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Publié le 14 Septembre 2021

Iphigénie en Tauride (Christoph Willibald Gluck - 1779)
Répétition générale du 11 septembre et représentations du 14 et 29 septembre 2021

Palais Garnier

Iphigénie Tara Erraught
Oreste Jarrett Ott
Pylade Julien Behr
Thoas Jean‑François Lapointe
Diane Marianne Croux
Une femme grecque Jeanne Ireland
Un Scythe Christophe Gay
Iphigénie (comédienne) Agata Buzek

Direction musicale Thomas Hengelbrock
Mise en scène Krzysztof Warlikowski (2006)
Décors et costumes Małgorzata Szczęśniak

Lumière Felice Ross
Vidéo Denis Guéguin
Chorégraphie Claude Bardouil
Orchestre et Chœurs de l’Opéra national de Paris

Immense succès dès sa création à l’Académie royale de musique le 18 mai 1779, la version d’Iphigénie en Tauride par Christoph Willibald Gluck fit partie des 3 titres les plus joués de l’institution française jusqu’à la Révolution pour atteindre sa 400e représentation au bout de 50 ans.

Puis, elle s’effaça du répertoire pendant un siècle.

Jarrett Ott (Oreste) et Tara Erraught (Iphigénie)

Jarrett Ott (Oreste) et Tara Erraught (Iphigénie)

C’est au directeur Georges Auric qu’Iphigénie en Tauride doit son retour durable sur la scène de l’Opéra de Paris lorsqu’il donna l’ouvrage en 1965 avec de prestigieux artistes français, Régine Crespin, Robert Massard et Guy Chauvet.

Puis, en 2006, la production confiée par Gerard Mortier à Krzysztof Warlikowski devint un marqueur important de l’institution car elle introduisait nombre d’éléments contemporains pour raconter de façon poignante et horrifique l’histoire d’une femme qui avait perdu sa famille à en souffrir de solitude.

Iphigénie en Tauride (Erraught – Ott - Hengelbrock - Warlikowski) Garnier

Mais alors que seuls des ensembles sur instruments anciens tels Les Musiciens du Louvre-Grenoble, le Balthasar Neumann Ensemble ou bien le Freiburger Barockorchester interprétaient régulièrement à Garnier les œuvres de Gluck, c’est lors de la reprise d'Iphigénie en Tauride en décembre 2016 que l’on entendit à nouveau le son de l’Orchestre de l’Opéra de Paris dans un opéra du compositeur allemand, sous la direction de Bertrand de Billy.

C’est encore le cas pour la reprise de ce soir qui est confiée à un chef d’orchestre spécialiste du répertoire baroque et classique, Thomas Hengelbrock.

Tara Erraught et Agata Buzek (Iphigénie)

Tara Erraught et Agata Buzek (Iphigénie)

Dès l’entrée dans la salle, la présence du rideau semi-réfléchissant, derrière lequel vont être rejoués les souvenirs enfouis du passé d’Iphigénie, permet de créer des points de vue inédits sur les loges du Palais Garnier qui se réfléchissent à sa surface. A l’arrière scène, des zones d’ombres se devinent, et les décorations des balcons sont rehaussées par des lumières chaudes pour mieux se refléter dans le grand miroir.

Et à l’occasion de cette nouvelles séries de représentations, deux grands artistes internationaux font leurs débuts sur la scène de l’Opéra des Paris, Tara Erraught et Jarrett Ott.

Tara Erraught (Iphigénie)

Tara Erraught (Iphigénie)

La mezzo-soprano irlandaise est déjà bien connue au Bayerische Staatsoper et au Metropolitan Opera où elle a incarné Angelina dans La Cenerentola de Rossini, personnage de Conte de fées qu’elle aura l’occasion d’incarner à Bastille au printemps prochain, dans une autre vision de Cendrillon, celle de Jules Massenet.

Portée par une direction musicale qui se révèle d’emblée enjôleuse, puis tonique, et qui engendre un tapis musical progressivement souple et tendu vers le le déroulé de l’action, elle dépeint la personnalité d’Iphigénie à travers une intense ligne de chant mélodramatique dont le soyeux des tissures, aérées et énergiques, s’allient naturellement aux timbres orchestraux.

Agata Buzek (Iphigénie)

Agata Buzek (Iphigénie)

Et tout, dans l’émotion du regard, renvoie une image tendre, empathique et généreuse dans son rapport à ses partenaires.

C’est donc quand elle incarne l’Iphigénie jeune – la production fait jouer à Iphigénie deux âges très différents de sa vie – qu’elle crée instinctivement une totale concordance avec l’être qu’elle joue sans la moindre froideur.

L’attention portée au phrasé est sensible, mais le maintien harmonieux du souffle et les variations de couleurs ont la primauté.

Pantomime du meurtre de Clytemnestre par Oreste

Pantomime du meurtre de Clytemnestre par Oreste

Et elle s’approprie complètement l’univers complexe et exigeant créé par Krzysztof Warlikowski, même si elle n’a pas le détachement dépressif qu’exprime par effet miroir Agata Buzek – une actrice de confiance, compatriote du metteur en scène, qui apparaît régulièrement dans plusieurs de ses pièces de théâtre, Phèdre(s), Les Français, On s’en va – avec laquelle elle partage les inversions de rôles entre Iphigénie et son double.

Car la force de cette production est d’entrelacer différents univers temporels et de dégager une beauté visuelle fantasmatique même pour les scènes les plus perverses.

Le rideau semi-transparent permet de créer des reliefs ombrés sur le corps de l’acteur qui rejoue le matricide de Clytemnestre par Oreste, le souvenir du sacrifice d’Iphigénie en Aulide refait surface sous forme de scène quasi-subliminale, et la vidéo finale qui domine le geste sacrificiel d’Iphigénie est fascinante avec ce corps de dragon qui s’imprime en serpent sur le visage projeté de le jeune femme au moment où Diane s’apprête à pardonner à Oreste son crime.

Jarrett Ott (Oreste) et Julien Behr (Pylade)

Jarrett Ott (Oreste) et Julien Behr (Pylade)

L’Oreste de Jarrett Ott est par ailleurs absolument splendide, un mordant de fauve redoutable, une fougue virile qui dramatise sa présence tout en préservant l’intégrité vocale et ses clartés suaves. Il n‘est pas étranger à cette production, car Viktor Schoner, intendant de l’opéra de Stuttgart et ancien adjoint de Gerard Mortier, l’a aussi intégrée à son répertoire, ce qui a permis au chanteur américain de s’y confronter.

Et même si Alexander Neef reprend la production que Stéphane Lissner avait programmée il y a un an en pleine expansion de la pandémie avant d’être finalement reportée, nul doute qu’il soit particulièrement fier et heureux de débuter son mandat avec pareil symbole.

Jarrett Ott (Oreste) et Julien Behr (Pylade)

Jarrett Ott (Oreste) et Julien Behr (Pylade)

Auprès de Jarrett Ott, Julien Behr est un fort touchant Pylade. Doué d’une sincérité et d’une finesse de timbre mozartienne, ombrée et légèrement voilée, d’une parfaite unité même dans les passages les plus tendus, il est moins puissant que son partenaire, mais pas moins présent et expressif y compris dans les silences.

« Unis dès la plus tendre enfance » est chanté avec profondeur et retenue dans les sentiments, mais le sens de sa projection s’amenuise trop au dernier acte.

Le duo fonctionne avec bonheur parfaitement, et les sentiments d’affection entre les deux cousins en sont renforcès.

Agata Buzek (Iphigénie) et Jean-François Lapointe (Thoas)

Agata Buzek (Iphigénie) et Jean-François Lapointe (Thoas)

Et Jean‑François Lapointe offre sur la scène du Palais Garnier un Thoas d’une très belle tenue, nullement caricatural, avec de la poigne dans les aigus, auquel il laisse transparaître une faille humaine malgré la dureté du personnage. Globalement, il y a dans cette reprise une forme d’attendrissement diffus qui semble saisir tous les protagonistes et qui engendre ce subtil sentiment de cohérence d’ensemble.

Enfin, les chanteurs qui font vivre les personnages secondaires sont tous trois bien mis en valeur. Christophe Gay imprime de son timbre franc une jeunesse sûre et affirmée, Jeanne Ireland apporte des couleurs gorgées de noirceurs et donc une forme de maturité sensuelle, et Marianne Croux fait vibrer un optimisme lumineux et malicieux.

Jarrett Ott (Oreste) et Tara Erraught (Iphigénie)

Jarrett Ott (Oreste) et Tara Erraught (Iphigénie)

La réalisation orchestrale révèle également des surprises. Thomas Hengelbrock ne cherche nullement le flamboiement dramatique – alors qu’il sait parfaitement le faire -, les cuivres sont particulièrement domptés pour n’en conserver que leur souffle d’or, car il transpose l’intimité concise des dialogues chantés dans la musique pour faire vivre les respirations cristalline, pulsantes et caressantes d’une humanité souterraine.

Cette logique atteint son paroxysme dans sa rencontre avec le chœur, présenté cette année dans les loges de côté, et non sous la scène, et dont la fusion irrésistiblement murmurante avec les voix féminines donne l’illusion pour un moment qu’une grâce divine reste possible.

Krzyzstof Warlikowski entouré des artistes d'Iphigénie en Tauride

Krzyzstof Warlikowski entouré des artistes d'Iphigénie en Tauride

15 ans après la première, les huées n’ont pas totalement disparu au rideau final, mais elles sont dorénavant refoulées, voir honteuses, et quel ravissement à voir la nature boute-en-train de Claude Bardouil, le chorégraphe, inciter les bravi à monter en puissance pour les couvrir dans une joie légère, alors que le regard perçant de Krzysztof Warlikowski reste posé là.

 

A écouter sur France Culture :

Krzysztof Warlikowski : "Être artiste sur cette planète aide à comprendre ce qu'est une liberté."

A lire également :

Iphigénie en Tauride - Palais Garnier (2008)

Iphigénie en Tauride - Palais Garnier (2016)

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Publié le 27 Septembre 2013

Alceste (Christoph Willibald Gluck)
Répétition générale du 09 septembre &
Représentations du 22 et 28 septembre 2013

Admète Yann Beuron
Alceste Sophie Koch
Le Grand Prêtre Jean François Lapointe
Hercule Franck Ferrari
Coryphées Stanilas de Barbeyrac
                 Marie-Adeline Henry
                 Florian Sempey
                 Bertrand Dazin
L’Oracle François Lis

Mise en scène Olivier Py
Direction musicale Marc Minkowski
Chœur et Orchestre des Musiciens du Louvre

                                                                                                        Dionysos

La détermination d’Alceste à rejoindre les enfers pour éviter de vivre avec l’absence de son homme aimé est une force romantique que l’on retrouve dans le personnage de Juliette, l’héroïne de Shakespeare.
Alors, en faisant tant ressembler la femme d’Admète à sa Juliette telle qu’il l’avait représentée à l’Odéon, avec son long manteau noir et sa chevelure si féminine, Olivier Py ne fait que révéler cette similitude entre le compositeur allemand et le dramaturge anglais.

Sophie Koch (Alceste)

Sophie Koch (Alceste)

Pour le spectateur d’opéra curieux de bon théâtre, c’est-à-dire de cet art qui s’intéresse à la vie de l’esprit avec tous ses méandres sombres et inextricables, et accoutumé à l’univers du metteur en scène, la poésie visuelle qui émane de ces décors éphémères dessinés si finement à la craie sur de larges pans noirs devant lesquels les personnages vivent la joie et la douleur du drame dans leur vérité simple et touchante, est une très belle manière de rendre le classicisme de l’œuvre plus proche de lui.

Sophie Koch (Alceste)

Sophie Koch (Alceste)

On se laisse aller à admirer les détails de la façade de l’Opéra Garnier, le temple d‘Apollon, maître de la Poésie et de la Musique, la reconstitution des rues de ce qui semble être Venise, les forêts torturées, la nuit étoilée derrière laquelle le chœur murmure un magnifique chant élégiaque, les symboles évidents du Cœur et de la Mort, et Olivier Py réussit naturellement à saisir l’essence du texte et la transcrire dans une vision qui lui ressemble, jusqu’aux garçons toujours physiquement parfaits, qu’il s’agisse des enfants d’Alceste, ou bien de cet Apollon dansant et solaire que l’on retrouvait dans sa pièce Die Sonne.
Ainsi, s’opposent à travers la sensualité de ce même danseur, les forces tentatrices dionysiaques, lors du banquet que célèbre le peuple à la joie de savoir Admète sauvé, et les forces inspiratrices du lyrisme, Apollon, qui l‘emportent à la fin.

Yann Beuron (Admète)

Yann Beuron (Admète)

Dans le troisième acte, il fait également un très bel usage de l’éclairage néon pour induire une atmosphère crépusculaire dans la salle même, alors qu’Alceste se présente aux portes des enfers, devant l’orchestre, situé sur la scène, laissant ainsi la fosse se transformer en Styx symbolique, embrumé tout en chantant, par l’intermédiaire du chœur, la voix lugubre des morts.

Il saisit ainsi la beauté essentielle de la musique, la délicatesse des sentiments humains, tout en laissant, de ci de là, surgir les thèmes qui lui tiennent à cœur, le désespoir politique que suscite le sort funeste d’Admète, la noirceur romantique d’Alceste, la vitalité insolente d’un éphèbe couvert des lauriers de la poésie et du chant, et, enfin, les symboles chrétiens qui sauvent de tout.

Le Banquet (deuxième acte)

Le Banquet (deuxième acte)

Tout en osmose avec son orchestre, Les Musiciens du Louvre, Marc Minkowski insuffle à la musique de Gluck une tension vivifiante dont il exalte la modernité des couleurs, une grâce éthérée que l’on ne lui connaissait pas, sans accentuer pour autant le pathétisme de la partition.
Et il est au cœur du drame, de la vie intérieure de chaque chanteur, ce qui l’oblige à une attention de toute part, jusqu’aux chœurs, importants acteurs de la pièce, superbes de nuances, de tonalité profonde si changeante, qui peuvent autant exprimer la force de l’espoir que les tristes murmures des adieux.
Tout cela est véritablement très beau à voir et à entendre, austère diront certains, ou terriblement vrai comme le ressentiront bien d'autres.

Sophie Koch (Alceste)

Sophie Koch (Alceste)

Tragédienne classique, Sophie Koch est donc une Alceste faite pour se fondre dans ce théâtre moderne. Elle ne domine pas Yann Beuron, mais se situe dans un échange à part égale, sa voix plutôt claire, révélant des graves magnifiquement dramatiques dans « Divinités du Styx »,  tout en lui permettant de conserver une netteté de diction qu’elle gomme parfois quand les noirceurs lyriques l’emportent.

C’est cependant dans toute la détermination du premier acte qu’elle est la plus impressionnante.

Florian Sempey, Stanilas de Barbeyrac, Bertrand Dazin, Marie-Adeline Henry (les Coryphées)

Florian Sempey, Stanilas de Barbeyrac, Bertrand Dazin, Marie-Adeline Henry (les Coryphées)

Yann Beuron, ténor poétique tel qu’on aurait si bien envie de le décrire, est d’une humaine évidence, un charme vocal sombre qui, lui, reflète le fatalisme de la musique avec un sens de l’intériorité pathétique que peu de chanteurs français peuvent atteindre.

Et de cette distribution entièrement francophone qui intègre les jeunes fleurons de l’Atelier Lyrique, Stanilas de Barbeyrac, Marie-Adeline Henry, Florian Sempey, tous excellents, Jean François Lapointe y trouve, en Grand Prêtre, un rôle dont il soigne la prestance et le langage.

Apollon

Apollon

 Franck Ferrari, lui, se démarque toujours aussi bien dans les opéras de Gluck, doué d’une vérité expressive naturelle à la fois forte et inquiétante qui, même dans des rôles courts, lui donne une présence qui marque bien au-delà de la représentation.

Et se conjuguent ainsi à cet ensemble si homogène, les éclats de voix baroques du contre ténor Bertrand Dazin, et les noirceurs détachées de François Lis.

Alceste (Koch-Beuron-Lapointe-Minkowski-Py) Palais Garnier

A l'entracte, le rideau se baisse sur une reproduction inspirée de La montée des âmes vers l'Empyrée de Jérôme Bosch, chef d'oeuvre de l'Art flamand conservé au Palais des Doges, dont la lumière fait écho aux derniers mots gravés sur le décor : La Mort n'existe pas

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Publié le 5 Avril 2010

Les Troyens (Hector Berlioz)
Représentation du 04 avril 2010
De Nederlandse Opera

Cassandre Eva-Maria Westbroek
Didon Yvonne Naef
Enée Bryan Hymel
Chorèbe Jean-François Lapointe
Panthée Nicolas Testé
Narbal Alastair Miles
Iopas Greg Warren
Ascagne Valérie Gabail
Anne Charlotte Hellekant
Priam Christian Tréguier
L’ombre d’Hector Philippe Fourcade
Andromaque Jennifer Hanna

Direction Musicale John Nelson
Mise en scène Pierre Audi

               Eva-Maria Westbroek (Cassandre)

 

C’est dans les lueurs rasantes du matin qu’Amsterdam révèle les visions colorées des frontispices bucoliques, lorsque la jeunesse venue réaliser un idéal de liberté, plus conformiste qu’elle ne l’imagine, est encore assoupie.

Au centre de la ville, l’Opéra National incarne un autre art du rituel conventionnel, bourgeois cette fois.

Dans une ambiance feutrée, les plus riches se restaurent au second étage, et chacun peut humer les senteurs des plats les plus raffinés.

Quelques esprits réfractaires se distinguent, car le véritable amateur d’opéra est peut être vêtu en Jean’s et Baskets.

Eva-Maria Westbroek (Cassandre)

Eva-Maria Westbroek (Cassandre)

Pour en revenir à la première représentation des Troyens, il s’agit toujours d’un événement car l’œuvre a été conçue en parallèle du Ring de Wagner.

A plus forte raison que la présence d’Eva-Maria Westbroek justifie l’attention à cette reprise.
L’artiste a le caractère pour épouser la personnalité archaïque que Pierre Audi n’hésite pas à accentuer. Percutante, dotée d’un timbre aux accents masculins suggérant un tempérament de fer, son alliage à un chœur de femmes exceptionnel d’agressivité transcende la scène la plus réussie, celle où les troyennes se suicident dans une atmosphère infernale.

Belle pantomime d’Andromaque (Jennifer Hanna) se roulant dans les cendres d’Hector, puis reportant sa fierté sur son jeune fils.
 

Après la Prise de Troie, il n’y a plus rien à retenir du travail de Pierre Audi.
A Salzbourg, Herbert Wernicke avait réalisé une adaptation très forte des Troyens, en se reposant sur une vision cyclique du destin des civilisations. La plupart des ballets avaient été supprimés afin de ne pas casser la continuité de l‘action.

Et avec l’aide de Sylvain Cambreling, des réaménagements orchestraux, conformes aux consignes de Berlioz, permirent d’assurer un surcroît de fluidité dramatique.

Ce spectacle fût repris à Paris en 2006 afin de faire encore mieux connaître ce travail d’une épure élégante.

Jennifer Hanna (Andromaque)

Jennifer Hanna (Andromaque)

En revanche, à Amsterdam, Pierre Audi s’est attaché à monter la version intégrale des Troyens, avec toutes les danses et pantomimes.

Le dispositif prend des aspects complexes et fouillis, passerelles, plateaux coulissants, afin de gérer les transitions, obligeant même le chœurs à entrer dans l’empressement pour suivre le rythme de la musique.

Il nous refait le même coup que dans La Juive , en ayant recours à un groupe de danseurs, agissant comme une manifestation du destin, interprètes d’une chorégraphie souvent ridicule qui propulse le spectateur hors du drame.

Il en va de même des mouvements des chœurs, artificiels, au point d’exaspérer par l’image dépassée qu’ils donnent du niveau théâtral des scènes lyriques. On s’aperçoit alors, en fermant les yeux, des richesses des pages de ballets.

Pierre Audi ne trouve aucune solution convaincante pour suppléer à l’exotisme colonial justifiant l’existence de ces danses.

Yvonne Naef (Didon) et Charlotte Hellekant (Anna)

Yvonne Naef (Didon) et Charlotte Hellekant (Anna)

Les couleurs orchestrales ne permettent même pas de compenser les faiblesses scéniques. Souvent pâles, la finesse et la brillance des motifs des cordes sont à peine esquisses, ce qui n’empêche pas une exécution enlevée des passages les plus théâtraux.

Ou bien John Nelson privilégie une certaine rugosité, ou bien l’auditeur est sensible à plus de sensualité.

Dans cette monotonie d’ensemble, Yvonne Naef, interprète passionnée de Berlioz, se fond avec mélancolie, ne contrôle plus aucune justesse au delà d’un certain niveau aigu, mais même Waltraud Meier n’a pas su faire mieux dans Cléopâtre récemment à la salle Pleyel.
Parmi les hommes, Jean François Lapointe offre un Chorèbe retenu et noble, clair et au français nécessairement impeccable, et comme à Paris en 2006, Philippe Fourcade reprend le fantôme d’Hector, presque trop réel.

Il n’apparaît pas nettement de personnalité vocale expressive parmi le autres chanteurs, dont Enée, mais Charlotte Hellekant réussit pas sa personnalité sans réserve à faire que l’on s’intéresse à Anna.

                                Charlotte Hellekant (Anna)

A bien y réfléchir, l’idée du spectacle pourrait être que la destinée errante d’Enée est préférable à une vie aussi bien avec l’hystérique et obscurantiste Cassandre, qu’avec l’ennuyeuse et bourgeoise Didon.

Cinq heures et quarante cinq minutes pour nous expliquer cela est tout de même un peu long.

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