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Publié le 7 Décembre 2022

Mendelssohn, Mozart, Fauré, Poulenc, Castelnuovo-Tedesco, Boccherini, Dvořák, Attahir, Tchaïkovski, Satie
Concert du 04 décembre 2022
Théâtre des Bouffes du Nord

Felix Mendelssohn : Quatuor à cordes en fa mineur op. 80 – Leipzig, 5 octobre 1847 (en privé)
Wolfgang Amadeus Mozart : Quatuor pour flûte et cordes n°1 en ré majeur K. 285 (extrait : 1er mouvement Allegro) – Mannheim, 25 décembre 1777
Gabriel Fauré : Après un rêve* - Paris, 1877
Gabriel Fauré : Les Berceaux* - Paris, 1879
Francis Poulenc : Les Chemins de l’amour* - Paris, 1940
Mario Castelnuovo-Tedesco : Quintette pour guitare et quatuor à cordes op. 143 (extrait : 2ème mouvement Andante mesto) – Los Angeles, 1951
Luigi Boccherini : Quintette pour guitare et cordes Fandango’ en ré majeur G. 448 – Madrid, 1788
Antonín Dvořák : Quintette pour piano n°2 en la majeur op. 81 (extrait : 1er mouvement Allegro ma non tanto) – Prague – 6 janvier 1888
Benjamin Attahir : Al Dhikrâ (extrait) – Cité de la Musique (Paris), 20 janvier 2022
Wolfgang Amadeus Mozart : Quintette à cordes n°4 en sol mineur K. 516 (extrait : 4ème mouvement Adagio - Allegro) – Vienne , 16 mai 1787
Piotr Ilitch Tchaïkovski : Sextuor à cordes ‘Souvenir de Florence’ op. 70 (extrait : 4ème mouvement Allegro Vivace) – Saint-Pétersbourg, 6 décembre 1892

* Mélodies transcrites pour quatuor à cordes par Jean-Christophe Masson

Erik Satie : Je te veux (Paris, 1902)

Quatuor Van Kuijk
Nicolas Van Kuijk, Sylvain Favre-Bulle (violons), Emmanuel François (alto) et Anthony Kondo (violoncelle)

et Éva-Nina Kozmus (flûte), Sean Shibe (guitare), Adrien La Marca (alto), Grégoire Vecchioni (alto), François Robin (violoncelle), Ludmila Berlinskaïa (piano)

Le Quatuor Van Kuijk est né de la passion que partagent dès octobre 2011 quatre musiciens issus des conservatoires nationaux supérieurs de Lyon et de Paris. L’année suivante, ils fondent leur ensemble à Paris et remportent l’année d’après les Premier Prix et Prix du Public au 7e Concours international de Musique de Chambre de Trondheim en Norvège (24-29 septembre 2013).

Nicolas Van Kuijk, Ludmila Berlinskaïa, Sylvain Favre-Bulle, Emmanuel François et Anthony Kondo

Nicolas Van Kuijk, Ludmila Berlinskaïa, Sylvain Favre-Bulle, Emmanuel François et Anthony Kondo

A cette époque, Nicolas Van Kuijk (violon), Sylvain Favre (violon), Grégoire Vecchioni (alto) et Sébastien Van Kuijk (violoncelle) font partie de la formation initiale, puis, au fil des projets de vie personnels, le quatuor va renouveler ses talents à l’alto et au violoncelle.

En 2016, ils débutent leur collaboration avec le label Alpha Classics qui leur permet d’éditer cinq albums, dont trois dédiés à Mozart, et, six ans plus tard, le 28 octobre 2022, ils sortent leur 6e enregistrement ‘Mendelssohn : Complete String Quartets, Vol. 1.’ qui initie une intégrale des quatuors à cordes de Felix Mendelssohn.

Sylvain Favre-Bulle

Sylvain Favre-Bulle

C’est donc par le dernier 'quatuor à cordes en fa mineur' du compositeur allemand, dédié à sa sœur Fanny sous forme de Requiem, que débute ce concert anniversaire. L’interprétation, drainée par une détermination tragique, est d’une très grande nervosité, et le premier violon agit comme un baume au geste vif mais doué d’un touché souple et chaleureux.

Le troisième mouvement, bien plus calme, est le moment de recueillement attendu pour récupérer d’une telle intensité et profiter des jeux d’alliages entre les différentes vibrations et couleurs des cordes sur une tonalité assombrie. Mais c’est bien par une impulsivité acharnée que s’achève ce quatuor très sérieux jusqu’au bout.

Éva-Nina Kozmus

Éva-Nina Kozmus

Le Quatuor propose ensuite un florilège d’extraits de divers pièces qui vont nous faire voyager à travers les époques, et faire revivre des instants partagés avec plusieurs jeunes artistes rencontrés à l’occasion de tournées internationales.
Sylvain Favre-Bulle annonce ainsi qu’il s’éclipse momentanément afin de laisser la place à Éva-Nina Kozmus, actuellement flûtiste solo à l’Opéra de Limoges, avec laquelle les trois autres musiciens vont reprendre le premier mouvement du 'Quatuor pour flûte et cordes n°1 en ré majeur' de Mozart qu’ils ont interprété à Ljubljana il y a tout juste un an.

Il s’agit d’un morceau de charme virevoltant mené selon un tempo vif mais sans empressement. La jeune artiste slovène tire des sonorités pleines qui développent une douce sensualité réconfortante, et ce moment permet d’alléger l’atmosphère musicale qui succède à Mendelssohn.

Nicolas Van Kuijk et Sylvain Favre-Bulle

Nicolas Van Kuijk et Sylvain Favre-Bulle

Suivent deux transpositions pour quatuor à cordes de mélodies de Gabriel Fauré composées un siècle plus tard, ‘Après un rêve’ et ‘Les Berceaux’, et dont le sentiment mélancolique est ici approfondi. La différence avec l’interprétation chantée se fait particulièrement ressentir pour le second air où l’écriture aiguë, splendide de geste, ne peut toutefois rendre la même éloquence dramatique que la version vocale, surtout s’il s’agit d’un baryton.

Et avec ‘Les Chemins de l’amour’ de Francis Poulenc, que le Quatuor a présenté en bis nombre de fois, c’est une avancée encore plus proche de nous dans le temps, juste avant la Seconde Guerre mondiale, qui est opérée au rythme d’une valse nostalgique et souriante qui est devenue un des morceaux de charme de l’ensemble.

Sean Shibe

Sean Shibe

Puis, changement d’évocation lorsque Sean Shibe, jeune guitariste classique et électrique, se joint à l’ensemble pour interpréter le second mouvement de la 'Quintette pour guitare et quatuor à cordes op. 143' de Mario Castelnuovo-Tedesco, suivie de la 'Quintette pour guitare et cordes - Fandango ' de Luigi Boccherini. Près de deux cent ans séparent ces deux pièces hispanisantes. 

L’Andante mesto met en valeur la fluidité et la délicatesse nuancée du musicien écossais à travers des réminiscences qui proviennent des souvenirs de la vie du compositeur quand il vivait en Europe.

Et dans la fraîcheur du ‘Fandango’ de Boccherini, la virtuosité saillante des musiciens s’épanouit dans un sentiment de complicité fortement visible. Anthony Kondo quittera même son violoncelle temporairement pour jouer des castagnettes sur un rythme très entraînant.

Pour retrouver Sean Shibe et le Quatuor van Kuijk, il faudra se rendre le 10 février prochain au Herbst Theatre de San Francisco, où la guitare sera classique mais aussi électrique dans ‘Physical Property’ de Steven Mackey.

Emmanuel François et Anthony Kondo

Emmanuel François et Anthony Kondo

En seconde partie du concert, c’est une pianiste russe, installée en France depuis plus de 30 ans, Ludmila Berlinskaïa, qui est accueillie par les musiciens. Ils se sont rencontrés il y a un peu plus de deux ans au Festival ‘La Clé des Portes’ qu’elle a créé dans le Val-de-Loire entre Orléans et Blois.

Ils reprennent ensemble le premier mouvement de la 'Quintette pour piano n°2 en la majeur' d’Antonín Dvořák dans un style vigoureux très caractéristique du quatuor. Les passages les plus lyriques permettent de dessiner nettement les couleurs vibrantes de chaque instrument qui se répondent, et une forme de détente semble s’être emparée des artistes qui ne les quittera plus.

Ludmila Berlinskaïa et Sylvain Favre-Bulle

Ludmila Berlinskaïa et Sylvain Favre-Bulle

En début d’année, à la Cité de la Musique, le Quatuor Van Kuijk avait interprété en première mondiale la nouvelle création de Benjamin Attahir, ‘Al Dhikrâ’. Seul un extrait est présenté ce soir afin d’en faire découvrir les nervures vives et les inflexions orientales dans une tessiture aiguë qui nous amène vers un autre monde, comme s’il s’agissait d’évoquer le son d’anciens instruments d'une autre culture.

Adrien La Marca

Adrien La Marca

Puis, l’arrivée d’Adrien La Marca, altiste à l’optimisme rayonnant, annonce un fort moment de complicité, car c’est avec lui qu’ils ont enregistré leur dernier disque dédié à deux quintettes à cordes de Mozart.

L’extrait choisi du dernier mouvement de la 4e quintette permet d’apprécier leur brillance de son, et d'admirer cette forme de conversation riante par laquelle les musiciens se renvoient les uns les autres leurs phrases musicales d’un élégant geste d’accompagnement, ce qui illumine sans la moindre fatigue apparente une soirée qui dure déjà depuis plus de deux heures, 

Nicolas Van Kuijk, Sylvain Favre-Bulle, Emmanuel François, Grégoire Vecchioni, Anthony Kondo et François Robin

Nicolas Van Kuijk, Sylvain Favre-Bulle, Emmanuel François, Grégoire Vecchioni, Anthony Kondo et François Robin

Mais le plus émouvant est de voir soudainement surgir Grégoire Vecchioni, le premier altiste à l’origine du Quatuor qui fait dorénavant partie de l’Orchestre de l’Opéra national de Paris en tant que premier alto solo, et François Robin, qui a participé aux cinq premiers enregistrements de l’ensemble, avant qu’ Anthony Kondo ne le remplace au violoncelle. 

Ces séparations ne sont dues qu’à des projets de vie qui les ont éloignés, et retrouver six membres du Quatuor pour interpréter le dernier mouvement endiablé du Sextuor à cordes de Tchaïkovski, avec un son dense et nourri, est absolument irrésistible et réjouissant à entendre.

Emmanuel François, Adrien La Marca et Grégoire Vecchioni

Emmanuel François, Adrien La Marca et Grégoire Vecchioni

Et pour finir, les dix musiciens se réunissent avec leurs instruments à cordes, piano, flûte et guitare pour jouer une valse sentimentale d’Erik Satie, ‘Je te veux’, qui remémore un vieux Paris bohème en faisant écho aux ‘Chemins de l’amour’ chantés en première partie, le tout avec beaucoup de joie et d’humilité après ce premier bout de chemin si bien parcouru.

Air final ‘Je te veux’ d'Erik Satie

Air final ‘Je te veux’ d'Erik Satie

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Publié le 28 Juillet 2022

Strauss, Brahms, Liszt, Wolf... Fauré, Duparc, Hahn, Mahler - Lieder allemands et français
Récital du 26 juillet 2022
Bayerische Staatsoper - Prinzregententheater

Karl Weigl Seele 

Nacht und Träume
Richard Strauss Die Nacht 
Johannes Brahms Nachtwandler
Hugo Wolf Die Nacht
Hans Sommer Seliges Vergessen

Bewegung im Innern
Max Reger Schmied Schmerz
Richard Strauss Ruhe, meine Seele
Johannes Brahms Der Tod, Nachtigall, Verzagen 
Franz Liszt Laßt mich ruhen

Mouvement intérieur
Gabriel Fauré Après un rêve
Reynaldo Hahn À Chloris, L'Énamourée
Henri Duparc Chanson triste
Gabriel Fauré Notre amour

Erlösung und Heimkehr
Max Reger Abend
Hugo Wolf Gebet
Richard Rössler Läuterung
Gustav Mahler Urlicht

Soprano Marlis Petersen
Piano Stephan Matthias Lademann

Issu du troisième CD de la série 'Dimensionen' intitulé 'Innen Welt' et édité en septembre 2019 chez Solo Musica, le florilège de lieder allemands et français présenté ce soir par Marlis Petersen et Stephan Matthias Lademann au Prinzregententheater de Munich a d'abord été diffusé sur le site internet de l'Opéra de Franfort le 28 mai 2021, avant que les deux artistes n'entâment une tournée allemande déjà passée par Nuremberg et Cologne.

Ces mélodies sont regroupées par thèmes, 'Nacht und Träume', 'Bewegung im Innern', 'Mouvement intérieur' et 'Erlösung und Heimkehr', et Marlis Petersen révèle un magnifiquement talent de conteuse lorsqu'elle présente au public chacun d'entre eux par un art du phrasé qui vous enveloppe le cœur avec une attention presque maternelle.

Marlis Petersen

Marlis Petersen

La première série dédiée à la nuit et aux rêves relie Richard Strauss, Johanne Brahms, Hugo Wolf et Hans Sommer par une même clarté et une présence humaine de timbre qui racontent des pensées, ou bien une vision inquiète du monde, avec une lucidité poétique d'une très grande expressivité qui ne verse cependant pas dans l'affect mélancolique.

Suivre le texte tout en écoutant cette grande artiste sculpter et développer les syllabes sous nos yeux et au creux de l'oreille fait naitre une fascination qui est le véritable moteur du plaisir ressenti.

Puis, à partir de 'Ruhe, meine seele' de Richard Strauss, Marlis Petersen fait ressortir des graves plus sombres et des exultations plus tendues qui élargissent l'univers de ses sentiments non exempts de colère. Elle dépeint ainsi une personnalité plus complexe ce qui accroit la prégnance de son incarnation toute éphémère qu'elle soit.

Marlis Petersen

Marlis Petersen

Mais la surprise de la soirée survient au cours du troisième thème 'Mouvement intérieur' où les mélodies 'Après un rêve' de Fauré et 'A Cloris' de Reynaldo Hahn, en particulier, sont d'une telle beauté interprétative que la délicatesse des teintes et des nuances qui s'épanouissent engendre une émotion profonde irrésistible.

A l'entendre défendre avec un tel soin un répertoire aussi difficile et dans une langue qui n'est pas la sienne, on se prend à rêver de la découvrir dans le répertoire baroque français le plus raffiné tant son phrasé est magnifiquement orné.

Marlis Petersen et Stephan Matthias Lademann

Marlis Petersen et Stephan Matthias Lademann

Le rythme reste ensuite plus lent qu'au début, tout en réunissant Reger, Wolf et Rössler autour de leurs expressions les plus méditatives, et Marlis Petersen achève ce voyage plus bucolique que noir par le seul lied qui n'apparait pas sur son enregistrement, 'Urlicht' de Gustav Mahler, portée par le désir de revenir à une lumière qui lui est bien naturelle avec toujours cet art ample du déploiement des mots aux couleurs ambrées.

Et en bis, 'Träume' de Richard Wagner et 'Nacht und Träume' de Franz Schubert comblent une soirée où le toucher crépusculaire de Stephan Matthias Lademann aura entretenu un esprit nimbé de classicisme perlé et méticuleux.

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Publié le 19 Septembre 2021

Mozart / Fauré /  Mendelssohn (1785 / 1925 / 1848)
Concert du 18 septembre 2021
Festival de l’Orangerie de Sceaux

Wolfgang Amadeus Mozart Quatuor à cordes n°19 en do majeur KV 465 Les Dissonances (Salzbourg, 1785)
Gabriel Fauré Quatuor à cordes en mi mineur op.121 (Paris, 1925)
Felix Mendelssohn Quatuor à cordes en fa mineur op.80 (Leipzig, 1848)

Violon Nicolas Van Kuijk
Violon Sylvain Favre-Bulle
Alto Emmanuel François
Violoncelle Anthony Kondo

                                   Sylvain Favre-Bulle (Violon)

 

Pour sa participation à la 52e édition du Festival de l’Orangerie de Sceaux, le Quatuor Van Kuijk propose de redécouvrir trois compositions représentatives respectivement des XVIIIe, XXe et XIXe siècles, et d’en apprécier les nuances d’esprit, une vivante conversation de Mozart qui sera suivie de deux expressions beaucoup plus sombres par Fauré et Mendelssohn, écrites respectivement en mi et fa mineur, et qui seront créées en public quelques mois après la mort de ces deux compositeurs.

Ces trois pièces sont d’abord l’occasion de retrouver les qualités acérées et homogènes de l’ensemble de quatre musiciens, et d'admirer son système de forces croisées exigeant et complice qui agit comme un puissant aimant de concentration.

Dans « Les Dissonances », une fois passé le lent mouvement introductif, ce sont les jeux de dialogues et de balancements entre les instruments, francs et bien timbrés, sans effets de préciosité, qui font monter la sève de l’écriture de Mozart pour amener à des moments d’exubérances intenses.

Nicolas Van Kuijk, Sylvain Favre-Bulle, Emmanuel François et Anthony Kondo

Nicolas Van Kuijk, Sylvain Favre-Bulle, Emmanuel François et Anthony Kondo

Le contraste est alors saisissant avec le Quatuor à cordes en mi mineur de Gabriel Fauré, achevé à l’âge de 79 ans, qui unit les quatre instruments dans un paysage marin qui entrelace leurs pulsations et leur reflets dans un mouvement d’humeur profond, une lave d’obsidienne complexe où chaque musicien communique brillamment les traits les plus lumineux possibles, dans un esprit de défi. Sylvain Favre-Bulle présentait en introduction cette pièce comme « mal-aimée », pourtant, de par son originalité et sa liquidité noire, peu lissée dans cette interprétation, elle est le point d’orgue du récital car l’on croit entendre le crépuscule d’un romantisme fin XIXe qui aurait pour un temps survécu.

Très surprenante, la rondeur des battements de croches qui alternent d’un instrument à l’autre dans la seconde partie de la pièce, une palpitation mystérieuse qui est particulièrement bien mise en avant.

Nicolas Van Kuijk et Sylvain Favre-Bulle

Nicolas Van Kuijk et Sylvain Favre-Bulle

En troisième partie, le dernier quatuor de Felix Mendelssohn, dédié à sa sœur Fanny, est une démonstration de vigueur exacerbée, hormis dans le recueillement de l’adagio central aux sonorités chaleureuses nécessairement plus recueilli, où une énergie courroucée s’impose et est restituée avec une ardeur impressionnante. Très belle cohésion des couleurs ambrées du premier violon avec la tonalité de ses partenaires.

Et, comme ce fut le cas lors de leur premier concert du mois de mai dernier au Bouffes-du-Nord, le quatuor reprend un arrangement des « Chemins de l’amour » de Francis Poulenc, mélodie dont les lignes nostalgiques peuvent facilement créer un dernier frisson.

Un concert qui fait le lien entre le premier enregistrement Mozart des Van Kuijk, en 2016, et leur double album Mendelssohn en préparation pour 2022.

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Publié le 1 Novembre 2015

Pénélope (Gabriel Fauré)
Livret de René Fauchoix
Représentation du 31 octobre 2015
Opéra national du Rhin (Strasbourg)

Pénélope Anna Caterina Antonacci
Ulysse Marc Laho
Euryclée Elodie Méchain
Cléone Sarah Laulan
Mélantho Kristina Bitenc
Phylo Rocio Perez
Lydie Francesca Sorteni
Alkandre Lamia Beuque
Eumée Jean-Philippe Lafont
Eurymaque Edwin Crossley-Mercer
Antinoüs Martial Defontaine
Léodès Mark Van Arsdale
Ctésippe Arnaud Richard
Pisandre Camille Tresmontant
Eurynome Aline Gozlan                      
Anna Caterina Antonacci (Pénélope) et Marc Laho (Ulysse)

Direction musicale Patrick Davin

Mise en scène Olivier Py
Décors et costumes Pierre-André Weitz
Lumières Bertrand Killy

Chœurs de l’Opéra national du Rhin
Orchestre symphonique de Mulhouse

Achevée en 1913, la musique de Pénélope reflète les courants mélodiques et symphoniques qui découlent des nouvelles lignes musicales que des compositeurs français et européens mirent au monde dans le prolongement de l'art orchestral wagnérien.

Ainsi, à son écoute, l'univers de Claude Debussy et de Paul Dukas n'est jamais loin, ni celui d'Ernest Bloch ou de Georges Enescu. Le temps semble être un large fleuve profond et vivant auquel la douceur de la langue française se mélange pour lui donner un sens avant tout poétique.

La force des mots vaut ainsi plus pour leur forme musicale que pour leur seul sens philosophique.

Anna Caterina Antonacci (Pénélope)

Anna Caterina Antonacci (Pénélope)

Et à un âge où le temps se savoure dans une lente quiétude, Gabriel Fauré a choisi de donner vie à un personnage antique pris dans l'humeur obsédante d'une attente sombre et patiente, l'épouse d'Ulysse, héros parti en guerre contre Troie depuis vingt ans.

Son opéra se déroule en trois actes et présente deux groupes d'hommes et de femmes faits pour s'attirer, les servantes et les prétendants au trône d'Ithaque. Pénélope apparaît comme un caractère digne et fascinant qui déclame tout au long de la pièce ses brisures de l'âme, mais également sa volonté de ne pas céder à la pression de son entourage. L'arrivée d'Ulysse, déguisé en mendiant, donne lieu à une première rencontre avec sa femme qui évoque beaucoup la rencontre d'Elektra et d' Oreste (Elektra - Richard Strauss) avant que celle-ci ne le reconnaisse.

Puis, le conseil d'Eumée de mettre à l'épreuve les prétendants de Pénélope en les confrontant à l'arc d'Ulysse précipite les préparatifs vengeurs de ce dernier. Le troisième acte se déroule finalement au palais où sa victoire déclenche le massacre de tous ses ennemis.

Anna Caterina Antonacci (Pénélope) et Télémaque

Anna Caterina Antonacci (Pénélope) et Télémaque

Afin de restituer l'atmosphère et l'humeur noire et trouble du drame, l'Orchestre symphonique de Mulhouse disposé dans les moindres interstices de la fosse devient un coloriste au charme suranné dont la rusticité perceptible du corps boisé est d'une présence charnelle forte. Patrick Davin l'assouplit tout en lui laissant un caractère massif mais clair où les cuivres ont un éclat légèrement dissout qui se fond dans une teinte d'ensemble sombre et volubile.

Il y règne une effervescence traversée de traits de clarinettes, de flûtes et de piccolo stimulants pour l'oreille, tandis que les musiciens en tension drainent les enchevêtrements de lignes en prenant soin de leur plasticité.

Anna Caterina Antonacci (Pénélope)

Anna Caterina Antonacci (Pénélope)

Les chanteurs, eux, ne sont pas effacés pour autant par ce flot sonore, et la taille modeste de la salle leur permet de bien se mettre en valeur, à commencer par les rôles secondaires. Cléone sensuelle et un peu sauvage de Sarah Laulan, innocence heureuse de Kristina Bitenc, en Melantho, homogénéité directive du timbre d'Edwin Crossley-Mercer qui dessine un Eurymaque violent mais droit comme un chevalier, pour ne citer qu'eux, sont chantés dans un français galbé et précis.

Anna Caterina Antonacci (Pénélope) et Elodie Méchain (Euryclée)

Anna Caterina Antonacci (Pénélope) et Elodie Méchain (Euryclée)

Se distingue ensuite la présence fière et aisée de Jean-Philippe Lafont, dont l'humanité d'un grain grisonnant et les vibrations envahissantes du timbre transforment Eumèe en une sorte d'invité de luxe profondément charismatique. L'Euryclée d'Elodie Méchain vibre de déplorations, et son chant exprime la fatalité abattue d'une mère impuissante et triste.

Jean-Philippe Lafont (Eumée)

Jean-Philippe Lafont (Eumée)

Quant aux deux rôles principaux, ils requièrent une grande soprano dramatique et un ténor héroïque, comme les conventions veulent bien nous le laisser imaginer.

Anna Caterina Antonacci, qui connait le rôle de Pénélope pour l'avoir chanté en version de concert au Théâtre des Champs-Elysées au côté de Roberto Alagna, est l’éclatante tragédienne hallucinée à la diction fascinante d'expressions que l'on connait bien. On ne peut alors s'empêcher de penser à l'étrange correspondance entre le rôle de Cassandre pleurant la perte d'Hector - qu'elle interprétait en 2003 au Théâtre du Châtelet dans 'Les Troyens' d'Hector Berlioz-, et celui d’une grecque qui attend le retour d'Ulysse.

Anna Caterina Antonacci (Pénélope)

Anna Caterina Antonacci (Pénélope)

Les sombres prémonitions du dernier acte de 'Pénélope' rejoignent celles de la prêtresse de Troie, et ces deux rôles apparaissent inévitablement liés au destin théâtral d'Anna Caterina Antonacci. Même tenue aristocratique, même souffrance du regard au-delà de l'émotionnel humain, une personnalité qui ne souhaite pas être heureuse malgré l’absence ou la perte.

Les lentes torsions du buste expriment cette peine indicible, les aigus vacillent mais la richesse de couleurs est toujours saisissante.

Marc Laho (Ulysse)

Marc Laho (Ulysse)

Et du regard désespéré, Marc Laho incarne un Ulysse sensible dont la douceur du style s’accorde moins avec l’image forte et solide du voyageur errant qu’avec l’univers poétique imaginé par Olivier Py. Ce ténor lunaire a en effet le charme d’un Pierrot dénué de la haine vengeresse de Paillasse, et l’âme dépressive en devient palpable.

Car Olivier Py a mis dans ce spectacle tout son sens poétique au service d’une langue qu’il affectionne pour la musicalité du verbe. Ce temps sans fin dans lequel bouclent les pensées de Pénélope et coule constamment la musique des sentiments est figuré par une structure circulaire plus large que le front de scène, qui pivote au fil du drame, alors qu’une autre structure plus réduite tourne également en son centre.

Pantomime de l'Odyssée

Pantomime de l'Odyssée

Le décor gris anthracite construit sur deux étages devient ainsi multiforme, et l’on passe de la chambre de Pénélope aux appartements des prétendants, puis aux écuries du Palais, et enfin aux falaises du bord de mer dans un continuum lent et changeant.

Le tout, monté sur un sol inondé d’eau, renvoie à un monde liquide qui pourrait tout aussi bien être celui de Pelléas et Mélisande, en tout cas le monde marin de Claude Debussy.

Les éclairages de Bertrand Killy font naitre des horizons apocalyptiques, les reflets aquatiques chancellent sur le plafond de la salle, et les ombres du décor suggèrent les angoisses du vide.

Pantomime du chant des sirènes

Pantomime du chant des sirènes

Mais au-delà de ce concept visuel prégnant, le metteur en scène ne se limite pas à ce qui est dit par le livret, et comble les lacunes devant l’Odyssée d’Homère. Télémaque surgit sous l’apparence d’un jeune homme muet, et Olivier Py lui fait vivre tous les sentiments d’affection envers le corps de Laerte, mort, envers sa mère puis son père, à son retour, et c’est donc le drame d’un fils préparant sa vengeance qui est aussi raconté.
C’est en effet lui qui triomphe ensanglanté après le massacre des prétendants.

Télémaque et Edwin Crossley-Mercer (Eurymaque)

Télémaque et Edwin Crossley-Mercer (Eurymaque)

Et que d’images simples et poétiques, les reflets bleutés sur le grand voile blanc que Pénélope ne veut pas achever, les symboles de papier que découpe Télémaque pour illustrer le texte, et surtout la narration de l’Odyssée qui est présentée sous forme d’une pièce de théâtre antique au centre de la scène, et qui finit par la victoire éclatante d’Athéna surplombant l’Acropole d’Athènes.

Il y a donc dans ce spectacle une rencontre et une synthèse fabuleuses entre la culture classique et la musique française du XXème siècle chères au metteur en scène, rejoint par le goût naturel d’Anna Caterina Antonacci pour la tragédie grecque et la diction impeccable du texte français.

On rêverait de les revoir tous les deux dans une nouvelle production des Troyens.

Anna Caterina Antonacci (Pénélope)

Anna Caterina Antonacci (Pénélope)

Dans les années qui viennent, Olivier Py se verrait bien poursuivre avec l’Œdipe de Georges Enescu, Pelléas et Mélisande – qu’il a déjà filmé -, ouvrages qu’il serait effectivement capable de relier par des univers qui se parlent et se répondent à travers une esthétique unifiante.

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Publié le 22 Juin 2013

Pénélope (Gabriel Fauré)
Version de concert du 20 juin 2013
Théâtre des Champs Elysées

Pénélope Anna Caterina Antonacci
Ulysse Roberto Alagna
Eumée Vincent Le Texier
Eurymaque Edwin Crossler-Mercer
Antinoüs  Julien Behr
Ctésippe  Marc Labonnette
Léodès  Jérémy Duffau
Euryclée  Marina de Liso
Mélantho  Khatouna Gadelia
Cléone  Sophie Pondjiclis

Direction musicale Fayçal Karaoui
Chœur et orchestre Lamoureux

                                                                                                         Anna Caterina Antonacci (Pénélope)

 

Comme Benvenuto Cellini et le Sacre du printemps, Pénélope fait partie des ouvrages qui ont marqué l’ouverture du Théâtre des Champs Elysées au printemps 1913. Sa musique évoque la plénitude de la nature qui s’écoule avec le temps, dans une clarté bucolique heureuse, et les vents, et surtout les cuivres, dessinent des motifs poétiques languissants qui expirent depuis les ornements mélodiques de ce flot continu. On est dans un univers qui croise ceux de Claude Debussy ou bien d’Ernest Bloch, sans plonger dans leur expressivité mélancolique pour autant.

Cette conception de l’attente, telle que le vit Pénélope, est donc empreinte d’une sérénité qui peut surprendre, mais, malgré quelques imprécisions perceptibles, l’orchestre Lamoureux en restitue l’énergie de ses mouvements marins auxquels on se laisse prendre.

Anna Caterina Antonacci (Pénélope)

Anna Caterina Antonacci (Pénélope)

Anna Caterina Antonacci y est souveraine, unique, elle est la présence même. La lenteur et la sobriété de son jeu, la stature de tragédienne qui lui paraît tant naturelle, sa recherche d’un phrasé à la perfection classique qui s’épanouit si magnifiquement sans qu’elle ne soit contrainte par des tensions et des outrances impossibles, nous renvoie une vision entièrement unifiée, et un peu inaccessible, de cette artiste qui sait être là, simplement, par elle-même.

Alors, pour lui répondre, Roberto Alagna interprète Ulysse. Qui pourrait, aujourd’hui, offrir un chant aussi immédiat, un envahissement sonore impressionnant et viril qui vient chercher chaque spectateur comme pour le rallier à son propre personnage? Il est un monument à la voix de bronze dont le timbre, cependant, altère le charme de certaines voyelles appuyées, et les courbures de sa crinière, qu’il expose en se tournant légèrement de côté, font ressortir une image glamour de l’aventurier. Seulement, Ulysse est l'homme de la ruse et de l'intelligence, et non un caractère romanesque.

Roberto Alagna (Ulysse) et Anna Caterina Antonacci (Pénélope)

Roberto Alagna (Ulysse) et Anna Caterina Antonacci (Pénélope)

Roberto Alagna, artiste attachant par la nature adolescente qui lui est toujours aussi fortement ancrée, paraît en tel décalage avec sa partenaire qu’il ne fait que la distinguer encore plus, seule sur son piédestal, puisqu’elle apparaît comme la seule à comprendre la force de son propre personnage.

En regard de ce couple surhumain, il devient difficile, mais l’écriture vocale ne les met pas suffisamment en valeur, d’être pris par les artistes qui les accompagnent. Julien Behr, à l’évidence, fait entendre des exquises lumineuses et graves à la fois, sans esbroufes, comme une promesse pour l’avenir.

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Publié le 13 Février 2010

Simon Keenlyside
Récital du 12 février 2010 au Palais Garnier
Piano Malcolm Martineau

Faure
Mandoline op 58/1 (Verlaine) En sourdine op 58/2 (Verlaine) Green op 58/3 (Verlaine) Notre amour op 23/2 (Silvestre) Fleur jetée op 39/2 (Silvestre) Spleen op 51/3 (Verlaine)
Madrigal de Shylock op 57/2 (Haraucourt) Aubade op 6/1 (Pomey) Le papillon et la fleur op1/1 (Hugo)

Ravel                                    Schumann
Histoires naturelles                          Dichterliebe

Bis : Schubert : der Einsame, die Sterne D.939, Nachtviolen, Wanderer an den  Mond, Brahms : Wir wandelten

Touchant, avec une unité d’âme qui nous ramène à notre propre intériorité, et une humilité qui balaye si facilement le souvenir des vaines vanités de la vie, Simon Keenlyside offre un chant aussi marqué de gravité, qu’il peut s’éclaircir pour susurrer le charme subtil de la nature.

Le visage s’exprime, et retrouver ainsi une si pure vérité renvoie à chacun, je le crois, l’idée que la sincérité est une affaire de courage.   

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