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Publié le 16 Décembre 2007

Tannhäuser (Richard Wagner)

Représentation du 15 décembre 2007 (Opéra Bastille)
 
Tannhäuser Stephen Gould              Elisabeth Eva-Maria Westbroek
Venus Béatrice Uria-Monzon           Wolfram  Matthias Goerne
Hermann Franz Joseph Selig           Walther   Michael König
Biterolf Ralf Lukas
 
Direction musicale Seiji Osawa
Mise en scène       Robert Carsen
 
La distribution superlative ayant été commentée lors d’une représentation en concert,  cet article sera l’occasion de dire quelques mots de la mise en scène de Robert Carsen pour la première fois présentée au public.
 
A nouveau, le réalisateur canadien s’intéresse à la condition de l’artiste en nous propulsant dans le monde des peintres de la fin du XIXème siècle.
Tannhäuser et Wolfram ne sont plus chanteurs mais peintres, les chevaliers de Rome s’identifient à une certaine bourgeoisie de grandes villes avide d’expositions artistiques, et Elisabeth devient le sujet d'inspiration de Wolfram.
Il faut reconnaître ce sens de la continuité qui s’exprime avec beaucoup d’intelligence, comme de faire des pèlerins allant vers Rome les Ménades de la Bacchanale. Ou bien d‘effacer les limites entre la scène et la salle en faisant entrer les chevaliers à partir du parterre. Elisabeth et Tannhäuser interviendront eux-mêmes parmi les spectateurs.
 
Cette bourgeoisie prend quelques petits coups de griffes. Il faut voir ces rapaces se jeter sur les consommations présentées lors de la scène du vernissage (Acte II). Cela ne vous évoque rien ? Même pas certains cocktails de l’AROP ?
C’est aussi cette attitude d’esprit très bourgeoise qui consiste à s’ériger en juge de tout, et donc de l’artiste, alors que l’artiste a surtout besoin d’être compris. Mais la compréhension demande une certaine finesse bien entendu.
Lorsque Tannhäuser présente sa propre représentation de l’Amour (le tableau est habilement montré dos au public), ce public est tellement choqué qu’il lui dénie son statut. Le peintre n’a plus qu’à quitter la scène et retrouver la salle.
Elisabeth (symbolique de l'Amour)

Elisabeth (symbolique de l'Amour)

Comment Robert Carsen résout-il alors la rédemption du troisième acte ? Alors que Tannhäuser s’apprête à rejoindre Vénus, Elisabeth (allégorie de l'Amour Christique) survient pour se fondre avec Vénus au point de devenir toutes deux indissociables. Cette scène ne nous laisse cependant pas très longtemps dans l’interrogation lorsque le mur d’exposition découvre un ensemble de nus féminins de maîtres comme Courbet, Rousseau, Manet …. que rejoint l'oeuvre de Tannhäuser. 

La force de cette représentation repose sur la cohérence du travail et la mise en rapport de l’œuvre de Wagner avec un monde artistique qu’affectionne Carsen. Les tableaux offrent, il est vrai, relativement peu d’images percutantes. La scène d’Orgie n’est pas totalement débarrassée d’une gestuelle saugrenue.
Elle vaut cependant quelques images fortes comme le mouvement gracieux de Vénus rejoignant son lit de modèle.  
Plus loin, au moment où la musique s’engouffre dans les mouvements les plus noirs et dramatiques, Vénus s’éloigne lentement, suivie par des hommes rampants dans une lueur de feu saisissante.
Scène du Venusberg

Scène du Venusberg

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Publié le 5 Décembre 2007

Tannhäuser (Richard Wagner)

Répétition générale du 03 décembre 2007
Opéra Bastille
 
Tannhauser Stephen Gould                
Elisabeth Eva-Maria Westbroek
Venus Béatrice Uria-Monzon           
Wolfram Matthias Goerne
Hermann Franz Joseph Selig           
Walther Michael König
Biterolf Ralf Lukas
 
Direction musicale Seiji Osawa
Mise en scène Robert Carsen
 
 
 
« Ce soir la mise en scène s’inspire de l’Espace Vide en référence à Peter Brooks », en ces termes tout autant humoristiques qu’élégiaques Gerard Mortier annonce à la salle qu’aucun élément de la mise en scène de Robert Carsen ne sera utilisé. Seule trouvaille, la harpe de Tannhäuser plantée au centre du plateau indique une soirée de pure musique.
 
Mais ce dont personne ne se doute à cet instant là, c’est que la gêne posée par le mouvement de grève (qui atteint un point critique) va être soufflée par l’élan d’une soirée exceptionnelle !
 
Debout, l’orchestre accueille Seiji Osawa avec un enthousiasme que se réapproprie le public, puis se lance dans une ouverture illuminée.
 
Le point culminant de la bacchanale reflète parfaitement l’art du chef à théâtraliser sans marques exagérées. Le courant garde ainsi sa fluidité.
 
Dans la scène qui suit, Béatrice Uria Monzon est une Vénus d’une véhémence franchement impressionnante. Ce n’est pas forcément très nuancé, mais une belle femme avec un tel tempérament s’apprécie sans modération.
 
Mais ce que le public découvre relève de l’exception. Stephen Gould vient tout simplement exposer ce qu’est un ténor wagnérien : une puissance contrôlée, un chant lié et plein de clarté aux accents mélancoliques. Pourtant, c’est l’impression d’avoir compris un personnage bien mieux que n’importe quel spectateur averti qui prédomine.
Béatrice Uria-Monzon (Vénus)

Béatrice Uria-Monzon (Vénus)

Une telle caractérisation pousse au questionnement et à l’envie d’être revue.
 
La puissance est aussi une des grandes qualités vocales d’Eva-Maria Westbroek. Seulement, moi-même sans doute victime d’une image trop idéalisée d’Elisabeth, cette force seule fait barrage à l’émotion que devrait soulever cette femme hautement morale et aimante.
 
Beaucoup plus dans son élément que dans Verdi, Franz Joseph Selig économise ses gestes, et se suffit de son autorité naturelle pour incarner les valeurs traditionnelles.
 
Matthias Goerne devient donc l’autre protagoniste le plus émouvant. Timbre chaud et lignes magnifiquement enveloppées, j’ajouterais qu’il est le véritable cœur palpitant du drame.
 
L’utilisation de l’espace sonore par les chœurs est aussi une des grandes réussites de la soirée, surtout lorsqu’ils chantent hors de scène.
Au final c’est plutôt fortissimi à volonté !
Eva-Maria Westbroek (Elisabeth)

Eva-Maria Westbroek (Elisabeth)

Evidemment, cette dernière répétition s’achève dans un délire qui fait écho à l’arrivée d’Osawa, avec des musiciens et musiciennes sautillants dans la fosse et des spectateurs survoltés comme pour aider encore plus les artistes, et surtout le chef, à conjurer le sort de fort belle manière. 

 

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Publié le 2 Décembre 2007

Alcina (Georg Friedrich Haendel)

Représentation du 01 décembre 2007 (Palais Garnier)
 
Alcina Emma Bell                              Oronte Xavier Mas
Ruggiero Vesselina Kasarova             Melisso François Lis
Morgana Olga Pasichnyk                    Oberto Judith Gauthier
Bradamante Sonia Prina 
 
Direction musicale Jean-Christophe Spinosi
Mise en scène Robert Carsen 
Alcina au Palais Garnier
Il est rare de voir une œuvre à l’affiche, pour sa troisième saison en huit ans, assurer toujours une si belle interprétation musicale.
Majestueuse, mais sans pompe, sa forme harmonieuse prend une tonalité sensuelle et vive finalement pas si étonnante lorsque la direction de Spinosi l’anime avec joie.
 
Dans ce climat, l’apparition d’Alcina n’est pas sans surprise. Emma Bell porte quelque chose de tragique et très charnel dans la voix. Cette puissance pourrait paraître le principal ressort dramatique de la magicienne si « Ah ! mio cor » ne réservait pas des nuances bouleversantes magnifiquement traduites. Un désespoir mêlé de rage qui ne la quitte plus, et vaut à la chanteuse une forte ovation finale.
Psychologiquement, Ruggiero n’a rien a voir avec l’enchanteresse. Solide et sûr de lui, Vesselina Kasarova accentue cette dimension.
 Noble dans son attitude, la chanteuse développe de plus en plus généreusement un timbre tantôt évoquant une contralto, tantôt un contre ténor , subtil « Moi bel tesoro » mais « Sta nell’Ircana » avec une retenue quelque fois excessive. 
De même, avec beaucoup de finesse, Olga Pasichnyk nous rend Morgana très attachante sans exagérer ses aspects survoltés. La sensualité de « Credete al moi dolore », à tourner la tête, ne trouve pas encore tout à fait le répondant de Xavier Mas au IIIième acte, un peu trop confidentiel sans doute. Cependant cet ancien élève de l’atelier lyrique possède une suavité dans la voix qui continue à s’enrichir.
                                                                                                             Vesselina Kasarova (Ruggiero)

Ce jeune chanteur très élégant, et remarqué lors des masterclasses avec Teresa Berganza en novembre 2003, se voit confier chaque année des rôles de plus en plus complexes. Une valeur montante de l’Opéra de Paris.

Emma Bell (Alcina)

Emma Bell (Alcina)

J’avoue, ce fût une petite déception avec Sonia Prina. Bradamante n’est pas le rôle qui la met le plus en valeur. Il comprend trop peu de passages largo si propices à laisser les nuances noires de son timbre s’exprimer. 

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Publié le 23 Octobre 2007

Tosca (Puccini)

Répétition Générale du 22 octobre 2007 (Opéra Bastille)
 
Tosca Catherine Naglestad
Mario Marcus Haddock
Scarpia Franck Ferrari
 
Direction musicale Nicola Luisotti
Mise en scène Werner Schroeter 
 
Après la direction finement ciselée du regretté Marcello Viotti et les piani langoureux de Marcello Giordani en 2003, la version 2007 s'annonce beaucoup plus fiévreuse. 
 
En effet, Marcus Haddock est de la même trempe que Vladimir Galouzine, avec une puissance et des couleurs obscures qui l'imposent surtout dans les épreuves les plus lyriques. 
Je n'aurai pas la possibilité d'entendre Sylvie Valayre, ceci étant, si d'aucun apprécie la sensualité de Catherine Naglestad, j'ai surtout vu une panthère farouche et un soupçon perverse, entendu des invocations très sauvages, et eu l'impression à plusieurs reprises d'être transpercé par la fulgurance de ses aigus. Elle ne lâche même pas prise sur un "Vissi d'Arte, vissi d'Amore  " voluptueux. Il y a quand même trop d'outrance pour ne pas s'en amuser un peu.
Catherine Naglestad (Floria Tosca)

Catherine Naglestad (Floria Tosca)

Avec de tels formats vocaux dignes d'un Siegmund et d'une Sieglinde, Nicola Luisotti peut donc engager l'orchestre dans des flôts de passion spectaculaires, où, finalement, Franck Ferrari s'évertue à humaniser Scarpia. Il paraît presque amoureux de Floria Tosca dans sa déclaration, et trouble le caractère à la base sadique du chef de la police. Il lui reste à rendre pleinement convaincante son envergure, car, sur ce point, l'alternative de Samuel Ramey bénéficie d'un meilleur crédit.
Sur le plan visuel, il n'est pas impossible que les éclairages aient été retouchés pour rendre l'atmosphère encore plus étouffante.

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Publié le 16 Octobre 2007

Le Roi d’Ys (Edouard Lalo - 1888)

Représentation du 14 octobre 2007 (Capitole de Toulouse)
 
Le Roi d’Ys Paul Gay
Margared Sophie Koch
Rozenn Inva Mula
Mylio Charles Castronovo
Karnac Franck Ferrari
St Corentin Eric Martin-Bonnet
Jahel André Heyboer
 
Direction musicale Yves Abel
Mise en scène Nicolas Joel
                                                                                           Sophie Koch (Margared)
Une ouverture de saison à l’Opéra de Toulouse est quelque chose qui ne se rate pas. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’en octobre la chaleur des lumières de l’après-midi sur la place du Capitole distribue une ambiance empreinte de sérénité qui vous place dans une prédisposition optimale surtout quand le sujet de l’œuvre relève du fantastique et de la légende.
 
Allons donc découvrir cette ville d’Ys sujet d’un conte celte que j’ai pris soin de lire bien avant.
 
Passée l’ouverture épique, Yves Abel nous plonge dans les reflets d’une musique dont l’étendue vaporeuse efface les dimensions modestes du théâtre.
 
La dynamique est d’ailleurs tout aussi parfaite quand le drame frise l’hystérie, et je pense ici à l’affrontement entre Margared et Rozenn. C’est d’un théâtral étrangement similaire à la rencontre entre Adrienne et la Princesse que Francesco Cilea créa 14 ans plus tard avec Adrienne Lecouvreur.
Inva Mula et Charles Castronovo

Inva Mula et Charles Castronovo

Inva Mula est épatante, puissance vocale dont nous n’avions pas l’habitude, couleurs dorées, diction fluide, elle s’oppose à une Sophie Koch inattendue dans un emploi aussi lourd. La caractérisation reste un peu sommaire dans le fameux air « De tout côté j’aperçois dans la plaine » où aucune inflexion ne vient briser un tempérament dur et déterminé. Mais l’impact de ce timbre d’un bronze souple est indiscutable. Oublié le petit compositeur torturé d’Ariane à Naxos, voici donc une nouvelle diabolique.
 
C’est exactement l’évolution inverse que suit Franck Ferrari. Admirable dans les rôles de salauds à Paris (Paolo, Thoas, Lindorf), il se veut un peu moins brutal et soigne plus les lignes de chants et les changements de tonalités. La stature de Karnac en souffre un peu je trouve.
 
Après le succès de l’Élixir d’Amour à Paris, Charles Castronovo confirme qu’il est un ténor que l’on va de plus en plus réclamer dans les rôles d’amoureux pour lesquels la musicalité et les obscurités vocales le prédestinent.
 
Paul Gay assume à la fois l’autorité et les sentiments profonds pour sa fille avec beaucoup de dignité.
Dernière scène (C.Castronovo, I.Mula, S.Kock, P.Gay)

Dernière scène (C.Castronovo, I.Mula, S.Kock, P.Gay)

Le très bel escalier en marbre bleu qui se sépare des deux côtés de l’espace scénique fixe une force architecturale marquante et magnifique sous les cascades d’eau finales.

Le livret s'attarde sur les accusations de wagnérisme portées à l'époque contre l'oeuvre. Il faut replacer ce jugement dans le contexte politique d'une époque dominée par un fort sentiment anti-allemand et ne pas lui donner de valeur artistique. Je n'ai par ailleurs aucunement pensé à Wagner de tout l'après-midi.

Les scènes s'enchaînent sans trêve (hors entracte) durant deux petites heures si bien qu'avec une distribution aussi homogène et impliquée il y a surtout de quoi laisser l’imagination s'épanouir.

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Publié le 16 Octobre 2007

La Traviata (Verdi)

Répétition Générale du 12 octobre 2007
Opéra Garnier
 
Violetta Christine Schäfer
Alfredo Stefano Secco
Germont José Van Dam
Annina Michèle Lagrange
Flora Helene Schneiderman
 
Direction musicale Daniel Oren
Mise en scène Christophe Marthaler
  
 
 
 
José Van Dam (Germont) et Christine Schäfer (Violetta)
 
Voilà une reprise qui comprend un changement majeur : le chef.
 
En juin-juillet, la nouvelle production de la Traviata (commentée dans l’article La Traviata) frappait par son parti pris total de la mise en scène à la représentation musicale.
Christine Schäfer (Violetta)

Christine Schäfer (Violetta)

Comment Daniel Oren va-t-il s’approprier le concept ? Certainement pas en changeant les tempi parfois plus lents que ceux de Sylvain Cambreling. Plus sûrement en développant les ressorts les plus intimes de la musique de Verdi et en laissant se détacher les motifs des instruments. L’oreille est si souvent piquée que la fosse devient un objet d’intérêt au risque de distraire de l’enjeu scénique.
 
L’effet est très réussi dans la rêverie de Violetta au premier acte, la folie de la réception chez Flora Bervoix (retravaillée et encore plus marquante) , et la tristesse de cette femme délaissée sur son lit de mort.
 
Il n’est donc plus question ici de décrire une atmosphère sinistre qui faisait la force de la rencontre opposant Germont à Traviata ce qui me laisse préférer la première version plus radicale et plus apte à bousculer le spectateur dans son confort.
Stefano Secco (Alfredo) et Christine Schäfer (Violetta)

Stefano Secco (Alfredo) et Christine Schäfer (Violetta)

Indubitablement la lecture de Daniel Oren est surtout une friandise qui peut se déguster indépendamment de tout contexte théâtral.
 
Sur scène l’autre nouveauté est l’Alfredo de Stefano Secco. Clarté du timbre, articulation mordante, projection parfois éclatante, le chanteur fait ce qu’il peut pour adhérer au rôle mais avec moins de conviction que Jonas Kaufmann. Il n’en n’a pas le charme ni l’insouciance.
 
En fait je le préfère bien plus dans les rôles d’hommes au grand cœur tel Adorno et sans nul doute dans le futur Macduff.
Christine Schäfer (Violetta) : acte III

Christine Schäfer (Violetta) : acte III

Christine Schäfer reste l'interprète fragile idéale dans la vision de Marthaler, José Van Dam est avant tout une stature inévitable et j'ai cru remarquer le domestique Slawomir Szychowiak qui ne dit que trois mots mais forts impressionnants.

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Publié le 1 Octobre 2007

Maria Stuarda (Donizetti)

Version de concert du 30 septembre 2007 (Théâtre des Champs Elysées)
 
Marie Stuart Ruth Ann Swenson
Elisabeth Iano Tamar
Leicester Dario Schumk
Talbot Giovanni Furlanetto
Cecil Lionel Loth
Paula Gardino Anna Kennedy
 
Orchestre et choeurs de l'Opéra National de Lyon
Direction Evelino Pidò
 
Dès l'ouverture la cavalcade est lancée entraînant les trémoussements que l'enthousiasme de quelques uns ne peut retenir.
Puis l'attente du duel entre les dames s'établit car seule Elisabeth se découvre au premier acte.
Iano Tamar n'a peut être pas l'ampleur vocale que l'on pourrait attendre d'une reine et se laisse parfois submerger par l'orchestre. En revanche, la séduction de ce timbre pas assez sombre pour franchement l'identifier comme mezzo, mais aux aigus implacables, est un atout dont l'évolution vers les emplois plus dramatiques est digne d'intérêt .
 
Vous connaissiez Dario Schumk ? Moi pas. Car nous avons découvert un ténor franc, viril, jamais en peine et se posant hardiment face à la salle. Si le timbre est relativement commun, le chanteur a donné l'impression d'un tel sens de l'anticipation musicale que rarement j'ai ressenti autant d'harmonie entre chant et discours orchestral.
Avec beaucoup de noblesse Giovanni Furlanetto oppose également un Talbot ferme et convaincant.
 
Et enfin, le suspens se lève sur le château de Fotheringhay. Ruth Ann Swenson illumine avec beaucoup de chaleur et de poésie la scène, mais quelques difficultés avec la partition sont visibles. L'auditoire paraît d'ailleurs plus exigeant avec elle qu'avec ses partenaires.
Les vocalises vertigineuses ne sont certes pas au rendez vous, cependant elle dégage une candeur qui n'en rabaisse que d'avantage l'esprit de son adversaire.
 
Bien entendu Evelino Pidó en fait un peu trop, danse même avec ses chanteurs au risque d'en fatiguer certains avec ses débordements d'énergie.
 
Alors s'il est vrai que la vérité tragique de l'oeuvre ne s'est pas invitée à cette soirée, la générosité de ces chanteurs tous excellents musiciens et leur plaisir d'être présent là face au public ont constitués un petit détournement de l'œuvre de Donizetti pour créer un vrai moment d'évasion.

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Publié le 19 Septembre 2007

Capriccio (Richard Strauss)

Représentation du 17 septembre 2007
Opéra Garnier
 
Direction musicale Harmut Haenchen
Mise en scène Robert Carsen
 
Le Comtesse Solveig Kringelborn
Flamand Charles Workman
Clairon Doris Soffel
La Roche Jan-Hendrik Rootering
Le Comte Olaf Bär
Olivier Tassis Christoyannis
 
La reprise de la production qui acheva de façon éblouissante la période Hugues Gall va-t-elle inaugurer tout aussi brillamment la quatrième saison Mortier ?
Pas tout à fait en vérité. 

L'atmosphère si intime de l'œuvre est toujours là, l'entrelacement de l'argument musical et poétique avec les indécisions du cœur conserve la même force de suggestion, et enfin le double lever de rideau de la scène finale enchante tout autant.
 
De plus, pour mon bonheur en tout cas, Charles Workman anime un compositeur touchant, un chant sincère et rêveur.
Je le surnommerais bien "double crème" lui aussi mais madame Fleming a déjà déposé l'appellation.
Timbre très accrocheur.
                                                                                                                              Charles Workman (Flamand)
Olaf Bär fait surtout de la présence et court après Doris Soffel, Clairon exagérément cassante, presque maléfique. Mais aime t-elle ce rôle ?
Aucun doute sur ce point concernant Jan-Hendrik Rootering, le personnage de La Roche lui plaît, l'âme y est mais sa voix me touche peu : sonorités voilées, monotones et souvent trop basses.
Doris Soffel (Clairon)

Doris Soffel (Clairon)

Comtesse délicate, Solveig Kringelborn se fait instable mais pas trop, ne s'extériorise qu'au final et porte de très jolis filets de voix qui se fondent bien avec le tissu orchestral. Je suis sûr qu'elle peut être plus poignante.
 
Harmut Haenchen aime la luxuriance et semble noyer certains détails.
La lenteur n'était peut être pas si indispensable dans l'ultime séquence.

Et puis, à la fin de l'ouvrage, chacun sort de la salle pour longer les colonnes du grand escalier et se donner l'illusion de poursuivre le spectacle.
Solveig Kringelborn (la comtesse Madeleine)

Solveig Kringelborn (la comtesse Madeleine)

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Publié le 12 Septembre 2007

L'Elixir d'Amour (Donizetti)

Répétition générale du 11 septembre 2007 à l'Opéra Bastille
 
Mise en scène Laurent Pelly
Direction Evelino Pidò
Adina Désirée Rancatore
Belcore Laurent Naouri
Dulcamara Ambrogio Maestri
Nemorino Dmitry Korchak
 
Avec cette 4ième série de représentations réparties sur trois saisons, la lassitude risque fort d'être la fidèle compagne du soir, même si de petites loufoqueries viennent s'improviser.
 
Heureusement, Evelino Pidò distille toujours un piquant dans ses interprétations. L'ouverture peut sembler exagérément dramatique, mais très vite le chef aligne l'orchestre sur un discours rythmé avec le soucis de ne jamais ralentir l'entrain.
 
Laurent Naouri reprend avec facilité un Belcore grossier et étranger à toute délicatesse.
 
Reconnaissons que la manière de caler sa gestuelle sur la musique est réjouissante.
 
 
Il y cependant des chanteurs qui laissent perplexes et Dmitry Korchak fait parti de ceux-là. Honnêtement le timbre est sans intérêt, presque amer. En revanche, la justesse est irréprochable et le jeune homme, au physique plutôt agréable, porte son personnage à un niveau de gaucherie qui ne le rend jamais ennuyeux.
Désirée Rancatore (Adina)

Désirée Rancatore (Adina)

Également présent lors de la création avec Laurent Naouri, le gigantesque Ambrogio Maestri, tant par les proportions physiques que vocales, emballe la salle dès son arrivée à la cinquième scène.
Mais il va se faire voler la vedette par Désirée Rancatore. Adina fort honnête, aux graves parfois étranges, c'est une formidable transformation qui s'opère lorsqu'elle retrouve son amoureux désabusé après "Una furtiva lacrima".
"Nel dolce incanto del tal momento" initie un festival de vocalises, clin d'oeil à l'esprit de la poupée Olympia d' Offenbach, un feu d'artifice qui paraît sans limite et laisse le spectateur complètement ahuri.

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Publié le 5 Septembre 2007

La Damnation de Faust (Berlioz)

Concert du 04 septembre 2007 à la salle Pleyel
 
Faust   Marcello Giordani
Marguerite    Yvonne Naef
Méphistophélès    José Van Dam
 
Tanglewood Festival Chorus
Chef de Chœur John Oliver
 
Boston Symphony Orchestra
Direction James Levine
 
Le BSO et les chœurs ont brillamment ouvert la nouvelle saison lyrique parisienne.
Il se dégage ainsi une luxuriance symphonique, des effets ondulatoires d'une très grande légèreté, et de la réussite dans les passages les plus spectaculaires.
C'est sans doute sur ce dernier point que je préfère James Levine. Car la subtilité n'est pas toujours au rendez-vous, marche hongroise bruyante, cuivres toniques mais trop abrupts et des contrastes limités dans les accords les plus graves de la partition.
 
Côté solistes, Marcello Giordani fait honneur à l'harmonie du chant français jusque dans le haut médium. Au delà, nous souffrons avec lui, cette faiblesse dans les aigus étant connue depuis I Pirata au Châtelet en 2002.
 
 Yvonne Naef se livre régulièrement à de petites désynchronisations dans l'expression du texte, c'est donc plutôt de l'étendue de la voix et de ses couleurs claires qu'il faut profiter.
"D'Amour, l'ardente flamme" reste néanmoins monotone.
 
Sacré José Van dam! Dans une même phrase il s'amuse à varier des graves poitrinés puis des graves retentissants. Ce n'est pas très élégant mais le caractère y est. Au moins l'on peut dire qu'il vit son Mephisto.


Acoustiquement bien mises en valeur, la fulgurance et les nuances du chœur font à elles seules l'âme de cette première soirée vécue pour ma part avec une certaine distance.
    Yvonne Naef (Marguerite)

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