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Publié le 12 Septembre 2018

Tristan und Isolde (Richard Wagner)
Répétition générale du 07 septembre et représentations du 11 et 16 septembre 2018
Opéra Bastille

Tristan Andreas Schager
Le Roi Marke René Pape
Isolde Martina Serafin
Kurwenal Matthias Goerne
Brangäne Ekaterina Gubanova
Ein Hirt / Ein Junger Seemann Nicky Spence
Melot Neal Cooper
Ein Steuemann Tomasz Kumiega

Direction musicale Philippe Jordan
Mise en scène Peter Sellars (2005)
Création vidéo Bill Viola                                           
Martina Serafin (Isolde)
En Collaboration avec la Los Angeles Philharmonic Association et le Lincoln Center for the Performing Art
 
C’est à une représentation historique que Gerard Mortier convia le public de la répétition générale du 09 avril 2005, lorsqu’il intervint sur la scène Bastille juste avant que ne débute le premier acte de Tristan und Isolde.

Pour la première fois, un opéra en version scénique allait être joué devant un immense écran en haute définition de 11 mètres de large et 6 mètres de hauteur, sur lequel serait projetée une œuvre vidéographique de Bill Viola dénommée The Tristan Project.

Martina Serafin (Isolde) et Andreas Schager (Tristan)

Martina Serafin (Isolde) et Andreas Schager (Tristan)

Cette commande de l’Opéra de Paris, une coréalisation avec la Los Angeles Philharmonic Association et le Lincoln Center for the Performing Arts de New-York, venait d’être représentée en décembre 2004 au Walt Disney Concert Hall de Los Angeles en version de concert.

Mais à Paris, c’est à Peter Sellars que revint le privilège de mettre en scène ce spectacle inédit, qui allait obliger chaque chanteur à lutter avec le dispositif vidéographique pour ne pas perdre l’attention du public.

Vidéo Bill Viola fin Acte I - The Fall into Paradise

Vidéo Bill Viola fin Acte I - The Fall into Paradise

Mortier programma trois séries, sous les directions respectives d’Esa-Pekka Salonen, Valery Gergiev et Semyon Bychkov, mais alors que les droits sur les images semblaient s’arrêter en 2008, ils furent de toute évidence prolongés, puisque cette version marquante de Tristan und Isolde fut reprise en 2014 à Madrid et à l’opéra Bastille, avec Violeta Urmana et Robert Dean Smith dans les rôles principaux.

Ekaterina Gubanova (Brangäne) et Martina Serafin (Isolde)

Ekaterina Gubanova (Brangäne) et Martina Serafin (Isolde)

Après tant d’interprétations mémorables depuis 14 ans, l’ultime reprise entraîne à nouveau le spectateur dans un univers où deux corps anonymes se diluent progressivement parmi des cieux ombrageux, un feu incendiaire, une mer déchainée et abyssale, et se désincarnent petit à petit jusqu’à l’émouvante scène finale de l’élévation du corps de Tristan qui aboutit à la transfiguration onirique et majestueuse d’Isolde.

Martina Serafin (Isolde) et Andreas Schager (Tristan) - Vidéo Bill Viola Acte II - Lamp Lighting

Martina Serafin (Isolde) et Andreas Schager (Tristan) - Vidéo Bill Viola Acte II - Lamp Lighting

Cette trajectoire émotionnelle et idéalisée, qui n’évite pas les clichés fusionnels adolescents et réserve également des portraits beaux à pleurer, peut se percevoir comme celle d’un retour de l’âme humaine à la plénitude de la nature originelle. Mais à la différence des images religieuses d’ascensions qui conduisent vers une lumière éclatante, il ne reste plus ici qu’un noir silence, ce noir qui dissimule tout ce qui se trouve au-delà de l’avant-scène.

Martina Serafin (Isolde) - en arrière plan, Andreas Schager (Tristan)

Martina Serafin (Isolde) - en arrière plan, Andreas Schager (Tristan)

Loin d’en être à son premier rôle wagnérien, Martina Serafin prend pleinement possession pour la première fois du rôle d’Isolde dont elle a la stature de roc. Tessiture exempte de rondeur sensuelle, elle compense cela en se faisant l’objet d’une fascinante œuvre picturale. Théâtralement virulente et passionnante à suivre, elle affiche un tempérament d’acier et une présence renforcés par son chant guerrier et l’arme blanche de ses aigus sensiblement poitrinés.

Ekaterina Gubanova (Brangäne)

Ekaterina Gubanova (Brangäne)

Le contraste est donc fort avec la Brangäne d’Ekaterina Gubanova, elle aussi fortement esthétisée par les attitudes et les lumières ambrées de la mise en scène de Peter Sellars, dont le timbre est d’une noirceur pénétrante et polissée comme un bois précieux. Et l’impression surnaturelle de ses deux appels à la Lune vibramment profilés depuis une des galeries latérales de la salle est toujours aussi sereine et méditative.

Andreas Schager (Tristan)

Andreas Schager (Tristan)

La clarté est cependant ce qui définit le mieux musicalement la luminosité d’ensemble de cette interprétation, car Andreas Schager brandit un panache démonstratif irrésistible. Il dépeint un être qui sombre non pas dans les tourments extrêmes mais plutôt un homme qui verse dans la folie extatique, comme pour résister au désespoir. Il y a de la magnificence dans cette manière d’assoir une vaillance qui respire la jeunesse, et l’on est également sensible aux belles couleurs plus sombres qui s’épanouissent lorsqu’il verse dans la déclamation.

Martina Serafin (Isolde)

Martina Serafin (Isolde)

René Pape ne peut donc, entouré par ces caractères forts, se limiter à incarner un Roi Marke monolithique, bien au contraire, il joue ainsi sur un ensemble de nuances et de couleurs où mélancolie et sentimentalisme se mélangent à la faveur des sarments orchestraux sublimement envoutants.
Et l’on retrouve chez Matthias Goerne le moelleux fortement noirci de son timbre introverti, bien qu’il dénue Kurwenal de tout jeu crédible.

Andreas Schager (Tristan) - Salut final

Andreas Schager (Tristan) - Salut final

Les rôles secondaires ont chacun leur force marquante, le marin terrestre et ferme de Nicky Spence, le bref passage du timonier interprété avec sérieux et prévenance par Tomasz Kumiega, et surtout le Melot incroyablement humain de Neal Cooper qui rend un portrait touchant et ambigu de l’assassin de Tristan, une réussite expressive et théâtrale qui démontre l’intelligence de cœur de ce chanteur saisissant.

Philippe Jordan, Martina Serafin, Andreas Schager, Ekaterina Gubanova, Matthias Goerne - Répétition générale

Philippe Jordan, Martina Serafin, Andreas Schager, Ekaterina Gubanova, Matthias Goerne - Répétition générale

Dans la fosse d’orchestre, Philippe Jordan prend à bras le corps une formation instrumentale rodée à une musique dont les ondoyances ne perdent jamais de leur tension afin de maintenir un discours dramatique qui va crescendo, versant dans l’intensité théâtrale et redonnant de l’élan à une épopée qui avance sans hésitation vers l’inévitable.

Cuivres et cordes forment une texture dense et souple à la fois, qui prévient tout pathétisme exagérément morbide. On aurait presque envie de dire qu’il y a de l’optimisme dans cette volonté de fuir en toute confiance, et les musiciens font véritablement une entrée en force et en forme dans la saison qui célèbrera les 350 ans de l’Académie Royale de Musique.

Philippe Jordan et Ekaterina Gubanova - Première représentation

Philippe Jordan et Ekaterina Gubanova - Première représentation

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Publié le 18 Décembre 2017

Elektra (Richard Strauss)
Version de concert du 15 décembre 2017
Philharmonie de Paris - Grande salle Pierre Boulez

Elektra Nina Stemme
Klytämnestra Waltraud Meier
Chrysothémis Gun-Brit Barkmin
Orest Matthias Goerne
Ägisth Norbert Ernst
Die Erste Magd Bonita Hyman
Die zweite Magd Yaël Raanan Vandoor 
Die dritte Magd Valentine Lemercier
Die vierte Magd Lauren Michelle
Die fünfte Magd Kirsi Tiihonen
Die Aufseherin Amélie Robine

Direction musicale Mikko Franck                                  Mikko Franck
Orchestre philharmonique de Radio France
Chœur de Radio France

Alors qu'elle vient de mettre un terme à tous ses grands rôles wagnériens, hormis celui maléfique d'Ortrud qu'elle reprendra à Bayreuth l'été prochain, Waltraud Meier est de retour ce soir pour incarner la mère adultère et criminelle d'Elektra sur la scène de la Philharmonie.

Mikko Franck et Nina Stemme (Elektra)

Mikko Franck et Nina Stemme (Elektra)

Une entrée fantastique, le regard légèrement incurvé vers Nina Stemme, les épaules décidées et la démarche assurée, le magnétisme de cette artiste est d'une telle puissance, et son art déclamatoire d'une telle précision, que la force de la beauté affirmée de son personnage peut encore et toujours engendrer les larmes d'une émotion subjuguée par tant de vérité dans l'incarnation.

Et les fulgurances de sa voix ont un souffle et une tenue pénétrante totalement intimidants. Clytemnestre nerveuse, humaine et d'une noirceur morbide peu prononcée, prenant à partie le spectateur saisi par un regard défiant, même son retrait après sa grande confrontation avec Elektra est une leçon de vie et de théâtre que l'on ne peut oublier.

Waltraud Meier (Clytemnestre)

Waltraud Meier (Clytemnestre)

Nina Stemme, elle, portant une robe noire subtilement scintillante, enrobe sa violence d'un magnifique timbre sombrement ambré, puissant sans en forcer les appuis et sans altérer son unité. Elektra est bien une jeune femme tourmentée, mais qui n'a rien cédé à sa stature de femme aristocratique.

Et quelle énergie positive émane de Gun-Brit Barkmin, mariant finesse straussienne et expressivité bergienne, tant elle évoque l'élan pour la vie d'une amoureuse et l'élan intrépide et excitant d'une Lulu dangereuse!

Le Philharmonique de Radio France

Le Philharmonique de Radio France

Ces trois grandes chanteuses formidablement appariées sont ainsi le cœur vibrant de cette unique soirée qui s'est ouverte sur un accueil haut en couleur par les servantes et leur surveillante, une palette d'expressions riches en sentiments névrotiques et hystériques dominée par le trait de lumière irradiant de la personnalité glamour de Lauren Michelle.

On le connaissait poète lunaire au timbre caressant et moelleux, Matthias Goerne se fait terriblement noir, ce soir, les boyaux en torsion et l'âme répugnée, un Oreste que l'on croirait animé par la haine au moindre mot exprimé.

Lauren Michelle (La quatrième servante)

Lauren Michelle (La quatrième servante)

Quant à l'Egisthe de Norbert Ernst, ne lui manque qu'un masque horrifié plus saisissant quand il bascule de sa légèreté habituelle vers la crise de panique engendrée par l'arrivée d'Oreste.

D'ailleurs, les deux climax qui marquent l'aboutissement des deux crimes vengeurs ne sont pas les points les plus intenses de cette interprétation qui valorise, avant tout, la cohésion d'ensemble et le lyrisme fusionnel.

Gun-Brit Barkmin (Chrysothémis), Waltraud Meier (Clytemnestre) et Matthias Goerne (Oreste)

Gun-Brit Barkmin (Chrysothémis), Waltraud Meier (Clytemnestre) et Matthias Goerne (Oreste)

Depuis le parterre, en effet, le son grave des cuivres et des basses forme une matière chaude et malléable que les cordes et les vents innervent de leurs lignes et sinuosités dynamisées en permanence par Mikko Franck. Habituellement assis, on le voit alors prendre pied au cœur de l'orchestre pour soulever en lui une houle épique qui enveloppe ainsi les artistes d'une tension si chaleureuse qu'elle se garde de toute expression trop agressive.

Une merveille sonore, un règlement de comptes hypnotisant au point d'être parcouru soi-même de frissons irisants, une telle beauté laisse rêveur surtout lorsqu'elle ne surgit que pour un soir.

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Publié le 13 Mai 2016

Wagner Monologues (Richard Wagner)
Concert du 11 mai 2016

Philharmonie de Paris – Grande Salle

Tristan et Isolde  Prélude
Tristan et Isolde  Monologue du roi Marke
Le Vaisseau fantôme  Monologue du Hollandais
La Walkyrie  Adieux de Wotan et incantation du feu (version réduite)

Matthias Goerne, Baryton
Direction musicale Christoph Eschenbach
Orchestre de Paris

A la veille de la première représentation de ‘Tristan und Isolde’ au Théâtre des Champs Elysées, l’un des événements lyriques très attendu de la saison parisienne, la montée diffuse et progressive des premiers accords de l’ouverture, ce soir, résonne comme les prémices à une immersion imminente dans l’univers sombre de Richard Wagner.

L’ampleur de la voilure de l’Orchestre de Paris est de suite enveloppante, animée par une houle qui se déroule dans une majesté très féminine, séductrice, mais également sans point d’impact fort. Christoph Eschenbach semble ainsi emporté par un univers imaginaire qui déborde dans l'espace de la salle.

Matthias Goerne - le 11 mai 2016 à la Philharmonie de Paris

Matthias Goerne - le 11 mai 2016 à la Philharmonie de Paris

Et Matthias Goerne, avec sa voix de Wolfram lunaire, fascinant par la souplesse avec laquelle il vit de son corps, décline son arc-en-ciel de nuances du clair vers l'obscur pour incarner des personnages wagnériens bien plus autoritaires que le chevalier de 'Tannhäuser', un capitaine, Le Hollandais, un roi, Marke, et un dieu, Wotan.

Cette interprétation, où direction orchestrale et chant se rejoignent dans un lyrisme dépouillé de toute névrose, se dématérialise et donne ainsi une sensation d’irréalité inhabituelle, amplifiée par l’acoustique de la Philharmonie.

Mais l’on entend également des accents portés par les accords cuivrés du ‘Vaisseau Fantôme’ qui paraissent comme jamais aussi évocateurs de ceux du dragon Fafner dans ‘Siegfried’.

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Publié le 6 Juillet 2013

Tannhäuser (Richard Wagner)
Représentation du 29 juin 2013
Bayerische Staatsoper München

Hermann Christof Fischesser
Tannhäuser Robert Dean Smith
Wolfram von Eschenbach Matthias Goerne
Walther von der Vogelweide Ulrich Reß
Biterolf Goran Jurić
Heinrich der Schreiber Kenneth Roberson
Reinmar von Zweter Levente Páll
Elisabeth Anne Schwanewilms
Venus Daniela Sindram
Ein junger Hirt / Vier Edelknaben Tölzer Knabenchor

Direction musicale Kent Nagano
Mise en scène David Alden (1994)                                    Robert Dean Smith (Tannhäuser)


Créée quelques années après la réunification allemande, alors que des mouvements nationalistes d’extrême droite tels que l’Union du Peuple allemand se développaient depuis Munich, la mise en scène de Tannhäuser par David Alden est un retour vers les abîmes d’un monde éteint.

Parmi les restes de la Grande Allemagne qui jonchent le sol de la scène, on peut distinguer un vieux symbole de sa puissance passée, un grand aigle blanc, et le souvenir de « Germania Nostra » gravé sur un large mur d’enceinte. Toute cette réflexion sur ce monde inquiétant, où survivent des créatures difformes, vient prolonger les images du Ring qui s’achève au même moment à Paris.

Robert Dean Smith (Tannhäuser) et Daniela Sindram (Vénus)

Robert Dean Smith (Tannhäuser) et Daniela Sindram (Vénus)

Cet univers semble peu en rapport avec l’opéra de Wagner, mais on peut voir dans la grande scène du Venusberg peuplé de créatures étranges une évocation du monde monstrueux de la Tentation de Saint-Antoine, puis, dans la représentation d’Elisabeth, assise et recueillie sur un autel sur lequel s’appuient de vieux souvenirs de l’Allemagne médiévale, comme une toile religieuse ou une épée, une image des anciennes valeurs germaniques fortement ancrées dans la mémoire collective.
 

Il s’agit bien d’une quête de spiritualité après l’effondrement d’un monde, et la force de ces décors et costumes est de créer comme une forte résonnance avec un univers musical qui porte en soi une désespérance sombre.

La partie musicale de cette reprise s’appuie en premier lieu sur le très beau courant induit par la direction de Kent Nagano sur le Bayerisches Staatsorchester, faisant oublier le manque de corps du Tristan und Isolde qu’il dirigea quelques mois plus tôt dans ce même théâtre.
Cette fois, on peut entendre les bouillonnements et les glissements d’entrelacements fuyant dans une lumière somptueuse, dorée par les cuivres, et les chœurs, bien mis en avant, s’élèvent vers des éminences profondément tristes soulevées par un sentiment d’éternité au milieu de ce décor délabré en ombres et lumières.
                                                                                            Anne Schwanewilms (Elisabeth)

 

Robert Dean Smith a incontestablement du charme dans le timbre, une grande clarté qui lui permet de passer un premier acte admirable, mais, par la suite, les couleurs se dépareillent, toute la tessiture aigue souffre considérablement et, par dessus tout, son interprétation humaine faussement éplorée devient vite lassante. Ce n’est pas un bon acteur, et les rôles qu’il aborde donnent une impression de superficialité car il ne puise pas au fin fond de sa propre intériorité.

Matthias Goerne (Wolfram)

Matthias Goerne (Wolfram)

Impressionnante Vénus, Daniela Sindram est bien plus déesse que femme. Les couleurs fauves de sa voix sont fantastiques, le souffle est immense, et sa violence en est autant séductrice, sans signe de fragilité. Il ne lui manque ainsi que la sensualité caressante qui pourrait la rendre si féminine. Son jeu théâtral est moins imaginatif que celui d’une Waltraud Meier, mais avec tout de même de la personnalité.

Rayonnante et si fragile, Anne Schwanewilms est la personnalité parfaite pour la mise en scène de David Alden. Elle représente la foi sensible, désexualisée, à la fois femme et mère, puissante avec des allègements de voix subtils, mais, toute la perfection de son art émane de sa magnifique faculté à rendre passionnants tous les passages où elle se révèle une diseuse qui éclaire le texte, même si l’on n’en comprend pas la langue.

Tannhäuser (Schwanewilms-Sindram-Dean Smith) Munich

Dans cet univers détruit, la voix de Matthias Goerne est d’une douceur salvatrice apaisante, l’image même du poète romantique en total décalage avec un monde rude et déshumanisé. Wolfram est un rôle plus en harmonie avec son âme, telle qu’on peut la ressentir, que celui plus torturé d’Amfortas, autre rôle wagnérien qu’il a abordé récemment à Madrid.

Enfin, les rôles secondaires, Herman (Christof Fischesser),  Walther (Ulrich Reß) et Biterolf (Goran Jurić), sont tenus avec conviction.

Anne Schwanewilms (Elisabeth)

Anne Schwanewilms (Elisabeth)

Cette production fut enregistrée en 1994 avec Waltraud Meier et René Kollo, et elle reste une référence, parmi d’autres, pour son évocation du subconscient allemand.

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Publié le 6 Février 2013

Parsifal (Wagner)
Version de concert du 02 février 2013
Teatro Real de Madrid

Amfortas Matthias Goerne
Titurel Victor von Halem
Gurnemanz Kwangchul Youn
Klingsor Johannes Martin Kränzle
Kundry Angela Denoke
Parsifal Simon O ‘Neill

Direction Musicale Thomas Hengelbrock
Balthasar-Neumann-Ensemble
Balthasar-Neumann-Chor
Petits chanteurs de la JORCAM
Solistes du choeur des garçons de l’Académie Dortmund Chorale

                                                                                                        Angela Denoke (Kundry)

Réunir pour trois soirées de grands chanteurs et un orchestre aussi typé et coloré que le Balthasar-Neumann-Ensemble, quand la pression financière se fait sentir à son plus fort, est un luxe qui est rendu possible grâce à un accord vertueux entre le Teatro Real, le Konzerthaus de Dortmund et la Philharmonie d’Essen.

Cet orchestre germanique, qui exalte une gamme fabuleuse de sonorités baroques, peut lever une formation de cent musiciens parmi lesquels pas moins de soixante cordes en forment le flot harmonique tendre.

Kwangchul Youn (Gurnemanz)

Kwangchul Youn (Gurnemanz)

Rien qu’à la manière dont il est disposé sur scène, l’ensemble est magnifique pour le regard, avec ses deux flancs de douze violons chacun étagés en pente, sur des gradins, des violoncelles, contrebasses et autres cordes se répartissant en arrière plan devant une phalange de vents et de cuivres, d’où émergent les rondeurs d’un superbe cor doré juxtaposé à un système froid de percussions noires, et les ornements de deux harpes monumentales.

Et, pour accorder le confort visuel et sonore avec une atmosphère chaleureuse et intime, une structure en bois enserre tout l’orchestre latéralement et supérieurement, alors que les éclairages diffusent une lumière ambrée réfléchie par la matière boiseuse, devant une monographie de la forêt environnant le château de Montsalvat.

Angela Denoke (Kundry)

Angela Denoke (Kundry)

A l’écoute, le son à l’ancienne évoque la simplicité harmonieuse de la musique de chambre - on pourrait se croire, parfois, dans quelques passages de la Flûte enchantée - et l’ampleur de l’orchestre renvoie une lumière claire qui fait ressortir les moindres dessins de chaque instrument avec une très belle finesse. Les stries des cordes parcourent en surface le tissu orchestral, les cuivres y fusionnent en sourdine comme une langue rougeoyante, et Thomas Hengelbrock enlace le tout avec un amour visible sur les moindres syllabes qu’il semble prononcer en doublant le texte de chaque chanteur.

L’ensemble est splendide, et l’on peut même remarquer avec quelle belle manière les instrumentistes s’impliquent. Ainsi se lit sur le visage d’une jeune violoncelliste la vie intérieure qu’elle emporte dans son interprétation, comme si le chef n’existait plus, uniquement guidée par son lien intuitif à la musique.

Ce n’est qu’au dernier acte, peut-être, que la volonté d’entendre plus de la profonde noirceur emphatique qui empreint la musique prend un peu le dessus sur la contemplation sensible et auditive que prodigue une telle transparence.

Simon O'Neill (Parsifal)

Simon O'Neill (Parsifal)

Comme on peut aisément le constater, la précision du phrasé et les couleurs vocales des chanteurs sont avantageusement mises en valeur.
Kwangchul Youn, un maître du rôle de Gurnemanz que l’on a pu entendre à Bayreuth l’été dernier, est un prodige de sagesse, clair et intériorisé, Simon O’ Neill s’investit d’un Parsifal décomplexé, facilement vaillant, mais tout de même plus proche d’un Siegfried primaire car l’émission aigue lui soustrait de la tendresse et le fait apparaître trop fier.

Dés son arrivée, Angela Denoke est magnifique, les couleurs de sa tenue de scène changeant en fonction de la tonalité de la musique de chaque acte, chemisier gris pour le premier et le dernier,  robe rouge longuement effilée sur les chromatismes du second.
Elle conserve une attitude intérieurement torturée et mystérieuse, chante avec un timbre d’une noirceur polie superbement boisée, transpose quelques aigus pour ne pas entraîner de rupture trop saillante et, de bout en bout, la tristesse humaine de son visage est d’une beauté esthétique qui fait d’elle une œuvre d’art vivante.

Angela Denoke (Kundry)

Angela Denoke (Kundry)

Annoncé souffrant, Matthias Goerne en tire partie en appuyant la blessure maladive d’Amfortas. La souplesse de son corps, qui s’étire et se replie tendrement, se retrouve dans le moelleux du timbre, plus sombre que d’habitude, ce qui poétise son personnage avec une innocence retrouvée.

Trop neutre de présence, Johannes Martin Kränzle n’impose pas de stature suffisante à Klingsor, ce qui valorise encore plus, mais qui s’en plaindra, Angela Denoke.
Toujours aussi impressionnant et lugubre, Victor von Halem interprète un Titurel que l’on ne verra qu’au rideau final, car il restera, pour ses quelques apparitions, dissimulé dans l‘ombre supérieure de la loge royale.

Petits chanteurs de la Jorcam et le Balthasar-Neumann-Chor

Petits chanteurs de la Jorcam et le Balthasar-Neumann-Chor

Enfin, tous, sans doute, ont été éblouis par le Balthasar-Neumann-Chor, par les voix claires masculines qui s’allient aux voix féminines pour renvoyer une tonalité à la fois élégiaque et charnelle, par la lumière des petits chanteurs de la Jorcam, situés le plus en hauteur de la scène, sous la gravure embrumée des arbres de la forêt, et par les deux petits solistes du chœur des garçons de l’Académie Dortmund Chorale, pour lesquels on admire la tenue face à une salle entière.

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Publié le 16 Novembre 2010

Mathis le Peintre (Hindemith)
Répétition générale du 13 novembre 2010
Opéra Bastille

Albrecht Scott MacAllister
Mathis Matthias Goerne
Ursula Melanie Diener
Regina Martina Welschenbach
Pommersfelden Thorsten Grümbel
Capito Wolfgang Ablinger-Sperrhacke
Riedinger Gregory Reinhart
Schwalb Michael Weinius
Sylvester Eric Huchet
La comtesse de Helfenstein Nadine Weissmann

Direction Musicale Christoph Eschenbach

Mise en scène Olivier Py

Sur fond de Guerre des paysans et de Réforme luthérienne allemande, mouvements majeurs de la période 1524-1526, Mathis der Maler évoque le parcours intellectuel de deux hommes, Matthias Grünewald, peintre de la Renaissance et auteur du Retable d'Issenheim conservé au musée d'Unterlinden de Colmar, et Albert de Brandebourg, archevêque de Mayence et cardinal de l’Eglise catholique.

Le Concert des Anges

Le Concert des Anges

A un moment de la vie où le sens de son art lui échappe, le peintre est si vivement pris de compassion pour le sort du peuple opprimé qu’il décide de le rejoindre dans la lutte.

Inversement, fasciné par l’essence divine qu’il décèle dans l’expression artistique, et qu’il ressent plus ou moins conscient comme hautement légitime, le Cardinal Albert aspire à rejoindre la condition de Matthias.

Matthias Goerne (Mathis le peintre)

Matthias Goerne (Mathis le peintre)

Le livret, écrit par Paul Hindemith, comporte un ensemble de réflexions qui montre les fortes imbrications, à cette époque, entre pouvoir financier, pouvoir militaire et pouvoir religieux, les contradictions entre missions ecclésiastiques et bien être du peuple, l’opposition entre pratique catholique et pratique protestante.

Il nécessite à lui seul une étude à part, car il n’est pas possible de saisir l’ensemble du texte au cours d’une seule représentation.

Avec une recherche de clarté et de force visuelle, Olivier Py s’attaque à un opéra rarement joué dont il réussit à former une imagerie fantastique en entrelaçant l’époque Renaissance du peintre et la période national-socialiste contemporaine du compositeur.

Tableau 3 scène 1 : Gregory Reinhart (Riedinger) et Wolfgang Ablinger-Sperrhacke (Capito)

Tableau 3 scène 1 : Gregory Reinhart (Riedinger) et Wolfgang Ablinger-Sperrhacke (Capito)

Dans un univers ténébreux, les chars, les chiens des officiers nazis et les néons mortels surgissent du noir, répriment toute contestation au cours de la scène la plus violente et la plus expressionniste du quatrième tableau, lorsque les façades délabrées, leurs fenêtres de verres opaques et brisés tournoient au milieu de la scène sous les projecteurs en alerte. Mathis, rescapé mais atterré par la folie du peuple, se détourne de ce dernier après sa débâcle.

Matthias Goerne (Mathis le peintre) et l'Ange

Matthias Goerne (Mathis le peintre) et l'Ange

L ’entière machinerie hydraulique de l’Opéra Bastille est sollicitée pour enchaîner les changements de décors ascendants et descendants, qu’il s’agisse d’illustrer avec des acteurs réels, en chair et en os, des tableaux du Retable, comme Le Concert des Anges, et son éphèbe messager divin aux ailes rouges, ou bien de révéler les fondations de la cité sur un édifice de livres, mémoire de l’esprit, articulé sous forme de trois arches.

Cette dimension tripartite du Retable définit l’architecture de la plupart des tableaux, comme l’arche des livres, mais aussi l’articulation du décor de la cité de Mayence, basé sur trois blocs style gothique à un étage, finement décorés.

La débauche de richesse acquise sur le dos du peuple, symbolisée par l’immense sphère créatrice en or qui surplombe  le château, s’évanouit lorsque le décor se retourne lui-même en temple protestant gris, froid et austère, à la terrasse duquel Ursula tente de convertir Albrecht.

Melanie Diener (Ursula)

Melanie Diener (Ursula)

 Avec une constance dans la force et la continuité des lignes, ennoblies par la précision du phrasé, avec une dynamique ample entre plaintes aiguës et noirceur angoissée, Melanie Diener impose un respect également par la droiture de son personnage et sa capacité à faire ressentir désarroi et humanité désespérée.
Sa défense de la foi protestante, supportée par la musique glaçante d’Hindemith, est d’une implacable conviction.

Martina Welschenbach (Regina)

Martina Welschenbach (Regina)

Matthias Goerne, homonyme du peintre qu’elle aime, modèle le texte pour en restituer toute la tristesse mêlée à l’espoir, une voix si douce et si diffuse qu’elle porte en elle ses propres qualités spirituelles.

Qualités bien différentes de celles de Scott MacAllister (Albrecht) et de Wolfgang Ablinger-Sperrhacke (Capito), dont les voix semblent indistinctement similaires, terrestres par leur mordant et par leurs sonorités métalliques et saillantes, et d'une grande force de présence.

La jeune Régina, pour laquelle Martina Welschenbach se fait toute simple et toute sensible et surtout lumineuse déchirure au dernier tableau, fait un des gestes les plus forts de l'ouvrage en rendant le ruban que lui avait remis Matthias, se libérant ainsi de l'envie de possession que subtilement ce présent faisait peser sur elle.

 Tableau 6 : la Tentation de Saint-Antoine

Tableau 6 : la Tentation de Saint-Antoine

On peut supposer que ce sont ses craintes au septième tableau « Le bruissement des arbres, le murmure de l’eau me parlent de tout près de l’horreur de la mort », qui inspirèrent Olivier Py pour illustrer en vidéo le fond de scène du premier tableau, de la même manière que beaucoup de symboles du livret se matérialisent dans toute sa mise en scène.

Une des plus belles images, de celles qui vous happent le coeur, illustre ce fameux ruban qu'Ursula déroule de la poitrine de Regina, avant que la prise de conscience des sentiments du peintre pour la jeune paysanne ne fasse vaciller celle qui vivait dans l'illusion de son amour passé.

Après une succession de plans alternant ombres et lumières, façades et populations statiques aux libertés bridées, Matthias Goerne se retrouve seul avec lui même et son art pour quitter tout ce qui l'attache, tout ce qui l'aveugle, y compris les idéologies.

Tous les autres protagonistes, Thorsten Grümbel et Eric Huchet (terribles Pommersfelden et Sylvester), Gregory Reinhart (très autoritaire Riedinger), Nadine Weissmann (Comtesse traversée par le temps) et le plus strident des ténors, Michael  Weinius (Schwalb), composent des portraits très typés.

Melanie Diener (Ursula) et Matthias Goerne (Matthias Grünewald)

Melanie Diener (Ursula) et Matthias Goerne (Matthias Grünewald)

Chœurs admirablement lyriques et surnaturels, orchestre conscient de l'évènement et à l'unisson sous la direction de Christoph Eschenbach, la musique de Hindemith est une grande fresque où s'enchaînent de grands mouvements sombres et épiques, parfois exagérément enflés de cuivres, le Guerre et Paix de Prokofiev n’est plus très loin, et d'instants frémissants quand les cordes vibrent pour ne plus former qu'un fin trait de lumière.

Nicolas Joel a remonté les Noces de Figaro de Strehler pour une série de plus de vingt représentations à Bastille, sous prétexte d’un hommage à Liebermann, avec beaucoup d'opportunisme.

Mais si la conséquence directe est de pouvoir réunir les moyens nécessaires à une production très réussie d‘un opéra majeur et peu connu comme Mathis der Maler, de la même façon que le bourgeois Riedinger apporte les moyens financiers pour permettre à Albrecht de se consacrer à l’art, alors il n’y a plus rien à dire. L'équilibre est conservé.

Olivier Py

Olivier Py

Depuis Cardillac en 2005, Paul Hindemith est entré au répertoire de l’Opéra de Paris avec deux très belles productions de deux de ses opéras. Il faudrait pouvoir découvrir le dernier de ses chefs-d’œuvre, Die Harmonie der Welt (L'Harmonie du Monde) dédié à la vie de l’astronome Johannes Kepler.

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Publié le 16 Décembre 2007

Tannhäuser (Richard Wagner)

Représentation du 15 décembre 2007 (Opéra Bastille)
 
Tannhäuser Stephen Gould              Elisabeth Eva-Maria Westbroek
Venus Béatrice Uria-Monzon           Wolfram  Matthias Goerne
Hermann Franz Joseph Selig           Walther   Michael König
Biterolf Ralf Lukas
 
Direction musicale Seiji Osawa
Mise en scène       Robert Carsen
 
La distribution superlative ayant été commentée lors d’une représentation en concert,  cet article sera l’occasion de dire quelques mots de la mise en scène de Robert Carsen pour la première fois présentée au public.
 
A nouveau, le réalisateur canadien s’intéresse à la condition de l’artiste en nous propulsant dans le monde des peintres de la fin du XIXème siècle.
Tannhäuser et Wolfram ne sont plus chanteurs mais peintres, les chevaliers de Rome s’identifient à une certaine bourgeoisie de grandes villes avide d’expositions artistiques, et Elisabeth devient le sujet d'inspiration de Wolfram.
Il faut reconnaître ce sens de la continuité qui s’exprime avec beaucoup d’intelligence, comme de faire des pèlerins allant vers Rome les Ménades de la Bacchanale. Ou bien d‘effacer les limites entre la scène et la salle en faisant entrer les chevaliers à partir du parterre. Elisabeth et Tannhäuser interviendront eux-mêmes parmi les spectateurs.
 
Cette bourgeoisie prend quelques petits coups de griffes. Il faut voir ces rapaces se jeter sur les consommations présentées lors de la scène du vernissage (Acte II). Cela ne vous évoque rien ? Même pas certains cocktails de l’AROP ?
C’est aussi cette attitude d’esprit très bourgeoise qui consiste à s’ériger en juge de tout, et donc de l’artiste, alors que l’artiste a surtout besoin d’être compris. Mais la compréhension demande une certaine finesse bien entendu.
Lorsque Tannhäuser présente sa propre représentation de l’Amour (le tableau est habilement montré dos au public), ce public est tellement choqué qu’il lui dénie son statut. Le peintre n’a plus qu’à quitter la scène et retrouver la salle.
Elisabeth (symbolique de l'Amour)

Elisabeth (symbolique de l'Amour)

Comment Robert Carsen résout-il alors la rédemption du troisième acte ? Alors que Tannhäuser s’apprête à rejoindre Vénus, Elisabeth (allégorie de l'Amour Christique) survient pour se fondre avec Vénus au point de devenir toutes deux indissociables. Cette scène ne nous laisse cependant pas très longtemps dans l’interrogation lorsque le mur d’exposition découvre un ensemble de nus féminins de maîtres comme Courbet, Rousseau, Manet …. que rejoint l'oeuvre de Tannhäuser. 

La force de cette représentation repose sur la cohérence du travail et la mise en rapport de l’œuvre de Wagner avec un monde artistique qu’affectionne Carsen. Les tableaux offrent, il est vrai, relativement peu d’images percutantes. La scène d’Orgie n’est pas totalement débarrassée d’une gestuelle saugrenue.
Elle vaut cependant quelques images fortes comme le mouvement gracieux de Vénus rejoignant son lit de modèle.  
Plus loin, au moment où la musique s’engouffre dans les mouvements les plus noirs et dramatiques, Vénus s’éloigne lentement, suivie par des hommes rampants dans une lueur de feu saisissante.
Scène du Venusberg

Scène du Venusberg

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Publié le 5 Décembre 2007

Tannhäuser (Richard Wagner)

Répétition générale du 03 décembre 2007
Opéra Bastille
 
Tannhauser Stephen Gould                
Elisabeth Eva-Maria Westbroek
Venus Béatrice Uria-Monzon           
Wolfram Matthias Goerne
Hermann Franz Joseph Selig           
Walther Michael König
Biterolf Ralf Lukas
 
Direction musicale Seiji Osawa
Mise en scène Robert Carsen
 
 
 
« Ce soir la mise en scène s’inspire de l’Espace Vide en référence à Peter Brooks », en ces termes tout autant humoristiques qu’élégiaques Gerard Mortier annonce à la salle qu’aucun élément de la mise en scène de Robert Carsen ne sera utilisé. Seule trouvaille, la harpe de Tannhäuser plantée au centre du plateau indique une soirée de pure musique.
 
Mais ce dont personne ne se doute à cet instant là, c’est que la gêne posée par le mouvement de grève (qui atteint un point critique) va être soufflée par l’élan d’une soirée exceptionnelle !
 
Debout, l’orchestre accueille Seiji Osawa avec un enthousiasme que se réapproprie le public, puis se lance dans une ouverture illuminée.
 
Le point culminant de la bacchanale reflète parfaitement l’art du chef à théâtraliser sans marques exagérées. Le courant garde ainsi sa fluidité.
 
Dans la scène qui suit, Béatrice Uria Monzon est une Vénus d’une véhémence franchement impressionnante. Ce n’est pas forcément très nuancé, mais une belle femme avec un tel tempérament s’apprécie sans modération.
 
Mais ce que le public découvre relève de l’exception. Stephen Gould vient tout simplement exposer ce qu’est un ténor wagnérien : une puissance contrôlée, un chant lié et plein de clarté aux accents mélancoliques. Pourtant, c’est l’impression d’avoir compris un personnage bien mieux que n’importe quel spectateur averti qui prédomine.
Béatrice Uria-Monzon (Vénus)

Béatrice Uria-Monzon (Vénus)

Une telle caractérisation pousse au questionnement et à l’envie d’être revue.
 
La puissance est aussi une des grandes qualités vocales d’Eva-Maria Westbroek. Seulement, moi-même sans doute victime d’une image trop idéalisée d’Elisabeth, cette force seule fait barrage à l’émotion que devrait soulever cette femme hautement morale et aimante.
 
Beaucoup plus dans son élément que dans Verdi, Franz Joseph Selig économise ses gestes, et se suffit de son autorité naturelle pour incarner les valeurs traditionnelles.
 
Matthias Goerne devient donc l’autre protagoniste le plus émouvant. Timbre chaud et lignes magnifiquement enveloppées, j’ajouterais qu’il est le véritable cœur palpitant du drame.
 
L’utilisation de l’espace sonore par les chœurs est aussi une des grandes réussites de la soirée, surtout lorsqu’ils chantent hors de scène.
Au final c’est plutôt fortissimi à volonté !
Eva-Maria Westbroek (Elisabeth)

Eva-Maria Westbroek (Elisabeth)

Evidemment, cette dernière répétition s’achève dans un délire qui fait écho à l’arrivée d’Osawa, avec des musiciens et musiciennes sautillants dans la fosse et des spectateurs survoltés comme pour aider encore plus les artistes, et surtout le chef, à conjurer le sort de fort belle manière. 

 

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