Publié le 7 Décembre 2022
Mendelssohn, Mozart, Fauré, Poulenc, Castelnuovo-Tedesco, Boccherini, Dvořák, Attahir, Tchaïkovski, Satie
Concert du 04 décembre 2022
Théâtre des Bouffes du Nord
Felix Mendelssohn : Quatuor à cordes en fa mineur op. 80 – Leipzig, 5 octobre 1847 (en privé)
Wolfgang Amadeus Mozart : Quatuor pour flûte et cordes n°1 en ré majeur K. 285 (extrait : 1er mouvement Allegro) – Mannheim, 25 décembre 1777
Gabriel Fauré : Après un rêve* - Paris, 1877
Gabriel Fauré : Les Berceaux* - Paris, 1879
Francis Poulenc : Les Chemins de l’amour* - Paris, 1940
Mario Castelnuovo-Tedesco : Quintette pour guitare et quatuor à cordes op. 143 (extrait : 2ème mouvement Andante mesto) – Los Angeles, 1951
Luigi Boccherini : Quintette pour guitare et cordes Fandango’ en ré majeur G. 448 – Madrid, 1788
Antonín Dvořák : Quintette pour piano n°2 en la majeur op. 81 (extrait : 1er mouvement Allegro ma non tanto) – Prague – 6 janvier 1888
Benjamin Attahir : Al Dhikrâ (extrait) – Cité de la Musique (Paris), 20 janvier 2022
Wolfgang Amadeus Mozart : Quintette à cordes n°4 en sol mineur K. 516 (extrait : 4ème mouvement Adagio - Allegro) – Vienne , 16 mai 1787
Piotr Ilitch Tchaïkovski : Sextuor à cordes ‘Souvenir de Florence’ op. 70 (extrait : 4ème mouvement Allegro Vivace) – Saint-Pétersbourg, 6 décembre 1892
* Mélodies transcrites pour quatuor à cordes par Jean-Christophe Masson
Erik Satie : Je te veux (Paris, 1902)
Quatuor Van Kuijk
Nicolas Van Kuijk, Sylvain Favre-Bulle (violons), Emmanuel François (alto) et Anthony Kondo (violoncelle)
et Éva-Nina Kozmus (flûte), Sean Shibe (guitare), Adrien La Marca (alto), Grégoire Vecchioni (alto), François Robin (violoncelle), Ludmila Berlinskaïa (piano)
Le Quatuor Van Kuijk est né de la passion que partagent dès octobre 2011 quatre musiciens issus des conservatoires nationaux supérieurs de Lyon et de Paris. L’année suivante, ils fondent leur ensemble à Paris et remportent l’année d’après les Premier Prix et Prix du Public au 7e Concours international de Musique de Chambre de Trondheim en Norvège (24-29 septembre 2013).
A cette époque, Nicolas Van Kuijk (violon), Sylvain Favre (violon), Grégoire Vecchioni (alto) et Sébastien Van Kuijk (violoncelle) font partie de la formation initiale, puis, au fil des projets de vie personnels, le quatuor va renouveler ses talents à l’alto et au violoncelle.
En 2016, ils débutent leur collaboration avec le label Alpha Classics qui leur permet d’éditer cinq albums, dont trois dédiés à Mozart, et, six ans plus tard, le 28 octobre 2022, ils sortent leur 6e enregistrement ‘Mendelssohn : Complete String Quartets, Vol. 1.’ qui initie une intégrale des quatuors à cordes de Felix Mendelssohn.
C’est donc par le dernier 'quatuor à cordes en fa mineur' du compositeur allemand, dédié à sa sœur Fanny sous forme de Requiem, que débute ce concert anniversaire. L’interprétation, drainée par une détermination tragique, est d’une très grande nervosité, et le premier violon agit comme un baume au geste vif mais doué d’un touché souple et chaleureux.
Le troisième mouvement, bien plus calme, est le moment de recueillement attendu pour récupérer d’une telle intensité et profiter des jeux d’alliages entre les différentes vibrations et couleurs des cordes sur une tonalité assombrie. Mais c’est bien par une impulsivité acharnée que s’achève ce quatuor très sérieux jusqu’au bout.
Le Quatuor propose ensuite un florilège d’extraits de divers pièces qui vont nous faire voyager à travers les époques, et faire revivre des instants partagés avec plusieurs jeunes artistes rencontrés à l’occasion de tournées internationales.
Sylvain Favre-Bulle annonce ainsi qu’il s’éclipse momentanément afin de laisser la place à Éva-Nina Kozmus, actuellement flûtiste solo à l’Opéra de Limoges, avec laquelle les trois autres musiciens vont reprendre le premier mouvement du 'Quatuor pour flûte et cordes n°1 en ré majeur' de Mozart qu’ils ont interprété à Ljubljana il y a tout juste un an.
Il s’agit d’un morceau de charme virevoltant mené selon un tempo vif mais sans empressement. La jeune artiste slovène tire des sonorités pleines qui développent une douce sensualité réconfortante, et ce moment permet d’alléger l’atmosphère musicale qui succède à Mendelssohn.
Suivent deux transpositions pour quatuor à cordes de mélodies de Gabriel Fauré composées un siècle plus tard, ‘Après un rêve’ et ‘Les Berceaux’, et dont le sentiment mélancolique est ici approfondi. La différence avec l’interprétation chantée se fait particulièrement ressentir pour le second air où l’écriture aiguë, splendide de geste, ne peut toutefois rendre la même éloquence dramatique que la version vocale, surtout s’il s’agit d’un baryton.
Et avec ‘Les Chemins de l’amour’ de Francis Poulenc, que le Quatuor a présenté en bis nombre de fois, c’est une avancée encore plus proche de nous dans le temps, juste avant la Seconde Guerre mondiale, qui est opérée au rythme d’une valse nostalgique et souriante qui est devenue un des morceaux de charme de l’ensemble.
Puis, changement d’évocation lorsque Sean Shibe, jeune guitariste classique et électrique, se joint à l’ensemble pour interpréter le second mouvement de la 'Quintette pour guitare et quatuor à cordes op. 143' de Mario Castelnuovo-Tedesco, suivie de la 'Quintette pour guitare et cordes - Fandango ' de Luigi Boccherini. Près de deux cent ans séparent ces deux pièces hispanisantes.
L’Andante mesto met en valeur la fluidité et la délicatesse nuancée du musicien écossais à travers des réminiscences qui proviennent des souvenirs de la vie du compositeur quand il vivait en Europe.
Et dans la fraîcheur du ‘Fandango’ de Boccherini, la virtuosité saillante des musiciens s’épanouit dans un sentiment de complicité fortement visible. Anthony Kondo quittera même son violoncelle temporairement pour jouer des castagnettes sur un rythme très entraînant.
Pour retrouver Sean Shibe et le Quatuor van Kuijk, il faudra se rendre le 10 février prochain au Herbst Theatre de San Francisco, où la guitare sera classique mais aussi électrique dans ‘Physical Property’ de Steven Mackey.
En seconde partie du concert, c’est une pianiste russe, installée en France depuis plus de 30 ans, Ludmila Berlinskaïa, qui est accueillie par les musiciens. Ils se sont rencontrés il y a un peu plus de deux ans au Festival ‘La Clé des Portes’ qu’elle a créé dans le Val-de-Loire entre Orléans et Blois.
Ils reprennent ensemble le premier mouvement de la 'Quintette pour piano n°2 en la majeur' d’Antonín Dvořák dans un style vigoureux très caractéristique du quatuor. Les passages les plus lyriques permettent de dessiner nettement les couleurs vibrantes de chaque instrument qui se répondent, et une forme de détente semble s’être emparée des artistes qui ne les quittera plus.
En début d’année, à la Cité de la Musique, le Quatuor Van Kuijk avait interprété en première mondiale la nouvelle création de Benjamin Attahir, ‘Al Dhikrâ’. Seul un extrait est présenté ce soir afin d’en faire découvrir les nervures vives et les inflexions orientales dans une tessiture aiguë qui nous amène vers un autre monde, comme s’il s’agissait d’évoquer le son d’anciens instruments d'une autre culture.
Puis, l’arrivée d’Adrien La Marca, altiste à l’optimisme rayonnant, annonce un fort moment de complicité, car c’est avec lui qu’ils ont enregistré leur dernier disque dédié à deux quintettes à cordes de Mozart.
L’extrait choisi du dernier mouvement de la 4e quintette permet d’apprécier leur brillance de son, et d'admirer cette forme de conversation riante par laquelle les musiciens se renvoient les uns les autres leurs phrases musicales d’un élégant geste d’accompagnement, ce qui illumine sans la moindre fatigue apparente une soirée qui dure déjà depuis plus de deux heures,
Nicolas Van Kuijk, Sylvain Favre-Bulle, Emmanuel François, Grégoire Vecchioni, Anthony Kondo et François Robin
Mais le plus émouvant est de voir soudainement surgir Grégoire Vecchioni, le premier altiste à l’origine du Quatuor qui fait dorénavant partie de l’Orchestre de l’Opéra national de Paris en tant que premier alto solo, et François Robin, qui a participé aux cinq premiers enregistrements de l’ensemble, avant qu’ Anthony Kondo ne le remplace au violoncelle.
Ces séparations ne sont dues qu’à des projets de vie qui les ont éloignés, et retrouver six membres du Quatuor pour interpréter le dernier mouvement endiablé du Sextuor à cordes de Tchaïkovski, avec un son dense et nourri, est absolument irrésistible et réjouissant à entendre.
Et pour finir, les dix musiciens se réunissent avec leurs instruments à cordes, piano, flûte et guitare pour jouer une valse sentimentale d’Erik Satie, ‘Je te veux’, qui remémore un vieux Paris bohème en faisant écho aux ‘Chemins de l’amour’ chantés en première partie, le tout avec beaucoup de joie et d’humilité après ce premier bout de chemin si bien parcouru.