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Publié le 3 Juillet 2007

Un Bal Masqué à l'Opéra Bastille

Représentation du 01 juillet 2007

 
Lors de la file d’attente au guichet pour le Bal Masqué, le très sympathique Gilbert Deflo nous disait vouloir s’en tenir au livret situé à Boston et donc éviter toute transposition hasardeuse.
Effectivement, jamais nous ne serons pris à contre-pied : tenues guindées, aigle américain aux ailes déployées, élégante statue du gouverneur à l’effigie de Marcelo Alvarez, potence surplombée de deux sinistres vautours, une sorcière noire et trois salamandres constituent des éléments symboliques conformes à l’histoire.
Seulement ces scènes mises bout à bout génèrent un ennui certain lorsqu’elles ne sont liées que par une direction d’acteur minimaliste et qu’aucune recherche de dynamique des effets lumineux ne vient accentuer le discours musical.
 
Heureusement, le ténor argentin s’impose d’entrée avec aisance et nonchalance enthousiasmantes. Le timbre est généreux, chaleureux même, soufflant une ardeur teintée de sentiments affectés très latins. L’homme joue un gouverneur qui joue dans un monde qu’il ne prend pas au sérieux ; difficile de distinguer si les gesticulations sont celles du Comte ou bien de l’acteur laissé sans consignes. 
  
Face à un tel phénomène, Ludovic Tézier fixe un Renato « droit dans ses bottes », un homme d’honneur, dont la fierté se change en mépris quand se révèle la réalité des émois d’Amélia. La noblesse de ce rôle convient bien au chanteur même si les couleurs de sa tessiture évoquent plus une belle jeunesse qu’une autorité mature.
Le rictus glacial qui accompagne le geste meurtrier rappelle instinctivement Don Giovanni.
Marcelo Alvarez et Angela Brown (Acte II)

Marcelo Alvarez et Angela Brown (Acte II)

Grande voix Angela Brown ? assurément ! bien entendu il faut un certain goût pour les graves gonflés et caverneux, une certaine tolérance aux irrégularités et un vibrato, m’a-t-on dit, qui pourtant ne m’a aucunement gêné.  
Je n’aime pas que l’on raille son physique développé (et il faut voir de qui émanent ces critiques) surtout que je trouve beaucoup de beauté dans ce fascinant visage noir et les accents métalliques. « Morro, ma prima in grazia » à l’acte III est par ailleurs riches de nuances.
 
Ulrica bien tenue, Elena Manistina ne possède cependant pas une personnalité vocale suffisante pour camper une sorcière impressionnante. Mais que de fraîcheur dans cet Oscar espiègle que Camilla Tilling déroule de toute sa légèreté ! Elle est adorable.
 
Enfin, Semyon Bychkov fait une entrée réussie à l’Opéra de Paris. Il avantage les chanteurs par un choix de tempi mesurés et libère toute l'énergie de l'orchestre dans les moments clés comme l'arrivée spectaculaire du Comte, l'ouverture tourmentée du second acte (digne de Tchaïkovsky) ou bien l'angoissante avancée d'Amélia vers l'urne, tension qui évoque les sombres intrigues de Don Carlo et Otello.
Ludovic Tézier et Camilla Tilling (Acte III)

Ludovic Tézier et Camilla Tilling (Acte III)

Saluons la scène du bal masqué et la réussite des danses enlevées exécutées par des personnages de la Commedia dell'Arte.

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Publié le 26 Juin 2007

La Traviata (Verdi)
Représentations du 24 juin
et 12 juillet 2007 à l'Opéra Garnier

 
Mise en scène Christoph Marthaler
Décors et costumes Anna Viebrok
Direction Sylvain Cambreling
 
Violetta Valery Christine Schäfer
Alfredo Germont Jonas Kaufmann
Giorgio Germont José Van Dam 
 
                                                                                                 Sylvain Cambreling dirige l'orchestre de l'Opéra de Paris

Les habitués de l'ONP savent que si Gerard Mortier confie la nouvelle production de Traviata à l'équipe
Marthaler - Viebrok - Cambreling - Schäfer - Van Dam, l'attente d'une interprétation traditionnelle est vaine. 
Alors pourquoi venir pour finalement chercher à heurter consciemment ces artistes ?
Passons donc sur ces huées pour rendre compte du travail artistique.
 
Jamais le premier tableau du second acte ne m'aura paru aussi oppressant et pathétique.
Germont affublé d'un costard qui le fige comme sa mentalité dépassée peut l'être vient convaincre Violetta de quitter son fils.
La scène est relativement déserte et laisse toute liberté à Sylvain Cambreling pour appesantir l'atmosphère non seulement en étirant les tempi de l'orchestre mais également en appuyant les accents sinistres des contre-basses.
Seul petit reproche plus loin, la brutalité brouillonne des ensembles dans les passages destinés à conclure l'action.

José Van Dam s'en tire plutôt bien cet après-midi dans un rôle fantomatique où ses accents un peu trop plaintifs et rugueux ne jurent pourtant pas sur le plan dramatique.
 
Il est bon de rappeler que le Brindisi est une chanson à boire. Alors si Marthaler décide de situer le premier acte au vestiaire d'une salle de spectacle où se retrouve un public tristement soûl, mécanique, il ne choque que par notre accoutumance à la représentation d'uns scène de fête légère et insouciante.
La dérision vis à vis de cette foule vulgaire est perceptible dans la musique : ainsi au deuxième tableau du second acte le chef se permet même de petites déformations ironiques.
A plusieurs reprises dans ce spectacle il nous est effectivement permis d'entendre des sonorités nouvelles.
 
Alors venons en à Christine Schäfer : Piaf et Violetta, le rapprochement est osé et il fonctionne surtout parce que la chanteuse se glisse sans problème dans un personnage aux allures enfantines (voir Chérubin dans Les Noces de Figaro du même Marthaler).
Ses moyens ne lui permettent pas de rivaliser sur le terrain des grandes Traviata dramatiques mais une bonne technique, le souffle rigoureusement contrôlé et la douceur du timbre révèlent son intelligence. 
Je regrette cependant qu'elle ne puisse déployer un cri plus déchirant de douleur au troisième acte, alors que l'absence du contre-mi bémol à la fin du "sempre libera" surprend uniquement par effet d'habitude.

Qu'elle est pourtant attachante lorsque l'inversion de luminosité focalise sur elle un faisceau lumineux l'isolant telle une chanteuse de cabaret exprimant ses mélodies rêveuses!
 

Le 12 juillet, Nataliya Kovalova remplace Christine Schäfer. Après quelques difficultés au premier acte, sa belle voix slave s’assouplit pour nous offrir un portrait bouleversant au Bal chez Flora Bervoix et au IIIème acte. Elle ne cherche cependant pas à se rapprocher d'une interprétation plus fragile et maladive.
 

                                                                                   Nataliya Kovalova
 
Peu de temps est nécessaire pour réaliser à quel point le spectacle semble adapté à l'ensemble du plateau, car nous découvrons très vite l'Alfredo de Jonas Kaufmann. Jeune, svelte, voix puissante et charmeuse, beau gosse, voici donc l'amoureux parfait de la "Môme", plein de fougue mais aussi d'inconscience.
A dire vrai, les noirceurs de son timbre suggèrent un Don Giovanni adolescent.

La timidité, les regards qui n'osent se croiser et la retenue de chacun crédibilise totalement leur rencontre.
Et par dessus tout, le jeune chanteur se plie sans réserve au rôle, exposant de plus en plus une terrible attache pour ce petit bout de femme.
 
   Jonas Kaufmann
Nul doute que la maladie de Violetta est le thème que chef et metteur en scène veulent omniprésent au point de faire des moments festifs un étalage de la bêtise sociale.

C'est une vision forte et décalée, résultat de l'estime et de la confiance qui lient ces artistes dans la durée.

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