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Publié le 16 Avril 2025

Musiques des compositeurs d’Europe Centrale
Concert du 6 avril 2025
Eglise St.Pierre (Plaisir)

Johannes Brahms (1833-1897)
Zigeunerlieder (Mélodies tziganes n°1, 2, 3, 5, 7) Op.103

Antonín Dvořák (1841-1904)
Cigánské písně (Mélodies tziganes n°2, 4, 5, 6, 7) Op.55

Leoš Janáček (1854-1928)
Sonate ’1er octobre 1905’ pour piano

Béla Bartók (1881-1945)
Six Danses populaires roumaines pour violon et piano

Simon Laks (1901-1983)
Huit chants populaires juifs

Mezzo-soprano Marie Kopecká Verhoeven (Ensemble Rés(O)nances)
Violon Cyril Verhoeven (Accompagnateur Atelier Lyrique du 3ND)
Piano Jan Krejčík (Ensemble Rés(O)nances)

C’est à un vrai voyage à travers les impressions musicales de la Bohème et de ses territoires voisins, depuis les années 1880 jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, que Marie Kopecká Verhoeven et Jan Krejčík, artistes lyriques tchèques fondateurs de l’ensemble Rés(O)nances, ont invité les auditeurs venus les écouter à l’Église St Pierre de Plaisir un dimanche après-midi splendidement ensoleillé.

Et cette traversée de plus d’un demi-siècle ne va pas se limiter à uniquement transmettre le caractère fort et populaire de ces musiques, mais va aussi permettre d'évoquer l’évolution de courants nationaux et identitaires d’Europe centrale au moment même où s’aggravaient les oppressions antisémites sous les grands empire autoritaires.

Jan Krejčík et Marie Kopecká Verhoeven

Jan Krejčík et Marie Kopecká Verhoeven

Le concert débute ainsi par cinq des onze mélodies tziganes écrites par Johannes Brahms de février à octobre 1888, interprétées par Marie Kopecká Verhoeven d’un timbre assuré aux couleurs de mezzo intenses dans les tonalités aiguës.

Bien qu’allemand, le compositeur hambourgeois s’était en effet découvert sensible, dès sa jeunesse, à la musique traditionnelle tzigane, ce qui donna naissance de 1858 à 1880 à ses célèbres 'Danses hongroises'.

Les 'Zigeunerlieder' sont le pendant vocal de ces danses, et ils sont chantés cet après-midi dans leur version pour soliste ce qui crée un rapport très centré sur l’expressivité de sentiments humains sans fioritures, avec une forme de lucidité dénuée de tous pathos, alors que ces airs racontent le souvenir d’êtres aimés ou aimants.

Marie Kopecká Verhoeven

Marie Kopecká Verhoeven

Puis, dans le même esprit, Marie Kopecká Verhoeven donne vie aux mélodies tziganes composées au début des années 1880 par Antonín Dvořák, compositeur tchèque qui avait gagné l’amitié de Johannes Brahms lors d’une présentation de sa ‘3e symphonie’ à un jury viennois dont faisait partie son aîné installé à Vienne durant toute sa carrière.

Car à cette époque où la langue allemande dominait l’empire d’Autriche, et par voie de conséquence la Bohème – la Tchéquie originelle -, les deux hommes se retrouvaient dans l’émancipation d’une identité musicale slave.

Et parmi ces mélodies, impossible de ne pas ressentir une vibration particulière pour le quatrième de ces lieder, ‘Les chansons que ma mère m’apprenait’, un air introspectif et nostalgique immortalisé par nombre de grands chanteurs, et régulièrement repris en bis.

Jan Krejčík

Jan Krejčík

Si pour ces deux premiers cycles de mélodies Jan Krejčík joue piano fermé de son toucher bienveillant et allant, la pièce qui suit l’autorise à l’ouvrir complètement de façon à lui donner sa pleine résonance.

Leoš Janáček, qui venait de créer à Brno en janvier 1904 un drame lyrique, ‘Jenůfa’, assista l’année d’après à une manifestation d’étudiants revendiquant la création d’une université tchèque.
La répression menée par les troupes autrichiennes conduisit à la mort d’un ouvrier, František Pavlík, ce qui marqua profondément le compositeur. 

Cet évènement lui inspira naturellement la composition de la Sonate ’1er octobre 1905’ pour piano, mais fort mécontent après la première, il détruisit la partition.

Heureusement, la pianiste Ludmila Tučková avait eu l'idée de recopier les deux premiers mouvements, ce qui sauva en partie cette œuvre engagée.

La violence des sentiments qu’elle recèle prend une puissance chargée à l’écoute de cette partition rendue avec un sens narratif prégnant de la part de Jan Krejčík, d’autant plus que ce dernier a pris le temps de présenter en préambule le contexte de la création, l’auditeur pouvant ainsi faire toute une association d’idées au cours de l’interprétation.

Cyril Verhoeven

Cyril Verhoeven

Puis vient un moment d’une grande proximité quand Cyril Verhoeven interprète au violon les 'Six danses populaires roumaines' que composa Béla Bartók en 1915. Compositeur hongrois né à l’ouest de l’actuelle Roumanie et sensible, lui aussi, à l’âme populaire locale, il signa à travers ces courtes danses un tableau pittoresque et haut-en-couleur de la Transylvanie.

Accompagné au piano, le jeune violoniste donne à ces danses un cachet à la fois d’une grande finesse mais aussi bardé de sonorités âpres qui dessinent des traits de caractères forts et charmants.
L’immersion dans un univers typique de l’Europe centrale stimule inévitablement un imaginaire réconfortant.

La Bohème enchantée (Marie Kopecká Verhoeven Cyril Verhoeven Jan Krejčík) Église St Pierre Plaisir

Cette légèreté attachante va pourtant s’achever par un cycle d’airs nés d’un drame absolu.
Les premières pièces de ce récital composées au tournant des années 1880 sont contemporaines de l’assassinat d’Alexandre II en 1881 à Saint-Pétersbourg, Tsar qui avait instauré une politique de tolérance à l’égard des juifs. Mais des réactionnaires firent croire à un attentat organisé par ces derniers, ce qui mit fin à cette politique d’ouverture alors que l’antisémitisme se renforçait partout en Europe.
Un pogrom se déclencha à Varsovie.

Jan Krejčík et Marie Kopecká Verhoeven

Jan Krejčík et Marie Kopecká Verhoeven

En 1925, le compositeur et violoniste polonais Simon Laks s’installa à Paris, la France étant reconnue comme le premier pays européen à avoir accordé la pleine égalité de droits aux Juifs à l’issue de la Révolution française. Il fut cependant arrêté au moment de l’occupation allemande, interné dans un camp de Pithiviers en 1941, car juif, et devint chef d’orchestre des prisonniers du camp d’Auschwitz - le fait qu’il soit musicien lui ayant probablement sauvé la vie -.

Une fois libéré, il composa en 1947 un cycle de 'Huit chants populaires juifs' en souvenir d’une culture détruite, et ce sont ces chants méditatifs que Marie Kopecká Verhoeven interprète en conclusion de ce concert avec ce même soin accordé aux nuances du phrasé.

Jan Krejčík, Cyril Verhoeven et Marie Kopecká Verhoeven

Jan Krejčík, Cyril Verhoeven et Marie Kopecká Verhoeven

Intitulé ‘La Bohème enchantée’, ce concert-récital est autant l’occasion de s’imprégner d’une identité musicale forte que de sentir comment elle est le témoignage de la sensibilité de musiciens pris dans le fil de l’Histoire.

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Publié le 31 Juillet 2024

Wagner und Zeitgenossen - Romantisches Feuerwerk für Cello und Klavier
Concert du 28 juillet 2024
Kammermusiksaal
Steingraeber & Söhne – Bayreuth

Paul Juon Marches Op.8 (1899)
Johannes Brahms Regenliedsonate Op. 78/1 (1879)
Richard Wagner Romanze E-dur - Nach dem Albumblatt (1861)
Gioachino Rossini Une larme (1858)

Violoncelle Tatjana Uhde
Piano Lisa Wellisch

En ce début de l’édition 2024 du Festival de Bayreuth, la maison Steingraeber & Söhne (fabricant de piano à Bayreuth depuis 1852), accueille dans sa salle de musique de chambre spécialement aménagée deux jeunes artistes qui se connaissent bien puisqu’elles ont enregistré en 2021 un premier album, ‘Märchenbilder’, deux ans après leur première rencontre en cette même ville.

Tatjana Uhde (Violoncelle) et Lisa Wellisch (Piano)

Tatjana Uhde (Violoncelle) et Lisa Wellisch (Piano)

Originaire de Freiburg, Tatjana Uhde fait dorénavant partie de l’orchestre de l’Opéra national de Paris en tant que deuxième violoncelle solo, et retrouve chaque l’été l’orchestre du Festival de Bayreuth, alors que Lisa Wellisch, qui a étudié à Stuttgart avec le mari de Tatjana, vit à Eckersdorf, et mène une carrière de pianiste indépendante.

Le programme qu’elles proposent en ce dimanche matin relie plusieurs pièces du romantisme allemand issues d’auteurs contemporains de Richard Wagner, créées pour instrument à cordes (violon, violoncelle ou contrebasse) et piano, qui se trouvent ainsi unifiées par la tessiture du violoncelle qui représente une même voix humaine parcourue d’émotions changeantes.

Le déroulement du concert se fait à rebours du temps sur 40 ans, puisque l’on part de 1899 pour finir en 1858.

Brahms Wagner Rossini (Uhde Wellisch) Steingraeber Haus – Bayreuth

Paul Juon, compositeur suisse d’origine russe, acheva ses études à Berlin à la fin du XIXe siècle où il composa ses premières œuvres. ‘ Marches’ est une pièce qui porte en elle une certaine légèreté insouciante et une composante mélodique qui n’est pas sans évoquer, en seconde partie, le charme des compositions de Tchaïkovski. La résonance du violoncelle de Tatjana Uhde est emplie d’un son vibrant très dense, avec de la matière même dans l’aigu, que le geste de la musicienne assouplit de manière à raviver des impressions passées qui deviennent fortement présentes.

Au piano, Lisa Wellisch offre une image stoïque de maîtrise et d’attention à sa partenaire, et pourtant, les sonorités sont, elles, chargées d’une intense noirceur cristalline, et ce romantisme pétri de chair bien ancrée sera dominant tout au long du récital.

Tatjana Uhde (Violoncelle) et Lisa Wellisch (Piano)

Tatjana Uhde (Violoncelle) et Lisa Wellisch (Piano)

La célèbre sonate ‘Regenlied’ de Johannes Brahms, composée originellement pour le violon, sur la rive nord de Wörthersee à la frontière de l’Italie et de l’Autriche, s’enchaîne très naturellement avec son premier mouvement enjoué et virtuose. Et c’est dans l’adagio central que le moelleux du violoncelle se révèle le plus feutré en nous emmenant au cœur de ces impressions qui mêlent nostalgie et sentiment de plénitude.

Dans le même esprit, parée des couleurs du violoncelle, la Romanze de Richard Wagner gagne en profondeur et montre aussi quelle finesse d’aigu il est possible d’atteindre avec cet instrument, et c’est sur une œuvre très mélancolique, ‘Une larme’, composée pour contrebasse par Gioachino Rossini, lorsqu'il revint vivre à Paris, que se conclut ce voyage à la fois incisif et inspirant.

Tatjana Uhde (Violoncelle) et Lisa Wellisch (Piano)

Tatjana Uhde (Violoncelle) et Lisa Wellisch (Piano)

Loin d’accentuer la noirceur mélancolique inhérente à cette pièce, Tatjana Uhde la teinte d’une forme d’espérance, et la prégnance de ces interprétations fortes entendues en cette fin de matinée vaut aux deux musiciennes une reconnaissance très marquée et chaleureuse devant un public venu faire salle comble. 

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Publié le 13 Février 2024

‘Sein oder Nichtsein’
Récital du 12 février 2024
Théâtre de l’Athénée Louis-Jouvet

Johannes Brahms      Fünf Lieder der Ophelia WoO 22 (1873)
                                  Sech Lieder op.97/1 Nachtigall (1885)
Felix Mendelssohn    Sech Lieder op.71/4 Schilflied (1842)
Hugo Wolf                Mörike Lieder No. 42 Erstes Liebeslied eines Mädchens (1888)
Arthur Honegger      Trois chansons extraites de La Petite Sirène de Hans Christian Andersen (1926)
Franz Schubert         Rosamunde D 797 - Romanze ‘Der Vollmond strahlt auf Bergeshöh'n’ (1823)
Richard Strauss        Drei Lieder der Ophelia op. 67 (1918)
Kurt Weill                Das Berliner Requiem - Die Ballade vom ertrunkenen Mädchen (1928)
Robert Schumann    Sechs Gesänge op.107/1 Herzeleid (1851)
Hector Berlioz         Tristia op.18/2 La mort d'Ophélie (1842)
Franz Schubert        Der Tod und das Mädchen, opus 7 no 3, D.531 (1817)
John Dowland         Sorrow, Stay (1600)
Lecture de textes de William Shakespeare, Georg Heym, Heiner Müller & Georg Trakl

Bis       Kurt Weill    L'Opéra de Quat'sous, Liebeslied (1928)

Soprano Anna Prohaska
Voix Lars Eidinger
Piano Eric Schneider

A l’occasion des 400 ans de la mort de William Shakespeare, la soprano Anna Prohaska, l’acteur berlinois Lars Eidinger et le pianiste Eric Schneider ont donné à la salle Mozart de l’'Alte Oper’ de Frankfurt, le 01 décembre 2016, un concert en hommage au dramaturge anglais, élaboré à partir d’un programme regroupant des mélodies de différents compositeurs dédiées à la figure féminine d’Ophélie.

Eric Schneider, Lars Eidinger et Anna Prohaska

Eric Schneider, Lars Eidinger et Anna Prohaska

Depuis, ce récital a été repris dans plusieurs villes allemandes telles Potsdam et Dresde, et c’est le Théâtre de l’Athénée qui offre l’opportunité de l’entendre à Paris, quasiment à l’identique, moyennant un léger arrangement : ‘Mädchenlied’, le 6e des ‘Sieben Lieder’ op. 95 de Brahms, et ‘Am See’ D746 de Schubert ne sont pas repris, mais une ballade de Kurt Weill ‘Die Ballade vom ertrunkenen Mädchen’, extraite de son 'Requiem Berlinois', un texte sur la guerre, est ajoutée et chantée par Lars Eidinger qui alterne voix basse et voix de tête détimbrée pour en exprimer sa sensibilité.

Eric Schneider et Anna Prohaska

Eric Schneider et Anna Prohaska

Au total, dix compositeurs de John Dowland, contemporain de Shakespeare, à Kurt Weill, en passant par Brahms, Schubert, Mendelssohn, Wolf ou Strauss, sont réunis pour faire vivre la folie de l'âme doucereusement mélancolique de celle qui ne put épouser le Prince Hamlet

Les textes évoquent la quiétude d’eaux sombres dans une atmosphère nocturne, et Anna Prohaska les chante en ne sollicitant que sa tessiture aiguë, souple à la clarté âpre, évoquant ainsi une forme de plénitude à la recherche du visage de la mort, son corps semblant onduler à la faveur des ondes d’un lac imaginaire.

Anna Prohaska et Lars Eidinger

Anna Prohaska et Lars Eidinger

Dans les chansons extraites de ‘La Petite Sirène’ d’Arthur Honegger, sa prosodie est impeccablement nette, et cette forme de joie funèbre se trouve confortée par la charge qu’imprime Eric Schneider au toucher de son piano, tout le long du récital, un son dense, vibrant profondément, le poids de chaque note semblant méticuleusement calculé et appuyé en résonance avec les mots.

Au creux de l’atmosphère de ce lundi soir, pratiquement dénuée de la moindre toux, seuls quelques craquements de sièges signalent la présence des auditeurs, et le regard intériorisé de Lars Eidinger, lui qui peut être des plus exubérants, est ici au service de textes de Shakespeare, un de ses auteurs de prédilection, qu’il incarne dans un esprit totalement recueilli.

Lars Eidinger, Anna Prohaska et Eric Schneider

Lars Eidinger, Anna Prohaska et Eric Schneider

Et en bis, Anna Prohaska et Lars Eidinger entonnent le 'Liebeslied' de l''Opéra de Quat'sous' de Kurt Weill, pour offrir une image finale plus heureuse.

En à pleine plus d’une heure, on se serait cru à une soirée musicale à Berlin ou Munich, se laissant aller avec joie à la sérénité de sentiments noirs, poétisés magnifiquement par trois artistes d’une sincère humilité.

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Publié le 28 Novembre 2023

Concours international Grand Prix Long-Thibaud 2023
Concert du 26 novembre 2023
Université Paris II Panthéon-Assas

Les lauréats
Miyu Kitsuwa (Concerto pour violon en ré majeur de Tchaïkovski)
Vikram Francesco Sedona (Concerto pour violon en ré majeur de Brahms)
Bohdan Luts (Concerto pour violon en ré majeur de Sibelius)
Koshiro Takeuchi (Concerto pour violon en ré majeur de Brahms)
Dayoon You (Concerto pour violon en ré majeur de Sibelius)

Direction musicale François Boulanger
Orchestre Symphonique de la Garde Républicaine

Jury
Sarah Nemtanu, Jean-Jacques Kantorow, Akiko Suwanai, Silvia Marcovici, Boris Kuschnir, Sergey Khachatryan, Marc Laforet, Jean-Claude Casadesus

Pour ses 80 ans d’existence, et sa 42e édition consacrée cette année au violon, le Concours Long-Thibaud a reçu 106 candidats originaires de 32 pays différents, mais seuls 21 artistes ont pu participer aux éliminatoires à partir du 22 novembre, et seuls 5 se sont retrouvés en finale ce dimanche après-midi.

Bohdan Luts

Bohdan Luts

Ce concours initié par la pianiste Marguerite Long (1874-1966) et le violoniste Jacques Thibaud (1880-1953) a accueilli de grands interprètes tels Samson François (1er prix en 1943), Aldo Ciccolini (1er prix en 1949), Ivry Gitllis (5e prix en 1951), Elisabeth Leonskaïa (3e prix en 1965), Cédric Tiberghien  (1er prix en 1998) ou Deborah Nemtanu (4e prix en 2002).

Le jury est composé cette année de 6 violonistes, Sarah Nemtanu, Jean-Jacques Kantorow, Akiko Suwanai, Silvia Marcovici, Boris Kuschnir, Sergey Khachatryan, un pianiste, Marc Laforet, et un chef d’orchestre et compositeur, Jean-Claude Casadesus.

 Marc Laforet, Sergey Khachatryan, Jean-Jacques Kantorow, Jean-Claude Casadesus, Akiko Suwanai, Sarah Nemtanu et Silvia Marcovici

Marc Laforet, Sergey Khachatryan, Jean-Jacques Kantorow, Jean-Claude Casadesus, Akiko Suwanai, Sarah Nemtanu et Silvia Marcovici

La finale se déroule au sein du grand amphithéâtre de l'université Paris 2 Panthéon-Assas, d’une capacité de 1800 places, qui a repris depuis 2015 ses activités de concerts classiques interrompues pendant 40 ans. De nombreux étudiants, mais également des musiciens professionnels, des mécènes, des politiques, la presse, et bien sûr les organisateurs, sont réunis à cette occasion.

Miyu Kitsuwa

Miyu Kitsuwa

Au cours d’un programme qui dura de 14h à 18h30, sous la conduite de François Boulanger à la direction de l’Orchestre Symphonique de La Garde Républicaine, jury et spectateurs ont ainsi pu apprécier la technicité et la personnalité de chacun des violonistes, que ce soit la vivacité exacerbée de Miyu Kitsuwa dans le ‘Concerto pour violon en ré majeur’ de Tchaïkovski, le baume du toucher doucereux et séducteur de Vikram Francesco Sedona dans le ‘Concerto pour violon en ré majeur’ de Brahms que le très jeune Koshiro Takeuchi, d’allure réservée, reprendra avec une souplesse très fine, puis deux interprétations du ‘Concerto pour violon en ré majeur’ de Sibelius, l’une d’abord exécutée par Bohdan Luts, la posture fière et arquée évoquant une grande puissance intérieure, les vibrations de l’archet d’une forte densité donnant le sentiment d’un jeu très engagé, farouche et maîtrisé, et l’autre jouée par Dayoon You dont on entend la teneur démonstrative s’affirmer avec un superbe travail sur les nuances et la flexibilité.

Koshiro Takeuchi

Koshiro Takeuchi

C’est uniquement à 20h que les 5 finalistes seront invités à revenir ensemble sur la scène de l’amphithéâtre pour l’annonce du palmarès, alors qu’au même moment, Gerard Bekerman, économiste, pianiste et président de la fondation Long-Thibaud depuis mai 2021, soulignera avec beaucoup de bienveillance l’importance de leur talent pour la musique et son lien à la société.

Miyu Kitsuwa, Vikram Francesco Sedona, Bohdan Luts, Koshiro Takeuchi et Dayoon You

Miyu Kitsuwa, Vikram Francesco Sedona, Bohdan Luts, Koshiro Takeuchi et Dayoon You

Étudiante originaire de Yokohama, Miyu Kitsuwa, 22 ans, remporte le 5e prix, prix SAS Le prince Albert II de Monaco d’une valeur de 6.000 €.

Vikram Francesco Sedona, né à Trévise en 2000, remporte le 4e prix, prix de la Ville de Paris d’une valeur de 8.000 €.

Koshiro Takeuchi, 18 ans, étudiant au Tokyo College of Music High School, décroche le 3e prix, prix de la Fondation Michelin d’une valeur de 12.000 €.

Dayoon You, 22 ans, obtient le 2e prix, prix de la Fondation BNP Parisbas d’une valeur de 20.000 €, 9 ans après le 4e prix de la violoniste sud-coréenne Kyung Ji Min.

Et c’est donc l'impressionnant ukrainien Bohdan Luts, né à Lviv le 28 novembre 2005, qui remporte le 1er prix du Concours international Long-Thibaud 2023 d’une valeur de 35.000 €, mais également le prix de la presse et le prix du public d’une valeur de 8.000 €.

Bohdan Luts

Bohdan Luts

Ce jeune violoniste, qui a donné son premier concert au Lviv Philharmonic Hall en 2012, suit actuellement l’enseignement de Renaud Capuçon, Guillaume Chilemme et Oleg Kaskiv à l’International Menuhin Music Academy à Rolle en Suisse.

Vikram Francesco Sedona, Bohdan Luts et Koshiro Takeuchi

Vikram Francesco Sedona, Bohdan Luts et Koshiro Takeuchi

Il a tenu, ce soir, à dire quelques mots en anglais en invitant chacun d’entre nous à n’avoir de pensées que pour ceux qui vivent des moments difficiles dans le monde, puis il a réinterprété le ‘Concerto pour violon en ré majeur’ de Sibelius avec une approche plus posée mais toujours avec la même fascinante détermination.

Il le rejouera également le lendemain au Théâtre des Champs-Elysées avec l'Orchestre symphonique de la Garde républicaine, la veille de la célébration de ses 19 ans.

L'intégralité de la finale du concours Long-Thibaud 2023

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Publié le 8 Octobre 2022

Concerto pour violon et Suite du Chevalier à la Rose – Orchestre National de France

Concert du 06 octobre 2022
Auditorium de Radio France

Johannes Brahms
Concerto pour violon et orchestre (1er janvier 1879 – Leipzig)

Jean Sébastien Bach
Fugue extraite de la Sonate n°1 en sol mineur (1720) 'bis'

Richard Strauss
Le Chevalier à la rose, nouvelle suite de Philippe Jordan et Tomáš Ille (05 octobre 1944 – New York / 06 octobre 2022 - Paris)

Direction musicale Philippe Jordan
Violon Antonio Stradivari ‘Lady Inchiquin’ 1711 Franz Peter Zimmermann
Orchestre National de France

Depuis le concert d’adieu joué le 02 juillet 2021 à l’Opéra Bastille, Philippe Jordan est totalement investi à ses projets avec l’Opéra de Vienne. Son retour à Paris est donc un évènement qui marque ses débuts avec l’Orchestre National de France.

Et dès son arrivée, sa joie de retrouver l’auditorium de Radio France où il avait enregistré ‘Siegfried’ en pleine période de confinement, le 06 décembre 2020, est évidente, tout autant que sont palpables la fébrilité et l’attention des auditeurs venus ce soir, parmi lesquels peuvent même être aperçues des personnalités liées à l’Opéra de Paris et son histoire.

Philippe Jordan - Suite du Chevalier à la Rose

Philippe Jordan - Suite du Chevalier à la Rose

En première partie de ce concert, le 'Concerto pour violon et orchestre', fruit de l’amitié entre Johannes Brahms et le violoniste Joseph Joachim, permet immédiatement de mettre en valeur la plénitude des bois et l’agilité homogène du geste orchestral toujours très caressante sous la baquette de Philippe Jordan.

Franz Peter Zimmermann ne tarde pas à devenir le point focal de l’œuvre par un jeu d’une vivacité acérée qui évoque, par la plasticité de ses traits d’ivoire effilés, un caractère chantant et bucolique très accrocheur. Il esquisse ainsi de véritables dessins d’art sonores avec une recherche d’authenticité et une dextérité inouïe, ce qui fait la force de ce grand artiste.

Et pour le plaisir, on retrouve ce mélange de finesse lumineuse et de rudesse mélancolique dans la fugue extraite de la 'Sonate pour violon n°1' de Jean-Sébastien Bach offerte en bis.

Franz Peter Zimmermann et Philippe Jordan - Concerto pour violon de Brahms

Franz Peter Zimmermann et Philippe Jordan - Concerto pour violon de Brahms

En seconde partie, c’est une nouvelle version de la 'Suite du Chevalier à la Rose’ que dirige Philippe Jordan, version qu’il a mis au point avec le musicologue tchèque Tomáš Ille pour augmenter sa dimension symphonique. Ainsi, de 25 minutes pour la version originale exécutée la toute première fois par Artur Rodziński à New-York en 1944, cette nouvelle version passe désormais à 40 minutes de luxuriance exacerbée.

Le résultat est que les spectateurs de l’auditorium de Radio de France vont vivre un moment absolument éblouissant avec l’Orchestre National de France, à travers une interprétation d’une ampleur prodigieuse, enlevée par un déferlement sonore d’une vitalité souriante empreinte de jaillissements de couleurs et d’éclats fulgurants. Les passages les plus intimes, comme à l’arrivée de Sophie, sont transcrits avec une clarté et une douceur irrésistibles, et point également une ébullition tout en retenue – très belle finesse qu’il obtient du premier violon - qui magnifie la délicatesse des instrumentistes.

Philippe Jordan - Suite du Chevalier à la Rose

Philippe Jordan - Suite du Chevalier à la Rose

Puis, Philippe Jordan laisse extérioriser l’enthousiasme qui l’anime intrinsèquement, et il le transmet au public avec énormément de générosité, d’autant plus que ‘Der Rosenkavalier’ est un opéra qui s’associe avec beaucoup d’évidence à sa personnalité, ce qui est d’autant plus sensible dans cette symphonie issue de sa propre conception.

Philippe Jordan et les musiciens de l'Orchestre National de France

Philippe Jordan et les musiciens de l'Orchestre National de France

L’échange fait de joie et d’admiration entre lui et les musiciens, lisible au moment des saluts, n’en est que plus réjouissant à admirer.

Ce concert, diffusé en direct sur France Musique, peut être réécouté sous le lien suivant et permet également d'écouter les inteviews des artistes:
Brahms et Strauss par Frank Peter Zimmermann et l'Orchestre National de France dirigé par Philippe Jordan

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Publié le 28 Juillet 2022

Strauss, Brahms, Liszt, Wolf... Fauré, Duparc, Hahn, Mahler - Lieder allemands et français
Récital du 26 juillet 2022
Bayerische Staatsoper - Prinzregententheater

Karl Weigl Seele 

Nacht und Träume
Richard Strauss Die Nacht 
Johannes Brahms Nachtwandler
Hugo Wolf Die Nacht
Hans Sommer Seliges Vergessen

Bewegung im Innern
Max Reger Schmied Schmerz
Richard Strauss Ruhe, meine Seele
Johannes Brahms Der Tod, Nachtigall, Verzagen 
Franz Liszt Laßt mich ruhen

Mouvement intérieur
Gabriel Fauré Après un rêve
Reynaldo Hahn À Chloris, L'Énamourée
Henri Duparc Chanson triste
Gabriel Fauré Notre amour

Erlösung und Heimkehr
Max Reger Abend
Hugo Wolf Gebet
Richard Rössler Läuterung
Gustav Mahler Urlicht

Soprano Marlis Petersen
Piano Stephan Matthias Lademann

Issu du troisième CD de la série 'Dimensionen' intitulé 'Innen Welt' et édité en septembre 2019 chez Solo Musica, le florilège de lieder allemands et français présenté ce soir par Marlis Petersen et Stephan Matthias Lademann au Prinzregententheater de Munich a d'abord été diffusé sur le site internet de l'Opéra de Franfort le 28 mai 2021, avant que les deux artistes n'entâment une tournée allemande déjà passée par Nuremberg et Cologne.

Ces mélodies sont regroupées par thèmes, 'Nacht und Träume', 'Bewegung im Innern', 'Mouvement intérieur' et 'Erlösung und Heimkehr', et Marlis Petersen révèle un magnifiquement talent de conteuse lorsqu'elle présente au public chacun d'entre eux par un art du phrasé qui vous enveloppe le cœur avec une attention presque maternelle.

Marlis Petersen

Marlis Petersen

La première série dédiée à la nuit et aux rêves relie Richard Strauss, Johanne Brahms, Hugo Wolf et Hans Sommer par une même clarté et une présence humaine de timbre qui racontent des pensées, ou bien une vision inquiète du monde, avec une lucidité poétique d'une très grande expressivité qui ne verse cependant pas dans l'affect mélancolique.

Suivre le texte tout en écoutant cette grande artiste sculpter et développer les syllabes sous nos yeux et au creux de l'oreille fait naitre une fascination qui est le véritable moteur du plaisir ressenti.

Puis, à partir de 'Ruhe, meine seele' de Richard Strauss, Marlis Petersen fait ressortir des graves plus sombres et des exultations plus tendues qui élargissent l'univers de ses sentiments non exempts de colère. Elle dépeint ainsi une personnalité plus complexe ce qui accroit la prégnance de son incarnation toute éphémère qu'elle soit.

Marlis Petersen

Marlis Petersen

Mais la surprise de la soirée survient au cours du troisième thème 'Mouvement intérieur' où les mélodies 'Après un rêve' de Fauré et 'A Cloris' de Reynaldo Hahn, en particulier, sont d'une telle beauté interprétative que la délicatesse des teintes et des nuances qui s'épanouissent engendre une émotion profonde irrésistible.

A l'entendre défendre avec un tel soin un répertoire aussi difficile et dans une langue qui n'est pas la sienne, on se prend à rêver de la découvrir dans le répertoire baroque français le plus raffiné tant son phrasé est magnifiquement orné.

Marlis Petersen et Stephan Matthias Lademann

Marlis Petersen et Stephan Matthias Lademann

Le rythme reste ensuite plus lent qu'au début, tout en réunissant Reger, Wolf et Rössler autour de leurs expressions les plus méditatives, et Marlis Petersen achève ce voyage plus bucolique que noir par le seul lied qui n'apparait pas sur son enregistrement, 'Urlicht' de Gustav Mahler, portée par le désir de revenir à une lumière qui lui est bien naturelle avec toujours cet art ample du déploiement des mots aux couleurs ambrées.

Et en bis, 'Träume' de Richard Wagner et 'Nacht und Träume' de Franz Schubert comblent une soirée où le toucher crépusculaire de Stephan Matthias Lademann aura entretenu un esprit nimbé de classicisme perlé et méticuleux.

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Publié le 25 Juillet 2022

Beethoven, Schubert ... Zemlinsly, Mahler & Liszt  - Lieder allemands
Récital du 23 juillet 2022
Bayerische Staatsoper

Ludwig van Beethoven Adelaide
Franz Schubert Der Musenshon
Felix Mendelssohn-Bartholdy Auf Flügeln des Gesanges
Edward Grieg Ich liebe dich
Robert Schumann Wirdmung
Johannes Brahms In Waldeseinsamkeit
Antonín Dvořák Als die alte Mutter
Piotr Ilitch Tchaïkovski Nur wer die Sehnsucht kennt
Richard Strauss Allerseelen
Hugo Wolf Verborgenheit
Alexander von Zemlinsky Selige Stunde
Gustav Mahler Ich bin der Welt abhanden gekommen

Franz Liszt
Vergiftet sind meine Lieder
Im rhein, im Schönen Strome
Freudvoll und leidvoll (2 Fassungen)
O lieb, solang du lieben kannst
Es war ein König in Thule
Die drei Zigeuner
Ihr Glocken von Marling
Die Loreley

Ténor Jonas Kaufmann
Piano Helmut Deutsch

Ayant du annuler, pour cause de symptômes covid prononcés, sa participation aux représentations de 'Cavalleria Rusticana' et 'Pagliacci' prévues au Royal Opera House de Londres au cours du mois de juillet, Jonas Kaufmann a toutefois maintenu sa présence au récital du 23 juillet proposé par le Bayerische Staatsoper. 

Jonas Kaufmann

Jonas Kaufmann

La soirée est intégralement dédiée à l'art du lied allemand avec, en première partie, 12 mélodies de 12 compositeurs différents que l'on peut retrouver sur le disque édité en 2020 chez Sony, 'Selige Stunde', hormis 'In Waldeseinsamkeit' de Johannes Brahms qu'il interprétait en concert cette saison auprès de Diana Damrau, et, en seconde partie, 9 lieder de Franz Liszt que l'on peut réécouter sur l'enregistrement 'Freudvoll und leidvoll' édité également chez Sony en 2021, aboutissement du regard sur un répertoire que l'artiste ravive régulièrement en public depuis une décennie.

Des microfailles se sont bien manifestées dans les passages les plus sensibles des premières mélodies, mais elles se sont totalement estompées à l'approche des compositions fin XIXe et début XXe siècles les plus profondes et les plus délicates d'écriture. 

Helmut Deutsch et Jonas Kaufmann

Helmut Deutsch et Jonas Kaufmann

Le coulant mélodique de 'Auf Flügeln des Gesanges', 'Ich liebe dich' et 'Wirdmung' est assurément celui que l'on associe le plus facilement au charisme du chanteur car il draine un charme nostalgique qui lui colle à la peau avec une évidence confondante.

Puis, 'Als die alte Mutter' et 'Nur wer die Sehnsucht kennt' s'imprègnent d'une tristesse slave si bien dépeinte par la gravité d'un timbre de voix sombre et doux. Cet art de la nuance, des teintes ombrées et des tissures fines et aérées si 'hors du temps' de par leur immatérialité, s'épanouit ainsi dans un cisellement hautement escarpé comme pour décrire avec la précision la plus acérée les cimes des sentiments enfermés sur eux-mêmes qui parcourent avec une lenteur dépressive les trois lieder composés respectivement par Hugo Wolf, Alexander von Zemlinsky et Gustav Mahler.

Jonas Kaufmann

Jonas Kaufmann

Les lieder de Franz Liszt poursuivent ce mouvement introspectif sans se départir d'une écriture qui permette au chanteur d'exprimer une volonté rayonnante. 'O lieb, solang du lieben kannst' est dans cet esprit l'un des sommets de cette seconde partie à propos d'un amour qui doit savoir surmonter les blessures des mots les plus durs, une exhortation à la sagesse que l'on retrouve dans 'Die drei Zigeuner' Jonas Kaufmann semble discourir plus que jamais au creux de l'oreille de l'auditeur.

La beauté contemplative d''Ihr Glocken von Marling' et ses subtils murmures en forme de berceuse qui glissent sur les perles rêveuses du piano d'Helmut Deutsch ne font que précipiter une émotion intérieure subjugée par le sentiment d'une perfection humaine miraculeuse.

Helmut Deutsch et Jonas Kaufmann

Helmut Deutsch et Jonas Kaufmann

Tout au long de ce récital qui se conclura pas 5 bis choisis dans la même tonalité et par un "Heureux d'être de retour à la maison!" de la part du chanteur, son compagnon au piano aura émerveillé tant par la clarté lumineuse et son touché soyeux que par une attitude qui veille à ne laisser aucun épanchement dévier d'une ligne lucide et rigoureuse magnifiquement mêlée au phrasé de Jonas Kaufmann

L'acoustique de la grande salle du Bayerische Staatsoper offre en supplément une enveloppe sublime à une expression intimiste totalement vouée au recueillement.

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Publié le 12 Juin 2022

Trio Van Baerle (Mozart – Brahms – Chausson)
Concert du 11 juin 2022
Théâtre de la Ville – Les Abbesses

Wolfgang Amadé Mozart
Trio pour piano, violon et violoncelle, en sol majeur, K.496 (juillet 1786)

Johannes Brahms
Trio pour piano, violon et violoncelle n°3, en ut mineur, op.101 (été 1886)

Ernest Chausson
Trio pour piano, violon et violoncelle, en sol mineur, op.3 (été 1881)

Trio Van Baerle
Violon Maria Milstein
Violoncelle Gideon den Herder
Piano Hannes Minnaar

Le premier passage à Paris du Trio Van Baerle, un ensemble de trois jeunes musiciens néerlandais qui se produisent en public depuis plus de 10 ans, est l’occasion de découvrir des chefs-d’œuvre chambristes méconnus et peu joués, et aussi d’appréhender une formation afin d’en découvrir les qualités intrinsèques.

Maria Milstein (violon), Hannes Minnaar (piano) et Gideon den Herder (violoncelle)

Maria Milstein (violon), Hannes Minnaar (piano) et Gideon den Herder (violoncelle)

Composé un siècle avant les trios pour piano, violon et violoncelle de Brahms et Chausson, le trio en sol majeur K.496 Mozart apparaît comme une préparation à la profondeur dramatique qui sera développée plus tard dans ces deux œuvres romantiques.

Ici, le violon est mis en avant par rapport au violoncelle, dont parfois se perçoivent à peine les ondes sombres, et la vigueur dramatique qu’impulsent les traits volontaires de Maria Milstein dans son jeu d’échanges avec les formes d’expressions très affirmées du pianiste, crée toutefois une coloration assez austère là où l’on attendrait une transparence plus légère et joyeuse. 

Maria Milstein

Maria Milstein

Puis, dès les premières notes du trio en ut mineur op.101 de Brahms, les trois musiciens s’engouffrent dans un déluge d’expressionnisme noir d’une très grande intensité comme si toutes les forces devaient être lancées dans la bataille pour raconter une fuite en avant nocturne un peu désespérée. Les sonorités du violon s’assouplissent sans perdre en caractère, le piano draine un discours narratif puissant, et quand l’agitation se calme au second mouvement, les liens complices se détachent, le violoncelle faisant jeu égal avec le violon alors que le piano se fait conciliateur. 

Hannes Minnaar (piano), Gideon den Herder (violoncelle) et Maria Milstein (violon)

Hannes Minnaar (piano), Gideon den Herder (violoncelle) et Maria Milstein (violon)

Ce sens de la progression dramatique sans relâche atteint son paroxysme dans le trio op.3 de Chausson, là où les vibrations émotionnelles s’épanchent à fleur de peau avec un sens de l’effusion qui évoque beaucoup les grands mouvements passionnels qui seront développés dans les opéras véristes une décennie plus tard. Le déchaînement du geste de Maria Milstein déploie le panache du violon avec un mordant superbe auquel le violoncelle relie son art de la liaison avec une vitalité lumineuse, tous deux sous l’emprise d’un piano leste au cristal noir d’une impénétrable vigueur.

Et pour contrer le pouvoir excitateur d’une telle musique, les trois musiciens proposent en bis la quatrième des 6 études en forme canonique pour piano composées par Robert Schumann en 1845, ‘Innig’, dans une adaptation de Robert Teodor Kirchner. L’écriture est résolument romantique mais coulée de pure douceur.

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Publié le 19 Décembre 2021

Symphonies n°3 & 4 (Johannes Brahms – 1883 à 1885)
Concert du 16 décembre 2021
Philharmonie de Paris – Grande salle Pierre Boulez

Symphonie n°3 en fa majeur, op 90
Allegro con brio
Andante
Poco allegretto
Allegro

Symphonie n°4 en mi mineur, op 98
Allegro non troppo
Allegro moderato
Allegro giocoso
Allegro energico e passionato


Direction musicale Herbert Blomstedt
Orchestre de Paris

Concert diffusé sur Radio Classique le 09 janvier 2022 à 21h00

Achevée à l’été 1883 peu avant qu’Anton Bruchner, le dernier Romantique, n’achève sa 7e symphonie, la 3e symphonie de Brahms est l’une de ces œuvres concises et denses à la fois qui développe avec force et sérénité les humeurs introspectives de l’automne qui nous invite à ressourcer nos énergies pour se préparer à l’avenir.
Et se retrouver face à un chef d’orchestre tel Herbert Blomstedt qui file droit vers ses 95 ans ajoute à l’émerveillement du moment puisqu’il interroge le rapport mystérieux que chacun peut avoir à la musique.

Herbert Blomstedt

Herbert Blomstedt

Il fait ainsi vivre un univers sonore comme s’il cherchait à préserver un cœur chaud en faisant ondoyer un rayonnement caressant qu’il ramène subtilement vers lui pour canaliser l’entropie de l’orchestre et la laisser filer ensuite. La confiance des musiciens de l’Orchestre de Paris se lit dans la souplesse nerveuse de leurs gestes. La clarté des sonorités est splendide mais toujours tournée vers l’intériorité. Le sentiment d’être en connexion constante avec un orchestre et son chef est une expérience forte de tous les instants.

Herbert Blomstedt - Symphonie n°3 & 4 de Brahms - Philharmonie de Paris

Dans la quatrième symphonie de Brahms, ce mouvement ondoyant s’élargit, et l’orchestre est continuellement sur cet équilibre entre fluidité sans adhérence et épaisseur des mouvements de tous les pupitres, l’acoustique de la Philharmonie suffisant à en magnifier la lumière. Et la nature plus formelle de cette symphonie bénéficie encore de cette bienveillance naturelle sans emphase éperdue qu’imprègne Herbert Blomstedt aux musiciens afin de préserver la conscience d'une profondeur.

Cette invitation à une renaissance annoncée ne trouve pas plus belle conclusion que ces pas dansants et ces mimiques exaltées avec lesquels le chef d’orchestre accompagne de toute sa jeunesse d’esprit les rythmes enjoués du public lors des applaudissements qui ont conclu une telle soirée inspiratrice.

 

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Publié le 2 Octobre 2021

Chausson / Duparc / Brahms / Britten / Bridge
Récital du 30 septembre 2021
Théâtre des Champs-Elysées

Ernest Chausson Poème de l’amour et de la mer op. 19 - Cycle de mélodies d’après des poèmes de Maurice Bouchor
Henri Duparc « Invitation au voyage », op. 114, « La Vie antérieure », « Phidylé » op. 13 n° 2
Johannes Brahms « Die Mainacht » op. 43 n° 2
« Dein blaues Auge » op. 59 n°8
« Immer leiser wird mein Schlummer » op. 105 n°2
« Auf dem Kirchlofe » op. 105 n°4

Benjamin Britten « The Salley Gardens »
« The Last Rose of Summer »

Frank Bridge « Love went a-riding »
 
Ténor Benjamin Bernheim
Piano Mathieu Pordoy

Cinq jours après avoir chanté Les Contes d’Hoffmann à l’Opéra de Hambourg pour six représentations, Benjamin Bernheim reprend le chemin du récital pour deux soirs, l’un au Théâtre des Champs-Élysées, l’autre au Konzerthaus de Vienne, le 03 octobre.

Benjamin Bernheim

Benjamin Bernheim

Il est à nouveau associé au pianiste Mathieu Pordoy avec lequel il avait déjà donné ce même récital le 15 août dernier au Festival de Salzbourg, tout en l’adaptant légèrement ce soir, les mélodies d’Henri Duparc se substituant aux mélodies de Clara Schumann pour mieux saisir le public parisien.

Le Poème de l’amour et de la mer est ainsi interprété tel qu’il a été conçu à l’origine, quand Ernest Chausson accompagnait au piano le ténor Désiré Desmet lors de sa création à Bruxelles, le 21 février 1893.

La voix élevée de Benjamin Bernheim est fascinante car le jeune chanteur joue à la fois sur le sentiment intime et l’éclat héroïque, et sa projection vers les hauteurs de la salle rayonne d’une ample clarté où s’immisce l’aplomb volontariste de la jeunesse.

L'écoinçon de La Sonate - Plafond du Théâtre des Champs-Elysées

L'écoinçon de La Sonate - Plafond du Théâtre des Champs-Elysées

Et au cours de ce cycle de mélodies, Mathieu Pordoy dispose de longs passages solo pour faire couler une veine de sonorités rondes, stables et bien timbrées au délié liquide qui s’allie parfaitement au chant de son partenaire.

Les deux artistes offrent ainsi une imparable beauté classique à leur ensemble, mélange de retenue d’émotion et de grâce sereine.

Benjamin Bernheim

Benjamin Bernheim

En seconde partie, le temps est cette fois laissé à un grand wagnérien des premières heures, Henri Duparc, qui rencontra Ernest Chausson juste après la guerre franco-allemande de 1870. 

Sur des textes de Baudelaire ( Invitation au voyage et La Vie antérieure) et Leconte de Lisle (Phidylé), Benjamin Bernheim approfondit d’autres facettes de sa voix. La variété des couleurs et la finesse des nuances deviennent grisantes, et l’auditeur se sent comme invité à se laisser bercer pour partager des confidences.

Puis, les quatre chants de Brahms extraits de 3 opus différents composés entre 1868 et 1886 nous emmènent vers des teintes plus graves et sombres, toujours avec la même délicatesse, et l’ art du lied germanique vient ainsi se fondre à un univers qui lui est contemporain.

Mathieu Pordoy et Benjamin Bernheim

Mathieu Pordoy et Benjamin Bernheim

On quitte ensuite cet art de l’union de deux langues pour rejoindre le XXe siècle et un langage amoureux plus immédiat avec The Salley Gardens, et surtout Last Rose of Summer, de Benjamin Britten, où, dans cette dernière mélodie, Benjamin Bernheim laisse filer des traits d’âme en voix de tête d’un charme enjôleur magnifique.

Enfin, Love went a-riding de Frank Bridge permet d’achever le récital sur un héroïsme triomphant constellé par les notes perlées du piano qui suscitent ainsi un enthousiasme qui ne peut que déclencher deux bis, l’un choisi spécifiquement pour Paris, Le Voyage à Paris de Francis Poulenc, l’autre pour les amateurs d’opéras avec Pourquoi se réveiller du jeune Werther, là aussi un symbole de l’imaginaire germanique teinté de sentimentalisme français.

Benjamin Bernheim (Chausson – Duparc – Brahms – Britten - Bridge) - Champs-Élysées

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