Articles avec #bodin tag

Publié le 17 Novembre 2024

Œuvres de Gabriel Fauré, Philippe Bodin et Guillaume Villiers
Concert du 09 novembre 2024
Temple Protestant de Port Royal - Paris XIIIe

Gabriel Fauré (1845-1924)
Barcarolle n°12, La Chanson d’Eve, Prélude n°6, Hymne à Apollon, Nocturne n°13, Le Parfum impérissable, Le plus doux chemin, Mandoline, Au Bord de l’Eau, Green, Le secret
Philippe Bodin (1960-)
La Lune Blanche (2014) sur une poésie de Paul Verlaine
Guillaume Villiers (2005-)
… Et ce soir-là (2024) sur des vers d’Albert Samain

Mezzo-soprano Stéphanie Guérin
Piano Lucas Bischoff

Construite en 1898 le long du boulevard d’Arago dans le 13e arrondissement, l’église réformée de Port-Royal présentait en ce samedi 9 novembre 2024 un hommage à Gabriel Fauré, donné cent ans exactement après sa disparition, interprété par la mezzo-soprano Stéphanie Guérin, artiste lyrique (‘Cosi fan tutte’ – Lausanne 2018, ‘Là-haut’ – Athénée Louis Jouvet 2022) qui aime défendre la mélodie française, et le jeune pianiste Lucas Bischoff, 21 ans, issu du CNSM.

Guillaume Villiers (musicien et compositeur), Lucas Bischoff (pianiste) et Stéphanie Guérin (chant)

Guillaume Villiers (musicien et compositeur), Lucas Bischoff (pianiste) et Stéphanie Guérin (chant)

Au cœur du temple, il faut imaginer un décor avec relativement peu de profondeur, des bancs en bois sombre et robuste provenant de Sibérie, une simple croix rétroéclairée frontale, surmontée d’une coupelle en vitraux figuratifs vers lesquels convergent les arches blanches du dôme.

Une très grande proximité s’installe naturellement entre le public et la scène, et un petit état d’esprit familial se ressent parmi l’audience.

Le programme permet d’entendre des vers de poètes français contemporains du compositeur ariégeois, Paul Verlaine, Leconte de Lisle, Armand Silvestre, ainsi que les poésies de Charles van Lerberghe à travers le cycle ‘La Chanson d’Eve’ qui ouvre le récital. L'observation de la nature y est prégnante.

Le sens de la respiration de Stéphanie Guérin fait immédiatement ressentir une fluidité dans le discours qui, sous l’effet de l’ambiance sensiblement réverbérée, prend une tonalité assez éthérée à laquelle vient se mêler les couleurs plutôt corsées du timbre de voix. Le chant reste bien centré, les teintes graves subtiles, avec un lyrisme délié à cœur ouvert.

Temple Protestant de Port Royal

Temple Protestant de Port Royal

Mais la soirée comporte également deux œuvres de compositeurs présents dans la salle.

La première, ‘La Lune Blanche’ de Philippe Bodin, basée sur les mêmes vers de Paul Verlaine que ceux que Gabriel Fauré mit en musique pour son recueil de neuf mélodies ‘La bonne chanson’, se démarque par une écriture plus aérienne, une véritable ode tournée vers le ciel avec des notes longuement tenues, alors que le piano apporte un contrepoint sombre et très ancré, presque inquiétant.

Puis, Guillaume Villiers, 19 ans, resté auprès du pianiste pour tourner les pages, est à l’honneur à travers l’une de ses compositions de l’année 2024, ‘..Et ce soir-là..’, d’après les vers d’Albert Samain, autre poète dont Gabriel Fauré mit en musique plusieurs poèmes (‘Soir’, ‘Pleurs d’or’, Arpège’).

La nuit est à nouveau évoquée, et le climat musical saisissant enferme l’auditeur dans un intimisme feutré poignant, d’autant plus que Stéphanie Guérin décrit cette fois les états d’âmes mélancoliques d’une tierce personne au bord du désespoir. Et l’écriture musicale, très expressive pour le piano - des effets sonores sont réalisés par pression directe sur les cordes -, suggère profondément un mystère sinistre et un poids émotionnel tout intérieur.

Lucas Bischoff

Lucas Bischoff

Tout au long du concert, le toucher pianistique de Lucas Bischoff est souvent réaliste mais aussi précautionneux quand il accompagne sa partenaire lyrique. Mais quelle surprise lorsqu’au final il propose en bis la mélodie ‘Malagueña’ du compositeur cubain Ernesto Lecuona avec un esprit de liberté ahurissant! Une forme de coda festive qui achève pleinement ce récital si à propos en ce soir d’automne.

Voir les commentaires

Publié le 11 Septembre 2023

Festival SenLiszt par les Solistes de l’Opéra national de Paris
Concert du 10 septembre 2023
Chapelle Royale Saint-Frambourg de Senlis
Fondation Cziffra

Wolfgang Amadé Mozart
Divertimento en fa majeur KV 138 (1772, Salzburg)
Quatuor pour Hautbois KV 370 (1781, Munich)

Richard Strauss
Les Métamorphoses (25 janvier 1946, Tonhalle Zürich)
Astor Piazzolla
Tristango et Libertango (1974, Milan)

Solistes de l’Orchestre de l’Opéra national de Paris
Sylvie Sentenac, Alan Bourré (Violons)
François Bodin, Laurence Carpentier (Altos)
Matthieu Rogué, Jérémy Bourré (Violoncelles)
Daniel Marillier (Contrebasse)
Philippe Giorgi (Hautbois)

                                                                                         Jérémy Bourré (Violoncelle)

Au lendemain de l’avant-première jeunes de ‘Don Giovanni’ donnée à l’opéra Bastille en prémices de l’ouverture de saison de l’Opéra national de Paris, quelques-uns des musiciens, pour la plupart présents sur scène la veille au soir, se sont retrouvés à la Chapelle Royale Saint-Frambourg de Senlis pour y interpréter des œuvres de Wolfgang Amadé Mozart, Richard Strauss et Astor Piazzolla.

Sylvie Sentenac, Laurence Carpentier, Jérémy Bourré et Philippe Giorgi (Quatuor pour Hautbois)

Sylvie Sentenac, Laurence Carpentier, Jérémy Bourré et Philippe Giorgi (Quatuor pour Hautbois)

Cet édifice religieux, érigé sous Louis VII au XIIe siècle sur les vestiges de l’ancienne chapelle où Hugues Capet fut élu roi des Francs, fut sauvé par le pianiste Georges Cziffra et est devenu depuis 1977 l’auditorium Franz Liszt.

Il est coloré par les seuls vitraux existant signés Joan Miró aux teintes bleu-ciel qui ouvrent sur l’étendue de l’univers, mais la chapelle bénéficie également d’une excellente luminosité et d’une acoustique très favorable à la musique classique, sans réverbération excessive, ni sécheresse qui discriminerait trop les moindres détails.

Malgré la chaleur accablante dans laquelle est plongée ce lieu hautement musical, plus de 150 spectateurs, dont des enfants très jeunes, sont présents cet après-midi pour apprécier, en première partie, deux œuvres de Mozart écrites pour quatuors.

Sylvie Sentenac et Alan Bourré (Divertimento en fa majeur)

Sylvie Sentenac et Alan Bourré (Divertimento en fa majeur)

Empreint d’un charme raffiné et entêtant, le 'Divertimento en fa majeur' prend aussi une sensualité douce et chaleureuse où les vibrations pleines et étirées avec classe par la violoniste Sylvie Sentenac soulignent une âme bien affirmée et très expressive.

Le 'Quatuor pour Hautbois' permet de découvrir la virtuosité des lignes que Philippe Giorgi prodigue de manière alerte mais avec une finesse et une pureté d’une grande légèreté qui se mêlent magnifiquement à la noirceur riche et vibrante des cordes.

Les ondes mélodiques du bois d’ébène changent de tonalité en passant d’inflexions subtilement tristes à la clarté joyeuse selon un courant d’une fluidité très harmonieuse, ce qui laisse l’impression fugitive d’un être cherchant à rester insaisissable.

Philippe Giorgi (Quatuor pour Hautbois)

Philippe Giorgi (Quatuor pour Hautbois)

La pièce centrale du concert permet alors de réunir l’ensemble des sept musiciens à cordes pour livrer une interprétation des ‘Métamorphoses’ de Richard Strauss d’une noirceur impressionnante – cette version pour sextuor à cordes et contrebasse ne fut découverte en Suisse qu’en 1990, la version originelle ayant été écrite pour un orchestre de 23 instruments -.

L’œuvre fut engendrée par effroi suite aux bombardements des villes allemandes lors de la Seconde Guerre mondiale, et entendre résonner en un tel lieu cet entrelacement de mélismes à la fois sombres et foisonnant d’éclats métalliques, tout en distinguant les effets de contrastes entre altistes et violonistes, plonge inévitablement l’auditeur dans un état réflexif accentué par l’intensité de son fantastique de l’orchestre.

Sylvie Sentenac, François Bodin, Laurence Carpentier (Les Métamorphoses)

Sylvie Sentenac, François Bodin, Laurence Carpentier (Les Métamorphoses)

Ces mêmes musiciens reprendront ce chef-d’œuvre au Palais Garnier en plein hiver, le dimanche 18 février 2024 à midi, précédé par la 'quintette en ut majeur KV 535' de Mozart.

Sylvie Sentenac, Alan Bourré, François Bodin, Laurence Carpentier, Daniel Marillier, Jérémy Bourré et Matthieu Rogué (Les Métamorphoses)

Sylvie Sentenac, Alan Bourré, François Bodin, Laurence Carpentier, Daniel Marillier, Jérémy Bourré et Matthieu Rogué (Les Métamorphoses)

Puis, toujours avec cette même densité de son qui prend au corps, deux adaptations de 'Tristango' et 'Libertango' extraits de l’album éponyme ‘Libertango’ composé par Astor Piazzolla à Milan en 1974 transportent les auditeurs dans un champ nostalgique et dansant, le second passage étant le plus célèbre puisqu’il fut repris par de grands artistes tels Grace Jones ou bien, plus récemment, Yo-Yo Ma

Philippe Giorgi, Sylvie Sentenac, Alan Bourré, François Bodin, Laurence Carpentier, Daniel Marillier, Jérémy Bourré et Matthieu Rogué

Philippe Giorgi, Sylvie Sentenac, Alan Bourré, François Bodin, Laurence Carpentier, Daniel Marillier, Jérémy Bourré et Matthieu Rogué

C’est tout autant la rythmique que les mélanges de couleurs des cordes – et les sons grattés du violon d’Alan Bourré en début d’air – qui font le charme et la joie de cette conclusion si vivante, si bien que l’on arrive en fin de concert en ayant le sentiment d’avoir traversé des époques, de styles et des évènements avec un grand luxe dans la réalisation.

Le plaisir s’exprime alors dans l’ovation chaleureuse rendue au bout d’une heure vingt de musique, et le regard curieux des plus jeunes est peut-être celui qui est le plus important car il annonce l’avenir.

La Chapelle Royale Saint-Frambourg de Senlis

La Chapelle Royale Saint-Frambourg de Senlis

Voir les commentaires