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Publié le 29 Janvier 2015

Idomeneo (Wolfgang Amadé Mozart)
Représentation du 25 janvier 2015
Opéra National de Lyon

Idomeneo Lothar Odinius
Ilia Elena Galitskaya
Idamante Kate Aldrich
Elektra Ingela Brimberg
Arbace Julien Behr
Le Grand Prêtre Didier Roussel
La Voix de Neptune Lukas Jakobski

Direction Musicale Gérard Korsten
Mise en scène Martin Kusej (2014)

                                                                                                Kate Aldrich (Idamante) et Ingela Brimberg (Elektra)

Coproduction Royal Opera House Londres, Opéra des Flandres

Martin Kusej n’est pas n’importe quel metteur en scène. Sa vision de l’homme est féroce, car il sait que ce sont les épreuves de la vie qui révèlent le véritable visage de celui-ci.

Il est également un homme de théâtre qui traite le chœur comme un personnage à part entière, et le transforme en symbole d’une société dont il observe avec acuité le rapport aux événements, aux superstitions et au pouvoir.

Ainsi, dans sa production de Macbeth pour l’Opéra de Munich, arrive-t-il à montrer comment un peuple aveugle peut encenser ses nouveaux dirigeants, avant d’en devenir ses victimes.

Kate Aldrich (Idamante) et Elena Galitskaya (Ilia)

Kate Aldrich (Idamante) et Elena Galitskaya (Ilia)

Dès l’ouverture d’Idomeneo, dans un climat de tempête et de trombes d’eau, le chœur a de nouveau un rôle majeur. Il est autant le peuple Troyen échoué sur les bords d’un pays étranger, que les forces crétoises fascistes qui le martyrisent. Le monstre issu de la colère de Neptune devient alors le révélateur des peurs collectives.

L’image de ces gens brandissant un requin et agitant des petits poissons à offrir en sacrifice est bon enfant, mais lorsque le drame arrive, ces personnes en apparence inoffensives sont prises de panique et prennent haches et couteaux sans que l’on sache exactement vers qui leur violence va se retourner : le monstre responsable du massacre ? Idamante ? Son père peut-être ? Tout le monde est sur ses gardes.

Lothar Odinius (Idomeneo)

Lothar Odinius (Idomeneo)

La réaction de certains spectateurs face à une immense langue sanglante de vêtements et de chairs en lambeaux est assez étonnante, car Kusej ne fait que montrer ce que dit le texte : « Ah ! regarde ces rues noyées sous le sang ! ». Est-ce une méconnaissance du livret, ou alors un refoulement d’une image qui renvoie aux actes d’horreur qu’ont connu les New-Yorkais ou bien les Parisiens plus récemment ?

Il ressort en tout cas de ce travail le pressentiment que les démocraties peuvent très vite se retourner en dictatures militaires sous l’emprise de religieux dans un monde de plus en plus dangereux. Et, à la toute fin, le règne d’Idamante et Ilia débute mal.

Mais s’il y a bien une ligne directrice et cohérente qui augmente l’importance de certains personnages comme le Grand Prêtre qui apparaît sous la forme d’un rôle muet au premier acte, le metteur en scène délaisse les caractères, rend Idoménée, Elektra et Idamante monolithiques – les scènes de confrontations manquent d’intensité -, et ne réussit qu’à renforcer le rôle d’Ilia. Jamais n’est-elle parue aussi humaine et déterminante.

Elena Galitskaya (Ilia)

Elena Galitskaya (Ilia)

Car Elena Galitskaya est le véritable cœur saignant de la soirée, une voix dramatiquement romantique débordante de grâce mozartienne. Et l’harmonie entre cette délicatesse et la finesse des expressions fragiles tant de son regard que de ses bras si souples est d’une beauté extrêmement touchante.

A contrario, Kate Aldrich, en Idamante, n’utilise pas suffisamment son corps pour exprimer son intériorité, ce qui est dommage, car au cours de la représentation son chant prend une tonalité de plus en plus sombre et sensuelle sans qu’elle n’arrive à se sentir à l’aise avec le travestissement de son personnage. Même sentiment pour Ingela Brimberg dont les moyens impressionnants ne suffisent pas à traduire les failles d’Elektra et lui donner une épaisseur humaine en laquelle l’on puisse se refléter.

Kate Aldrich (Idamante)

Kate Aldrich (Idamante)

Et Lothar Odinius est certes un Idoménée théâtralement crédible, appuyé par une voix présente et lyrique, sans faille, qui ne traduit cependant pas toute la sensibilité musicale que ce rôle peut offrir.

Les chœurs sont très bons, une force vitale déterminée et tragique, et la direction de Gérard Korsten redéploie les lignes mozartiennes pour leur donner une ampleur inhabituelle, séduisante autant que prenante. L’orchestre de l’Opéra de Lyon est entraîné dans un magnifique continuum marin, comme s’il était la mer baignant le drame.

La transparence des sonorités, la grâce avec laquelle les cordes s’effacent en douceur pour laisser les notes scintillantes du clavecin prolonger le mouvement musical, sont impressionnantes de bout en bout, même si l’on a bien conscience que cette noirceur est une beauté en soi qui se détache du pathétisme des caractères humains.

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Publié le 6 Octobre 2013

Les larmes amères de Petra von Kant (Rainer Werner Fassbinder)

Représentation du 05 Octobre 2013
Odéon Théâtre de l’Europe
Ateliers Berthier

En allemand, traduction audio simultanée

Petra von Kant Bibiana Beglau
Karine Andrea Wenzl
Marlene Sophie von Kessel
Sidonie Michaela Steiger
Valerie von Kant Elisabeth Schwarz
Gabrielle von Kant Elisa Plüss

Mise en scène Martin Kusej
Scénographie Annette Murschetz

                                                                         Bibiana Beglau (Petra von Kant)   (C) Hans Jörg Michel

 

On peut toujours voir dans certaines salles d‘Art et Essai «Die Bitteren Tränen der Petra von Kant », le film que Rainer Werner Fassbinder réalisa en 10 jours en 1972, un an après avoir écrit la pièce du même nom. Ce film magnifique nous immerge dans l’univers clos et violemment passionnel de Petra von Kant, une créatrice de mode dont le succès a précipité la décomposition de son couple avec Frank, mené par complexe à une dégénérescence sexuelle.
Peu après son divorce, elle fait la rencontre d’une jeune femme, Karine, dont elle va s’éprendre d’une passion amoureuse irrépressible et dévastatrice.

Il y a une tension psychologique et un esthétisme érotique dans ce film étouffant qui ne nous laissent pas un seul instant décrocher de chaque mot, de chaque pensée, et qui nous tiennent constamment le cœur serré.

Bibiana Beglau (Petra von Kant)   (C) Hans Jörg Michel

Bibiana Beglau (Petra von Kant) (C) Hans Jörg Michel

Martin Kusej, le directeur du Residenz Theater de Munich n’est pas n’importe quel metteur en scène, et, en France, pays dont la culture théâtrale est beaucoup plus conventionnelle qu'en Allemagne, il ne peut nécessairement s‘adresser qu‘à un public restreint.

Il interprète les œuvres en broyant radicalement toute trace d’amour humain pour ne laisser place qu’à la violence, au sexe et au sang, et à la mort.

Ainsi, Paris a pu se faire une idée de son travail à travers deux opéras : Carmen, en 2007 au Théâtre du Châtelet, et l’extraordinaire Lady Macbeth de Mzensk interprétée par Eva Maria Westbroek à l’Opéra Bastille en 2009.

On retrouve des éléments de la scénographie de Lady Macbeth dans sa mise en scène des « Larmes amères de Petra von Kant », conçue à partir d’une scène carrée entourée de parois de plexiglas, et qui commence par une danse sous des effets stroboscopiques hypnotisant.

Andrea Wenzl (Karine)   (C) Hans Jörg Michel

Andrea Wenzl (Karine) (C) Hans Jörg Michel

Les spectateurs, disposés tout autour de cette «cage de verre» , se trouvent alors en situation de voyeurisme assumé, mais, le dispositif ne permettant pas le sur titrage, la traduction du texte allemand est réalisée à travers un système d’écouteurs personnels qui ne permet plus d’écouter en direct la déclamation incisive et sensuelle des actrices.

C’est pourquoi, mieux vaut au préalable prendre le temps de lire le résumé de la pièce gracieusement offert, et suivre normalement la pièce sans les écouteurs, car la radicalité expressive des comédiennes est suffisante pour saisir l’enjeu émotionnel d’une exceptionnelle interprétation.

Bibiana Beglau, en Petra von Kant, est une fascinante actrice habituée aux rôles excessifs. Elle dégage une énergie animale formidable, et ses regards en amande ont l’effet aussi perçant que celui d’un aigle sur lequel on lit d’avance les intentions agressives.

Sa rencontre avec Karine, Andrea Wenzl, révèle tout l‘opposition qui les rapproche. L’une est blonde, sexuellement provocante dans sa tenue serrée noire, l’autre est brune et vêtue d’une lingerie aussi blanche que la lumière intense qui baigne la pièce centrale de la scène.

Sophie von Kessel (Marlene) et Bibiana Beglau (Petra von Kant)   (C) Hans Jörg Michel

Sophie von Kessel (Marlene) et Bibiana Beglau (Petra von Kant) (C) Hans Jörg Michel

Au milieu des dizaines de bouteilles de Gin, pour la plupart vides, qui jonchent le sol, les deux femmes se livrent à un apprivoisement mutuel qui atteint son paroxysme dans une scène d’amour sensuelle et réaliste, magnifiquement éclairée par une lumière rasante.
Ensuite, Kusej décrit la violence sadomasochiste avec laquelle leur lien se distend sans rien épargner des gestuelles sexuelles explicites et du fracas des bouteilles qui s’écrasent et éclatent sur les vitres.

L’excès transgressif de certaines scènes est tel que la réponse à ce choc peut créer un sentiment d’admiration intense, presque extatique.

Toutes ces femmes, Michaela Steiger (Sidonie), Elisabeth Schwarz (La mère de Petra) et Elisa Plüss (la fille de Petra), jouent dans la même veine, avec le même sens du texte.

Sophie von Kessel, en Marlène, est silencieuse tout au long de la pièce. Seules les cernes révèlent la destruction psychique de son état. Elle finit pas se pendre, sans doute, par le goût du macabre qu’affectionne Kusej.
 

Ce désespoir incontrôlé et délirant est beau car il extériorise à outrance ce qu’un amour fou peut nous faire vivre intérieurement. Il faut, cependant, être prêt à le voir en vrai pour accepter ce spectacle très fort.

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Publié le 26 Mars 2012

Macbeth (Giuseppe Verdi)
Représentation du 23 mars 2012
Bayerische Staatsoper

Macbeth Franco Vassallo
Banco Christof Fischesser
Lady Macbeth Tatiana Serjan
La Dame de Lady Macbeth Evgeniya Sotnikova
Macduff Francesco Demuro
Malcolm Fabrizio Mercurio
Le Médecin Christoph Stephinger

Mise en scène Martin Kušej
Direction Teodor Currentzis

 

                                                                         Tatiana Serjan (Lady Macbeth) et Franco Vassallo (Macbeth)

Macbeth est la tragédie d’un couple enfermé dans un délire mental obsédant, mais est aussi la tragédie d’un peuple opprimé par une dictature infernale.

On peut dire que Martin Kušej ne nous épargne rien de la descente aux enfers de ces gens enthousiastes aux premiers succès du Thane de Glamis, compatissant et vêtus de noir au deuil de Duncan, et d’une humeur festive et carnavalesque quand son meurtrier - sans qu’ils en soupçonnent le rôle - accède enfin au trône d’Écosse.

Le paroxysme de l’aveuglement de la cour est atteint au cours de la scène du banquet, l’ensemble du chœur s‘y montre habillé de splendides costumes et coiffures de mille couleurs en fête comme dans un moyen-âge imaginaire.

Tatiana Serjan (Lady Macbeth)

Tatiana Serjan (Lady Macbeth)

Mais la révélation du meurtre de Banco enclenche un engrenage de peur, et l’horreur d’êtres humains réduits à une condition sale et dégradante, sans la moindre hygiène, et qui finissent en viande de bétail destinée aux abattoirs - des treuils hissent plusieurs corps pendus par les pieds - provoque inévitablement des réactions de rejets parmi les spectateurs.

Métaphore moderne de la fabrique terroriste, Kušej emploie enfin l’effigie du Joker - personnage monstrueux - pour en maquiller les révoltés conduits à assassiner leurs bourreaux. Il n’est plus le seul à s’y référer (Fidelio par Calixto Bieito).

Il en ressort de tout cela un climat sanglant et gore proche du film de Polanski (Macbeth 1971).

Si l’on se place du point de vue théâtral, la relation entre Lady Macbeth et Macbeth est traitée dans l’esprit de la pièce de Shakespeare et n’en surprendra aucun familier.

Scène du banquet.

Scène du banquet.

Dès l’ouverture, la fausse couche de la Lady, et donc son impossibilité à enfanter, est clairement présentée comme l’élément  déclencheur du drame. Tout aussi lisible est la perte de sa féminité - la fameuse incantation à la perte de son sexe - par la section, d’un simple geste, d’une partie de sa chevelure.
Quant au décor, caractérisé par une tente en avant scène, et une lande de crânes blancs surplombée d’un brouillard aux filaments inquiétants, il n’échappe pas à une impression de bâclé, à cause des bâches semi-transparentes qui séparent espace intime et extérieur.

Sans être dominée par un seul monstre vocal, la distribution possède en revanche une musicalité infaillible.

 Dans le rôle de Lady Macbeth, Tatiana Serjan réussit à imposer un personnage convaincant et humain, qui reste prisonnier de ses propres fantômes.
Elle est d’autant plus intéressante qu’elle n’est pas une ample mezzo-soprano dramatique, mais plutôt une chanteuse que l‘on pourrait rapprocher de la fureur baroque de Joyce DiDonato. Son émission est particulièrement véloce et bien projetée, et ses couleurs sauvages s’imprègnent d’expressions rauques et incisives sans aucun artifice.

Tatiana Serjan (Lady Macbeth)

Tatiana Serjan (Lady Macbeth)

Franco Vassallo interprète un Macbeth généreux par cette façon d’achever ses airs en amplifiant progressivement sa voix comme pour sauver quelques beautés de son âme. Théâtralement, il reste très mesuré, comme désabusé depuis le début.

Christof Fischesser défend lui aussi un beau Banco notre et réservé, et si Francesco Demuro n’est pas le grand Macduff seigneur dramatique et fougueux, il compte sur son souffle vaillant et long pour libérer la profondeur de ses sentiments douloureux.

Enfin, Fabrizio Mercurio fait entendre un Malcom très rossinien, d’une légèreté qui ne nuit pas à sa présence, bien au contraire, peut être sera t-il un souverain d'une autre nature que celle de son prédécesseur.
Le Médecin et la Dame de Lady Macbeth sont également très bien incarnés par Christoph Stephinger et Evgeniya Sotnikova.

Mais ce chef d’œuvre repose aussi sur la direction de Teodor Currentzis. A la tête d’un des plus beaux orchestres au monde, il est le maître d’une atmosphère étouffante, gonflée de cordes et de cuivres sombres sur fond de percussions assommantes.
 

L’harmonie d’ensemble et les amples modulations prennent parfois le pas sur la tension, mais dans les moments déterminants, les apparitions et rencontres surnaturelles éclatent dans une violence spectaculaire. La force insistante des cuivres est par ailleurs plus enfouie qu’à son habitude.

 Hormis le ballet, l’intégralité de la version parisienne (1865) est jouée, et la danse des ondines et sylphides est interprétée avec une telle fluidité dansante et poétique, qu’il en magnifie la grâce inégalée, à ma connaissance, par les enregistrements au disque.

Franco Vassallo (Macbeth) et Francesco Demuro (Macduff)

Kušej offre à ce moment là une saynète divertissante de numéro de lévitation sur le corps de Macbeth endormi, cerné par des danseuses de cabaret en coiffure fluorescente. Tout le monde n’a pas apprécié...
Les chœurs, même s’il est difficile d’en évaluer une quelconque sonorisation quand ils chantent hors de la scène, sont d’une impeccable unité, belle mais sans accentuation dramatique prononcée.

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Publié le 18 Janvier 2009

Lady Macbeth de Mzensk (Dimitri Chostakovitch)
Représentation du 17 janvier 2009 (Bastille)

Mise en scène Martin Kušej
Direction musicale Hartmut Haenchen

Boris Vladimir Vaneev
Zinovy Borisovitch Ismailov Ludovit Ludha
Katerina Lvovna Ismailova Eva-Maria Westbroek
Serguei Michael König
Aksinya Carole Wilson
Le Balourd miteux Alexander Kravets
Le pope Alexander Vassiliev
Le chef de la police Nikita Storojev

 

Déjà l’œuvre de Chostakovitch n’était pas une ode au genre humain, mais la vision de Martin Kušej enfonce le clou et une bonne partie de l’humanité avec.

Au centre d’un espace clos par une immense palissade, Katerina Ismailova vit dans sa maison de verre, exposée à tous comme les femmes du Red Light District, et reposant sur un sol boueux sur lequel se complait la population de la ville.

Mariée à un homme minable, elle ne sait plus comment vivre avec ce corps et cette peau sous tension, électrisés, désespérant de trouver chaleur humaine et amour.

Ce besoin viscéral l’amène alors le soir à ouvrir en grand sa chambre, laisser l’air libre l’effleurer, et même s’il le faut, apaiser ce feu vital à la fraîcheur de l’eau, alors qu’une échelle reste dressée vers la pièce comme dernier espoir.

Eva Maria Westbroek (Katerina Ismailova)

Eva Maria Westbroek (Katerina Ismailova)

Cette scène est d’ailleurs fort semblable à celle que James Ivory restitue magnifiquement dans « Maurice » (Lion d’argent au festival de Venise 1987), quand n’en pouvant plus, le jeune aristocrate s’étire à sa fenêtre pour s’immerger sous la pluie et appeler plus ou moins consciemment celui qui pourra le sortir de sa condition.

Cet amour, elle le trouve en Serguei, même si c’est sous une forme vulgaire, mais cette manière qu’il a de prétendre à une sensibilité profonde et à sa connaissance de l’amour un peu trop insistante, ne la fait pas douter une seconde.

Alors évidemment, Katerina est poussée à tuer son beau père et son mari pour gagner sa liberté et vivre, mais le metteur en scène choisit de dénoncer avec plus de virulence le comportement d’un peuple médiocre, complice de toutes les exactions à l’encontre d’un être porteur d’un peu d’amour, que ce soit l’assistance au viol de Aksinya, l’appui à la police corrompue pour arrêter le couple d’amants, ou bien la réjouissance de voir Serguei la tromper pour une autre prisonnière.
C’est ce peuple, avili et sans âme, qui finit par pendre Katerina, et qui sombre définitivement sous la scène.

Les images sont fortes, mais l’éclatement de la rage de Katerina, ce moment où poussée à bout elle bascule, est projeté au spectateur avec une violence inouïe.

Michael König (Serguei) et Eva Maria Westbroek (Katerina Ismailova)

Michael König (Serguei) et Eva Maria Westbroek (Katerina Ismailova)

La soprano Eva-Maria Westbroek se jette dans ce personnage avec toute son âme et c’est aussi cette confiance manifestée qui contribue à émanciper Katerina Ismailova d’une vision qui aurait pu être bien plus manichéenne.

Mine de rien, sous ses airs placides, Michael König porte également bien son rôle d’homme brutal et faussement sensible, mais l’auditeur est pris dans une atmosphère telle que l’émotion bride les forces d’analyses des caractéristiques vocales de l‘ensemble.

Seul Vladimir Vaneev aurait pu donner un peu plus d’ampleur écrasante au beau-père avec une projection vocale plus conséquente.

Harmut Haenchen et l’orchestre de l’Opéra National de Paris réalisent une performance incroyable, à un moment une masse s’élève de la fosse, à d’autres les nappes sonores se diluent dans une ambiance d’angoisse latente, d’un seul coup une valse surgit, et l’ironie entraînante se superpose aux scènes les plus glauques.

Winfried Maczewski et les chœurs de l’Opéra de Paris se surpassent aussi bien en nuances que dans l’osmose réussie avec le drame.

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