Symphonie n°8 de Bruckner (Herbert Blomstedt Orchestre de Paris) Philharmonie
Publié le 1 Mai 2024
Anton Bruckner
Symphonie n°8 (Vienne, 18 décembre 1892)
Concert du 24 avril 2024
Philharmonie de Paris, Grande salle Pierre Boulez
Anton Bruckner (1824-1896)
Symphonie n°8 en ut mineur, A.117
Version révisée du 10 mars 1890
Direction musicale Herbert Blomstedt
Orchestre de Paris
Violon solo (invité) Igor Yuzefovich
Diffusion sur France Musique, le 06 mai 2024 à 20h
Ultérieure à la symphonie n°4 de Johannes Brahms (1885), mais antérieure à la symphonie n°2 de Gustav Mahler (1894), la symphonie n°8 d’Anton Bruckner doit son haut niveau d’inspiration à l’influence d’Hermann Levi, le chef d’orchestre de confession juive à qui Richard Wagner avait confié la direction musicale de la première de ‘Parsifal’ au Festival de Bayreuth, le 26 juillet 1882.
En effet, ayant rejeté, à l’automne 1887, la partition de la version originale que lui avait envoyé Bruckner et qu’il n’avait pas su comprendre, la santé nerveuse du compositeur en fut fortement affectée.
Mais débuta à ce moment là une période de révision qui concerna la 3e et la 4e symphonie, suivie de la 8e symphonie, qui sera achevée le 10 mars 1890, et enfin la 1er symphonie.
Pour cette raison, la version définitive de la symphonie n°8, totalement réorchestrée, est débarrassée des aspects conventionnels de la première version. Elle évoque dans son premier mouvement l’arrivée grandiose de la Mort, autant que la douceur des souvenirs des êtres aimés dans le troisième, un long adagio d’une demi-heure de temps.
C’est donc avec une grande émotion que nous retrouvons, à l’approche de ses 97 ans, Herbert Blomstedt à la direction de l’Orchestre de Paris, qu'il engage dans une symphonie que le chef suédois affectionne énormément.
Affaibli, arrivant au bras du 1er violon solo invité, Igor Yuzefovich, il prend pourtant les commandes de l’orchestre avec un esprit réconfortant mêlant rigueur et bienveillance, et développe une lecture qui montre de quelle manière il arrive en permanence à insuffler une respiration d'une grande profondeur au jeu des musiciens. Tout au long de la soirée, de grandes pages d'une plénitude absolue alternent ainsi avec des démonstrations de puissance chevaleresque ardentes.
Les cuivres, et les trompettes en particulier, sont fondus aux sections de bois et de cordes de façon à suggérer une force sous-jacente explosive sans effets trop clinquants, une très belle clarté se dégage des mouvements lents, détaillés avec un délié caressant d’une irrésistible sensibilité, et l’efficacité théâtrale se double d’une brillante netteté, sans aucun appesantissement.
Et dans l’acoustique de la Philharmonie, le rendu des nappes de violons dépeint de magnifiques impressions d’irréalité diffuse.
Par sa façon de diriger, se ressent également un grand sens du dialogue avec l’orchestre, une compréhension mutuelle qui préserve sa part de mystère, et qui contribue à rendre ce moment inouï, tant il happe l’auditeur dans un rapport au temps qui le dépasse.
Il s’agit véritablement d’une invitation à goûter et à chérir notre présence à la vie, et la joie d’Herbert Blomstedt reste une force d’inspiration toujours aussi peu commune qui fait la valeur de chacune de ses apparitions, car elles ont le pouvoir de recentrer notre rapport au monde.