Saison 2024/2025 du Bayerische Staatsoper de Munich (BSO)
Publié le 18 Mars 2024
Depuis le samedi 16 mars 2024 10h, la saison 2024/2025 du Bayerische Staatsoper est enfin dévoilée au public venu à la grande salle de l’opéra de Munich pour la découvrir, ainsi qu’aux spectateurs qui ont pu suivre la présentation en direct sur internet via la chaîne TV de l’institution bavaroise.
Cette annonce de la 4e saison de Serge Dorny à la direction de ce prestigieux opéra se fait dans un contexte particulier car ni lui, ni le directeur de ballet Laurent Hilaire, ni le directeur musical Vladimir Jurowski ne savent à ce moment là s’ils seront reconduits au-delà de 2026, alors qu’ils programment déjà la saison 2027/2028, y compris la fin du cycle du ‘Ring’. Dans l’expectative, Serge Dorny a fait savoir qu’il a postulé à la direction du Festival de Salzburg.
Mais en attendant que l’incertitude soit levée d’ici fin août, la structure de la programmation qu’il propose n’opère aucun relâchement par rapport à la ligne initiale, et comporte un quart d’opéras du XXe/XXIe siècles (hors Puccini), ce qui est conséquent sans, néanmoins, revenir au niveau de la saison 2022/2023 qui atteignait 30% d’ouvrages postromantiques.
Ainsi, la saison lyrique 2024/2025 affiche 167 soirées dédiées à 41 ouvrages - dont 7 nouvelles productions - ce qui constitue une légère érosion par rapport à la saison en cours qui comprend 172 soirées et 8 nouvelles productions.
Toutefois, à ces 167 soirées de répertoire s’ajoutent 10 représentations supplémentaires pour le festival biannuel ‘Ja, Mai’ qui sera centré sur deux ouvrages du XXIe siècle.
Krzysztof Warlikowski, Corinne Winters et Mirga Gražinytė-Tyla - Katia Kabanova (Première le 13 mars 2025)
Comme la saison passée, Serge Dorny propose en nouvelles productions un grand ouvrage dramatique italien du XIXe siècle – il s’agit en fait de deux récits bien connus, le diptyque ‘Cavalleria Rusticana / Pagliacci’ – , et une œuvre plus légère ‘La Fille du régiment’, qui sont des opéras emblématiques et très prisés des maisons de répertoire.
Son cœur de projet s’axe donc sur les œuvres créées au XXe siècle, car elles apportent souvent une vision du monde plus crépusculaire, vraie et désillusionnée qui invite au regard intérieur.
Tobias Kratzer : Das Rheingold (première le 27 octobre 2024), Die Passagierin (reprise le 15 novembre 2024)
Ainsi, 11 ouvrages de cette période - contre 7 pour la saison 2023-2024 en cours - seront présentés sur 43 soirées, parmi lesquels 3 auront droit à de nouvelles productions : ‘Katia Kabanova’ de Leoš Janáček mis en scène par Krzysztof Warlikowski, un familier des œuvres du compositeur tchèque, sous la direction de la chef d'orchestre lituanienne Mirga Gražinytė-Tyla avec Corinne Winters dans le rôle titre, puis ‘Die Liebe der Danae’ de Richard Strauss, une réflexion sur le pouvoir de l’argent qui sera confiée à Claus Guth sous la direction de Sebastian Weigle, et enfin, lors du festival d’été, la rare ‘Pénélope’ de Gabriel Fauré qui fut créée en mars 1913 à l’opéra de Monte-Carlo, puis en mai 1913 au Théâtre des Champs-Élysées, dont la lecture sera confiée à Andrea Breth qui fera donc ses débuts au Bayerische Staatsoper, sous la direction de Susanna Mälkki.
Si Vladimir Jurowski ne dirigera qu’un seul opéra de cette période, ‘Der Rosenkavalier’, son assistant Azim Karimov reprendra ‘Die Passagierin’.
Le chef Valentin Uryupin, qui a du quitter son poste du Nouvel Opéra de Moscou en 2022 suite à ses critiques de la guerre en Ukraine, dirigera ‘Erwartung’ (sous forme de diptyque avec ‘Didon et Enée’), Lothar Koenigs assurera les reprises de ‘Die Tote Stadt’ et ‘La Petite Renarde rusée’, Edward Gardner, le successeur de Vladimir Jurowski au London Philharmonic Orchestra, dirigera ‘Rusalka’, Kent Nagano reprendra ‘Le Grand Macabre’ dans la production de Krzysztof Warlikowski, et Ustina Dunitsky interprètera à nouveau pour deux soirées ‘Der Mond’ de Carl Orff, jouées dans le cadre du ‘UniCredit Septemberfest’ pour ouvrir la nouvelle saison lyrique avec seulement deux catégories de prix, 8 et 25 euros.
Comme pour la saison 2023/2024, le répertoire des compositeurs italiens du XIXe siècle est une composante solide et fondamentale qui va occuper 40% des représentations grâce à 17 ouvrages répartis sur 65 soirées, dont 6 de Giuseppe Verdi (‘Macbeth’, ‘I Masnadieri’, ‘La Traviata’, ‘Don Carlo’, ‘Un Ballo in maschera’, Aida’), 5 de Giacomo Puccini (‘Manon Lescaut’, ‘La Bohème’, ‘Tosca’, ‘Madame Butterfly’, ‘Turandot’), et 3 de Gaetano Donizetti (‘Lucrezia Borgia’, ‘Lucia di Lammermoor’, ‘L’Elixir d’Amour’).
Ces grands classiques italiens seront complétés par la reprise de la ‘La Cenerentola’ de Gioachino Rossini, ainsi qu'une nouvelle production du diptyque ‘Cavalleria Rusticana’ et ‘Pagliacci’ de Pietro Mascagni et Ruggero Leoncavallo mise en scène par Francesco Micheli, directeur artistique du Festival Opera Donizetti de Bergame, sous la direction de Daniele Rustioni.
Mozart a habituellement une place de choix à Munich, et c’est encore le cas cette saison avec 4 ouvrages dont la trilogie Da Ponte, ‘Cosi fan tutte’, ‘Les Noces de Figaro’ et une nouvelle production de ‘Don Giovanni’ confiée à David Hermann (le metteur en scène du récent ‘Tannhäuser’ à l’opéra de Lyon et du ‘Die Frau ohne schatten’ à l’opéra de Stuttgart’), ainsi que la reprise de ‘La Flûte enchantée’, mais Wagner devra se contenter de seulement 12 soirées avec les reprises de ‘Lohengrin’ et du ‘Vaisseau Fantôme’, et surtout la nouvelle production de ‘Das Rheingold’ mise en scène par Tobias Kratzer, premier volet d’un Ring qui se déroulera sur 4 ans.
Deux autres compositeurs germanophones du XIXe siècle sont également à l’affiche avec les reprises de ‘Die Fledermaus’ (Johan Strauss) et de ‘Hänsel und Gretel’ (Engelbert Humperdinck).
Et il n’y a pas que Wagner a être un peu en retrait cette saison devant l’importance du répertoire du XXe siècle, car le répertoire russe romantique ne pourra compter que sur une seule reprise, celle de ‘La Dame de Pique’ pour 4 soirs, dans la mise en scène de Benedict Andrews.
Mais la langue française se défend plutôt bien puisque qu’à la nouvelle production de ‘Pénélope’ viendront s’ajouter deux ouvrages créés à l’Opéra Comique, la nouvelle production de ‘La Fille du régiment’ de Donizetti dans la mise en scène de Damiano Michieletto, sous la direction de Stefano Montanari, et la reprise de ‘Carmen’ sous la direction d’Alexandre Bloch, le directeur musical de l’opéra de Lille.
Et les baroqueux seront à nouveaux déçus puisque seules deux soirées seront dédiées à ‘Didon et Enée’ de Purcell, mais avec Sonya Yoncheva dans le rôle titre et la mise en scène de Krzysztof Warlikowski.
Enfin, le festival ‘Ja, Mai’ permettra de découvrir deux ouvrages rares contemporains sur 5 soirs chacun, ‘Matsukaze’ de Toshio Hosokawa (La Monnaie – 2011 - mise en scène Sasha Waltz), donné à la salle Utopia (ehemals Reithalle) dans une nouvelle mise en scène de Lotte van den Berg et Tobias Staab, et ‘Das Jagdgewehr’ de Thomas Larcher (Bregenz – 2018) qui sera joué au Théâtre Cuvilliés dans une mise en scène d’Ulrike Schwab.
Il s'agit de pièces inspirées de deux nouvelles japonaises, respectivement une pièce de théâtre Nô, 'Matsukaze' (松風, 'Le Vent dans les pins'), et un roman de Yasushi Inoue, 'Ryōjū' (猟銃, 'Le fusil de chasse').
Cette programmation met ainsi en exergue d’excellents chefs d’orchestre, mais quatre se distinguent particulièrement, Vladimir Jurowski, le directeur musical, qui dirigera ‘Der Rosenkavalier’ , ‘Die Fledermaus’ et les nouvelles productions de ‘Don Giovanni’ et ‘Das Rheingold’, Sebastian Weigle qui dirigera ‘La Dame de Pique’, ‘Lohengrin’ et la nouvelle production de ‘Die Liebe der Danae’, Susanna Mälkki qui dirigera la reprise des ‘Noces de Figaro’ – il est assez rare d'entendre la chef d'orchestre finlandaise interpréter une œuvre lyrique du XVIIIe siècle – et la nouvelle production de ‘Pénélope’, et Antonino Fogliani qui se réservera trois opéras italiens, ‘I Masnadieri’, ‘Lucrezia Borgia’ et 'Turandot'.
Et pour ceux qui scrutent les distributions de grands chanteurs, on pourra entendre cette saison Sonya Yoncheva (Didon et Enée / Erwartung), Lise Davidsen (Tosca), Asmik Grigorian et Franz-Josef Selig (Der Fliegende Holländer), Violeta Urmana (La Dame de Pique, Katia Kabanova), Ermonela Jaho (Manon Lescaut), Pretty Yende, Susan Graham, Lawrence Brownlee (La Fille du Régiment), Marlis Petersen (Der Rosenkavalier), Yulia Matochkina (Un Ballo in Maschera, Cavalleria Rusticana), Anja Kampe et René Pape (Lohengrin), Rachel Willis-Sørensen (Don Carlo, Lohengrin), Elena Guseva (Rusalka, Madame Butterfly), Nicole Car (Un Ballo in Maschera), Vida Miknevičiūtė et Klaus Florian Vogt (Die Tote Stadt), Charles Castronovo (I Masnadieri, Un Ballo in Maschera), Jonas Kaufmann (Pagliacci), Wolfgang Koch (Cavalleria Rusticana/Pagliacci, Lohengrin, La Petite Renarde rusée), Brandon Jovanovich (Pénélope), Pavol Breslik (Rusalka, Lucrezia Borgia), Xabier Anduaga (Lucia di Lammermoor, La Fille du Régiment), Peter Mattei, Golda Schultz, Willard White et Emily D’Angelo (Les Noces de Figaro), Elena Tsallagova (Die Passagierin, La Petite Renarde rusée), Charles Workmann (Die Passagierin), Piotr Beczala (Lohengrin, Carmen), Lisette Oropesa (I Masnadieri, La Fille du régiment), Erwin Schrott (Don Carlo, Lucrezia Borgia, I Masnadieri), Vera-Lotte Boecker (Don Giovanni), Simon Keenlyside (La Traviata), Ekaterina Semenchuk et Vittorio Grigolo (Cavalleria Rusticana), Ailyn Pérez (Pagliacci), Elena Stikhina (La Dame de Pique, Aida), Pavel Cernoch, Corinne Winters et John Daszak (Katia Kabanova), Angel Blue et Pene Pati (La Bohème), Christopher Maltman et Andreas Schager (Die Liebe der Danae), Angela Meade (Lucrezia Borgia), Jessica Pratt (La Flûte enchantée), Gerald Finley (Macbeth, Der Fliegende Holländer), Sondra Radvanovsky (Turandot, Macbeth), Elina Garanca (Aida), Ekaterina Gubanova (Das Rheingold)…
Cette saison est aussi marquée par la mise en avant de Konstantin Krimmel, baryton allemand et roumain membre de l'opéra de Munich depuis 2021, qui apparaitra dans les trois volets de la trilogie Da Ponte, où il fera l'ouverture du festival d'été en Don Giovanni.
Ce jeune chanteur a débuté en tant qu'enfant de chœur de l’église Saint-Georges à Ulm, et il se démarque aujourd'hui dans le répertoire du Lied. Une soirée de lieder lui sera d'ailleurs dédiée au Prinzregententheater le 24 juillet 2025, en fin de festival.
Un focus sur les grands chanteurs français permet enfin de mettre en valeur Clémentine Margaine et Jérôme Boutillier (Carmen), Loïc Félix (Pénélope), Julie Fuchs (Les Noces de Figaro) et Sandrine Piau (Cosi fan tutte).
Mais seuls deux spectacles, hors festival ‘Ja, Mai’, seront affichés avec des prix ne dépassant pas 100 euros en première catégorie, ‘Hänsel et Gretel’ et ‘La Cenerentola’. C’est moins que la saison 2023/2024 où 6 productions étaient à ce tarif, ce qui est aussi un indice que les contraintes financières sont un peu plus fortes chaque année, mais la représentation de 'Don Giovanni' du 06 juillet 2025 sera projetée en direct sur la Max-Joseph Platz, avec saluts des artistes sur le parvis de l'opéra à la fin du spectacle.
Le Bayerische Staatsoper n’en est pas moins une maison lyrique qui se porte encore très bien, et s’intéresse toujours autant aux œuvres rares.
Le détail de la saison 2024/2025 du Bayerische Staatsoper peut être consulté sous le lien suivant : Season 2024 /2025 : From Life - Throught Love.