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Publié le 24 Décembre 2024

Visite de l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet avec l’Association pour le Rayonnement de l’Opéra de Paris (AROP) - 14 novembre 2024

Inauguré le 07 janvier 1883, l’Eden Théâtre était un grand théâtre, véritable palais du divertissement de style indien situé sur la rue Boudreau, à quelques pas du Palais Garnier, qui connut les premières parisiennes de ‘Lohengrin’ de Richard Wagner, le 03 mai 1887, d’’Ali Baba’ de Charles Lecocq, le 28 novembre 1889, et de ‘Samson et Dalila’ de Camille Saint-Saëns, le 31 octobre 1890.

Les artisans qui contribuèrent à l’édification du théâtre furent les mêmes que ceux qui participèrent à la construction du Palais Garnier, inauguré le 05 janvier 1875.

Entrée principale de l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet, square de l’Opéra

Entrée principale de l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet, square de l’Opéra

Mais cette salle, renommée successivement Théâtre Lyrique – il ne s’agit toutefois pas du célèbre Théâtre Lyrique dont la salle avait été détruite en 1871 – puis Grand Théâtre, ferma pour raisons économiques et fut démolie, hormis un de ses trois foyers qui marchait bien et qui avait été reconverti dès 1893 en un théâtre dédié à la musique et à la danse. 

Créations parisiennes de 'Lohengrin', 'Ali Baba' et 'Samson et Dalila' à l'Eden Théâtre

Créations parisiennes de 'Lohengrin', 'Ali Baba' et 'Samson et Dalila' à l'Eden Théâtre

D'une capacité d'environ 500 places, le théâtre prit le nom de Comédie Parisienne en 1893 – c’est ici que la pièce d’Oscar Wilde, ‘Salomé’, sera créée le 11 février 1896 -, puis fut à nouveau transformé en 1896, ce qui engendra notamment le déplacement de sa façade de style Art nouveau, parcourue de fleurs courbes d’inspiration féminine, du côté du square de l’Opéra afin de rendre son accès plus simple et plus intime.

Ce théâtre était l’un des premiers théâtres électrifiés de la capitale, le désastre de l’incendie de la salle Favart, le 25 mai 1887, ayant entraîné l’obligation de passer tous les théâtres à l’éclairage électrique.

A partir de 1899, Abel Deval y programma des œuvres de Tristan Bernard, Henry Bataille, Jean Richepin, Louis Verneuil, Robert de Flers et Arman de Caillavet.

Hall d'accueil de l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet

Hall d'accueil de l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet

En 1934, Louis Jouvet, acteur, metteur en scène mais aussi directeur de la Comédie des Champs-Élysées, reprit l’Athénée, renommé ainsi depuis l'inauguration de 1896, ce qui enclencha un changement de répertoire. Homme de théâtre complet, il travailla avec le peintre et décorateur Christian Bérard, ainsi que le couturier Christian Dior. Il sera le premier à utiliser de la musique enregistrée.

On lui doit la réalisation de l’actuel rideau de fer de la scène recouvert d’un très beau papier peint doré qui date de l’époque du directeur.

Il fit cependant un malaise lors d’une répétition, le 14 août 1951, et décéda deux jours plus tard au sein du théâtre. Les obsèques furent célébrées à l’église Saint-Sulpice le mardi 21 août, mais vingt mille admirateurs ne purent entrer dans la nef.

Visite des coulisses au cœur de l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet

Puis, en 1977, Pierre Bergé racheta et rénova le théâtre. Il créa les ‘Lundis musicaux’ pour accueillir de grandes voix lyriques, soit plus de 250 récitals avec des chanteurs tels Plácido Domingo, Luciano Pavarotti, Marilyn Horne, José van Dam, Teresa Berganza, Jessye Norman, Montserrat Caballé, Kiri Te Kanawa, Ruggero Raimondi, Felicity Lott, Barbara Hendricks, aventure exceptionnelle qui durera jusqu’en 1989.

C’est seulement en 2014 qu’Alphonse Cemin, ancien membre de l’Atelier lyrique de l’Opéra de Paris, décida de remonter les ‘Lundis musicaux’ pour accueillir des chanteur actuels.

Salle Louis-Jouvet

Salle Louis-Jouvet

Pierre Bergé créa également, à la place de l’ancienne réserve de costumes de Louis Jouvet située dans les combles, une petite salle de 90 places baptisée du nom de Christian Bérard.

Initialement dédiée à Yves Saint-Laurent pour qu’il puisse s’essayer à la mise en scène, cette salle est désormais destinée à des cycles de jeunes créations, et soutient notamment l’association ‘Prémisses’ qui accueille en 2024 des spectacles tels ‘La Cavale’ de Noham Selcer mis en scène par Jonathan Mallard, dont le monologue interprété par Ambre Febvre interroge l’origine de la peur ancestrale.

Chaque année, ce sont huit projets joués pour 10 représentations chacun qui sont présentés au public.

Salle Christian-Bérard

Salle Christian-Bérard

En 1982, Pierre Bergé revend cependant le théâtre pour 1 franc symbolique au Ministère de la culture qui en assurera la tutelle. Jack Lang confie la direction à Josyane Horville afin d’offrir un outil de travail aux compagnies subventionnées pour y produire du théâtre pur. Chaque metteur en scène aura la scène pour trois mois, et, au total, une centaine de compagnies seront invitées.

La salle Louis-Jouvet vue de la galerie

La salle Louis-Jouvet vue de la galerie

Puis, Josyane Horville laissa la place à Patrice Martinet en 1993 qui lança une importante campagne de travaux de 1996 à 1997. A cette occasion, fut révélée la présence d’une fosse d’orchestre, ce qui permit d’envisager une programmation musicale. Initialement prévue pour 15 musiciens, cette fosse fut étendue de façon à accueillir jusqu’à 35 musiciens.

Depuis les hauts des cintres de l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet

Depuis les hauts des cintres de l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet

La scène fait actuellement 8m par 8m de largeur et de profondeur, et 6 m de hauteur jusqu’au lambrequin qui orne la partie supérieure.

Un système de perches et un système de commande en chambre permettent de supporter et manœuvrer les décors, mais il est aussi possible d’œuvrer en manuel, ce qui permet de faire des réglages plus fins auprès des comédiens, sans faire de bruit.

Système de commande des perches

Système de commande des perches

Depuis les passerelles, il est possible de voir les tiges en acier avec les commandes en chambre et tout le système qui permet de manipuler les perches.

Ainsi, une fois les pains de contrepoids installés, il n y a plus d’effort physique à faire pour manipuler les perches.

L'envers du plafond du lustre de la salle

L'envers du plafond du lustre de la salle

Au même niveau des passerelles, il est aussi possible de voir le dessus du plafond du lustre de la salle, recouvert de plâtre peint, où subsistent quelques restes de l’Eden Théâtre.

Détails restants de l'Eden Théâtre

Détails restants de l'Eden Théâtre

La salle comprend 216 places à l’orchestre, 154 en corbeille, 122 au balcon et 57 en galerie, soit 549 places au total.

A l’origine, il y avait deux entrées, l’une principale pour l’orchestre et la corbeille, la seconde pour le balcon et la galerie.

Cela a changé depuis, et tout le monde pénètre dorénavant dans le théâtre par la même entrée.

Couloir de corbeille de l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet

Couloir de corbeille de l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet

Enfin, une rénovation eut lieu en 2016 et 2017 afin de revoir la décoration intérieure, et depuis 2021, ce sont Olivier Poubelle et Olivier Mantei qui assurent la direction du théâtre, désireux tous deux d’associer l’Athénée au Théâtre des Bouffes du Nord.

Le foyer-bar de l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet vu depuis le foyer-mezzanine

Le foyer-bar de l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet vu depuis le foyer-mezzanine

Le lien vers le site de l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet https://www.athenee-theatre.com/

Le lien vers le site de Premisses Production https://premissesproduction.com/le-projet/

Le lien vers le site du Théâtre des Bouffes du Nord https://www.bouffesdunord.com/

Le lien vers le site de l' AROP : https://arop.operadeparis.fr/

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Publié le 24 Février 2024

Pelléas et Mélisande (Claude Debussy – Opéra Comique, le 30 avril 1902)
Représentations du 15 et 21 février 2024
Athénée Théâtre – Louis Jouvet

Pelléas Jean-Christophe Lanièce
Mélisande Marthe Davost
Golaud Halidou Nombre
Arkel Cyril Costanzo
Geneviève Marie-Laure Garnier
Yniold Cécile Madelin
Pianiste Martin Surot (le 15), Jean-Paul Pruna (le 21)
Mise en scène Moshe Leiser et Patrice Caurier

Production : Fondation Royaumont.
Coproduction Châteauvallon-Liberté, La Scène nationale d’Orléans, Nouvelle scène nationale de Cergy-Pontoise et du Val d’Oise, Art et Création du Perreux-sur-Marne, Le Parvis Scène Nationale Tarbes-Pyrénées, Opéra de Vichy, Clermont-Auvergne Opéra, Saint-Quentin en Yvelines.

 

Créée le 15 janvier 2022 à Châteauvallon-Liberté, la scène national de Toulon, la production de ‘Pelléas et Mélisande’ mise en scène par Moshe Leiser et Patrice Caurier avec de jeunes chanteurs a circulé partout en France en 2022 et 2023, et fait enfin escale à Paris, au Théâtre de l’Athénée, quelques jours après Vichy, pour pas moins de 6 représentations.

Marthe Davost (Mélisande) et Jean-Christophe Lanièce (Pelléas)

Marthe Davost (Mélisande) et Jean-Christophe Lanièce (Pelléas)

Il y a toujours une appréhension à aller entendre une œuvre d’une grande puissance orchestrale donnée dans une version intégrale mais jouée au piano, ce qui, inévitablement, devrait la dépouiller d’une part de son mystère.

Et pourtant, c’est bien à une interprétation captivante qu’il est donné d’assister, tous ces excellents artistes étant doués, d’une part, d’une réelle force dramatique, et, d’autre part, de qualités d’élocution permettant de saisir l’essence du texte colorée par des timbres vocaux contrastés.

Halidou Nombre (Golaud) et Marthe Davost (Mélisande)

Halidou Nombre (Golaud) et Marthe Davost (Mélisande)

Moshe Leiser et Patrice Caurier contiennent l’action en une pièce unique située à l’avant-scène, délimitée à l’arrière par un long mur en contreplaqué, fendu d’une unique porte centrale. Un canapé, deux fauteuils et le piano, seuls objets de salon, serviront de reliefs imaginaires, évoquant balcon, fontaine ou surplomb d’un puits, concentrant ainsi l’action en un huis-clos oppressant.

Les lumières latérales qui se réféchissent sur la paroi longitudinale créent des jeux d’ombres et des ambiances plus ou moins crépusculaires, et permettent aussi de resserrer l’intimité des scènes entre Pelléas et Mélisande.

 Jean-Paul Pruna, Marie-Laure Garnier (Geneviève) et Cyril Costanzo (Arkel)

Jean-Paul Pruna, Marie-Laure Garnier (Geneviève) et Cyril Costanzo (Arkel)

Arkel, chanté par Cyril Costanzo, qui participera prochainement au ‘Platée’ de Rameau à l’opéra de Versailles, puis à ‘Médée’ de Charpentier au Teatro Real de Madrid, est incarné avec beaucoup de clarté sincère et de vibration émotive.

Désormais en fauteuil roulant, son empathie pour autrui le pousse à s’en extraire pour permettre à Golaud, puis Mélisande, de se reposer de leurs tensions. Chef de famille attentionné, même son regard sur la jeune femme est teinté de fascination, mais avec retenue et délicatesse.

Marie-Laure Garnier (Geneviève)

Marie-Laure Garnier (Geneviève)

Marie-Laure Garnier, qui impose une Geneviève très stable émotionnellement, attentive à ce qui se joue avec une véritable solidité intérieure, lui offre une jeunesse de timbre ambrée que l’on entend rarement dans ce rôle, doublée par une netteté de prononciation qui renforce tout ce qu’il y a de bienveillant en cette femme soucieuse des états d’âme de sa famille.

Halidou Nombre (Golaud) et Cécile Madelin (Yniold)

Halidou Nombre (Golaud) et Cécile Madelin (Yniold)

Le Golaud d’Halidou Nombre, ultérieurement Enée dans ‘Didon et Enée’ de Purcell à l’opéra de Versailles, est joué en apparence comme un homme de raison, mais dont l’impulsivité intériorisée peut très vite le faire changer de visage. 

Son regard sur Mélisande et Pelléas est une emprise en soi, son chant sombre et naturaliste donne du poids à chacun de ses mots qui transmettent à l’auditeur ses intentions avec presque de l’effroi, et les metteurs en scène le chargent d’une agressivité qui s’exprime et se libère au fur et à mesure.

Le texte pris au mot, il étouffe de sa masse Pelléas, lors de la scène de la grotte, se décharge physiquement de sa violence sur Mélisande, et exécute Pelléas avec une froideur assumée.

Et en même temps, l’humain en lui reste prégnant, car se ressent aussi une souffrance en Golaud.

Marthe Davost (Mélisande) et Jean-Christophe Lanièce (Pelléas)

Marthe Davost (Mélisande) et Jean-Christophe Lanièce (Pelléas)

Avec une couleur vocale très proche de celle de Golaud dans le médium, et un délié plus lyrique qui s’éclaire dans les aigus, Jean-Christophe Lanièce, le futur Saül dans ‘David et Jonathas’ de Charpentier au Théâtre des Champs-Élysées, est extraordinaire par la simplicité qu’il donne à Pelléas, avec une poésie extrêmement touchante. Il a l’art d’exprimer les tressaillements des sentiments avec un mélange de vérité et de souplesse vocale qui rendent tout juste en lui.

Cécile Madelin, Halidou Nombre, Marthe Davost, Jean-Christophe Lanièce, Marie-Laure Garnier, Cyril Costanzo et Jean-Paul Pruna

Cécile Madelin, Halidou Nombre, Marthe Davost, Jean-Christophe Lanièce, Marie-Laure Garnier, Cyril Costanzo et Jean-Paul Pruna

Et Marthe Davost, Mélisande d’une très belle unité de timbre, exprimant l’oppression du cœur et une féminité innocente, joue, elle aussi, un personnage en quête de vie et de lumière, prise entre désir de séduire et convention sociale. Et tout ce qu’elle dit est d’une intelligibilité que l’on n’obtient pas toujours dans les grandes interprétations orchestrales.

Enfin, Cécile Madelin fait grandir Yniold avec ses touches d’espièglerie qui en font moins un ingénu manipulé par Golaud, qu'un être joueur laissant ondoyer et varier les couleurs au fil des émotions.

Marie-Laure Garnier, Halidou Nombre et Cécile Madelin

Marie-Laure Garnier, Halidou Nombre et Cécile Madelin

Que ce soit Martin Surot ou Jean-Paul Pruna au piano, l’atmosphère musicale debussyste est d’une empreinte poignante, d’une plénitude de résonance qui mêle noirceur et pureté cristalline, en rendant saillants les motifs mélodiques récurrents de la partition. Et c’est la cohésion d’ensemble de cet univers austère et désenchanté qui charge le drame, et qui donne envie de le revoir sans réserve, parce ce monde est sans artifice et sans fausse légèreté.

Moshe Leiser, Patrice Caurier et Halidou Nombre

Moshe Leiser, Patrice Caurier et Halidou Nombre

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Publié le 13 Février 2024

‘Sein oder Nichtsein’
Récital du 12 février 2024
Théâtre de l’Athénée Louis-Jouvet

Johannes Brahms      Fünf Lieder der Ophelia WoO 22 (1873)
                                  Sech Lieder op.97/1 Nachtigall (1885)
Felix Mendelssohn    Sech Lieder op.71/4 Schilflied (1842)
Hugo Wolf                Mörike Lieder No. 42 Erstes Liebeslied eines Mädchens (1888)
Arthur Honegger      Trois chansons extraites de La Petite Sirène de Hans Christian Andersen (1926)
Franz Schubert         Rosamunde D 797 - Romanze ‘Der Vollmond strahlt auf Bergeshöh'n’ (1823)
Richard Strauss        Drei Lieder der Ophelia op. 67 (1918)
Kurt Weill                Das Berliner Requiem - Die Ballade vom ertrunkenen Mädchen (1928)
Robert Schumann    Sechs Gesänge op.107/1 Herzeleid (1851)
Hector Berlioz         Tristia op.18/2 La mort d'Ophélie (1842)
Franz Schubert        Der Tod und das Mädchen, opus 7 no 3, D.531 (1817)
John Dowland         Sorrow, Stay (1600)
Lecture de textes de William Shakespeare, Georg Heym, Heiner Müller & Georg Trakl

Bis       Kurt Weill    L'Opéra de Quat'sous, Liebeslied (1928)

Soprano Anna Prohaska
Voix Lars Eidinger
Piano Eric Schneider

A l’occasion des 400 ans de la mort de William Shakespeare, la soprano Anna Prohaska, l’acteur berlinois Lars Eidinger et le pianiste Eric Schneider ont donné à la salle Mozart de l’'Alte Oper’ de Frankfurt, le 01 décembre 2016, un concert en hommage au dramaturge anglais, élaboré à partir d’un programme regroupant des mélodies de différents compositeurs dédiées à la figure féminine d’Ophélie.

Eric Schneider, Lars Eidinger et Anna Prohaska

Eric Schneider, Lars Eidinger et Anna Prohaska

Depuis, ce récital a été repris dans plusieurs villes allemandes telles Potsdam et Dresde, et c’est le Théâtre de l’Athénée qui offre l’opportunité de l’entendre à Paris, quasiment à l’identique, moyennant un léger arrangement : ‘Mädchenlied’, le 6e des ‘Sieben Lieder’ op. 95 de Brahms, et ‘Am See’ D746 de Schubert ne sont pas repris, mais une ballade de Kurt Weill ‘Die Ballade vom ertrunkenen Mädchen’, extraite de son 'Requiem Berlinois', un texte sur la guerre, est ajoutée et chantée par Lars Eidinger qui alterne voix basse et voix de tête détimbrée pour en exprimer sa sensibilité.

Eric Schneider et Anna Prohaska

Eric Schneider et Anna Prohaska

Au total, dix compositeurs de John Dowland, contemporain de Shakespeare, à Kurt Weill, en passant par Brahms, Schubert, Mendelssohn, Wolf ou Strauss, sont réunis pour faire vivre la folie de l'âme doucereusement mélancolique de celle qui ne put épouser le Prince Hamlet

Les textes évoquent la quiétude d’eaux sombres dans une atmosphère nocturne, et Anna Prohaska les chante en ne sollicitant que sa tessiture aiguë, souple à la clarté âpre, évoquant ainsi une forme de plénitude à la recherche du visage de la mort, son corps semblant onduler à la faveur des ondes d’un lac imaginaire.

Anna Prohaska et Lars Eidinger

Anna Prohaska et Lars Eidinger

Dans les chansons extraites de ‘La Petite Sirène’ d’Arthur Honegger, sa prosodie est impeccablement nette, et cette forme de joie funèbre se trouve confortée par la charge qu’imprime Eric Schneider au toucher de son piano, tout le long du récital, un son dense, vibrant profondément, le poids de chaque note semblant méticuleusement calculé et appuyé en résonance avec les mots.

Au creux de l’atmosphère de ce lundi soir, pratiquement dénuée de la moindre toux, seuls quelques craquements de sièges signalent la présence des auditeurs, et le regard intériorisé de Lars Eidinger, lui qui peut être des plus exubérants, est ici au service de textes de Shakespeare, un de ses auteurs de prédilection, qu’il incarne dans un esprit totalement recueilli.

Lars Eidinger, Anna Prohaska et Eric Schneider

Lars Eidinger, Anna Prohaska et Eric Schneider

Et en bis, Anna Prohaska et Lars Eidinger entonnent le 'Liebeslied' de l''Opéra de Quat'sous' de Kurt Weill, pour offrir une image finale plus heureuse.

En à pleine plus d’une heure, on se serait cru à une soirée musicale à Berlin ou Munich, se laissant aller avec joie à la sérénité de sentiments noirs, poétisés magnifiquement par trois artistes d’une sincère humilité.

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Publié le 15 Janvier 2023

Un mois à la campagne (Ivan Tourgueniev – 1850, création à Moscou en 1872)
Traduction Michel Vinaver – Texte publié aux éditions L’Arche Editeur (2018)
Représentation du 11 janvier 2023
Théâtre de l’Athénée Louis-Jouvet

Alexeï Nikolaïtch Beliaev Louis Berthélémy
Natalia Petrovna Clémence Boué
Athanase Ivanovitch Bolchintsov Jean-Noël Brouté
Mikhaïl Alexandritch Rakitine Stéphane Facco
Anna Semionovna Islaïeva Isabelle Gardien
Véra Alexandrovna Juliette Léger
Arkady Serguïeitch Islaïev Guillaume Ravoire
Lizaveta Bogdanovna Mireille Roussel
Ignace Ilitch Chpiguelski Daniel San Pedro
Kolia Lucas Ponton

Mise en scène Clément Hervieu-Léger, sociétaire de la Comédie Française
Production déléguée La Compagnie des Petits Champs

Création : novembre 2022 au Théâtre des Célestins – Lyon

Coproduction Théâtre des Célestins, Scène Nationale d’Albi, Théâtre de Caen, Théâtre de Chartres – Scène conventionnée d’intérêt national Art et Création, Maison de la Culture d’Amiens, La Coursive – Scène nationale de La Rochelle, et avec la participation artistique du Jeune théâtre national.

En mars 2018,  Alain Francon mis en scène au Théâtre Déjazet ‘Un mois à la campagne’ d’ Ivan Tourgueniev dans une nouvelle traduction de Michel Vinaver, romancier familier de la langue russe.

Cette pièce, qui n’a plus été montée à la Comédie Française depuis 1997, ne raconte pas une action en soi, mais laisse plutôt se développer des méandres amoureux et des analyses sans fin d’une famille aisée de la campagne russe qui se trouve bouleversée par l’arrivée, en début de mois, d’un jeune étudiant, Alexeï Nikolaïtch Beliaev, chargé de l’éducation de Kolia, le fils des propriétaires Natalia Petrovna et Arkady Serguïeitch Islaïev.

Bien avant Anton Tchekhov, Ivan Tourgueniev aborde ainsi le thème des sentiments intérieurs qui se jouent des classes sociales, au point d’arriver à faire imploser des relations humaines socialement bien établies, et à obliger tout le monde à se séparer.

Louis Berthélémy (Beliaev) et Clémence Boué (Natalia Petrovna)

Louis Berthélémy (Beliaev) et Clémence Boué (Natalia Petrovna)

Clément Hervieu-Léger, comédien et sociétaire de la Comédie Française (2018), présente au Théâtre de l’Athénée sa propre mise en scène d’‘Un mois à la campagne’ avec les acteurs de La Compagnie des Petits Champs qu’il a créé en 2010 avec Daniel San Pedro. Il met de côté le caractère pittoresque original de la pièce en lui donnant une modernité banale, sans forcer le trait, qui s’insère naturellement dans la réalité humaine d’aujourd’hui.

Il peut ainsi compter sur Clémence Boué qui fait de Natalia Petrovna la parfaite bourgeoise actuelle sûre de son contrôle sur son entourage, mais aussi capable de manifester une véritable attention à l’autre. Et ce qui est intéressant dans sa manière de faire évoluer son personnage est, certes, qu’elle fait apparaître comment elle est perturbée par ses sentiments pour le jeune homme, mais sans chercher à tout tourner au tragique, tout en laissant un esprit de dérision mélancolique s’installer alors qu’elle veut rester une femme forte.

Louis Berthélémy (Beliaev)

Louis Berthélémy (Beliaev)

Louis Berthélémy n’est d’ailleurs pas tout à fait un Beliaev évanescent et innocent dans cette relation complexe. Le jeune acteur affiche un certain détachement séducteur, mais lorsque les aveux deviennent clairs entre l’étudiant et la maîtresse de maison, la nervosité de son personnage traduit des conflits intérieurs, comme si tout n’était pas aussi pur en lui.

On ne peut inévitablement s’empêcher de sourire à la tentative de rationalisation à outrance qu’offrent Guillaume Ravoire et Stéphane Facco, lorsqu’Arkady, le mari de Natalia, pense que c’est Rakitine dont elle est amoureux. Se joue une explication qui se veut posée, tout à fait à l’image d’un milieu qui prétend pouvoir dominer les passions humaines.

C’est ce jeu très fin entre humour contrôlé et posture pas trop monolithique qui évite de rendre les échanges ennuyeux, et qui fait la saveur de cette représentation.

Juliette Léger (Véra) et Clémence Boué (Natalia Petrovna)

Juliette Léger (Véra) et Clémence Boué (Natalia Petrovna)

Plus étonnant est le traitement de Kolia, incarné par Lucas Ponton, qui est volontairement enserré dans des habits étroits, un peu étouffants, qui semblent indiquer que ce jeune garçon est contraint par une éducation qui ne sait pas enseigner la liberté d’être soi. Le dernier tableau où on le voit jouer avec le cerf volant que l’étudiant lui a appris à fabriquer annonce peut-être le début d’une prise de conscience.

Car on ne peut s’empêcher d’être un peu gêné par ce milieu, très bien rendu, où le voisin Athanase (Jean-Noël Brouté), le docteur Ignace (Daniel San Pedro), par exemples, incarnent des rôles plus que des êtres.

La puissance scénique de Mireille Roussel, la gouvernante, fait un excellent contrepoids car tout paraît grave et entier chez elle, simplement par le regard et les attitudes.

Isabelle Gardien (Anna Islaïeva), Mireille Roussel (Lizaveta) et Stéphane Facco (Rakitine)

Isabelle Gardien (Anna Islaïeva), Mireille Roussel (Lizaveta) et Stéphane Facco (Rakitine)

Règne ainsi une très belle unité entre tous ces caractères assez différents, Juliette Léger tirant Véra  sur son naturel frénétique, et Isabelle Gardien, qui a quitté la troupe de la Comédie Française en 2010, faisant vivre chez Anna Islaïeva une sévère autorité qui n’échappera pas, elle aussi, aux émotions profondes.

La pièce dure un peu plus de deux heures, les éléments scéniques, tréteaux, meubles et éclairages chaleureux restent assez simples, et le plaisir, tout comme la concentration, sont favorisés par l’intimité de la salle de l’Athénée qui est un lieu idéal pour s’imprégner de toutes ces réflexions obsédantes et très humaines. Et quelle surprise, en tout début de représentation, que d'entendre un air enregistré de l'opéra de Vincenzo Bellini 'I Capuleti e i Montecchi', version belcantiste de 'Roméo et Juliette', qui traduit peut-être l'aspiration amoureuse profonde de Natalia Petrovna.

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Publié le 22 Juin 2022

Mon amant de Saint-Jean
Récital du 20 juin 2022
Théâtre de l'Athénée Louis-Jouvet

Marin Marais
Prélude et Passacaille en Mi Mineur (1701)

Anonyme
J’ai perdu ma jeunesse
Dans mon jardin à l’ombre
La Fille du Roi Louis

Johann Vierdanck
Canzona en Do Majeur (1641)

Claudio Monteverdi
L’Arianna, « Lamento d’Arianna » (1608)

Francesco Cavalli
L
’Egisto « Lasso io vivo » (1643)

Paul Marinier
D’elle à lui (1898)

Paul Delmet, musique, Maurice Vaucaire, paroles
Les Petits Pavés (1891)

Raymond Legrand, musique, Guy breton, paroles
Les Nuits d’une demoiselle (1963)

Léon Fossey, musique, H. et T. Coignard, paroles
Les Canards tyroliens (1869)

Charles André Cachan, musique, Maurice Vandair, paroles
Où sont tous mes amants ? (1935)

Émile Carrara, musique, Léon Agel, paroles
Mon amant de Saint-Jean (1942)

Mezzo-soprano Stéphanie d’Oustrac
Mise en scène et lumières Marie Lambert-Le Bihan
Direction, arrangements, Théorbe Vincent Dumestre

Le Poème Harmonique
Violons Fiona-Émilie Poupard, Louise Ayrton
Viole de gambe Lucas Peres
Violoncelle Pauline Buet
Accordéon Vincent Lhermet
Basson, flûtes Nicolas Rosenfeld

Coproduction Opéra de Rouen, Normandie, Château d’Hardelot, département du Pas-de-Calais dans le cadre du Midsummer Festival

Diffusé le 07 mai 2021 en streaming en fin de confinement depuis la Chapelle Corneille de Rouen, le spectacle créé par Vincent Dumestre et son ensemble Le Poème Harmonique avec Stéphanie d’Oustrac prend dorénavant le chemin des lieux de concerts.

Stéphanie d'Oustrac

Stéphanie d'Oustrac

‘Mon amant de Saint-Jean’ est raconté comme un voyage à travers la vie amoureuse d’une femme musicienne imaginaire, en partant de musiques composées au XVIIe et XVIIIe siècle qui laissent progressivement place à des chansons écrites au XIXe siècle jusqu’à la seconde Guerre Mondiale.

Ainsi, la joie chaleureuse de cet ensemble de 6 instruments anciens introduit cette soirée au motif nostalgique de la flûte de Nicolas Rosenfeld, et s'accomplit lorsque l’accordéon de Vincent Lhermet rejoint l’orchestre pour y fondre une sonorité populaire plus contemporaine.

Nicolas Rosenfeld (Flûte), Fiona-Émilie Poupard et Louise Ayrton (Violons), Stéphanie d'Oustrac, Pauline Buet (Violoncelle), Lucas Peres (Viole de gambe), Vincent Dumestre (Théorbe) et Vincent Lhermet (Accordéon)

Nicolas Rosenfeld (Flûte), Fiona-Émilie Poupard et Louise Ayrton (Violons), Stéphanie d'Oustrac, Pauline Buet (Violoncelle), Lucas Peres (Viole de gambe), Vincent Dumestre (Théorbe) et Vincent Lhermet (Accordéon)

Stéphanie d’Oustrac arrive par surprise depuis le parterre, côté jardin, en chantant sa première mélodie ‘J’ai perdu ma jeunesse’ auprès des musiciens, et l’on aurait envie de lui répondre qu’il n’en est rien tant elle semble inchangée au souvenir de la jeune italienne ‘Argie’ qu’elle incarnait sur la scène du Théâtre du Châtelet en 2004 dans ‘Les Paladins’ de Jean-Philippe Rameau.

Elle se présente comme faisant partie d’une compagnie itinérante, raconte son parcours, puis, le temps de se changer sur la musique de Johann Vierdanck, elle réapparaît dans une superbe robe à collerette dorée pour interpréter deux grands airs baroques, le ‘Lamento d’Arianna’ de Monteverdi – un air qui revient décidément à la mode et qu’il était possible d’entendre à Munich quelques jours auparavant dans la production de ‘Bluthaus’ – et ‘Lasso io vivo’ extrait de ‘L’Egisto’ de Cavalli.

Nicolas Rosenfeld (Flûte), Fiona-Émilie Poupard (Violon) et Stéphanie d'Oustrac

Nicolas Rosenfeld (Flûte), Fiona-Émilie Poupard (Violon) et Stéphanie d'Oustrac

Sa voix agit comme un baume de raffinement qui puise dans les nuances ombrées d’un timbre homogène dont elle délie les plaintes avec une tendresse qui se transforme en courroux tendre. Puis, en  s’allégeant de sa robe pour retrouver une tenue affinée en rouge et noir, les touches discrètes de l’accordéon amorcent la transition vers des chansons plus réalistes.

Il s’agit d’un voyage à travers les évocations de chanteurs mythiques tels Barbara qui interpréta ’D’elle à lui’ de Paul Marinier, ou bien Marie-Paule Belle, Claude Nougaro, Mouloudji et Gainsbourg qui s'approprièrent ‘Les Petits Pavés’ de Paul Delmet et Maurice Vaucaire.

Stéphanie d'Oustrac

Stéphanie d'Oustrac

Les mots mis sur la désillusion amoureuse sont bien plus crus, directs et accusateurs que dans ‘Le Lamento d’Arianna‘. L’image de la femme abandonnée laisse place à celle d’une femme bien plus vindicative et libérée, comme dans la chanson la plus célèbre de Colette Renard, ‘Les Nuits d'une demoiselle’, qui chante un florilège de pratiques sexuelles avec un sens glamour de l’image absolument adorable et parfaitement maîtrisé.

Et le voyage déluré se poursuit avec ‘Les Canards Tyroliens’ que la chanteuse de cabaret Thérèsa interpréta en 1869 lors d’un ajout opéré à la reprise de ‘La chatte blanche’, une féerie créée en 1852 par les frères Cogniard au Cirque-Olympique sur le boulevard du Temple à Paris. 

Stéphanie d'Oustrac et Pauline Buet (Violoncelle)

Stéphanie d'Oustrac et Pauline Buet (Violoncelle)

Puis, pour finir, ce sont des airs popularisés par le cinéma qui sont interprétés avec charme et apaisement, ‘Où sont tous mes amants ?’, qui fut repris dans ‘C’est la vie’ (2001) de Jean-Pierre Améris, et ‘Mon amant de Saint-Jean’ qui sera utilisé par François Truffaut et Claude Miller respectivement dans ‘Le Dernier Métro’ (1980) et ‘La Petite Voleuse’ (1988).

Une bien douce soirée tenue par la cohésion chaleureuse des musiciens et la fermeté de leurs gestes, au cours de laquelle Stéphanie d’Oustrac montre comme elle aime tenir du regard séducteur le public et en jouer.

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Publié le 26 Février 2019

Les lundis musicaux - Stéphane Degout (Baryton) et Alain Planès (Piano)

Récital du 25 février 2019
Athénée Théâtre Louis-Jouvet

Claude Debussy 1862-1918 : Chansons de France (1904, Charles d’Orléans) / Le Promenoir des deux amants (1910, Tristan L’Hermite)
Gabriel Fauré : 1845-1924 : Les berceaux (op. 23, 1882, René François Sully-Prudhomme) / Au bord de l’eau (op. 8 1871, René François Sully-Prudhomme) / Clair de Lune (op.46 1887, Paul Verlaine) / Mandoline (extraits des Mélodies de Venise, op 58, 1891, Paul Verlaine) / Danseuse (extraits de Mirages, op. 113, 1919, René de Brimont) / Après un rêve (op.7 1878, Romain Bussine)
Emmanuel Chabrier 1841-1894 : L’île heureuse (1890, Ephraïm Mikhaël) /Chanson pour Jeanne (1886, Catulle Mendès)
Henri Duparc 1848-1933 : La Vie antérieure (1884, Charles Baudelaire) /Sérénade (1869, Gabriel Marc) / Chanson triste (1869, Jean Lahor) / Elégie (1874, Thomas Moore) / Lamento (1883, Théophile Gaultier) / Le Galop (1869, Théophile Gautier)

Quelques jours après son incarnation splendide de Chorèbe dans la tragédie lyrique des Troyens d’Hector Berlioz, nous retrouvons Stéphane Degout au petit Théâtre de l’Athénée, un lundi soir propice aux réflexions introspectives, dans une incarnation magnifiquement unifiée des âmes poétiques décrites par les mélodistes français du tournant du XXe siècle, d’Henri Duparc à Claude Debussy.

Stéphane Degout

Stéphane Degout

La voix de Stéphane Degout se fond avec justesse dans l’intimité lovée de la salle semi-circulaire, elle qui s’épanouissait également si largement dans l’immensité de la scène Bastille, et le talent du baryton français est d’interpréter ces mélodies en les portant intérieurement par une délicatesse d’expression du regard, de légers froncements de sourcils, et des appuis obliques du corps qui s’adressent à l’auditeur en l’invitant à accueillir les poèmes sans forcer l’affectation.

Le Théâtre de l'Athénée le long du square de l'Opéra Louis-Jouvet

Le Théâtre de l'Athénée le long du square de l'Opéra Louis-Jouvet

Le sentiment de dignité et de joie mélancolique, qui innerve cet inaltérable souffle embrumé d’une clarté obscure, est ainsi le vecteur d’une vigueur à laquelle se mêle l’harmonie chaleureuse qu’Alain Planès distille à travers un rendu sonore hyalin, qui nimbe précieusement le relief subtilement creusé autour de de chaque mot. 

Ce chant ne pleure pas, mais conte le désarroi de la vie avec honneur et une accroche immédiate.

Et les spectateurs, en réponse à leurs chaleureux rappels, entendront trois mélodies supplémentaires, dont l’une de Maurice Ravel, Chanson romanesque (Don Quichotte à Dulcinée), et Diane Séléné de Gabriel Fauré.

Stéphane Degout

Stéphane Degout

Enfin, parmi le public, Barbara Hannigan, partenaire de Stéphane Degout à l’opéra dans Pelléas et Mélisande et Lessons in love and violence, et interprète passionnée d’œuvres contemporaines, est venue l’écouter avant de faire revivre dans deux jours, à la Philharmonie, la création française d’Hans Abrahamsen, Let me tell you.

Stéphane Degout et Alain Planès

Stéphane Degout et Alain Planès

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Publié le 23 Mai 2017

Damien Bigourdan
Henri Duparc – Chansons tristes
Récital du 22 mai 2017

Les lundis musicaux
Athénée – Théâtre Louis-Jouvet

Henri Duparc      15 mélodies (1864-1886)
                            Feuilles volantes (1869)
Richard Wagner  Elégie (1869)

Ténor Damien Bigourdan
Soprano Elise Chauvin
Piano Alphonse Cemin

                                    Elise chauvin (Soprano)

 

Alors que Paris est à l'orée de l’été, le Théâtre de l’Athénée accueille en ce lundi soir le comédien, metteur en scène et ténor Damien Bigourdan, venu interpréter, en compagnie d’Elise Chauvin, 15 des 17 mélodies que composa Henri Duparc entre 1864 et 1886. Néanmoins, Le Galop et Testament, inspirées des poèmes de Sully Prudhomme et d' Armand Silvestre, sont omises.

Damien Bigourdan (ténor) - le 22 mai 2017, Théâtre de l'Athénée

Damien Bigourdan (ténor) - le 22 mai 2017, Théâtre de l'Athénée

Debout et seul en avant du piano, l’attitude solidement ancrée au sol et le front éclairé par un faisceau tombant d’aplomb qui dépeint des ombres tristes et mortifères sur son visage, l’artiste met son sens inné du théâtre au service de ces vers, afin d’en tirer la saveur expressive et le chagrin poignant.

Certes, la tonalité musicale sollicite la tessiture la plus élevée de sa voix et extirpe de son âme des déchirements tourmentés teintés d’effets blafards, mais c’est dans les profondeurs vocales d’un médium large et viscéral qu’il donne le plus de corps à ces airs mélancoliques et fortement présents.

Il semble être à l’art du chant ce qu’Egon Schiele est à la peinture, car il ose exprimer sans détour l’évocation physique de la mort.

Alphonse Cemin (pianiste) - le 22 mai 2017, Théâtre de l'Athénée

Alphonse Cemin (pianiste) - le 22 mai 2017, Théâtre de l'Athénée

C’est Elise Chauvin, soprano au timbre éperdu, dispensatrice de jolis effets sur le poème de Théophile Gautier Au pays où se fait la guerre, qui interprète deux mélodies au tempérament féminin, sous des éclairages frontaux qui l’illuminent et l’allègent ainsi du poids dramatique que porte son partenaire.

Et Alphonse Cemin, au piano et à leur côté, les nimbe d’une atmosphère poétique et cristalline qui adoucit naturellement l’ensemble de la composition.

Scène et salle de l'Athénée

Scène et salle de l'Athénée

Il entrecoupe également le récital d’interludes basés sur la musique des Feuilles volantes, œuvre qu’Henri Duparc créa en 1869, l’année où il rencontra Richard Wagner. En ce souvenir, son Elégie, un chant de deuil, est jouée juste avant la dernière mélodie, car elle prit vie, elle aussi, l’année de la création de l’Or du Rhin.

Et après un simple et bel hommage à ses amis et à sa femme, Damien Bigourdan a finalement offert à ses auditeurs une chanson de Jacques Brel, interprétée, cette fois, avec l’accent si symbolique de l’univers du poète.

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Publié le 19 Février 2012

Voyage d’hiver (Franz Schubert)
Représentation du 17 février 2012
Athénée Théâtre Louis-Jouvet

Winterreisse
01 Gute Nacht                            03 Gefrorene Tränen    
02 Die Wetterfahne                    12 Einsamkeit    
08 Rückblick                              05 Der Lindenbaum
17 Im Dorfe                                 19 Täuschung    
06 Wasserflut                              07 Auf dem Flusse
13 Die Post                                 09 Irrlicht
10 Rast                                        11 Frühlingstraum    
04 Erstarrung                            14 Der greise Kopf
18 Der stürmische Morgen     15 Die Krähe    
20 Der Wegweiser                    16 Letzte Hoffnung    
21 Das Wirtshaus                     22 Mut        
23 Die Nebensonnen              24 Der Leiermann

La Femme Mélanie Boisvert
Le Poète Guillaume Andrieux
Le Musicien vagabond Didier Henry                                  Mélanie Boisvert (La jeune femme)

Mise en scène Yoshi Oïda
Direction musicale Takénori Némoto
Ensemble Musica Nigella
(2 violons, alto, violoncelle, basse, clarinette, basson, cor)

Le Voyage d’hiver - cycle de lieder composé à l’origine pour piano et ténor - est présenté ce soir dans une version profondément remaniée.
Avec huit de ses musiciens, tous issus de l’ensemble Musica Nigella, Takémory Némoto en a réalisé une version pour orchestre qui, au creux de l’intimité de la salle aux allures de théâtre en miniature, prend une dimension ouateuse et très enveloppante.
On est pris dans une atmosphère nostalgique, des couleurs à la fois rudes et chaleureuses généreusement dissipées par les résonances et les frissonnements du corps des instruments à cordes, alors que la rondeur des motifs des trois instruments à vent dialogue avec les sensations de l’âme que l’on surprend à évoquer les plaintes de Tristan.

La mise en scène de Yoshi Oïda fait intervenir trois chanteurs, le poète errant, mais aussi la femme pour laquelle il éprouve des sentiments non partagés, et un vagabond qui est son seul compagnon et un regard désarmé sur ces vagues à l’âme sans espoir.
Pour des raisons dramaturgiques l’ordre des lieder est parfois modifié, mais l’intégralité des textes est interprétée.

Guillaume Andrieux (Le poète) et Didier Henry (Le vagabond)

Guillaume Andrieux (Le poète) et Didier Henry (Le vagabond)

La belle découverte est le talentueux Guillaume Andrieux, un jeune baryton clair qui chante cette insondable peine non seulement avec un art pleinement poétique et des effets d’allègement de voix qui évoquent un autre grand romantique du répertoire allemand, Wolfram, mais également avec une incarnation qui rend lisible la perdition dans le regard.

Mélanie Boisvert, belle femme par ailleurs, se situe dans un registre beaucoup plus terre à terre, impeccablement précis, mais bien moins sensuel et touchant, comme pour marquer le fossé qui sépare la vision amoureuse du jeune homme de la personnalité assez indifférente du personnage réel.

Didier Henry apporte, quand à lui,  une touche paternelle solide et humaine au vagabond.

De la scénographie se distinguent surtout le bel arbre blanc et les variations tristes des ambiances lumineuses plutôt que les petits détails sonores qui ont pour effets de divertir de l’impression d’ensemble.

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