édité en septembre 2019 chez Solo Musica, le florilège de lieder allemands et français présenté ce soir par Marlis Petersen et Stephan Matthias Lademann au Prinzregententheater de Munich a d'abord été diffusé sur le site internet de l'Opéra de Franfort le 28 mai 2021, avant que les deux artistes n'entâment une tournée allemande déjà passée par Nuremberg et Cologne.

Ces mélodies sont regroupées par thèmes, 'Nacht und Träume', 'Bewegung im Innern', 'Mouvement intérieur' et 'Erlösung und Heimkehr', et Marlis Petersen révèle un magnifiquement talent de conteuse lorsqu'elle présente au public chacun d'entre eux par un art du phrasé qui vous enveloppe le cœur avec une attention presque maternelle.

Marlis Petersen

Marlis Petersen

La première série dédiée à la nuit et aux rêves relie Richard Strauss, Johanne Brahms, Hugo Wolf et Hans Sommer par une même clarté et une présence humaine de timbre qui racontent des pensées, ou bien une vision inquiète du monde, avec une lucidité poétique d'une très grande expressivité qui ne verse cependant pas dans l'affect mélancolique.

Suivre le texte tout en écoutant cette grande artiste sculpter et développer les syllabes sous nos yeux et au creux de l'oreille fait naitre une fascination qui est le véritable moteur du plaisir ressenti.

Puis, à partir de 'Ruhe, meine seele' de Richard Strauss, Marlis Petersen fait ressortir des graves plus sombres et des exultations plus tendues qui élargissent l'univers de ses sentiments non exempts de colère. Elle dépeint ainsi une personnalité plus complexe ce qui accroit la prégnance de son incarnation toute éphémère qu'elle soit.

Marlis Petersen

Marlis Petersen

Mais la surprise de la soirée survient au cours du troisième thème 'Mouvement intérieur' où les mélodies 'Après un rêve' de Fauré et 'A Cloris' de Reynaldo Hahn, en particulier, sont d'une telle beauté interprétative que la délicatesse des teintes et des nuances qui s'épanouissent engendre une émotion profonde irrésistible.

A l'entendre défendre avec un tel soin un répertoire aussi difficile et dans une langue qui n'est pas la sienne, on se prend à rêver de la découvrir dans le répertoire baroque français le plus raffiné tant son phrasé est magnifiquement orné.

Marlis Petersen et Stephan Matthias Lademann

Marlis Petersen et Stephan Matthias Lademann

Le rythme reste ensuite plus lent qu'au début, tout en réunissant Reger, Wolf et Rössler autour de leurs expressions les plus méditatives, et Marlis Petersen achève ce voyage plus bucolique que noir par le seul lied qui n'apparait pas sur son enregistrement, 'Urlicht' de Gustav Mahler, portée par le désir de revenir à une lumière qui lui est bien naturelle avec toujours cet art ample du déploiement des mots aux couleurs ambrées.

Et en bis, 'Träume' de Richard Wagner et 'Nacht und Träume' de Franz Schubert comblent une soirée où le toucher crépusculaire de Stephan Matthias Lademann aura entretenu un esprit nimbé de classicisme perlé et méticuleux.

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