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Publié le 18 Décembre 2017

Elektra (Richard Strauss)
Version de concert du 15 décembre 2017
Philharmonie de Paris - Grande salle Pierre Boulez

Elektra Nina Stemme
Klytämnestra Waltraud Meier
Chrysothémis Gun-Brit Barkmin
Orest Matthias Goerne
Ägisth Norbert Ernst
Die Erste Magd Bonita Hyman
Die zweite Magd Yaël Raanan Vandoor 
Die dritte Magd Valentine Lemercier
Die vierte Magd Lauren Michelle
Die fünfte Magd Kirsi Tiihonen
Die Aufseherin Amélie Robine

Direction musicale Mikko Franck                                  Mikko Franck
Orchestre philharmonique de Radio France
Chœur de Radio France

Alors qu'elle vient de mettre un terme à tous ses grands rôles wagnériens, hormis celui maléfique d'Ortrud qu'elle reprendra à Bayreuth l'été prochain, Waltraud Meier est de retour ce soir pour incarner la mère adultère et criminelle d'Elektra sur la scène de la Philharmonie.

Mikko Franck et Nina Stemme (Elektra)

Mikko Franck et Nina Stemme (Elektra)

Une entrée fantastique, le regard légèrement incurvé vers Nina Stemme, les épaules décidées et la démarche assurée, le magnétisme de cette artiste est d'une telle puissance, et son art déclamatoire d'une telle précision, que la force de la beauté affirmée de son personnage peut encore et toujours engendrer les larmes d'une émotion subjuguée par tant de vérité dans l'incarnation.

Et les fulgurances de sa voix ont un souffle et une tenue pénétrante totalement intimidants. Clytemnestre nerveuse, humaine et d'une noirceur morbide peu prononcée, prenant à partie le spectateur saisi par un regard défiant, même son retrait après sa grande confrontation avec Elektra est une leçon de vie et de théâtre que l'on ne peut oublier.

Waltraud Meier (Clytemnestre)

Waltraud Meier (Clytemnestre)

Nina Stemme, elle, portant une robe noire subtilement scintillante, enrobe sa violence d'un magnifique timbre sombrement ambré, puissant sans en forcer les appuis et sans altérer son unité. Elektra est bien une jeune femme tourmentée, mais qui n'a rien cédé à sa stature de femme aristocratique.

Et quelle énergie positive émane de Gun-Brit Barkmin, mariant finesse straussienne et expressivité bergienne, tant elle évoque l'élan pour la vie d'une amoureuse et l'élan intrépide et excitant d'une Lulu dangereuse!

Le Philharmonique de Radio France

Le Philharmonique de Radio France

Ces trois grandes chanteuses formidablement appariées sont ainsi le cœur vibrant de cette unique soirée qui s'est ouverte sur un accueil haut en couleur par les servantes et leur surveillante, une palette d'expressions riches en sentiments névrotiques et hystériques dominée par le trait de lumière irradiant de la personnalité glamour de Lauren Michelle.

On le connaissait poète lunaire au timbre caressant et moelleux, Matthias Goerne se fait terriblement noir, ce soir, les boyaux en torsion et l'âme répugnée, un Oreste que l'on croirait animé par la haine au moindre mot exprimé.

Lauren Michelle (La quatrième servante)

Lauren Michelle (La quatrième servante)

Quant à l'Egisthe de Norbert Ernst, ne lui manque qu'un masque horrifié plus saisissant quand il bascule de sa légèreté habituelle vers la crise de panique engendrée par l'arrivée d'Oreste.

D'ailleurs, les deux climax qui marquent l'aboutissement des deux crimes vengeurs ne sont pas les points les plus intenses de cette interprétation qui valorise, avant tout, la cohésion d'ensemble et le lyrisme fusionnel.

Gun-Brit Barkmin (Chrysothémis), Waltraud Meier (Clytemnestre) et Matthias Goerne (Oreste)

Gun-Brit Barkmin (Chrysothémis), Waltraud Meier (Clytemnestre) et Matthias Goerne (Oreste)

Depuis le parterre, en effet, le son grave des cuivres et des basses forme une matière chaude et malléable que les cordes et les vents innervent de leurs lignes et sinuosités dynamisées en permanence par Mikko Franck. Habituellement assis, on le voit alors prendre pied au cœur de l'orchestre pour soulever en lui une houle épique qui enveloppe ainsi les artistes d'une tension si chaleureuse qu'elle se garde de toute expression trop agressive.

Une merveille sonore, un règlement de comptes hypnotisant au point d'être parcouru soi-même de frissons irisants, une telle beauté laisse rêveur surtout lorsqu'elle ne surgit que pour un soir.

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Publié le 15 Octobre 2012

Tristan et Isolde (Richard Wagner)
Version concert du 13 octobre 2012
Salle Pleyel

Isolde Nina Stemme
Tristan Christian Franz
Le Roi Marke Peter Rose
Brangäne Sarah Connolly
Kurwenal Detlef Roth
Melot Richard Berkeley-Steele
Un jeune marin Pascal Bourgeois
Un berger Christophe Poncet
Un pilote Renaud Derrien

Orchestre Philharmonique de Radio France
Direction musicale Mikko Franck
Chœur d'hommes de Radio France

 

                                                                                          Sarah Connolly (Brangäne)

Bien que la salle Pleyel possède une acoustique réverbérée et une largeur d’espace favorable aux grandes étendues orchestrales des opéras de Wagner, la blancheur impersonnelle de ses parois anguleuses et sa configuration géométrique s’accommodent mal de l’univers infini de Tristan et Isolde.

Et les images hypnotiques de Bill Viola - filmées pour la mise en scène historique de Peter Sellars à l’Opéra National de Paris - ont marqué nombres d’entre nous d’une empreinte visuelle mystérieusement indélébile. Par conséquent, une version de concert ne peut avoir un impact aussi fort que si l’interprétation intègre le temps pour nous attirer dans les profondeurs de la musique.

C’est pourtant avec un fort sentiment que s’est achevé le premier acte de ce soir. La direction de Mikko Franck, sans temps mort, juxtaposait les lignes du discours dramatique tissées de coloris gris et boisés - lignes fortement contrastées par l’éclat claironnant des cuivres -, régénérant une force théâtrale galvanisante pour Nina Stemme.

Nina Stemme (Isolde)

Nina Stemme (Isolde)

Qui peut imaginer meilleure interprète de la Princesse d’Irlande, talentueuse au point de savoir faire vivre à la fois un tempérament enflammé et l‘aplomb d‘une grandeur d‘être superbe, tout cela avec une intensité foudroyante et un galbe vocal d’une noirceur de sang noble et sensuelle?

Même son partenaire, Christian Franz, nous a rappelé, pour un moment, la jeunesse resplendissante et immuable de Renée Kollo, gravée au disque sous la direction irréelle de Carlos Kleiber, et Sarah Connolly s’est trouvée elle même emportée au point de tenir égale véhémence face à Isolde.

Seulement, le flux orchestral ne s’est pas ralenti au second acte, et les ondes n’ont fait qu’esquisser une intériorité bien trop superficielle et peu modelée pour suggérer un début d’immersion vers les abysses dépressives du drame. Pire, le rythme ne s’est pas ralenti au troisième acte, et les imprécisions firent concurrence à bien des motifs à peine esquissés, pour s’effacer sous les suivants, entretenant, il est vrai, un influx vital entrainant.

Il y eut bien sûr une petite icône pour chaque acte, la fraîcheur de Pascal Bourgeois isolée au dessus des gradins de l’arrière scène, l’apparition surnaturelle de Sarah Connolly pendant la nuit d’amour, et la plainte du cor depuis le premier balcon en surplomb de l’orchestre, à chaque fois un instant en suspend.

Christian Franz (Tristan) et Nina Stemme (Isolde)

Christian Franz (Tristan) et Nina Stemme (Isolde)

Malgré sa vaillance, Christian Franz n’a pas le théâtre de Nina Stemme, et son corps oscille en usant que rarement des expressions des mains, si bien que peu de cette douleur tellurique interne est renvoyée vers la salle. Il a en revanche une simplicité touchante.

Il y eut aussi l’humanité engagée de Detlef Roth et la noblesse un peu indifférente de Peter Rose.
Le lyrisme engloutissant de Myung-Whun Chung aurait sans doute mieux convenu au relief et aux couleurs crépusculaires de Tristan et Isolde.

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