Ariodante (Fagioli Petit Petrou Il Pomo d'Oro) Champs-Elysées

Publié le 13 Novembre 2022

Ariodante (Georg Friedrich Haendel – 1735)
Version de concert du 07 novembre 2022
Théâtre des Champs-Élysées

Ariodante Franco Fagioli
Ginevra Melissa Petit
Dalinda Sarah Gilford
Polinesso Luciana Mancini
Lurcanio Nicholas Phan
Le Roi d’Ecosse Alex Rosen

Direction musicale George Petrou
Il Pomo d’Oro

                                                  Melissa Petit (Ginevra)

 

Après ‘Giulio Cesare’ et ‘Alcina’, ‘Ariodante’ est l’opéra de Georg Friedrich Haendel le plus interprété depuis la production de Pier Luigi Pizzi créée à la Scala de Milan le 24 mars 1981, qui circula à Édimbourg (septembre 1982), Nancy (octobre 1983) et même Genève (février 1986).

Melissa Petit (Ginevra) et Franco Fagioli (Ariodante)

Melissa Petit (Ginevra) et Franco Fagioli (Ariodante)

Comme il s’agissait d’une coproduction de l’Opéra de Paris, Pierre Bergé et du Théâtre des Champs-Élysées, ce spectacle fit son entrée sur la scène parisienne de l’avenue Montaigne le 25 mars 1985, pour 5 représentations, sous la direction de Jean-Claude Malgoire.

Dès lors, le Théâtre des Champs-Élysées a accueilli une seconde production par Lukas Hemleb en mars 2007, avec Angelika Kirchschlager dans le rôle-titre et Christophe Rousset à la direction musicale, et pas moins de deux versions de concert données en mai 2011, avec Joyce DiDonato sous la direction d’Alan Curtis, puis en mai 2017 avec Alice Coote sous la direction d’Harry Bicket qui le dirigera également à l'Opéra de Paris en avril 2023.

Sarah Gilford (Dalinda)

Sarah Gilford (Dalinda)

La version de concert dirigée ce soir est cette fois confiée à George Petrou, directeur artistique du Festival Haendel International de Göttingen, qui a débuté cette tournée ‘Ariodante’ à Barcelone pour se poursuivre à Essen, Paris et La Coruña. 

Il est associé à dix-neuf musiciens de l’ensemble Il Pomo d’Oro qui jouent sur instruments d’époque avec une ravissante habileté à distiller des sonorités brillantes et raffinées sur un tempo qui engage à l’allégresse, malgré les noirceurs et tristesses de ce drame sentimental. 

Les musiciens d'Il Pomo d’Oro

Les musiciens d'Il Pomo d’Oro

Profiter de cette clarté musicale permet d’apprécier la délicatesse et la volupté de chaque instrument, tel le magnifique lamento sombre et mélancolique du basson (Katrin Lazar), et de créer une impression de sérénité qui saisit l’audience d’autant plus que la distribution réunie fait honneur à la nature belcantiste du chant haendélien.

Le chef d'orchestre veille ainsi à assurer la cohésion entre solistes et instrumentistes tout en insufflant tension, théâtralité et nuances dans un esprit de symbiose très réussi.

Luciana Mancini (Polinesso) et Sarah Gilford (Dalinda)

Luciana Mancini (Polinesso) et Sarah Gilford (Dalinda)

C’est dans une version pour contre-ténor que le second opéra d’Haendel inspiré par l’’Orlando Furioso’ de l’Arioste – le premier était ‘Orlando’ en 1733 – est chanté, et Franco Fagioli est éblouissant de virtuosité dans les airs purement dédiés à des exercices de grande agilité dont il préserve avec talent la suavité vocale qui naturellement se magnifie dans l’air central ‘Scherza infida’.

Se perd toutefois le charme trouble qui se manifeste lorsque ce rôle est confié à une mezzo-soprano, effet que l’on pourra cependant retrouver dans la prochaine production du Palais Garnier prévue au printemps prochain.

Melissa Petit, qui incarne la fille du Roi d’Écosse, se révèle être une partenaire parfaite de par sa dignité classique un peu austère dont le chant aux teintes ambrées prend aussi des accents d’urgence dramatique qui en font un grand personnage de tragédie. 

Nicholas Phan (Lurcanio)

Nicholas Phan (Lurcanio)

Sarah Gilford, elle, offre un portrait de Dalinda riant, lumineux et juvénile qui a énormément de fraîcheur, pouvant compter sur la pureté de sa voix aux lignes courbes et légères, comme une fleur s'épanouissant, ce qui crée un contraste saisissant avec le Polinesso intrigant et manipulateur que Luciana Mancini fait vivre avec un esprit acéré et charismatique, tout en affichant une aisance à traverser des airs véloces sans que cela ne dénature la texture brune, condensée et très homogène de son timbre de voix. 

Nicholas Phan, Alex Rosen, George Petrou et Franco Fagioli

Nicholas Phan, Alex Rosen, George Petrou et Franco Fagioli

Déjà présent en mai 2011 dans le rôle de Lurcanio, le frère d’Ariodante, Nicholas Phan est un très élégant interprète qui exprime les sentiments avec une subtile profondeur. C’est un ténor qui mêle clarté, maturité des couleurs et très grande souplesse qui lui permettent d’exprimer des élans passionnés très assurés dans les aigus, alliés à une langueur sensiblement mozartienne.

Enfin, Alex Rosen brosse un portrait du Le Roi d’Ecosse posé et réservé avec une belle tessiture qui dépeint gravité, noblesse et jeunesse, ce qui parachève avantageusement ce grand tableau de valeur, défendu par des artistes qui sont une découverte pour beaucoup de spectateurs comblés en ce lundi soir.

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