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Publié le 19 Novembre 2022

Nocturne Vidéo enchantée (Schubert, Lekeu, Duparc, Brahms, Wolf, Liszt)
Concert du 18 novembre 2022
Amphithéâtre Olivier Messiaen (Opéra Bastille)

Franz Schubert – Wandrers Nachtlied I & II (1822) 
Poèmes de Johann Wolfgang Goethe (1776 / 1780)
Guillaume Lekeu – Nocturne (extrait de ‘Trois Poèmes’ – 1892)
Poème de Guillaume Lekeu (1892)
Henri Duparc – Romance de Mignon (1869)
Poème de Johann Wolfgang Goethe (1796)
Henri Duparc – L’Invitation au voyage (1870)
‘Les fleurs du mal’ de Charles Baudelaire (1857)
Johannes Brahms – Vier ernste Gesänge op.21 (1896)
Textes extraits de l’Ancien et du Nouveau testament
Guillaume Lekeu – Molto adagio sempre cantante doloroso (1886-1887)
‘Mon âme est triste jusqu’à la mort’
Johannes Brahms – Der Tod, das ist die kühle Nacht Op.96 (1884)
Poème de Heinrich Heine (1824)
Hugo Wolf – Mignon Lieder Op.96 (1888)
Poèmes de Johann Wolfgang Goethe (1795)
Franz Liszt – Wandrers Nachtlied I & II (1848 / 1859)
Poèmes de Johann Wolfgang Goethe (1776 / 1780)

Équipe artistique
Conception, réalisation, vidéo Denis Guéguin             
Adrien Mathona (Basse)
Scénographie Faustine Zanardo

Artistes de l’Académie de l’Opéra national de Paris
Laurence Kilsby (Ténor), Marine Chagnon (Mezzo-soprano), Seray Pinar (Mezzo-soprano), Thomas Ricart (Ténor), Adrien Mathonat (Basse), Martina Russomanno (Soprano), Andres Cascante (Baryton)
Carlos Sanchis Aguirre et Guillem Aubry (Piano)
Alexandra Lecocq (Violon), Keika Kawashima (Violon), Perrine Gakovic (Alto), Auguste Rahon (Violoncelle)

L’invitation au voyage, que présentent pour un seul soir à l’amphithéâtre Bastille les artistes lyriques de l’Opéra national de Paris, prend la forme d’un récital de lieder et de mélodies de compositeurs romantiques du XIXe siècle voué principalement à l’univers poétique de Goethe, pour lequel Denis Guéguin, artiste vidéaste associé à nombre de productions de Krzysztof Warlikowski, a repensé la forme visuelle en créant des résonances entre l’esprit des mots, la manière d’être des solistes et des images d’une envoûtante mélancolie.

Martina Russomanno - 'Mignon Lieder'

Martina Russomanno - 'Mignon Lieder'

Ode à la nuit et à la nature, allusion à la mort, aspiration au retour aux origines et à l’évitement des vanités du monde, mais aussi besoin de réconfort, sont racontés à travers une conception lyrique qui débute comme elle s’achève sur les paroles de ‘Wandrers Nachtlied’, portées, au début, par la musique de Franz Schubert, puis, à la toute fin, par celle de Franz Liszt.

Et en plein cœur du récital, l’auditeur est amené à découvrir la poignance du quatuor à cordes ‘Molto adagio’ composé par Guillaume Lekeu entre 1886 et 1887, qui s’ouvre comme il s’achève, lui aussi, sur le même motif méditatif du violoncelle.

Alexandra Lecocq (Violon), Keika Kawashima (Violon), Perrine Gakovic (Alto) et Auguste Rahon (Violoncelle) - 'Molto adagio' de Guillaume Lekeu

Alexandra Lecocq (Violon), Keika Kawashima (Violon), Perrine Gakovic (Alto) et Auguste Rahon (Violoncelle) - 'Molto adagio' de Guillaume Lekeu

Dans la lueur en contre-jour d’un projecteur, les quatre interprètes, Alexandra Lecocq, Keika Kawashima, Perrine Gakovic et Auguste Rahon, innervent cette pièce peu connue du compositeur belge d’une irrésistible virtuosité, mais aussi d’une douceur langoureuse qui s’étire et enfonce dans l’ombre alors que l’on discerne à peine les visages des musiciens.

C’est en fait sur l’écran situé en arrière-plan que l’on découvre les jeunes artistes filmés en noir et blanc dans une pose calme et rêveuse. Ils défilent avec la lenteur du mouvement musical.

Vidéo sur 'Molto adagio sempre cantante doloroso' de Guillaume Lekeu

Vidéo sur 'Molto adagio sempre cantante doloroso' de Guillaume Lekeu

Mais les premières images bleutées du spectacle renvoient à celles d’un vieux théâtre en ruine, à une vision poétique d’un temps passé et à des premières visions d’élévation et d’apesanteur.

Laurence Kilsky procure d’emblée beaucoup de charme aux Lieder de Schubert avec consistance et clarté lunaire, une sensation idéale pour entrer dans l’esprit du soir.

Le troisième poème, ‘Nocturne’, de Guillaume Lekeu, poète et compositeur à l'instar de Richard Wagner qu'il admirait, prolonge ce début intense et serein, seule séquence entièrement enregistrée par Marine Chagnon et le quatuor à cordes.

Seray Pinar - 'Romance de Mignon'

Seray Pinar - 'Romance de Mignon'

Puis, l’expressivité devient plus viscérale pour Henri Duparc, quand Seray Pinar fend l’espace sonore d’une intense luminosité teintée de gravité pour la ‘Romance de Mignon’ – intensité que l’on retrouvera plus loin dans ‘ Der Tod, das ist die kühle Nacht’ de Brahms - , alors que Thomas Ricart partage une générosité expansive dans ‘L’invitation au voyage’

La vidéographie complexifie les enchevêtrements d’espaces, notamment en insérant des images du château de Nymphenburg tirées de ‘L’année dernière à Marienbad’, film d’Alain Resnais qui avait aussi inspiré la production de ‘Die Frau ohne Schatten’ par Krzyzstof Warlikowski à l’Opéra d’État de Bavière en 2013.

Denis Guéguin altère ainsi réalité et imaginaire en donnant l’illusion de fondre l’image filmée du jeune ténor dans les scènes du Palais qui furent tournées il y a plus de 60 ans.

Une autre séquence cinématographique issue d'une autre production mise en scène à La Monnaie de Bruxelles en 2012, 'Lulu', apparait également en surimpression, celle d'une Lune un peu étrange, objet céleste fortement inspirant chez Goethe.

Vidéo sur 'Vier ernste Gesänge' de Johannes Brahms

Vidéo sur 'Vier ernste Gesänge' de Johannes Brahms

Et sur les ‘Quatre chants sérieux’ composés par Johannes Brahms en 1896 à Vienne, à partir de textes de l’Ancien et du Nouveau testament, Adrien Mathonat impose une stature impressionnante pour son jeune âge, donnant à sa présence l’autorité d’un ‘Prince Grémine’. Les images renvoient à la faiblesse humaine, à la dépression, puis à la joie simple en communion avec la nature, et l’évocation des vanités fait alors écho au crâne humain laissé au sol près du piano. 

Guillem Aubry (Piano) et Martina Russomanno (Soprano) - 'Mignon Lieder'

Guillem Aubry (Piano) et Martina Russomanno (Soprano) - 'Mignon Lieder'

C’est dans les ‘Mignon Lieder’ que la vidéo est ensuite utilisée de manière à mettre en valeur corps, visage et sentiments intérieurs de l’interprète, Martina Russomanno, qui incarne avec un grand sens de l’extériorisation adolescente, et un lyrisme vibrant et émouvant, les états d’âmes et le cœur battant décrits par Hugo Wolf.

L’image contribue à la sophistication du personnage, à l'expression du désir de séduire par la couleur des maquillages en bleu et violet, et à la mise en perspective du souvenir d’un être qui hante la mémoire.

Carlos Sanchis Aguirre (Piano)

Carlos Sanchis Aguirre (Piano)

Enfin, c’est à un retour à une bienveillante sérénité qu’Andres Cascante, au timbre doux et souriant, invite le spectateur à refermer ce livre ouvert sur la psyché humaine, où les deux pianistes, Carlos Sanchis Aguirre et Guillem Aubry, ont alternativement dispensé une expression poétique chatoyante et chaleureuse enveloppante pour les solistes tout au long de la soirée.

Carlos Sanchis Aguirre, Alexandra Lecocq, Guillem Aubry, Adrien Mathonat, Seray Pinar, Keika Kawashima, Auguste Rahon, Andres Cascante, Perrine Gakovic, Laurence Kilsby, Thomas Ricart et Martina Russomanno

Carlos Sanchis Aguirre, Alexandra Lecocq, Guillem Aubry, Adrien Mathonat, Seray Pinar, Keika Kawashima, Auguste Rahon, Andres Cascante, Perrine Gakovic, Laurence Kilsby, Thomas Ricart et Martina Russomanno

Le plus incroyable est qu’un tel moment d’évasion qui renvoie chacun à ses propres émotions, soigné dans sa mise en espace, en image et en lumière, qui se construit sur un choix de textes et de mélodies qui amène l’auditeur vers des découvertes musicales, et qui permet de le confronter à des expressions vocales très différentes, avec l’intention de le ramener en douceur au point de départ de ce voyage, n'a pu s'apprécier que le temps d'un soir.

Laurence Kilsby, Thomas Ricart, Denis Guéguin, Martina Russomanno, Carlos Sanchis Aguirre, Alexandra Lecocq et Guillem Aubry

Laurence Kilsby, Thomas Ricart, Denis Guéguin, Martina Russomanno, Carlos Sanchis Aguirre, Alexandra Lecocq et Guillem Aubry

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Publié le 28 Juillet 2022

Strauss, Brahms, Liszt, Wolf... Fauré, Duparc, Hahn, Mahler - Lieder allemands et français
Récital du 26 juillet 2022
Bayerische Staatsoper - Prinzregententheater

Karl Weigl Seele 

Nacht und Träume
Richard Strauss Die Nacht 
Johannes Brahms Nachtwandler
Hugo Wolf Die Nacht
Hans Sommer Seliges Vergessen

Bewegung im Innern
Max Reger Schmied Schmerz
Richard Strauss Ruhe, meine Seele
Johannes Brahms Der Tod, Nachtigall, Verzagen 
Franz Liszt Laßt mich ruhen

Mouvement intérieur
Gabriel Fauré Après un rêve
Reynaldo Hahn À Chloris, L'Énamourée
Henri Duparc Chanson triste
Gabriel Fauré Notre amour

Erlösung und Heimkehr
Max Reger Abend
Hugo Wolf Gebet
Richard Rössler Läuterung
Gustav Mahler Urlicht

Soprano Marlis Petersen
Piano Stephan Matthias Lademann

Issu du troisième CD de la série 'Dimensionen' intitulé 'Innen Welt' et édité en septembre 2019 chez Solo Musica, le florilège de lieder allemands et français présenté ce soir par Marlis Petersen et Stephan Matthias Lademann au Prinzregententheater de Munich a d'abord été diffusé sur le site internet de l'Opéra de Franfort le 28 mai 2021, avant que les deux artistes n'entâment une tournée allemande déjà passée par Nuremberg et Cologne.

Ces mélodies sont regroupées par thèmes, 'Nacht und Träume', 'Bewegung im Innern', 'Mouvement intérieur' et 'Erlösung und Heimkehr', et Marlis Petersen révèle un magnifiquement talent de conteuse lorsqu'elle présente au public chacun d'entre eux par un art du phrasé qui vous enveloppe le cœur avec une attention presque maternelle.

Marlis Petersen

Marlis Petersen

La première série dédiée à la nuit et aux rêves relie Richard Strauss, Johanne Brahms, Hugo Wolf et Hans Sommer par une même clarté et une présence humaine de timbre qui racontent des pensées, ou bien une vision inquiète du monde, avec une lucidité poétique d'une très grande expressivité qui ne verse cependant pas dans l'affect mélancolique.

Suivre le texte tout en écoutant cette grande artiste sculpter et développer les syllabes sous nos yeux et au creux de l'oreille fait naitre une fascination qui est le véritable moteur du plaisir ressenti.

Puis, à partir de 'Ruhe, meine seele' de Richard Strauss, Marlis Petersen fait ressortir des graves plus sombres et des exultations plus tendues qui élargissent l'univers de ses sentiments non exempts de colère. Elle dépeint ainsi une personnalité plus complexe ce qui accroit la prégnance de son incarnation toute éphémère qu'elle soit.

Marlis Petersen

Marlis Petersen

Mais la surprise de la soirée survient au cours du troisième thème 'Mouvement intérieur' où les mélodies 'Après un rêve' de Fauré et 'A Cloris' de Reynaldo Hahn, en particulier, sont d'une telle beauté interprétative que la délicatesse des teintes et des nuances qui s'épanouissent engendre une émotion profonde irrésistible.

A l'entendre défendre avec un tel soin un répertoire aussi difficile et dans une langue qui n'est pas la sienne, on se prend à rêver de la découvrir dans le répertoire baroque français le plus raffiné tant son phrasé est magnifiquement orné.

Marlis Petersen et Stephan Matthias Lademann

Marlis Petersen et Stephan Matthias Lademann

Le rythme reste ensuite plus lent qu'au début, tout en réunissant Reger, Wolf et Rössler autour de leurs expressions les plus méditatives, et Marlis Petersen achève ce voyage plus bucolique que noir par le seul lied qui n'apparait pas sur son enregistrement, 'Urlicht' de Gustav Mahler, portée par le désir de revenir à une lumière qui lui est bien naturelle avec toujours cet art ample du déploiement des mots aux couleurs ambrées.

Et en bis, 'Träume' de Richard Wagner et 'Nacht und Träume' de Franz Schubert comblent une soirée où le toucher crépusculaire de Stephan Matthias Lademann aura entretenu un esprit nimbé de classicisme perlé et méticuleux.

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Publié le 23 Mai 2017

Damien Bigourdan
Henri Duparc – Chansons tristes
Récital du 22 mai 2017

Les lundis musicaux
Athénée – Théâtre Louis-Jouvet

Henri Duparc      15 mélodies (1864-1886)
                            Feuilles volantes (1869)
Richard Wagner  Elégie (1869)

Ténor Damien Bigourdan
Soprano Elise Chauvin
Piano Alphonse Cemin

                                    Elise chauvin (Soprano)

 

Alors que Paris est à l'orée de l’été, le Théâtre de l’Athénée accueille en ce lundi soir le comédien, metteur en scène et ténor Damien Bigourdan, venu interpréter, en compagnie d’Elise Chauvin, 15 des 17 mélodies que composa Henri Duparc entre 1864 et 1886. Néanmoins, Le Galop et Testament, inspirées des poèmes de Sully Prudhomme et d' Armand Silvestre, sont omises.

Damien Bigourdan (ténor) - le 22 mai 2017, Théâtre de l'Athénée

Damien Bigourdan (ténor) - le 22 mai 2017, Théâtre de l'Athénée

Debout et seul en avant du piano, l’attitude solidement ancrée au sol et le front éclairé par un faisceau tombant d’aplomb qui dépeint des ombres tristes et mortifères sur son visage, l’artiste met son sens inné du théâtre au service de ces vers, afin d’en tirer la saveur expressive et le chagrin poignant.

Certes, la tonalité musicale sollicite la tessiture la plus élevée de sa voix et extirpe de son âme des déchirements tourmentés teintés d’effets blafards, mais c’est dans les profondeurs vocales d’un médium large et viscéral qu’il donne le plus de corps à ces airs mélancoliques et fortement présents.

Il semble être à l’art du chant ce qu’Egon Schiele est à la peinture, car il ose exprimer sans détour l’évocation physique de la mort.

Alphonse Cemin (pianiste) - le 22 mai 2017, Théâtre de l'Athénée

Alphonse Cemin (pianiste) - le 22 mai 2017, Théâtre de l'Athénée

C’est Elise Chauvin, soprano au timbre éperdu, dispensatrice de jolis effets sur le poème de Théophile Gautier Au pays où se fait la guerre, qui interprète deux mélodies au tempérament féminin, sous des éclairages frontaux qui l’illuminent et l’allègent ainsi du poids dramatique que porte son partenaire.

Et Alphonse Cemin, au piano et à leur côté, les nimbe d’une atmosphère poétique et cristalline qui adoucit naturellement l’ensemble de la composition.

Scène et salle de l'Athénée

Scène et salle de l'Athénée

Il entrecoupe également le récital d’interludes basés sur la musique des Feuilles volantes, œuvre qu’Henri Duparc créa en 1869, l’année où il rencontra Richard Wagner. En ce souvenir, son Elégie, un chant de deuil, est jouée juste avant la dernière mélodie, car elle prit vie, elle aussi, l’année de la création de l’Or du Rhin.

Et après un simple et bel hommage à ses amis et à sa femme, Damien Bigourdan a finalement offert à ses auditeurs une chanson de Jacques Brel, interprétée, cette fois, avec l’accent si symbolique de l’univers du poète.

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