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Publié le 15 Juin 2024

Dream Requiem (Rufus Wainwright – Lord Byron – Paris, le 14 juin 2024)
Concert du 14 juin 2024
Auditorium de la Maison de la Radio et de la Musique

Dream Requiem (2024) – Création mondiale
Pour narrateur, soprano solo, chœur d’enfants, chœur et orchestre, sur le poème « Darkness » de Lord Byron et la messe de Requiem.
1. Darkness I, 2. Requiem aeternam, 3. Lux perpetua, 4. Kyrie, eleison!, 5. Sequentia I: Dies irae, 6. Darkness II, 7. Sequentia II: Mors stupebit, 8. Sequentia III: Rex tremendae, 9. Sequentia IV: Ingemisco,  10. Sequentia V: Confutatis, 11. Darkness III, 12. Offertorium, 13. Sanctus, 14. Agnus Dei, 15. Lux Aeterna, 16. Darkness IV, 17. In paradisum

Direction musicale Mikko Franck
Orchestre Philharmonique de Radio France
Chœur et Maîtrise de Radio France
Violon Solo Nathan Mierdl
Récitante Meryl Streep
Soprano Anna Prohaska

Commande de Radio France, Royal Ballet London, Los Angeles Master Chorale, Palau de la Música Catalana Barcelona, RTÉ Concert Orchestra, Helsinki Philharmonic Orchestra, Nederlands Philharmonisch Orkest

Depuis son passage à Paris en octobre 2003 lors d'une soirée unique passée sur le Batofar, une péniche branchée flottante au pied de la Grande Bibliothèque de Paris, pour y interpréter au piano des mélodies de ses trois premiers albums, ‘Rufus Wainwright’ (1998), ‘Poses’ (2001) et ‘Want One’ (2003), la carrière de Rufus Wainwright a atteint un rayonnement inimaginable au cours des 20 ans qui suivirent.

Mikko Franck, Meryl Streep et Rufus Wainwright

Mikko Franck, Meryl Streep et Rufus Wainwright

Fortement imprégné de l’univers de l’opéra, le chanteur canadien a créé son premier ouvrage lyrique ‘Prima Donna’, en langue française, au Palace Theatre de Manchester, le 10 juillet 2009, puis un second opéra, ‘Hadrian’, à la Canadian Opera Company le 13 octobre 2018, sous la direction d’Alexander Neef.

‘Dream Requiem’ est donc sa troisième composition lyrique qui reprend la structure d’une messe liturgique en y insérant des extraits du poème de Lord Byron ‘Darkness’, écrit en 1816 suite à l’éruption du Mont Tambora (Indonésie), dont la violence entraîna un hiver volcanique pendant 3 ans, au point de provoquer des baisses de température de 3°C en moyenne en Europe.

Philharmonique et Chœur de Radio France à l'Auditorium de la Maison de la Radio et de la Musique

Philharmonique et Chœur de Radio France à l'Auditorium de la Maison de la Radio et de la Musique

Le lancinant et sombre déroulé introductif des cordes donne l’impression de survoler un paysage lunaire évoquant le désastre humain après un cataclysme, et la voix narrative de Meryl Streep, simplement posée sur le souffle avec une diction très précise et accrocheuse, s’allie à l’ensemble et à la ligne mortuaire d’une clarinette avec beaucoup de naturel.

La voix d’Anna Prohaska appelle à la lumière, et l’élan extatique de l’orchestre explose et porte le chœur, surélevé en arrière scène sous la sculpture monumentale de l’orgue, avec une vigueur qui semble virer à la transe. La musique devient très rythmée et dansante, comme une mécanique en marche.

Anna Prohaska

Anna Prohaska

On reconnaît par la suite des motifs de cordes oscillants emblématiques de la musique de Philip Glass, ainsi que le chant allant sautillant de l’écriture vocale de John Adams, jusqu’à ce magnifique moment d’évasion joué à l’alto par Marc Desmons en plein milieu de l’ouvrage avec le soutien des cordes, qui nous emmène dans l’univers onirique de ‘La Femme sans ombre’ de Richard StraussMikko Franck est d'une implication impeccable.

Le retour sur terre est vif avec une reprise grandiose du chœur, des passages a cappella, le chant de l'ensemble coulant sur un seul souffle sans discontinuité cette fois, l’atmosphère sombre et dévastée du début est à nouveau rappelée, et le chœur d’enfants conclut la pièce par une évocation de l’espoir, de l’apaisement, et un retour à une certaine pureté.

Meryl Streep

Meryl Streep

Salle comble devant un public très jeune que l’on ne voit pas habituellement à l’occasion des concerts classiques, car Rufus Wainwright, plus connu pour ses ballades, soit intimes et uniquement accompagnées au piano, soit enveloppées d’une orchestration sophistiquée et baroque, a ainsi le pouvoir de capter ses admirateurs et de les inviter à le suivre dans ses incursions lyriques et symphoniques.

Marc Desmons (Alto)

Marc Desmons (Alto)

Standing ovation nourrie pour tous les artistes, Rufus Wainwright compris, cela va sans dire!

A revoir sur Arte Concert ici jusqu'au 13 juin 2028.

Maîtrise de Radio France

Maîtrise de Radio France

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Publié le 18 Décembre 2017

Elektra (Richard Strauss)
Version de concert du 15 décembre 2017
Philharmonie de Paris - Grande salle Pierre Boulez

Elektra Nina Stemme
Klytämnestra Waltraud Meier
Chrysothémis Gun-Brit Barkmin
Orest Matthias Goerne
Ägisth Norbert Ernst
Die Erste Magd Bonita Hyman
Die zweite Magd Yaël Raanan Vandoor 
Die dritte Magd Valentine Lemercier
Die vierte Magd Lauren Michelle
Die fünfte Magd Kirsi Tiihonen
Die Aufseherin Amélie Robine

Direction musicale Mikko Franck                                  Mikko Franck
Orchestre philharmonique de Radio France
Chœur de Radio France

Alors qu'elle vient de mettre un terme à tous ses grands rôles wagnériens, hormis celui maléfique d'Ortrud qu'elle reprendra à Bayreuth l'été prochain, Waltraud Meier est de retour ce soir pour incarner la mère adultère et criminelle d'Elektra sur la scène de la Philharmonie.

Mikko Franck et Nina Stemme (Elektra)

Mikko Franck et Nina Stemme (Elektra)

Une entrée fantastique, le regard légèrement incurvé vers Nina Stemme, les épaules décidées et la démarche assurée, le magnétisme de cette artiste est d'une telle puissance, et son art déclamatoire d'une telle précision, que la force de la beauté affirmée de son personnage peut encore et toujours engendrer les larmes d'une émotion subjuguée par tant de vérité dans l'incarnation.

Et les fulgurances de sa voix ont un souffle et une tenue pénétrante totalement intimidants. Clytemnestre nerveuse, humaine et d'une noirceur morbide peu prononcée, prenant à partie le spectateur saisi par un regard défiant, même son retrait après sa grande confrontation avec Elektra est une leçon de vie et de théâtre que l'on ne peut oublier.

Waltraud Meier (Clytemnestre)

Waltraud Meier (Clytemnestre)

Nina Stemme, elle, portant une robe noire subtilement scintillante, enrobe sa violence d'un magnifique timbre sombrement ambré, puissant sans en forcer les appuis et sans altérer son unité. Elektra est bien une jeune femme tourmentée, mais qui n'a rien cédé à sa stature de femme aristocratique.

Et quelle énergie positive émane de Gun-Brit Barkmin, mariant finesse straussienne et expressivité bergienne, tant elle évoque l'élan pour la vie d'une amoureuse et l'élan intrépide et excitant d'une Lulu dangereuse!

Le Philharmonique de Radio France

Le Philharmonique de Radio France

Ces trois grandes chanteuses formidablement appariées sont ainsi le cœur vibrant de cette unique soirée qui s'est ouverte sur un accueil haut en couleur par les servantes et leur surveillante, une palette d'expressions riches en sentiments névrotiques et hystériques dominée par le trait de lumière irradiant de la personnalité glamour de Lauren Michelle.

On le connaissait poète lunaire au timbre caressant et moelleux, Matthias Goerne se fait terriblement noir, ce soir, les boyaux en torsion et l'âme répugnée, un Oreste que l'on croirait animé par la haine au moindre mot exprimé.

Lauren Michelle (La quatrième servante)

Lauren Michelle (La quatrième servante)

Quant à l'Egisthe de Norbert Ernst, ne lui manque qu'un masque horrifié plus saisissant quand il bascule de sa légèreté habituelle vers la crise de panique engendrée par l'arrivée d'Oreste.

D'ailleurs, les deux climax qui marquent l'aboutissement des deux crimes vengeurs ne sont pas les points les plus intenses de cette interprétation qui valorise, avant tout, la cohésion d'ensemble et le lyrisme fusionnel.

Gun-Brit Barkmin (Chrysothémis), Waltraud Meier (Clytemnestre) et Matthias Goerne (Oreste)

Gun-Brit Barkmin (Chrysothémis), Waltraud Meier (Clytemnestre) et Matthias Goerne (Oreste)

Depuis le parterre, en effet, le son grave des cuivres et des basses forme une matière chaude et malléable que les cordes et les vents innervent de leurs lignes et sinuosités dynamisées en permanence par Mikko Franck. Habituellement assis, on le voit alors prendre pied au cœur de l'orchestre pour soulever en lui une houle épique qui enveloppe ainsi les artistes d'une tension si chaleureuse qu'elle se garde de toute expression trop agressive.

Une merveille sonore, un règlement de comptes hypnotisant au point d'être parcouru soi-même de frissons irisants, une telle beauté laisse rêveur surtout lorsqu'elle ne surgit que pour un soir.

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Publié le 15 Octobre 2012

Tristan et Isolde (Richard Wagner)
Version concert du 13 octobre 2012
Salle Pleyel

Isolde Nina Stemme
Tristan Christian Franz
Le Roi Marke Peter Rose
Brangäne Sarah Connolly
Kurwenal Detlef Roth
Melot Richard Berkeley-Steele
Un jeune marin Pascal Bourgeois
Un berger Christophe Poncet
Un pilote Renaud Derrien

Orchestre Philharmonique de Radio France
Direction musicale Mikko Franck
Chœur d'hommes de Radio France

 

                                                                                          Sarah Connolly (Brangäne)

Bien que la salle Pleyel possède une acoustique réverbérée et une largeur d’espace favorable aux grandes étendues orchestrales des opéras de Wagner, la blancheur impersonnelle de ses parois anguleuses et sa configuration géométrique s’accommodent mal de l’univers infini de Tristan et Isolde.

Et les images hypnotiques de Bill Viola - filmées pour la mise en scène historique de Peter Sellars à l’Opéra National de Paris - ont marqué nombres d’entre nous d’une empreinte visuelle mystérieusement indélébile. Par conséquent, une version de concert ne peut avoir un impact aussi fort que si l’interprétation intègre le temps pour nous attirer dans les profondeurs de la musique.

C’est pourtant avec un fort sentiment que s’est achevé le premier acte de ce soir. La direction de Mikko Franck, sans temps mort, juxtaposait les lignes du discours dramatique tissées de coloris gris et boisés - lignes fortement contrastées par l’éclat claironnant des cuivres -, régénérant une force théâtrale galvanisante pour Nina Stemme.

Nina Stemme (Isolde)

Nina Stemme (Isolde)

Qui peut imaginer meilleure interprète de la Princesse d’Irlande, talentueuse au point de savoir faire vivre à la fois un tempérament enflammé et l‘aplomb d‘une grandeur d‘être superbe, tout cela avec une intensité foudroyante et un galbe vocal d’une noirceur de sang noble et sensuelle?

Même son partenaire, Christian Franz, nous a rappelé, pour un moment, la jeunesse resplendissante et immuable de Renée Kollo, gravée au disque sous la direction irréelle de Carlos Kleiber, et Sarah Connolly s’est trouvée elle même emportée au point de tenir égale véhémence face à Isolde.

Seulement, le flux orchestral ne s’est pas ralenti au second acte, et les ondes n’ont fait qu’esquisser une intériorité bien trop superficielle et peu modelée pour suggérer un début d’immersion vers les abysses dépressives du drame. Pire, le rythme ne s’est pas ralenti au troisième acte, et les imprécisions firent concurrence à bien des motifs à peine esquissés, pour s’effacer sous les suivants, entretenant, il est vrai, un influx vital entrainant.

Il y eut bien sûr une petite icône pour chaque acte, la fraîcheur de Pascal Bourgeois isolée au dessus des gradins de l’arrière scène, l’apparition surnaturelle de Sarah Connolly pendant la nuit d’amour, et la plainte du cor depuis le premier balcon en surplomb de l’orchestre, à chaque fois un instant en suspend.

Christian Franz (Tristan) et Nina Stemme (Isolde)

Christian Franz (Tristan) et Nina Stemme (Isolde)

Malgré sa vaillance, Christian Franz n’a pas le théâtre de Nina Stemme, et son corps oscille en usant que rarement des expressions des mains, si bien que peu de cette douleur tellurique interne est renvoyée vers la salle. Il a en revanche une simplicité touchante.

Il y eut aussi l’humanité engagée de Detlef Roth et la noblesse un peu indifférente de Peter Rose.
Le lyrisme engloutissant de Myung-Whun Chung aurait sans doute mieux convenu au relief et aux couleurs crépusculaires de Tristan et Isolde.

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